Conjectures hasardeuses

 

Quelle matinée. Dès 11H, me voila expulsé du métro à la moitié de mon parcours pour la librairie par une de ces « alertes au colis suspect » que les parisiens connaissent bien.

Du coup, je saute dans un taxi en compagnie de l’un des passagers, stoppé lui aussi dans sa course. Il se dirige à l’Odéon, comme moi.

Naturellement, une conversation de complaisance se met en place, et la bande dessinée fait son apparition. « Vous êtes dans les BD anciennes. Ah, ça j’en avais plein. C'est rare? Ah mais cela ne m'étonne pas. Saviez-vous, à notre époque, l’après guerre, les parents n’hésitaient pas à détruire les illustrés par peur de la tuberculose. La pauvreté faisait des ravages, et on recommandait aux enfants de ne pas se prêter les livres, pour éviter de transmettre la maladie.»

Un homme charmant, créateur de la première photothèque médicale, venu ce matin faire une conférence à l’École de médecine, et comme beaucoup une victime de parents déchirant sa collection de périodiques Spirou et Tintin. «J’avais même le numéro 1». En tous cas, c’est la première fois que j’entends cette excuse de la tuberculose.

Et même si j’ai quelques doutes sur le réel impact de cette politique médicale sur la pérennité des vieux illustrés, je reconnais que, venant d’un médecin, l’affirmation prend une tournure sacrément convaincante.