Publications dans Février 2008
Garth : le vagabond du temps
 

Un peu de science-fiction britannique

Les descendants d'extra-terrestres sont nombreux par ici. En Angleterre y'en a aussi. Garth est l'un d'eux. Cousin de coupe de cheveux de Luc Orient et Bruno Brazil, ce grand gaillard blond tient plus par ses origines de notre ami Superman. Il est  très fort, doué pour le combat et doté d'un solide sens pratique. Qualités utiles de tous temps. Ce qui tombe bien car Garth est atteint d'instabilité temporelle. Pour peu qu'il s'endorme, qu'on lui tape sur le crâne, hop, il se promène à travers le temps et l'espace. Sa conscience s'incarne dans d'autres existences, un peu comme dans cette série TV étrange, Code Quantum, sauf que Garth conserve son apparence et sa prestance. Il porte aussi bien le sous-pull lycra que l'armure de plates ou la chemise à jabot. Indépendament de ses escapades temporelles Garth ne rechigne pas à quelques aventures galactiques qui varient les plaisirs et les costumes.

Ses aventures parurent de manière quotidienne dans le Daily mirror. La première fois c'était en 1943 sous la plume de Steve Dowling. Dans les années 70 il fut repris par Frank Bellamy et Martin Asbury.

Disparu en 1976 Frank Bellamy est un grand nom de la bande dessinée anglaise qui avait aussi repris Dan Dare à la suite de son créateur, Frank Hampson. Les étroits strips quotidiens ne peuvent rendre totalement justice à son style élégant, mêlant dynamisme et réalisme, exploitant intelligemment la puissance  d'attraction des zones d'ombres. Néanmoins, le rythme soutenu de parution et la contrainte de l'espace qui limite les changements de cadre obligent Bellamy a soigner les contrastes et le découpage et stimulent son inventivité. Après la mort de Bellamy, Martin Asbury reprend le flambeau, avec la même recette mais dans un graphisme plus contemporain de son époque.

Chers lecteurs, chers clients, vous pourrez désormais découvrir ces perles de la culture populaire d'outre-manche dans nos échoppes.

En effet, à la fin des seventies, un audacieux nommé Pierre Charles se lança dans l'édition. Il publia trois tomes des aventures de Garth avant de réorienter  ses efforts vers la cinéphilie (Ciné Zine Zone). Si Pierre Charles a rejoint les astres (2003), les beaux livres qu'il avait confectionnés sont en partie restés sur terre avec comme objectif de reconquérir le monde. Ils ont élu Aaapoum Bapoum comme base d'opérations.

Ainsi vous trouverez chez nous:Garth : La guerre des Galaxies.

Ce volume contient 2 aventures. Dans Le démon dans la sphère (dessins de Bellamy) Garth est enlevé par un alien nabot sociopathe et chauve qui est prêt à faire cramer la terre. La Guerre des galaxies (dessins de Asbury) voit notre héros s'immiscer dans un conflit galactique dont le responsable est l'ignoble Volkan et son armée de robots.

Garth : Le gouffre dans l'espace.

Ce volume, sous une couverture qui évoque le travail de Frazetta pour Le Guerrier de Mars, contient lui aussi deux aventures. La première, La dame espagnole (Bellamy) voit Garth, corsaire de la reine Elisabeth aux côtés de Francis Drake, tomber amoureux d'une belle castillane. Une émouvante tragédie. Dans la seconde histoire, Voyage into time, Le Gouffre dans l'espace (Asbury), Garth est carrément aspiré par un trou noir. Résultat, les époques se mélangent dans un monde miroir.

Garth : Le grand massacre.

La couverture de cet opus est signée Michel Blanc-Dumont.  Ce recueil contient effectivement 2 histoires western de notre turbulent ami, dessinées par Bellamy. Dans la première il endosse la panoplie romantique de l'officier sudiste homme d'honneur que la défaite de Lee a jeté sur les routes de l'Ouest. Ici il joue les chaperons pour une troupe de prostituées optimistes. La seconde aventure, Le grand massacre,  nous montre un Garth essayant d'empêcher la bataille de Little Big Horn. Amant d'une belle indienne, il cherche a arrêter la spirale de la violence avec l'insuccès que l'on sait. Encore une belle romance dramatique.

Il faut préciser que chacun de ces beaux livres, de grand format (24 x 32cm), est broché avec soin et bien imprimé, avec des aplats noirs bien noirs. De plus pour les amateurs des années Métal Hurlant, les deux premiers contiennent chacun une histoire du regretté Jean-Claude Gal, l'orfèvre du noir et blanc, le James Dean de l'heroïc fantasy ! Il signe aussi la couverture du premier tome.

Ces ouvrages ont dû avoir un tirage ne dépassant pas les 3000 exemplaires et auront bientôt 30 ans. Jusqu'à présent et en dehors de nos échoppes ils ne sont trouvables que difficilement, ce qui justifie leur cote BDM de 12 euros chacun, ce qui est bien en dessous de ce qu'on pouvait trouver çà et là sur le net. Et bien chez nous vous pourrez vous procurer  les trois tomes réunis sous un magnifique blister aaapoumien au prix incroyable de 3 euros ! Oui les TROIS GARTH POUR 3 € !

 
Décalcomanix : Dick Matena
 

Knut le viking

Dick Matena est un auteur hollandais né en 1943 qui a eu son petit succès il y a 30 ans. Pour faire vite, il a collaboré à Métal Hurlant et a signé certains scénarii de la série Storm, que les amateurs de péplums galactiques connaissent bien. J'ai découvert il y a peu qu'avant de développer son trait réaliste synthétique, sorte de Berthet des ténèbres mâtiné de Montellier, le jeune Dick avait donné dans l'uderzite.La toute première fois qu'il dessine une histoire de son cru, il invente les aventures d'une communauté viking. Un petit village côtier, des indigènes forts en gueule, un sorcier, un apprenti barde, des armées traîtresses les entourant et complotant contre eux... Knut le Viking est né (1973) et tout nous paraît étrangement famillier.

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A travers la fascination du jeune Dick pour Uderzo c'est notre propre imprégnation qui s'étale le long de ces planches. Que nous soyons corses ou hollandais, depuis notre plus jeune âge nous avons respiré Uderzo. La grammaire des gestes qu'il a mise en place a durablement marqué notre inconscient visuel.  Les démarches et les expressions qu'Uderzo a créés ont influencé notre façon de voir nos congénères.

Tel père tel fils s'intitule ce premier et unique épisode, aveu évident d'une filiation surprenante, mais assumée. Elle serait difficile à nier, il y a même des sangliers !

Ce n'est certainement pas une lecture indispensable, mais il est intéressant de voir comment un style se décline. Matena pratique le Uderzo deuxième période (disons de Astérix le Gaulois à Chez les Goths), mais en le baroquisant un chouia. Il ne peut s'empêcher d'ajouter quelque fioritures et détails et n'arrive pas à atteindre la lisibilité de son modèle. Ici les plans ont tendanceà se mêler ce qui rend la lecture plus laborieuse. Un défaut que le Hollandais saura corriger dans la suite de sa carrière (certaines de ses planches ultérieures paraîssent même parfois un peu vides).

Knut le viking fut édité en France en 1980 par les éditions du Triton, sous la responsabilité de Fershid Bharucha, toujours lui.

 
Horaires du dimanche : uniformisation
 

Faut accorder ses pendules les gars !

Stéphane et moi travaillons en alternance le dimanche à la boutique de la rue Serpente, depuis bientôt un an. Une semaine c'est lui, la suivante c'est moi.

Il y a peu nous avons découvert que l'un d'entre nous ouvrait à 13h (comme c'est indiqué sur le blog) tandis que l'autre ouvrait à 14h (comme indiqué sur la porte !). Sommes nous distraits !

Comme le courage triomphe toujours, désormais chaque dimanche la boutique sera ouverte de 14h à 21h...

Je m'en vais corriger de ce pas la page de présentation.

 
Conjectures hasardeuses
 

Quelle matinée. Dès 11H, me voila expulsé du métro à la moitié de mon parcours pour la librairie par une de ces « alertes au colis suspect » que les parisiens connaissent bien.

Du coup, je saute dans un taxi en compagnie de l’un des passagers, stoppé lui aussi dans sa course. Il se dirige à l’Odéon, comme moi.

Naturellement, une conversation de complaisance se met en place, et la bande dessinée fait son apparition. « Vous êtes dans les BD anciennes. Ah, ça j’en avais plein. C'est rare? Ah mais cela ne m'étonne pas. Saviez-vous, à notre époque, l’après guerre, les parents n’hésitaient pas à détruire les illustrés par peur de la tuberculose. La pauvreté faisait des ravages, et on recommandait aux enfants de ne pas se prêter les livres, pour éviter de transmettre la maladie.»

Un homme charmant, créateur de la première photothèque médicale, venu ce matin faire une conférence à l’École de médecine, et comme beaucoup une victime de parents déchirant sa collection de périodiques Spirou et Tintin. «J’avais même le numéro 1». En tous cas, c’est la première fois que j’entends cette excuse de la tuberculose.

Et même si j’ai quelques doutes sur le réel impact de cette politique médicale sur la pérennité des vieux illustrés, je reconnais que, venant d’un médecin, l’affirmation prend une tournure sacrément convaincante.

 
Walking Dead 4 de Robert Kirkman et Charlie Adlard
 

Ni dieu, ni césar, ni tribun...

Et si l'humanité se perdait dans l'effort même qu'elle déploie à perdurer ? Dans le volume 4 de Walking Dead, la menace zombie semble reléguée au second plan et ce sont  bien les vivants qui plus que jamais représentent un danger pour eux-mêmes.

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Ainsi Rick, personnage central, s'épuise à s'efforcer d'être l'incarnation du héros. Flic déboussolé au début, il désagrège par accoups son capital de sympathie. S'étant érigé en autocrate, son arbitraire et ses erreurs forment boule de neige tout du long de ce recueil. Imaginez un peu que vous soyez dirigés par un bonhomme qui a fait montre de sa faillibilité dès la première planche de l'épisode 1 et qui est encore capable de dire à la page 45 de ce nouveau recueil des énormités comme : "on ira plus vite si on se sépare..." et quelques cases plus loin : "si ça devient trop noir, on retournera chercher la torche...".

Il faut vraiment que ce soit l'aube des morts-vivants pour que l'humanité se choisisse d'aussi piètres dirigeants !

Action et psychologie

En motivant l'action par l'évolution de la psychologie des personnages, le scénariste Kirkman, servi par l'austérité du noir et blanc de Tony Moore et Charles Adlard, réussit un joli cocktail pouvant séduire des gourmets (et des gloutons !) en dehors des fans du genre.

En grattant  les contours de mythes et de questionnements parfaitement américains (héroïsme, légitimité de la violence, port des armes, ségrégation) les créateurs nous offrent un divertissement des plus réjouissants et stimulants  (pour moi le meilleur comic depuis le Daredevil de Bendis et Maleev).

C'est une valeur sûre, la preuve : Arno de chez Pulp's les lisait chaque mois sans attendre leur sortie en recueils !

Walking Dead de Robert Kirkman, Tony Moore et Charlie Adlard, 4 tomes chez Delcourt. Série en cours.