Le cadavre et le sofa - Tony Sandoval

 

Tony Sandoval produit beaucoup. Beaucoup d'illustrations que l'on peut retrouver avec bonheur sur ses réseaux sociaux; beaucoup d'albums aussi. Et Tony Sandoval évolue vers constamment plus de maitrise. Mais l'auteur n'est pas parti de rien puisque le Cadavre et le sofa, l'un de ses premiers récits paru en français, posait déjà toutes les bases, qu'elles soient narratives, graphiques ou imaginaires, d'un univers déjà en fin de gestation.

Polo est un jeune garçon que la campagne fait doucement gamberger. Il ne semble pas y avoir grand chose d'autre à y faire, de toute façon. Esseulé, désœuvré, on le comprend en quelques cases suffisamment différent pour que ses vacances se passent nécessairement en solitaire. S'installe ensuite dans son quotidien, le plus naturellement du monde, une énigmatique jeune fille à la beauté presque littéralement envoutante, Sophie. Rapidement les deux se rapprochent autour d'un sofa laissé à l'abandon et d'un cadavre en décomposition tout aussi livré à lui-même. Sophie va recréer Polo, sans qu'il ne s'en aperçoive, au cours d'un été baigné d'étrange et de métamorphoses.

Les auteurs humoristiques placent souvent le passage à l'âge adulte au moment précis de l'apparition tant attendue et célébrée du fameux premier poil pubien. Ils en oublient au profit du gag facile le fascinant et indéfinissable temps de maturation, sans réel début, sans réelle fin, duquel on ne prend conscience qu'après les faits. C'est à l'observateur de recevoir le privilège de l'analyse. Polo ne le sait pas mais il fait ses premiers grand pas dans le monde des futurs adultes. Nous ne le savons pas non plus, nous le devinons à peine.

À travers un ensemble de situations intriquées, parfois sans chronologie aisément mesurable, aux enjeux aléatoirement importants, Polo et nous sommes ballotés, le cœur vaillant et la peau moite, d'une toute petite révolution intérieure à une autre.  Désir, mort, oubli, inconnu, tout y passe avec fluidité. Tony Sandoval ne s'attarde toutefois jamais. L'été passe, la vie passe et si l’expérience d'un homme se mesure à l'aune de ses actions, alors c'est qu'il faut les enchainer, les multiplier, s'en servir pour bâtir discrètement les fondations d’expériences plus ambitieuses. À travers deux intrigues parallèles, porteuses de mystères et d'interrogations, de tragédie et d'occulte, les fondations de l'humain se dressent patiemment.

Polo a beau s’avérer le personnage central, puisque tout tourne plus ou moins autour de lui et de ses perceptions,  il est loin de se révéler le personnage principal. On pourrait croire que Sophie, antagoniste brulante, pourrait incarner le rôle. Non plus. Le cadavre alors ? presque. Le personnage principal, c'est le désir. Le désir charnel balbutiant puis frontalement épanoui, le désir d'autre chose, le désir de vérité, le désir d'ailleurs. le désir d'éternité.

À travers un jeu de couleur étonnant et une cohabitation aléatoire de différents styles aux portées radicalement opposées, Tony brouille les pistes manichéennes d'une intrigue aux relents fantastiques troubles. Très insistant sur une sexualité débridée, il délaye encore un peu plus les conventions sociales au profit d'un parcours initiation métaphorique qui ne prend son sens que dans la radicalité de sa singularité.

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