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AU BORD DE L'EAU, ÉDITIONS FEÏ
 

Certains connaissent bien ce monument de la littérature chinoise qu'est Au bord de l'eau. Certains l'ont même lu. Il en existe même qui l'ont lu jusqu'au bout, si ce n'est en pléïade, du moins en folio (deux gros volumes).

Dans cette histoire médiévale toute une tripotée de brigands, d'horizons divers mais tous en opposition avec le pouvoir central, se rassemble dans des marécages et crée ainsi un bon grumeau de résistance au sein de l'Empire.

Certains sont d'origine noble, d'autres sont de basse extraction, d'autres viennent même d'ordres religieux. Ils ont comme point commun d'être plutôt coriaces en baston, d'êtres presque tous des hommes et surtout de ne pas aimer trouver des poils de cul dans leur potage. Ici en Europe, on trouve pas mal de tentatives d'adaptation de ces textes du XIVe siècle, dont une par Magnus et une autre par Morvan. Les Chinois ne sont pas restés en rade et eux aussi, ils ont fourni des versions illustrées de leur monument national. Publiées sous la forme de "lianhuanhua" dès le quatorzième siècle, en gravure sur bois. D'après ce que j'en sais les lianhuanhua sont une forme de narration assistée de dessins qui présente quelque cousinage avec notre bande dessinée, à ceci près qu'elles sont constituées principalement d'un dessin par page et soulignée d'un important récitatif.

Si l'on peut y trouver des phylactères, il semble bien que le texte prime et soit indispensable à la narration. Bénéficiant parfois d'un tirage très important, les lianhuanhua sont édités dans un petit format à l'italienne aisément transportable dans une poche de prolétaire. Au XXe siècle, dans la Chine communiste il y eut d'abord une première vague d'adaptations d'Au bord de l'eau dans les années 50, sous la responsabilité d'un certain Jiang Weipu.

Malheureusement dans les années soixante la récession succédant au Grand bond en avant et le virage programmatique de la Révolution culturelle sonnent le glas de cette production tournée vers la Chine ancestrale. Il faudra désormais attendre la mort de Mao pour que la thématique des Brigands du marais soit à nouveau bien vue au comité central. Les originaux des années 50-60 ayant été détruits, Jiang Weipu reprend tout à zéro, et réunissant une nouvelle équipe artistique, reprend l'adaptation du chef d’œuvre.

C'est donc ces versions que les éditions Feï vous proposent désormais d'acquérir en français dans un assez luxueux coffret toilé bleu.

Cet écrin contient 30 petits fascicules (des lianhuanhua, donc) de 14,9 cm de long sur une hauteur de 11,4 cm (masse et épaisseur variables). Chaque livret correspond à un chapitre du livre et est confié à une équipe artistique différente. Les dessinateurs sont tous de bon niveau et se permettent parfois d'exprimer leur sensibilité propre. Ils ont en commun une grande maîtrise de la circulation des blancs.

Oui, en dehors des couvertures, les récits sont en noir et blanc.C'est d'ailleurs la partie graphique qui emporte ici l'adhésion. L'adaptation consistant surtout à retrancher du texte et des péripéties. La lecture des ces fascicules se rapproche plus de celle d'un livre illustré que de celle d'une bande dessinée telle qu'on l'entend de ce côté-ci du monde depuis que les phylactères et les récitatifs ont enterré les massives adjonctions de textes sous chaque vignette.

Pour nourrir la réflexion de nos lecteurs voici la première page du premier livret :

Et voici la page correspondante dans le folio (début du chapitre II)

Je ne vais pas ici me livrer à une analyse de l'adaptation, d'autant que je n'ai eu le temps que de lire vite fait quelque fascicules et que ma lecture du premier folio date d'une douzaine d'années. Ici c'est juste un blog, pour les articles de fond, voyez l'université ou le site du9.

Le coffret est d'une dimension assez imposante, il prend sur une étagère l'équivalent de 8 ou 9 Blake et Mortimer. Toutefois présenté de face sur le devant d'une étagère assez large, il devrait produire son petit effet sur vos invités. C'est également un cadeau de Noël fort efficace, de ceux qu'on reçoit avec émotion, qu'on palpe après s'être soigneusement essuyé les doigts du gras de foie qui pourrait encore s'y trouver. On le considère avec respect en se disant qu'on lira ça avec soin dans son fauteuil club lorsqu'on aura le temps et un fauteuil club. Même s'il ne sera jamais vraiment lu, pendant des années la simple vision de son épais dos azur vous réconfortera et vous plongera dans des rêveries extrême-orientales, faites de roseaux oscillants, de falaises vertigineuses plantées de quelques épineux saillants et tordus, de montagnes émergeants de rizières brumeuses... Et lorsque la dernière tablette de lecture rendra l'âme dans un hoquet plaintif et hululant face à l'impulsion électro-magnétique annonciatrice de la fin des temps, vous brandirez fièrement dans votre poing gigantesque et puissant le monumental coffret, relique scintillante d'un temps où l'on aimait les beaux objets.

Chers clients, pour que vous ayez une vision précise de la taille de l'ouvrage, nous avons fait appel à Gino. Où plutôt à une fève en forme de Gino. Gino est le sympathique serveur du restaurant À la bonne fourchette, l'établissement des parents de Tom-Tom et Nana (éditions Bayard). Il n'a évidemment rien à voir avec les brigands chinois, mais c'est tout ce que j'avais sous la main. Gino fait environ 2,2 cm. Vous le verrez ci-dessous successivement sur les folio (gallimard) et sur le coffret Feï.

Au bord de l'eau, coffret réunissant 30 fascicules plus un livret de présentation, EAN : 9782359660845. 79 €. Tirage annoncé par l'éditeur : 2000 exemplaires. En vente à Aaapoum bapoum et aussi sur www.aaapoumbapoum.com.