Glacier Bay Books fait fondre nos coeurs
Glacier Bay books est un éditeur nord-américain dont la sensibilité artistique croise la nôtre en certains points clefs. La petite structure, dont les premières traces remontent à 2017, se focalise sur une scène artistique indépendante injustement boudée mais qui bénéficie intensément de l’attention, du soin et de l’amour que lui apporte ce petit éditeur passionné.
Le vaste territoire américain s’ouvre indéniablement à la différence mais l’appel du cœur résonne bien plus profondément dans nos vieilles terres d'Europe. Glacier Bay books nous a alors contacté, espérant outrepasser par notre entremise les frais de ports hallucinants qu’induisent une épopée de transport initiée à l’autre bout de la planète.
Ces efforts francs et authentiques, cette volonté de transmission puissante et honnête nous permettent de vous proposer un pan de leur catalogue. L’obtention des albums Glacier Bay Books nous est aussi onéreuse qu’elle aurait dû l’être pour vous mais cette pesante démarche financière est vastement compensée par la constatation réelle d’un intérêt non feint qui confine à l’étonnant appétit.
Bref, nous sommes pour le moment les seuls pourvoyeurs français de la maison d’édition, mais la persévérance acharnée de l’éditeur devrait lui permettre de créer, un jour, une petite constellation de boutiques de confiance à travers l'Europe. En attendant, une grande partie de son catalogue apparaît sur notre site de vente en ligne, en espérant des frais de port plus cléments.
Etonnamment, comme pour réfuter les impressions hexagonales d’abondance quasi-exhaustive, Glacier Bay books ne propose que des titres qui ne sont encore jamais parus en France. F, par exemple, est la seule fable politique militante que propose l’éditeur dans une mer d’onirisme qui constitue son ADN profond. On y suit les avancées laborieusement précaires d’un journaliste de terrain qui cherche à pénétrer dans le Tôhoku, une région rurale japonaise qui décide de brutalement faire sécession après le traumatisme de Fukushima.
Milice interne, rébellion aux frontières, scissions, répressions, ce récit passionné a été en outre décortiqué dans une ample préface de 28p par Ryan Holmberg, historien de la BD et traducteur esthète qui officie notablement pour le vénérable Comics Journal. Ce récit complet en un tome bénéficie d’un bouche-à-oreille assez vivace et d’une réputation à la hauteur de ce qu’il propose.
Non loin dans nos étagères se côtoient ensuite des albums aux rythmes narratifs plus abrupts, aux histoires vives mais succinctes, habillées d’une robe de mignon sombre, parfois fantasmagoriques, parfois philosophiques. Ces tomes, ce sont en vrac False stars, From this flame, Invisible parade et Dear Sara 1997 Summer. Leur esthétique au cordeau attire immédiatement l’œil et pousse même souvent à l’achat mais c’est au cœur de leurs propos en fusion que naît la fascination durable que ces titres procurent.
Ces albums qui alternent histoires courtes fantastiques, post-apocalyptiques, éthérées ou doucereusement sociétaux sont intimement différents et pourtant si logiquement alignés dans ce flux éditorial ciselé que propose Glacier Bay books.
Enfin, il faut aussi retenir de cette première salve éditoriale un titre aux accents Satoshi Kon-iens marqués, Rabbit Game. Le protagoniste principal de cet album se perd dans le monde flou d’une console absurde dont les rouages sont mis en branle par le tumulte de ses désirs et de ses troubles. Se mêlent alors ses sentiments réels et l’évolution fantasmée de situations qu’il aimerait garder dans la paume de sa main. Où se situe le concret et à quel moment se délite-t-il véritablement ? Cette jeune femme est-elle au final la princesse sélénite qu’elle prétend être? Perdu dans le protoplasme liminal de ses fantasmes, il doit faire le tri dans ses désirs avant que ne se délite la dimension fantasmagorique dans laquelle il a pénétré.
Verdict, cette maison d’édition discrète, carrément indépendante dans son fonctionnement autant que dans ses coups de cœur, trouve un petit lieu d’accueil cosy dans nos rayons de manga neuf jusqu’à ce que les prix du pétrole nous empêchent finalement un jour tout commerce mondial supposé non indispensable.