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RAIL'N'BD FEVER

Cyrillle Pomès reçut un bon coup de pouce critique en 2005 lors de la sortie de son tout premier album À la lettre près chez Albin Michel. Quelques articles fleurirent un peu partout à l'époque et les amateurs l'estimèrent sans tarder. Il faut dire que son récit lui était très personnel et qu'à la vingtaine, on lui trouvait une maturité certaine. En gros, la presse l'a bien mis sur les rails. Néanmoins une fois sortie de la gare de départ ?

Il revient en 2009 avec Chemins de fer qui, si j'en juge en creux par l'absence de traces restantes sur internet, fera l'effet d'un pétard mouillé. Pomès a pourtant peaufiné son récit pendant 4 ans. N'y a-t-il rien à en tirer?

Au contraire. Tous ceux qui sont passé à coté de Chemins de fer à l'époque et qui continuent de le faire aujourd'hui dans la boutique mériteraient de se faire botter le train. Ok, du coin de l'oeil l'objet peut paraitre tout à fait quelconque. Un marron peu pétant voire passe-partout, une couverture étonnamment sans couleur (tant mieux), un format peu inhabituel (bien qu'en fait plus longiligne)... Toutefois prenez la peine de tourner légèrement la tête vers l'album. Remarquez l'effort de placement des éléments de la couverture. Remarquez l'amour de l'affiche cinématographique qui en émane. Remarquez à quel point la scénographie de la couverture accompagne le coté fluet induit par les dimensions de l'album. Et vous noterez l'importance de l'absence de couleur après la lecture de l'album.

Il est très difficile de résumer efficacement l'intrigue de ce titre. En tout cas pour l'instant je n'y arrive pas de façon suffisamment palpitante et concise. La quatrième de couverture annonce fort correctement:

Dans une petite gare de campagne où il ne se passe jamais rien... une malle est abandonnée sur le quai. Ce qui intrigue Elias, le chef de gare. Ah! En ouvrant la mystérieuse malle, il devient subitement un témoin gênant pour la mafia! Et dans cette petite gare d'ordinaire si tranquille, descend une troublante jeune femme.

C'est surtout une énorme somme de petites choses bien agencées qui donne toute sa saveur à Chemins de fer.

le vrai trésor que tout le monde s'arrache?

Par exemple, Pomès ne comble pas ses espaces noir. Il rajoute par là énormément de matière à ses textures. Dans la même veine, il y a une énorme dichotomie entre la ville et la nature, à tel point que ses environnements agrestes sont souvent totalement dénués d'arrière-plan. On oscille alors mentalement entre la représentation difficile d'un beau ciel bleu sans nuage et celle du vide et du néant tandis que l'urbain devient abondant et touffu. Le travail d'ombre est palpable et apporte une grande force à une BD dont l'encrage donne pourtant des airs baclés aux yeux de certains aaapoumiens. C'est en fait dû à une impression calamiteuse. Certaines planches sont pixelisées. Emmanuel Proust, l'éditeur, devait avoir un gros train de retard au niveau des techniques de digitalisation....Pour en finir avec ce sujet, il est fort heureux que l'auteur n'ai pas autorisé une colorisation par défaut qui aurait rendu le titre beaucoup plus cartoon tout en gommant ses forces graphiques. Versons une larme pour L'incal.

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Cette chanson de Jun Miyake est étrangement similaire au pitch de Chemin de fer. C'est très troublant.

L'effort de découpage, très visible dès le début, se poursuit ensuite plus discrètement tout au long de l'album mais reste très puissant. On sent ensuite lors du déroulement narratif et graphique beaucoup d'envies de bouleversements et de variété. Ça se traduit par certaines prééminences des effets d'onomatopées accompagnées de changements radicaux et répétés de cadrage, très efficaces.

deux bulles en plus et voila un méta train. Je ne peux pas croire que ça soit une coïncidence.

La plupart des personnages ont d'élégantes gueules de Picasso. Pomès utilise pas mal d'emphase expressive tout en concentrant ses efforts sur les postures et statures. Son style évolue vite vers une maitrise plus subtile des courbes, notamment celles des visages (Un effet bleach moins dégeu). Il a peut-être parfois un peu de mal avec les tronches de truands mais... En fait non. Les plus moches sont les plus drôles. Et correspondent aux personnages les plus inoffensifs. Il y a une démarcation très nette et réfléchie entre les types de visage. Chaque visage dénote ainsi de la catégorie de caractère à laquelle son propriétaire (son porteur?) appartient. Pomès est très bon dans les tronches patibulaires et crée de la sorte une grosse rupture comique avec les petites canailles grotesques aux faciès de Pieds Nickelés. D'ailleurs le seul type de la bande des coyotes (les falots brigands) à s'accrocher à son banditisme, à prendre les choses en main et à tenter de renverser la vapeur est le seul avec une gueule dure, aussi effilée qu'une lame de rasoir.

Cyrille Pomès étant un homme très occupé, je n'ai pas pu savoir si il avait réussi.

Le Héros quant à lui n'en est jamais un car il n'y a ni héros ni personnage principal dans cette aventure chorale canonique.  On y croise juste des acteurs qui se baladent ou se font balader jusqu’à former un entrelacs subtil.  les nexi d’incorporation de nouveau personnages sont tous très différents et rafraichissants dans leur traitement. L'histoire complète est un entremélimelo d'aventures en tout genre aux paliers d'interactions efficacement intercalés.

La plupart des sous-fifres sont hilarants. Pas du tout des boute-en-trains mais justement... Il m'est d'ailleurs impossible de raconter içi les éléments du récit qui m'ont le plus fait rire sous peine d’empêcher fondamentalement que vous viviez la même réaction. Au train ou vont les choses, je risque de ne pas pouvoir m'en empêcher. De même, j'ai limité mon apport d'image au stricte minimum, ne choisissant que des cases plus génériques et évitant sciemment certaines pages pourtant terriblement excellentes. Tout ce que je peux révéler pour étoffer ce paragraphe énigmatique tient en quelques mots: cette bande dessinée peut vous prendre à contre-pied et les dialogues sont bien fendards.

Chemins de fer est dorénavant épuisé. C'est donc un objet rare.Chemins de fer est une histoire complète en un volume unique.  Vous ne peinerez donc pas à dégotter la suite.Le prix de Chemins de fer était inutilement élevé en neuf. Puisque nous le soldons, Chemins de fer en devient un ouvrage au tarif tout à fait dans la norme actuelle. Son achat ne devrait pas ébranler votre train de vie financier.

Enfin, sachez que je vais vous coller au train pour que vous l'achetiez.

Chemins de fer, Cyrille Pomès, 12€ au lieu de 19.90€, 86p pour 0.725g.