Temporaire SUSPENSION DE LA REPRISE
 


(Ceci n’est pas un article sur l’automobile)

Ric Hochet, un gars qui sait dire non quand il le faut ! Et avec le sourire.

Il y a eu cet habitué, collectionneur érudit, qui sans doute faute de progéniture, se délestait progressivement de pans entiers de son trésor, chaque pièce exhumée donnant lieu à une évocation particulière et à de longues palabres. La plupart des livres sont garnis d’ex-libris et de cartons d’invitation… Beaucoup sont dédicacés. Pas le genre de trucs que l’on peut étiqueter à la chaîne.

Puis il y a eu ce disquaire de Pigalle un peu libraire, qui, partant bientôt en retraite, s’est débarrassé en premier de sa section BD. Il y a aussi eu ce patron de presse qui a vidangé une grosse partie de ses services de presse et de sa collection personnelle. Il y a eu aussi cet autre libraire, spécialisé BD qui a vidé ses réserves et ses caves avant sa retraite (encore un !). Il y a eu aussi la ribambelle habituelle de nos habitués, revendeurs systématiques ou échangeurs occasionnels… Sans doute un peu plus nombreux que d’habitude.

Il y a eu aussi ce meilleur client du premier semestre 2023, qui a dépensé plusieurs centaines d’euros chaque semaine pendant plusieurs mois, nous prenant la crème de la crème, avant de tout nous revendre cet été, sans avoir ouvert un seul des livres qu’il avait achetés (et pas que chez nous). Coûteuse folie passagère.

Il y a eu la vieillesse, cet intime ennemi que chacun affronte ou affrontera peut-être s’il n’est pas moissonné trop tôt, cette vieillesse qui fait que certains camarades n’ont plus le rythme d’antan et ont tendance à laisser la poussière s’accumuler sur les cartons, reléguant toute idée d’urgence au rang des lubies productivistes d’excités inconscients. Par dessus cet amas de livres déjà conséquent, tous nos amis soldeurs se sont décidés presque simultanément à nous bombarder de livraisons, toutes suffisamment alléchantes pour ne pas être refusées.

Les stocks sont pleins, archi-pleins. Les réserves sont pleines, archi-pleines. Les caches secrètes le sont également.

Alors, pour que nos établissements ne ressemblent pas à certains lieux célèbres du 9e art parisien dont nos clients aiment bien moquer le désordre et l'encombrement, nous SUSPENDONS LA REPRISE DE LIVRES JUSQU’AU 15 JANVIER 2024 !

Ni reprise, ni estimation, ni traitement de listes jusqu’à cette date. D’ici là, nous nous concentrerons sur les lots déjà achetés, qu’il faut nettoyer, évaluer précisément et étiqueter. Surtout nous tâcherons de nous rendre disponibles pour l’accueil, le conseil et la vente.

Bonnes lectures à tous, le choix ne manque pas.

La direction

 
Lautaro Fiszman et Pablo Franco / dédicace / Le Naufrage du Wager
 

Le Wager, un navire de la flotte britannique qui a fait naufrage en octobre 1741, en pleine guerre entre Anglais et Espagnols, a une double actualité. Tout d’abord en raison du livre documentaire de David Grann publié aux Éditions du Sous-sol, ensuite par la publication de la bande dessinée argentine Le Naufrage du Wager aux éditions iLatina qui s’inspire des mêmes événements.

Les auteurs de cette œuvre, Pablo Franco (scénario) et Lautaro Fiszman (peinture) profiteront de leur séjour parisien pour venir dédicacer chez nous rue Serpente ce vendredi 24 novembre 2023 à partir de 18h.

À gauche le documentaire de David Grann, à droite la bande dessinée de Pablo Franco et Lautaro Fiszman.

Cette effroyable récit de survie et de choc civilisationnel est ici mis en image par un ancien élève d’Alberto Breccia qui use de son style pictural et nerveux pour amplifier la violence des éléments et des êtres. Le vent, le froid, la démesure des paysages sont rendus avec force à grands coups de pinceau, à la fois libérés et sûrs. La matière est parfois raclée, striée. Il y a là comme un combat permanent ponctué de quelques instants de recul, qui permettent de prendre la pleine mesure de l’aspect dérisoire des gesticulations humaines.

Les lecteurs du livre de David Grann, les Naufragés du Wager, qui l’auront forcément apprécié, auront tout intérêt à lire également cette bande dessinée qui s’avère fort complémentaire. En effet, l’écrivain s’est attaché des aspects que les Argentins ont délaissés. Ces derniers se sont concentrés sur un groupe de naufragés auquel David Grann ne consacre que quelques paragraphes. Il faut savoir que les survivants du naufrage, échoués sur un îlot sauvage de la côte déchiquetée du sud Chili, se sont séparés (en assez mauvais termes !) en deux groupes. D’un côté le Capitaine Cheap et ses fidèles, qui voulaient suivre la mission initiale et remonter la côte Pacifique vers les Nord afin de poursuivre la guerre contre les Espagnols (!). De l’autre côté, « les mutins » réunis autour du chef canonnier Bulkeley, qui espéraient rejoindre le Brésil en passant par le Détroit de Gibraltar d’ouest en est.

Ce groupe sera lui-même subdivisé, car huit hommes furent abandonnés sur une grève quelque part sur la côte de ce qui est aujourd’hui l’Argentine. C’est précisément le sort de ces naufragés-là qui est au cœur de la bande-dessinée alors qu’il n’occupe que quelques pages dans le livre (pages 285, 286 et 357 à 362, très précisément). Le titre original de la BD est d’ailleurs Náufrago Morris, en référence au principal protagoniste, Isaac Morris, survivant de ce groupe qui raconta son histoire dans un livre publié en 1752.

L’Argentine ayant été construite sur l’extermination des peuples qui vivaient sur ces terres, on comprend aisément que ce qui a intéressé les auteurs est la rencontre entre ces Anglais perdus et les Amérindiens de la Pampa sans qui ils n’auraient pas pu survivre.

Sur cette carte empruntée (@ David Grann / Éditions du Sous-sol, 2023), les tirets noirs indiquent le parcours de la troupe des “mutins” menés par le canonnier Bulkeley. En rouge nous avons précisé la zone approximative où furent abandonnés Isaac Morris et ses compagnons d’infortune. En bleu nous avons remis le parcours de l’équipe du Capitaine Cheap, qui figure sur une autre carte du livre de David Grann.

La rencontre de vendredi sera l’occasion de discuter plus profondément avec les auteurs. Selon son éditeur français, Lautaro Fiszman, qui est autant peintre que bédéaste, réalise de très belles dédicaces à la peinture…

Le Naufrage du Wager de Lautaro Fiszman et Pablo Franco, iLatina, 100p. couleurs, 24€. EAN 9782491042356

 
Le Grand Massacre de Frank Bellamy
 

Frank Bellamy nous a habitué à des feuilletons grandioses, notamment durant son passage sur Dan Dare.

Libéré de son acolyte Jean-Claude Gall avec qui il réalise préalablement l'équivalent de deux albums complets des aventures spatio-temporelles de Garth, Frank Bellamy nous fait ici son petit Code Quantum à lui en téléportant par surprise leur aventurier temporel en pleine Guerre de Sécession puis durant la bataille de Little Big Horn !

Dessinées épisodiquement vers 1975-1976, ces aventures de Garth balancent directement son personnage éponyme dans la panade, cette fois-ci purement historique, mais amour, amitié et renversement de situations ne manqueront pas de s'empiler intensément.

Le Grand massacre équivaut au 3e tome de la série des aventures de Garth publiées en 1980 aux éditions Pierre Charles mais contient deux histoires totalement indépendantes qui ne nécessitent pas de prérequis de bachotage. Sa couverture est de Michel Blanc-Dumont qui a, au passage, tout à fait compris l'ambiance de l'album.

Il nous reste quelques packs des 3 tomes de Garth, plutôt pratiques, à 8€ mais si vous décidez de ne prendre que celui-ci, il vous en coutera en ce moment seulement 1€ !

 
Glacier Bay Books fait fondre nos coeurs
 
 

Glacier Bay books est un éditeur nord-américain dont la sensibilité artistique croise la nôtre en certains points clefs. La petite structure, dont les premières traces remontent à 2017, se focalise sur une scène artistique indépendante injustement boudée mais qui bénéficie intensément de l’attention, du soin et de l’amour que lui apporte ce petit éditeur passionné.

Le vaste territoire américain s’ouvre indéniablement à la différence mais l’appel du cœur résonne bien plus profondément dans nos vieilles terres d'Europe. Glacier Bay books nous a alors contacté, espérant outrepasser par notre entremise les frais de ports hallucinants qu’induisent une épopée de transport initiée à l’autre bout de la planète.

 
 

Ces efforts francs et authentiques, cette volonté de transmission puissante et honnête nous permettent de vous proposer un pan de leur catalogue. L’obtention des albums Glacier Bay Books nous est aussi onéreuse qu’elle aurait dû l’être pour vous mais cette pesante démarche financière est vastement compensée par la constatation réelle d’un intérêt non feint qui confine à l’étonnant appétit.

Bref, nous sommes pour le moment les seuls pourvoyeurs français de la maison d’édition, mais la persévérance acharnée de l’éditeur devrait lui permettre de créer, un jour, une petite constellation de boutiques de confiance à travers l'Europe. En attendant, une grande partie de son catalogue apparaît sur notre site de vente en ligne, en espérant des frais de port plus cléments.

 
 

Etonnamment, comme pour réfuter les impressions hexagonales d’abondance quasi-exhaustive, Glacier Bay books ne propose que des titres qui ne sont encore jamais parus en France. F, par exemple, est la seule fable politique militante que propose l’éditeur dans une mer d’onirisme qui constitue son ADN profond. On y suit les avancées laborieusement précaires d’un journaliste de terrain qui cherche à pénétrer dans le Tôhoku, une région rurale japonaise qui décide de brutalement faire sécession après le traumatisme de Fukushima.

Milice interne, rébellion aux frontières, scissions, répressions, ce récit passionné a été en outre décortiqué dans une ample préface de 28p par Ryan Holmberg, historien de la BD et traducteur esthète qui officie notablement pour le vénérable Comics Journal. Ce récit complet en un tome bénéficie d’un bouche-à-oreille assez vivace et d’une réputation à la hauteur de ce qu’il propose.

 
 

Non loin dans nos étagères se côtoient ensuite des albums aux rythmes narratifs plus abrupts, aux histoires vives mais succinctes, habillées d’une robe de mignon sombre, parfois fantasmagoriques, parfois philosophiques. Ces tomes, ce sont en vrac False stars, From this flame, Invisible parade et Dear Sara 1997 Summer. Leur esthétique au cordeau attire immédiatement l’œil et pousse même souvent à l’achat mais c’est au cœur de leurs propos en fusion que naît la fascination durable que ces titres procurent.

Ces albums qui alternent histoires courtes fantastiques, post-apocalyptiques, éthérées ou doucereusement sociétaux sont intimement différents et pourtant si logiquement alignés dans ce flux éditorial ciselé que propose Glacier Bay books.

 
 

Enfin, il faut aussi retenir de cette première salve éditoriale un titre aux accents Satoshi Kon-iens marqués, Rabbit Game. Le protagoniste principal de cet album se perd dans le monde flou d’une console absurde dont les rouages sont mis en branle par le tumulte de ses désirs et de ses troubles. Se mêlent alors ses sentiments réels et l’évolution fantasmée de situations qu’il aimerait garder dans la paume de sa main. Où se situe le concret et à quel moment se délite-t-il véritablement ? Cette jeune femme est-elle au final la princesse sélénite qu’elle prétend être? Perdu dans le protoplasme liminal de ses fantasmes, il doit faire le tri dans ses désirs avant que ne se délite la dimension fantasmagorique dans laquelle il a pénétré.

 
 

Verdict, cette maison d’édition discrète, carrément indépendante dans son fonctionnement autant que dans ses coups de cœur, trouve un petit lieu d’accueil cosy dans nos rayons de manga neuf jusqu’à ce que les prix du pétrole nous empêchent finalement un jour tout commerce mondial supposé non indispensable.

 
 
Petite plume
 
 
 

Petite plume narre, en deux tomes, la vie complète de Saph Gil-Estrel. De l'enfance à la paix éternelle, Saph va affronter un ennemi des plus puissants : lui même, écrasé par les contraintes et les obligations d'une vie de cheftain qui lui est imposée bien trop tôt.

La série, lumineuse, chaleureuse, mais aussi tourbillonnante de l'angoisse qu'elle génère maudit le personnage de multiples façons.

 
 
 
 

Si sa vie sera courte à cause d'un atavisme surnaturel mystérieux dont la source nous sera amèrement révélée , elle sera aussi bridée par la pression psychologique d'un environnement social qui ne comprend pas l'intensité de ses besoins, se reposant égoïstement sur un agneau sacrificiel dépositaire d'une autorité non désirée mais œuvrant pourtant à corps et cœur perdu pour le bien commun.

 
 
 
 

Petite plume s'attaque à des problématiques sociales concrètes et sévères, dans un univers fictionnel sublime aux fluctuations visuelles aussi pertinentes narrativement qu'elles sont fabuleuses à découvrir.

Le récit s'ancre à Sulimo, petite ville tranquille à l'ambiance automnale tirée d'un jeu de rôle textuel (play-by-forum) gratuit aux visuels léchés du nom de Hens world. Ses habitants, que Saph peine à identifier dans une prosopagnosie fantomatique triste et puissante, ne pensent pas à mal mais, comme tout groupe confortablement installé, verra d'un mauvais œil la fabuleuse liberté magique d'un gamin qu'il faut absolument recadrer jusqu'à l’éteindre. L'épopée intime qui en résulte est lourde de sens, la transmission générationnelle de l'écrasante fardeau, de la contrainte, de l’étouffante responsabilité est magnifiée par cet environnement autrement tellement doux et solaire.

 
 
 
 

L'autrice réussit le tour de force d'admirablement mettre en scène ces dynamiques de pression sans se départir de sa poésie inhérente. Petite plume est une série auto-editée par Boo (@ly_boo).

Nous disposons de quelques exemplaires des deux volumes, vendus de préférence en pack série complète. Et si vous en voulez plus, rendez-vous sur la plateforme d’échange social et artistique qu'est Hens world, une très belle proposition de JDR différent.

 
 
 
 

Car Hens world (à ne pas confondre avec Chickens world) , univers construit préalablement qui sert d’écrin à cette histoire est le nom à la fois d’un continent imaginaire et d’un jeu de rôle éponyme. JDR ou du moins plateforme d’échange multimédia qui propose de co-modeler un monde fictif en interagissant par roleplay, en étoffant son lore par des témoignages écrits, musicaux ou visuels, en bâtissant ses fondations pierre par pierre, mot par mot, trait par trait, note par note.

Débutée aux alentours de 2015, l’aventure collaborative et communautaire bienveillante qu’est Hens world a accueillie de nombreux participants et participantes, s’extrayant de la pratique parfois austère du simple play-by-forum (qui voit s’enchainer les pavés de texte sur forum) pour intégrer ses rouages de son monde manière surprenamment organique.

 
Patrick BapoumCommentaire
Tassili : Dédicace de Maadiar vendredi 4 mars 2022
 

Quelques questions à propos de Tassili, une femme libre au néolithique (éditions La Boîte à Bulles)

 
 

Nous connaissons Maadiar depuis presque huit ans, lorsqu’il était venu nous présenter, mèche rousse et demi-sourire hilare, son album sur le peintre Mathurin Méheut (Mathurin soldat, un crayon dans le canon aux éditions du Pélimantin). Depuis, nous avons suivi, curieux et amusés, ses diverses frasques néo Hara-kiri dans la blogosphère mourante et les réseaux sociaux triomphants. C’est avec surprise que nous avons lu l’album qu’il a scénarisé sur la période néolithique dans la région de la Tassali-n-Ajjer (située dans ce qui est aujourd’hui le Sahara algérien). Un album sérieux, mêlant bases historiques, recréation fantasmée et récit métaphorique. Le tout servi par le dessin de la dessinatrice Fréwé, dont la douceur aquarellée évoque les bandes dessinées de la revue Okapi dans les années soixante-dix.

Tassili, une femme libre au néolithique (éditions La Boîte à Bulles) présente donc un petit clan familial de chasseurs cueilleurs. La survie est difficile, même si le Sahara d’il y a 10 000 ans n’est pas le désert aride que nous connaissons. L’héroïne, Djané, ne se résout ni à se soumettre aux lois du clan, ni à envisager la pénurie comme seul horizon. L’histoire montrera qu’elle ne manque pas de ressources et d’astuce. Cela sera-t-il suffisant pour qu’elle puisse vivre son amour avec Doro, qui n’est point le mâle dominant du clan ?

C’est assez naturellement que nous avons convié Maadiar à présenter et à dédicacer Tassili, une femme libre au néolithique. Il sera dans cette optique rue Serpente, le vendredi 4 mars à partir de 18h. Nous aurions bien fait venir aussi la dessinatrice Fréwé, mais son exfiltration depuis sa campagne alsacienne a semblé trop compliquée et coûteuse. En attendant la rencontre nous avons posé quelques questions à Maadiar, ce qui pourra toujours servir de point de départ à une discussion plus approfondie vendredi.

 
 

D’où t’est venue l’envie de travailler sur le néolithique, toi qu'on attend plutôt sur les deux guerres mondiales ou sur les mœurs de la société actuelle, vu ton travail passé et ce qui filtre de tes œuvres sur les réseaux sociaux ?

En fait, en tant qu'enseignant en lycée, j'ai donné des cours de géopolitique à des élèves de première que j'ai alors fait travailler sur le risque terroriste djihadiste en Afrique et dans ce cadre, la Tassili et la frontière libyenne me sont revenues en tête. J'ai repensé aux fresques du Tassili et j'ai eu envie d'abord de créer un récit autour d'un groupe terroriste, j'ai abandonné mais le site est resté dans ma tête. J'ai quand même fait des recherches et l'aridification du Sahara au néolithique, que j'ai alors découverte, m'a semblé intéressante à creuser. Je fais aussi des remplacements au collège, et la "révolution néolithique" fait partie des programmes. Cette idée de région légèrement humide devenant un désert en quelques siècles me semblait bien faire écho à nos préoccupations actuelles. Oui, c'est vrai que Mathurin Soldat ou mon nouveau projet sur la Deuxième Guerre mondiale font détonner Tassili dans ma bibliographie, mais je ne sais pas, je trouvais mon scénario vraiment bien ficelé, un vrai drame préhistorique que je verrais bien adapté au théâtre… D'ailleurs j'ai pensé au début le proposer pour la scène, une piste "fiction radio" a été ouverte avec France Culture, mais le projet a été abandonné. 

Oui, c’est vrai que je fais beaucoup de dessins polémiques sur les réseaux sociaux et j'avoue que j'irais bien dessiner en Ukraine un fusil à la main mais ça ne prend pas. Le côté polémiste n'intéresse personne, donc pas d'album méchant en vue malheureusement ! 

 
 

Ton intérêt pour les peintures rupestres de Tassili n'Ajjer en Algérie est-il ancien ? As-tu été sur place voir ces vestiges ?

Oui l'intérêt est ancien chez moi. Mon grand-père avait pas mal de bouquins sur le Sahara, c'était un ancien de la coloniale, il a fait la Deuxième Guerre mondiale dans la Première Armée Française, la France Libre et il avait gardé un côté "coloniophile", pas forcément pour l'empire colonial en lui-même mais pour les terres et les peuples, oui. Non, malheureusement, j'aimerais aller en Algérie voir les fresques, mais ce type de voyage est trop coûteux ! 

Tu inventes un clan très réduit de chasseurs cueilleurs. Comment as-tu élaboré leurs coutumes et lois ? Le meilleur chasseur se voyant réserver le droit de reproduction par exemple ?

Simple analogie avec les loups et généralement les mammifères carnassiers vivants en clans réduits comme certains grands singes. Mettre au cœur de leurs rapports un mélange d'inceste et de frustration sexuelle me semblait intéressant. C'était aussi un moyen de jouer avec nos propres tabous. 

Comment s’est faite la rencontre avec la dessinatrice Fréwé ? Le projet était-il antérieur à ta rencontre avec elle ?

J'ai pondu le scénario tout seul dans mon coin. J'ai essayé de le dessiner moi-même mais je trouvais mon trait trop caricatural, pas adapté au récit. En discutant du projet avec Éric Dérian (dit Turalo) le nom de Frédérique Riche, Fréwé, qui avait fait un album chez Warum, Cheval Caillou est sorti de sa bouche. Alors j'ai décidé de la rencontrer. Je lui ai fait abandonner le pinceau et on a vraiment travaillé ensemble sur la construction du dessin. C'est pour ça que la genèse de l'album a pris deux ans bien tapés. Mais je suis content du résultat ! 

Est-ce la première fois que tu scénarises pour quelqu’un d’autre ? Quel bilan retires-tu de cette expérience ?

 Oui ! C'est la première fois que je scénarise pour quelqu'un. Ça a été assez simple parce que Frédérique a été très souple avec moi. Elle a accepté mes remarques et changements même quand ça pouvait être un peu violent, vexant. Même chose quand on a dû faire disparaître les propulseurs – une erreur de ma part – car ces manches servant à propulser les sagaies en Europe n'ont jamais été utilisés en Afrique. Du coup il fallait tout changer… L'horreur ! Et elle l'a fait ! Pareil pour certains animaux qui ont fait tiquer les archéologues relecteurs du projet et que du coup elle a dû éliminer sans pitié. Ses animaux sont très beaux d'ailleurs. C'est vraiment son point fort en dessin. 

Peux-tu nous montrer à quoi ressemble une page de ton scénario originel ? Est-ce qu’il y a des dessins dessus, des schémas, un découpage ?

Elle a fait un storyboard, oui, que j'ai retouché et que Camille et Vincent de la Boîte à Bulles ont relu (coquilles, allégement de certaines bulles). 

Le story-board de la planche 106 de Tassili…

Quels sont tes prochains projets ? As-tu renoncé à essayer d’aller en prison pour tes dessins ?

 NON ! Je veux continuer à prendre des risques ! Je veux gagner un jour un lectorat de gens cyniques comme moi. Je ne perds pas espoir, mon nihilisme sexy VAINCRA !

Rencontre-dédicace avec Maadiar
14 rue Serpente
75006 Paris,
vendredi 4 mars 2022
à partir de 18h.
Entrée libre, pas de réservation nécessaire.

Oui comme Maadiar est également dessinateur, il apportera sa boîte de couleurs, et il pourra vous décorer la page de garde de son album.

Tassili, une femme libre au néolithique, de Fréwé et Maadiar, éditions La Boîte à Bulles, 122 p. couleurs, 20 €. Code EAN : 9782849564045

 

Sans les étiquettes aaapoumiennes on voit mieux le dessin…

Rencontre-dédicace avec la Culotte cosmique
 

Mais qu'est-ce donc que Peau Aime et qui est donc cette @laculottecosmique ? me direz-vous.

Et bien Peau Aime est un recueil d'illustrations, de photos et de textes charnels sur le thème du sobre mais vertigineux poème d'Eluard, J'espère ce qui m'est interdit.

L'artbook collectif regroupe 80 interprétations de ces mots et La Culotte cosmique en est l'instigatrice.

Par chance pour les amateurs et amatrices de beau trait, elle est aussi bien versée dans les pleins et les déliés que les artistes qu'elle a amalgamée et devrait agrémenter sa griffe de quelques traits élégants lors de sa dédicace, Samedi 12 février 2022, au 14 rue serpente, 75006 paris, de 15h à 18h.

Peau Aime est en vente sur notre site internet ou directement en boutique.

 
 
Aaapoum rachète vos BD, manga et comics
 
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Vous nous posez souvent la question et c’est bien naturel.

Nous rachetons effectivement tout type de BD, Manga ou Comics. Ce qui ne veut pas dire que nous rachetons tout et n’importe quoi, surtout en cette période.

Les diverses restrictions de déplacement créent des poches temporelles encombrées durant lesquelles nous ne pouvons rien racheter : le week-end. Puisque les disponibilités sont pour tous et toutes les mêmes, les flux de passage se concentrent le samedi et le dimanche, nous empêchant totalement de nous focaliser sur les rachats. Nous tachons donc de ne racheter qu’en semaine. Hors de cette période, vous risquez de subir notre ire polie tandis que, débordés, nous nous démenons pour réguler les passages en boutiques et les demandes environnantes.


Étant une petite équipe nous ne pouvons pas toujours faire face à la quantité astronomique de propositions de ventes qui nous sont faites. Aussi, si vous avez une quantité importante de BD, Manga, ou Comics à revendre, plutôt que de débarquer avec vos livres sans prévenir (et vous voir opposer un refus catégorique), il vaut mieux nous envoyer auparavant la liste de votre collection à vendre par mail (aaapoum@gmail.com), par courrier postal, par mp ou, pourquoi pas, nous la déposer directement. Si votre lot nous intéresse, nous conviendrons ensemble d'un rendez-vous.

« — Mais à quel prix rachetez-vous les BD ? »

Impossible de donner une réponse simple à cette question que l'on nous pose plusieurs fois par jour. En effet il n'y a rien de moins équivalent à une BD qu'une autre BD... État, rareté, édition originale ou réédition, popularité, mode, affection particulière, certitude de vente ou achat aventureux, autant de facteurs qui font varier le prix de rachat d'un ouvrage, sans parler de l'humeur des protagonistes lors de toute opération commerciale.

Donnons tout de même une réponse à cette légitime curiosité : une fois que nous avons estimé le prix auquel nous pouvons vendre un ouvrage, nous vous en proposons environ un tiers de ce prix . Parfois un peu plus, parfois un peu moins.

Comme nous préférons ne pas trop dépenser, nous avons une politique incitative à l'échange. Ainsi en valeur d'échange nous proposons plutôt la moitié de notre prix de vente final. Parfois un peu moins, parfois un peu plus.

Comment sélectionnez vous les BD/Manga/comics ?

Nous faisons attention à nos stocks et à l’état des albums. Nous nous fions ensuite à nos expériences de vente et au lectorat que nous constatons dans nos rayons. N’hésitez pas à tout nous proposer sans présumer trop vite de nos réponse car vous pourriez être tout à fait surpris.

 
Patrick BapoumCommentaire
Vente par correspondance et retrait au magasin
 
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31 octobre 2020, Les librairies sont pour le moment fermées. En attendant mieux, la vente par correspondance se poursuit. Nous allons quelque peu étoffer le catalogue de notre boutique en ligne. Le retrait en magasin demeurera possible à des horaires restreints, a priori rue Serpente : du mardi au samedi entre 11h et 13h, vu que j’y assurerai une permanence à partir du mardi 3 novembre. Durant cet horaire, il devrait être possible d’appeler pour prendre connaissance de la disponibilité ou non de certains titres non visibles sur la boutique en ligne. Il sera également possible de les réserver de le payer en amont (par exemple par Paypal) et de venir les chercher à la porte de la librairie. Toute entrée dans nos locaux sera proscrite. Il est naturellement possible de faire les mêmes demandes par mail. Nous prévenir de votre passage est aussi un élément important de la procédure qui facilitera la transmission de votre achat lors de votre arrivée à Aaapoum Bapoum.

Vlad

 
Shohei Kusunoki, l'inéluctable et l'espoir
 
L’artiste en couverture de Garo

L’artiste en couverture de Garo

A l’occasion de la sortie de l’excellent Peuple Invisible de Shohei Kusunoki, chez Cornélius, j’ai eu envie d’en découvrir plus sur la vie et l’œuvre de cet auteur dont le travail venait de me mettre une petite claque. Seulement, il m’a fallu très rapidement me rendre à l’évidence, on trouve peu d’informations sur l’homme. A peine quelques dates, celle de naissance (17 janvier 1944 à Tokyo), celle de mort (15 mars 1974), certaines relatives à son œuvre. Il a été publié dans le magazine Garo, l’avant garde du Gekiga. Mais pour le reste, on restera sur notre faim. Pas une interview en ligne. Même sa page wiki japonaise se limite à ces quelques dates et une bibliographie des histoires de l’auteur. Pour savoir à quoi il ressemble, on ne trouvera qu’une vieille photo mal scannée.

Le seul détail, celui qui revient constamment, c’est la maladie de l’auteur, une malformation cardiaque, qui se manifestera dès l’enfance et le poursuivra toute sa vie, le forçant à abandonner sa carrière au bout de quelques années, avant de mourir à 30 ans.

Incidemment, il est quasiment impossible de lire son œuvre sans que cette information ne revienne en tête fréquemment. Il faut dire que dans ses histoires, le thème de la maladie revient très régulièrement. Kusunoki multiplie les scènes d’hôpitaux et de visites médicales. Hommes, femmes, enfants, personne ne semble épargné par la maladie, parfois fatale, souvent épée de Damoclès . Quelque soient les époques. L’un de ses récits, Le Dortoir, se situe d’ailleurs intégralement dans une chambre d’hôpital, où plusieurs malades dissertent en attendant d’être opérés.

La récurrence est perturbante. Impossible de ne pas y voir un écho avec la santé de l’auteur.

Mais plus que la maladie, c’est une notion de fatalité, de destin qui plane sur toute son œuvre. Par exemple, les accidents sont fréquents chez Kusunoki. Un sabre de renom, qui ouvre le recueil La Promesse, démarre par une ville ravagée par le feu. Madame Osen commence sur un accident de marteau. Changement de programme voit la vie d’une famille bouleversée lorsque la fille aînée est fauchée par une voiture.

Les personnages de Kusunoki sont poursuivis par des éléments sur lesquels ils n’ont aucune emprise.
La Promesse, qui donne son titre à la première intégrale de l’auteur, est une parfaite illustration de cette fatalité. Deux parents s’imposent un an de contraintes (le père arrête de fumer, la mère va au temple chaque semaine) afin de s’attirer les faveurs des Dieux et s’assurer la guérison de leur fils. La fin absurdement tragique de cette histoire nous montre bien le niveau d’emprise des gens sur leur destin selon l’auteur.
Dans Je te tiens tu me tiens, nous suivons les pensées d’un Daruma ballotté par les eaux, sans aucun contrôle sur sa trajectoire, métaphore parfaite des aléas de la vie qui tourmentent les personnages sans que ceci ne puissent y faire quoi que ce soit.

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Même lorsque tout semble bien aller, la prescience du malheur à venir semble tourmenter les hommes. Ainsi, dans Laridelle Laridon, le héros est obsédé par l’idée qu’il mourra avant ses 15 ans.
Dans Les cloches du soir, une vieille vengeance va venir détruire le quotidien d’une famille paisible, alors que tout aurait pu être évité, refusé.

Fort heureusement, Kusunoki sait ménager des respirations dans ses récits pour ne pas étouffer son lecteur de désespoir. Fréquemment, les personnages secondaires viennent apporter un certain dynamisme et des touches d’humour au récit. Les mouvements générés, les situations provoquées par ces derniers permettent à l’auteur de ménager un subtile équilibre et de ne jamais plonger dans le sordide et la larme facile. Les rencontres entre les protagonistes condamnés et leurs contemporains sont souvent l’occasion de scènes aux dialogues ciselés et marquants. En loques, le long récit qui clôture Peuple Invisible, est ainsi ponctué de scènes très touchantes entre Gen, homme maudit, et Ryo, un masseur aveugle.

Et puis, il y a l’espoir qui semble habiter la plupart des personnages de l’auteur, dans une vaste dichotomie, partagé entre le vain (rien n’empêchera d’arriver ce qui doit advenir) et l’indispensable. Malgré la futilité assumée de l’espoir, rarement l’abandon prend le dessus. Ses héros luttent, contre la maladie, l’acharnement de la vie, les événements. Ils restent proactifs jusqu’au bout. Ajouté à l’encrage très quotidien des histoires, cela donne une dimension très humaine à tout ce petit monde, en plus d’une force qui traverse la majorité des récits de l’auteur et contrebalance cette fatalité inéluctable.

Pour finir, il est à noter une certaine passion de Kusunoki pour le Japon traditionnel. On le sait fan de Hiroshi Hirata (Satsuma, L’argent du déshonneur) ainsi que de Sanpei Shirato (Kamui-den), dont il sera l’assistant dès 1961. Mais surtout, une part conséquente de son œuvre se déroule à l’ère d’Edo. La moitié des histoires de La Promesse et quasiment tout Peuple Invisible (à l’exception d’un seul récit) y prennent place.

Au final, si nous en savons peu sur Kusunoki, il est très tentant en lisant son œuvre de faire des passerelles avec la vie de l’auteur sans pour autant savoir à quel moment les suppositions rejoignent la réalité. Reste que son travail, bien que restreint (les deux intégrales sorties chez Cornelius contiennent tout), nous donne bien des pistes tout en se révélant être une passionnante série de portraits et de moments intimes, traversés de fulgurance, où l’humanité et l’espoir des personnages livrent un combat sans relâche contre l’inéluctabilité d’un destin trop souvent cruel. Ces élans de vie transcendent des récits pourtant terre à terre, emportant avec eux le lecteur qui n’aura de cesse de s’interroger sur la force morale d’un auteur dont on aurait vraiment voulu en lire plus.

Mika