Exposition Schuiten à Paris
Retour au noir
Au Centre Wallonie Bruxelles, sis juste en face du Centre G. Pompidou, sont présentées de nombreuses planches originales, illustrations et esquisses préparatoires pour de La théorie du grain de sable, le dernier opus des Cités obscures de Schuiten et Peeters, dont la seconde partie devrait paraître début octobre.
C'est réellement une bonne surprise : d'une part les quelques illustrations couleurs présentées se révèlent bien plus riches en vrai que leurs reproductions (une évidence pourtant, mais toujours étonnante), d'autre part, l'encrage noir et blanc des planches de l'album semble s'être enfin affranchi de son habituelle rigidité.
J'avais toujours trouvé le trait de Schuiten trop figé, sans doute à cause de sa volonté d'imiter la gravure. Là, enfin la plume semble danser sur le papier, les masses de noirs se positionner avec légèreté et évidence. La surface vibre. Je ne sais rien de l'histoire, ni si elle s'achève en eau de boudin comme la plupart des Cités obscures, mais graphiquement, c'est une vraie joie. Dans un court film projeté dans le cadre de l'exposition, François Schuiten s'exprime d'ailleurs sur son envie de revenir au noir et blanc qui fut sa grande motivation pour cette œuvre, après plusieurs albums couleurs.
Vous remarquerez qu'alors que les planches originales, de grand format (environ 50 cm sur 40), sont à la française, les deux albums de la Théorie du grain de sable sont à l'italienne... C'est un peu étonnant tant les planches semblent être conçues pour leur appréhension verticale et que d'ailleurs, contrairement à Giraud, Schuiten ne travaille pas par demi-planches. Faut-il voir derrière ce saucissonnage une simple affectation arty un peu vaine ? Ou une astuce commerciale pour produire deux albums épais de 109 planches au lieu de deux albums classiques qui auraient semblé trop fins à l'acheteur ? Epineux problème marketing en effet que de faire croire à l'amateur que rien n'a changé depuis l'époque des "romans-bd (A Suivre...)". Enfin, il faut bien que les créateurs vivent et chacun sait que deux petits albums se vendent davantage qu'un seul gros. Pour une fois je ne critiquerai pas trop : cette stratégie nous permet de lire et d'admirer les dessins de Schuiten à une échelle de reproduction plus grande que d'habitude.
Et rien n'empêche Casterman de ressortir plus tard une intégrale de luxe géante en format français...
Notons pour finir une belle scénographie qui happe le promeneur hors du quotidien : bruit du vent, éclairage subtil, le sable qui emplit les salles et s'écoule jusque sur le trottoir... au grand dam des marchands de fringues d'à côté qui ne goûtent guère ces raffinements artistiques.
Lumières sur Brüsel, Jusqu'au 2 novembre 2008, au Centre Wallonie Bruxelles, 127-129 rue Saint Martin, 75004, 11h à 19h sauf le lundi, 3€ (tarif réduit 2€).