L'ADAPTATION est-elle vraiment une bonne chose ?

 

Mais quel est l’infâme qui a un jour déclaré : « la curiosité est unvilain défaut » ?

Par Stéphane

Sa force de persuasion devait être particulièrement développée pour réussir à enterrer si profondément cette abominable maxime dans l'âme humaine. La curiosité est l’une des qualités les plus fondamentales de l’homme, au contraire ; la source de l’ouverture. Voila pourquoi il faut débattre de l’actuelle mode de l’adaptation, emblème d’une tendance artistique profitant surtout de la fainéantise intellectuelle pour faire son beurre industriel.

En fait, je ne suis pas non plus complètement bouché sur l’exercice de l’adaptation/ transposition. En bande dessinée par exemple,  j’ai beaucoup aimé,récemment, L’Âge de Bronze chez Akileos (je mets le lien dès que ma chronique sera en ligne) et L’Homme qui s’évada chez Actes Sud (chez qui en revanché j’ai détesté Le Maître et Marguerite). C’est juste que, si l’exercice peut engager une réflexion intéressante sur des œuvres -les moderniser, les détourner, les enrichir, comme un metteur en scène peut renouveler une pièce de théâtre à travers les siècles en lui offrant de nouveaux échos- peu d’artistes s’y adonnent correctement. L’adaptation, telle qu’on l’entend désormais, est loin de manifester une telle démarche. Elle n’est le plus souvent qu’une marotte de producteurs et d’éditeurs avides de renouveler leur stock d’intrigues à peu de frais et, excuse plus contemporaine, de surfer sur une œuvre en vogue en facilitant son accès aux personnes moins ouvertes à sa forme de publication originale.

Si tu n’aimes pas lire, va voir le film. Moi, ce genre de remarque m’emmerde,surtout dans un domaine tel que celui de la bande dessinée, quand même le plus souvent méprisé à cause de l’absence de curiosité des gens. Voir le film est loin d’équivaloir à lire le livre d’origine, c’est un mensonge destiné à rassurer le spectateur dans sa fainéantise, à détruire chez lui tout désir d’effort et de développement de sa curiosité. N’importe qui peut en témoigner, dans la plupart de ces « adaptations », mêmes les rognures d’ongles des œuvres originales ont disparu dans cette lamentable supercherie de création artistique. Alors pour ce qui est de l’essence ou de l’âme.

Si l'on y réfléchit bien, l'adaptation artistique est la castration, le meurtre, de l'instinct d'adaptation de l'Homme. Darwin, s'il vivait aujourd'hui, serait sûrement encore plus inquiet que moi.

Mais voila où je voulais en venir. Prochainement, la bande dessinée, garde-manger désormais pillé par Hollywood, va aussi accélérer la petite mode de l’adaptation littéraire (voir ici pour les exemples récents, j'ai entendu le même son de cloche chez Delcourt). Pour ce media en mal de reconnaissance, c’est le remède capable de convaincre les élites réfractaires de son potentiel intellectuel. Encore un problème d’ego à nourrir. Et c’est pas la première fois, même les grands du 9emes’y sont prostitués. Je pense à Will Eisner et à sa collection nullissime de Moby Dick, Don Quichotte et consort. Des ouvrages inintéressants au possible qui ne trompent personne (chez Aaapoum, Moby Dick est invendable à 5 euros tandis qu’on arrive pas à tenir le moindre Spirità 45 euros, c’est dire). Alors, 2007, Si le record de bandes dessinées parues explose pour arriver à 4500 ou 5000 livres, vous pouvez déjà écarter de vos choix la ribambelle des adaptations qu’on va essayer de vous refourguer. Et oui, les cocos, mieux vaut lire un roman par dizaine d’année que de perdre son temps à lire une seule de ces adaptations. Si c’est pas du travail de sélection de libraire, ça, je sais pas ce que sais.