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L'ÉTERNAUTE : LE RETOUR, tome 1

Solano López considérait que L'Éternaute: le retour, en fait le quatrième Éternaute chronologique – si l'on fait abstraction du remake de Breccia, était la seule suite valable au chef d'œuvre prophétique de la fin des années 50. Dont acte : les éditions Vertige Graphic nous proposent pour cette fin d'année la traduction française de ce retour tant attendu.

Le contexte

De 1977, date de son exil de l'Argentine, à son retour en 1994, Francisco Solano López, dessinateur de L'Éternaute, ne put guère profiter des retombées financières du succès qu'il créa en 1957 avec le scénariste Oesterheld. Celui-ci disparu, assassiné par les sbires du pouvoir, l'éditeur Record fit signer un nouveau contrat de cession de droits à sa veuve et se soucia fort peu de la part du dessinateur. Se faire payer pour son travail publié semble dans l'Argentine de l'époque relever de l'activité sportive...  Solano López a raconté, que déjà au moment de la publication initiale et hebdomadaire de L'Eternaute, l'imprimeur trichait avec la complicité du distributeur : de nombreux exemplaires de la revue Hora Cero étaient imprimés en plus et écoulés en douce dans le dos de l'éditeur (les éditions Frontera, fondées par Héctor Germán Oesterheld, visiblement meilleur scénariste que gestionnaire, et son frère). L'éditeur Record sera lui même en partie spolié de son semi-larçin car les éditions pirates pullulèrent pendant des décennies. Lorsque Solano López revient en Argentine, il s'organise avec la veuve et les neveux de Oesterheld pour récupérer les droits de L'Éternaute. Dès lors il se lance dans un projet d'envergure pour capitaliser financièrement et artistiquement sur le titre qui fit sa renommée. Il fonde un "Univers Éternaute" et convie de jeunes auteurs a proposer leurs propres créations dans ce cadre. Entre les voyages dans l'espace, le temps et les dimensions parallèles, Juan Salvo et les siens peuvent effectivement être amenés à vivre de nombreuses péripéties. Mais il ne se contente pas d'impulser le mouvement et se lance totalement dans l'aventure en dessinant lui-même de nouvelles histoires sur des histoires de Pablo Maiztegui, qui fut son assistant au dessin avant de devenir scénariste. C'est ainsi que voit le jour cet Éternaute : le retour dont nous parlons aujourd'hui.

Le processus éditorial

Débuté en 2001 pour une revue italienne, Lancio Story, L'Éternaute : Le retour commença a être publié en fascicules en Argentine à partir de 2003. Il y eu 9 fascicules qui furent compilés dans une intégrale en 2005. Pour faciliter les choses ces fascicules, format "comics" furent numérotés, non pas de 1 à 9 mais subdivisés en trois séries (appelé "livres") de trois fascicules (appelé "chapitres") : donc si vous suivez bien, 9 numéros depuis le "livre 1, chapitre 1" jusqu'au "livre 3, chapitre 3".Ce premier opus du Retour fut suivi en 2006 par une nouvelle série : La búsqueda de Elena, "À la recherche d'Elena", présentée, elle, en 6 fascicules, qui furent compilés en une intégrale en 2007.Pour la version française de L'Éternaute : le retour, les éditions Vertige graphic ont choisi de simplifier les choses de la manière suivante  : ils ont pris en considération la somme des pages de L'Éternaute le retour ajoutées à celles de L'Éternaute : le retour — à la recherche d'Elena et on coupé l'ensemble en deux parties presque égales.

Le produit

L'Éternaute : le retour se passe une quarantaine d'années après les événements racontés dans L'Éternaute, en tous cas après le départ de Juan Salvo vers le Continuum 4... L'invasion a continué mais elle a changé de méthodes. Je ne ferai pas trop de révélations ici afin de ne pas gâcher la lecture, mais on peut constater que le scénariste s'est démené pour essayer de renouveler le potentiel de l'histoire, lui apporter des éléments plus modernes, sans trop démonter l'édifice. Bien sûr, il y a quelques raccords de papiers peints qui jurent un peu pour l'œil attentif du bricoleur, mais le travail n'est pas méprisable. Le résultat est un curieux mélange d'éléments désuets et de problématiques plus récentes (Matrix...).

Globalement Maiztegui maintient la bonne dose d'action et d'interrogation de l'histoire de l'Argentine.Sur l'aspect visuel on pourrait chipoter un peu. Lorsqu'il s'attela à L'Éternaute à la demande d'Oesterheld, Solano López n'avait que 5 ans d'expérience derrière lui mais il était en phase ascendante, son style dynamique peuplé de physionomies puissantes et marmoréennes était alors en pleine expansion. Près de 50 ans après, si ses personnages sont toujours aussi expressifs et incarnés, le vieux maître n'a plus la même énergie, que ce soit dans la construction des cases ou dans la précision du trait. Il n'hésite pas à inclure des photocopies de photos comme le paresseux Manara et lorsqu'il rate une case personne n'ose ni lui faire remarquer ni lui suggèrer de la refaire.Même si on aurait pu imaginer plus spectaculaire et même si cette suite ne peut rivaliser en innovation avec son modèle, le fait qu'elle soit faite par les mêmes mains qui ont accouché de l'original est assez émouvant, surtout si l'on prend en considération qu'il s'agit d'une des dernières œuvres que ces mains ont faites.

Sans avoir lu la fin (second tome à venir) il est impossible de savoir si les auteurs retombent bien sur leurs pieds à la fin et si les motivations des "Eux" s'éclaircissent, mais ce qui est sûr, c'est qu'on passe un bon moment à la lecture des aventures désespérantes de Juan Salvo dans un monde qui n'est pas si différent du nôtre.

L'Éternaute : le retour, tome 1, de Francisco Solano López et Pablo Maiztegui, Vertige Graphic, 2014, 200 p. N&B, 28 €. EAN : 9782849991152.


Dans nos archives vous pouvez notamment lire dans nos archives la présentation du premier tome de la VF de L'Éternaute historique. Vous pouvez aussi taper "éternaute" dans la noire barre de recherche là-haut sur la droite et vous aurez pas mal de matière.