Publications dans La philodébulle
Femmes of fame
 

Bien que la librairie se targue de proposer des bandes dessinées pour tous les goûts, de Cubitus au Retour à la terre, il est indéniable que nos préférences la façonne constamment. L'énorme rayon western qui trône au sous-sol en compagnie de son voisin le rayon témoignage sont les reflets de l’intérêt des lecteurs mais le discret petit coin "l'Histoire du monde avec humour", l'inquiétant promontoire de l'humour de mauvais gout ou le bac des albums muets sont issus d'un amoncellement de références qui nous ont attiré puis plu.

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Et justement, il se dégage un petit vent de nouveau rayon à Aaapoum Bapoum ces temps-ci. Nous ne pouvons pas faire grand chose au soucis de représentativité des autrices de BD en sélections officielles mais pour ce qui est d'héroïnes impactantes, nous en avons notre lot.

Loin des aventures décérébrées de nymphettes en armure de string ou des sketchs griffonnés de magazines girly s'est formé spontanément rue Serpente une travée de BD dépeignant des femmes actrices de leur propre vie, des femmes qui dénoncent, des femmes qui subissent parfois mais avec passion, des femmes qui s'apprennent, des femmes qui transmettent, des femmes qui changent et expérimentent, des femmes qui s'émancipent de leur carcan.

Des femmes qui ont définitivement une incidence sur leur environnement, sans pathos, sans cliché, souvent sans concession non plus et toujours accompagnées d'une proposition visuelle ou narrative dûment mûrie. Nous n'avions pas spécifiquement prévu de les regrouper et une foule d'autres titres, dont bon nombre de nos grands favoris de tout temps qui parsèment la boutique, mériteraient d’intégrer cette sélection spontanée.

Ces albums, nous ne saurions trop vous les conseiller et nous continuerons de les mettre en avant avec ferveur. Ces titres parlent d'eux même comme leurs héroïnes existent par elles-mêmes.

 
Conférence sur le roi Arthur
 

Geste mythique, gestes modernes.

Les références au roi Arthur et à sa clique foisonnent toujours autant dans nos médias favoris. Séries télévisuelles, bandes dessinées, films, comédies musicales (sic), du plus farfelu au plus fantastique, il reste indéniable que nous aimons l'aimons très fort, lui et sa grosse épée. Son image toutefois à fortement évoluée. D'un bouffon du petit écran au toujours noble et fier souverain de la BD, le gouffre est grand et les itérations intrigantes. William Blanc, historien geeko-medievaliste véritable, nous propose un petit panorama de nos perceptions et de nos réutilisations du personnage dans son livre au titre un peu austère: Le Roi Arthur, un mythe contemporain. Richement illustré, complètement en phase avec les gouts du peuple, bardé des meilleurs références et autres anecdotes truculentes, l'album revient sur des décennies de geste arthurienne, oscillant entre rétro touchant et modernité rock-n-roll. Il revient notamment sur l'évolution du mythe, de notre façon de le traiter, de l'assimiler et de lui donner du sens et du sous-texte.

Arthur, une vieille figure toujours aussi vivace qui sera discutée vendredi 9 décembre 2016 au 14 de la rue Serpente (75006) Paris. William Blanc, en plus de nous gratifier d'une conférence interactive probablement passionnante (cette affirmation n'est définitivement pas un pari risqué) dont il a le secret, signera aussi des exemplaires de Le Roi Arthur, un mythe contemporain que vous pourrez acheter sur place.

Il est aussi fort probable que le staff aaapoumien se grime en péon pour l'occasion. N’hésitez pas à  fourbir vos plus belles armes factices, enfiler vos robes de bure et autre plastrons pour siéger avec nous autour de la table pas du tout rond du royaume d'Aaapoum. Il se pourrait que vous en soyez récompensé.

Voici ce que nous raconte la quatrième de couverture, à grand coup de name dropping:

Mark Twain, le rappeur Jay Z, Marion Zimmer Bradley, George Romero, Robert Taylor, Alexandre Astier, John Fitzgerald Kennedy, Jack Kirby, Lawrence d’Arabie, John Boorman, les Kinks, les Who, Jackie Kennedy, Steven Spielberg, John Steinbeck, Terry Gilliam, Winston Churchill, Éric Rohmer ou encore Alan Stivell, tous ont en commun d’avoir été influencés par la légende du roi Arthur.

Inventée au Moyen Âge, celle-ci a longtemps été l’apanage des nobles et des souverains qui s’en servaient comme modèle ou comme justification de leurs conquêtes. En grande partie ignorée aux xviie et xviiie siècles, elle fait un retour fracassant sur le devant de la scène en Angleterre au début de la révolution industrielle. Mais c’est surtout grâce à la culture populaire américaine que se diffuse le mythe de la Table ronde : cinéma, romans illustrés, musiques rock et folk, bande dessinée (notamment les super-héros), et plus récemment jeux de rôles et jeux vidéo.

Ces médias donnent un sens nouveau à la geste arthurienne. On a vu ainsi apparaître des Arthur anticolonialistes, des Lancelot en lutte contre le communisme, des Merlin écologistes, des Morgane féministes.

La légende de Camelot, ici décryptée de façon savante et passionnée, semble en passe de devenir l’un des premiers mythes mondialisés, traversant les continents et les cultures pour mieux questionner les peurs et les espoirs des sociétés contemporaines.

 
NOËL MAMMAIRE
 

Lorsque l’on bosse en librairie spécialisée "Bandes dessinées", on est en  contact avec de nombreux imaginaires. Ces imaginaires forment bientôt des Tout, avec leurs tendances, leurs évolutions et leurs regroupements.  On constate vite des similitudes. Puis on apprend à déterminer les origines sociales ou historiques de ces similitudes.

Une des choses qui m’impressionne le plus chez les auteurs de ce digne pays qu’est le Japon, c’est leur  façon d’assumer totalement leurs désirs et perversions. Petites filles, tentacules, les deux à la fois… Pas de limites. À côté, les fantasmes européens sont désespérément  fades et  banals. Notre érotisme se contente du vieux gangbang, de ce mythe de la femme qui aime surprenamment le sexe  et du sado-maso.

Au japon, donc, le désir est rendu visible. Et une des choses qui saute le plus aux yeux du lecteur masculin averti que j’imagine être, ce sont les nichons. Les japonais sont fana de gros seins. Plus spécifiquement de gros seins naturels. Ça transpire bien au-delà de leur production érotique ! Aucune histoire pour adolescent ne peut échapper à son lot de mini-jupes, de tension sexuelle et de grosses poitrines. Certains auteurs se sont même spécialisés dans cette opulence bustière, cette hypertrophie mammaire naturelle.

On peut notamment citer  Shouji Sato, dont toute la carrière est basée sur de gros nibards improbables dans des histoires non érotisés (Highschool of the dead : zombies/ Triage X : tueurs à gage)...

On peut aussi mentionner La paire et le sabre, une excellente série qui base son intrigue sur des techniques secrètes de réduction mammaire en plein japon féodal. L’héroïne de cette histoire aspire la poitrine de ses ennemies et l’absorbe, multipliant sa taille de bonnet à chaque fois, dans un monde qui octroie richesse et puissance aux femmes excessivement opulentes… C’est un peu la quintessence de leur vice pour les seins. Des seins, je le répète, totalement et illogiquement naturels. Tellement naturels qu’ils en deviennent extensibles et malléables à merci. Les lecteurs baignent dans cette incohérente physique de flambi qui en devient une simili norme.

Alors quand je vois une couverture comme celle-ci, d’un auteur  espagnol en plus, qui prend totalement  le contrepied de la vague dominante actuelle de tétasses, je le mets en avant. Mais oui ! Voilà un auteur non nippon qui assume ses fantasmes de seins siliconés. Bravo.

Le prisonnier des étoiles T2 est sorti en France en 1987. Je me souviens que dans les années 2000, les prothèses mammaires en silicone faisaient l’objet de nombreux débats de santé. On peut supputer alors que le pic de désir et de potentiel fashion du sein refait ait été atteint dans la décennie précédente. Alfonso Font est sûrement alors le produit de son époque, tout comme les auteurs japonais que j’ai cités précédemment. Mais tout de même. C’est fou cette dichotomie bustière. Et puis regardez-moi ce port de poitrine altier et fier. C’est une annonce en soit. C’est un auteur qui explique ce qu’il aime. Qui dessine ce qu’il aime.  Et qui aime les seins refait.

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La forme de la prothèse implique une saillie caractéristique du sein final et un positionnement dans l’espace différent.  Il est notoire que le sein refait ne tombe pas de la même façon que le sein d’origine lorsque son propriétaire gît sur le dos. C’est la même idée qui me pousse à affirmer que Font aime cette chirurgie esthétique. La qualité des prothèses de l’époque ne permettait pas un camouflage parfait du sein refait, qui n’apparaissait donc pas comme naturel, trop sphérique.  Font a donc utilisé cette imagerie imparfaite qui lui plaisait pour forger son héroïne. C’est tellement rétro et rafraîchissant dans cet océan mammaire informe et dégoulinant.

Enfin, à part ça, ce volume appelé Le dôme des plaisirs est en fait le tome 2 d’une série appelée Le Prisonnier des étoiles. C’est une histoire qui conclue la série, bien que l’auteur en eu sûrement voulu autrement. Il faudra juste accepter la possibilité qu'il n'y ait pas d'issue et que derrière un effet de suspens très répandu, il ne se cache que la fatalité de la vie. On peut très bien ne pas avoir lu le premier tome et tout de même saisir l’urgence de la situation des deux protagonistes spatiaux. Au pire, je suggèrerai bien de carrément nier l’existence de ce tome et d’envisager la lecture du Dôme comme celle d’un one–shot. Ça semble fonctionner. Ça rend l’apport de certaines informations assez abrupt mais un esprit ouvert ne peinera pas trop à les assimiler.

Je ne sais pas comment ni à quel point son style a évolué aux côtés de Carlos Giménez (avec lequel il a bossé quelques années en France avant le Prisonnier des étoiles) mais Font dessine plutôt bien de bout en bout (pour preuve sa maîtrise technique de la gravité d’une poitrine modifiée). En tout cas, il est aisé de faire le rapprochement avec son confrère-compatriote.  Font est présent dans plusieurs recueils de Tex et d’Akemi. Si vous ressentez de la nostalgie à sa lecture, ça doit venir de là.

Le vocabulaire d’une époque révolu émaille bien le ballottement des deux personnages principaux. Au fur et à mesure que l’intrigue avance, on pourrait presque faire basculer le récit de science-fiction à aventure tant l’ambiance s’y prête, tant l’environnement sans incroyables fantaisies technologiques peut nous sembler convenablement actuel. Font dépeint un futur qui tombe en morceaux. Un futur qui n’a pas réussi à être rutilant et à magnifier l’humanité. Un excitant mélange d’Hombre et de Valérian.

Le prisonnier des étoiles T2, vendu  avec un certain plaisir en pile rue Serpente pour 6€.

Je suis déçu, en tapant dôme des plaisirs sur google, vous ne trouverez rien de libidinal…

Je suis déçu, en tapant dôme des plaisirs sur google, vous ne trouverez rien de libidinal…

 
Éloge des cimetières
 

Non ce n'est pas de la Bande dessinée !

Nous sommes tous des zéros satisfaits (2011) est un recueil de textes courts de l'écrivain italien Piergiorgio Bellocchio (né en 1931). Il y exprime avec esprit et humour une nostalgie combattive qu'il utilise comme instrument de lucidité. Il décortique le monde moderne à l'aune du passé et des potentialités détruites de ce passé. Il s'agit d'un ouvrage qui m'est extrêmement stimulant, mais qui ne trouverait pas sa place dans ces colonnes s'il ne contenait pas un excellent texte de 1983 sur les librairies de soldes dont je me permets de livrer aux curieux deux extraits :

"Mes rares achats, je les fais presque uniquement aux puces, dans quelque vieille librairie un peu négligente en matière de retours, ou bien chez les soldeurs.

En ces lieux comme ailleurs, 99% de la marchandise est de la cochonnerie, invendue parce qu'invendable : d'innombrables petits monuments – des pierres tombales – où la vulgarité et l'ignorance, l'insanité et l'escroquerie, qui se seraient bien contentées de faire illusion pendant une seule saison (le temps d'épuiser le tirage), sont condamnées à une embarrassante durée. Ce sont des lieux de justice où les auteurs et les éditeurs expient leur vanité, leur imprévoyance, leurs ambitions ratées."

(...)

"Il est néanmoins possible de faire dans ces cimetières quelques rencontres nettement plus agréables que celles qu'offrent les librairies, au-delà de leur avantage économique. Il s'agit de livres dont on ne m'inflige pas la publicité dans les journaux, dont je n'entends pas parler à la télévision, et dont je n'ai pas à lire les honteux éloges écrits par des critiques qui font semblant d'en rendre compte."

Le reste est également délectable, même lorsqu'il aborde des sujets qui me sont moins familiers.

Nous sommes tous des zéros satisfaits de Piergiorgio Bellocchio, éditions de L'Encyclopédie des nuisances, Paris, 2011, 160 p. 12 €.

 
Rahaaaaaaaaaaaaaaaa !
 

Communiste... kézako ?

Ne resterait-il que Mel Gibson pour oser les héros court vêtus dans une production grand public ?

La frilosité semble avoir transi les producteurs du nouveau dessin animé Rahan qui passera sur Canal + en septembre (26 épisodes de 26 minutes)...

Dans le fort appréciable magazine gratuit Zoo (n°14), on apprend au cours d'une interview du fils Lécureux (Jean-François, actuel scénariste de Rahan et fils de Roger, le créateur de la série) que, dans le dessin animé, le fils des âges farouches "porte un pagne plus long, façon indien (...) car pour le commercialiser dans les pays anglo-saxon, un héros en slip, tout nu, ça passe pas". Ah. Bon d'accord.

Quelle audace ! Ce genre de remarque capitularde en dit long sur la fidélité à l'œuvre et à son esprit. Car non contents d'habiller Rahan, les développeurs du projet lui ont ajouté un animal de compagnie...

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Un ours transformé en korrigan par une sorcière. Le classique élément comique adjuvant du héros et sensé focaliser l'attention du jeune public (le "syndrome Jar Jar Binks") souligne clairement une dimension fantastique dans l'histoire.

C'est là que réside ce qui me froisse et me fait émettre de sombres présages. Rappelons que Roger Lécureux était communiste et que ses scénarios forment la fine fleur de la production réaliste de Vaillant et Pif. Ses héros sont toujours animés de la volonté de ne pas déléguer leur destinée. Rahan est l'ami de tous ceux qui marchent debout mais lutte farouchement contre les manipulateurs et les tyrans. Véritable matérialiste historique il vérifie chaque jour la puissance de l'inventivité humaine et l'efficacité de la raison. S'il est confronté presque à chaque épisode au pouvoir des sorciers, c'est à leur emprise psychologique qu'il s'attaque, pas à leur réelle puissance magique. En définitive son rôle est de les démasquer. Le pouvoir de ces charlatans s'avérant à chaque fois à la fin le résultat d'artifices pyrotechniques ou psychotropes : "la religion est l'opium du peuple", écrivaient Marx et Engels.

En Bourse, les actions "Xilam animation", la société développeuse du projet, ont connu une chute vertigineuse depuis janvier. Des esprits superstitieux pourraient déceler dans cette courbe descendante une manifestation de la colère de Roger le père, depuis le "Royaume des ombres".

Le peu d'images qui filtrent du produit laissent envisager un honnête développement du style Vatine, comme vous pouvez le constater sur le site de la société de production Xilam et ici en  plus grand. 

L'image reproduite en début d'article est propriété de la société Xilam (www.xilam.com)

 
La bibliothèque : meuble ou monument ?
 

Tempête sur les étagères

Dans la colonne de gauche de ce blog il y a un intitulé dans les "catégories" qui me dérange de plus en plus. "La bibliothèque idéale". Le principe est séduisant. Choisir les meilleurs  livres comme on choisit les meilleurs matériaux pour se bâtir soi-même une maison. Réfléchir posément, soupeser, établir des critères et finalement élire. La formule est fréquemment agitée par la presse culturelle à l'aide de numéros spéciaux "les 100 meilleurs titres", dont le public semble friand (moi le premier). Or figer une liste d'œuvre pour dresser "La bibliothèque idéale" m'apparaît de plus en plus comme idiot. Ce n'est pas la subjectivité du choix qui me dérange, je ne vais pas, moi qui suis si souvent de parti-pris, faire le procès de "ceux qui osent prétendre détenir le savoir" et autres piètres sentences causées par un avis divergent qui avance masqué. Non, ce qui m'embête c'est l'aspect définitif, gravé dans le marbre. LA BIBLIOTHÈQUE IDÉALE... ça en impose. Sémantiquement, ça tape dur... Savoir, philosophie, modèle, lignes orthogonales, respect et plumeau à poussière. Je m'imagine bien, dans ma "bibliothèque idéale", marchant d'un pas empreint d'une lenteur sage, la pipe au bec, admirant d'un air satisfait les belles tranches de mes livres si idéaux, choisis avec tant de soin, selon des critères si délicats. Je la montre à mes amis, regardez comme ma bibliothèque est idéale. Vous avez vu comme mes choix sont sûrs, comme mes goûts sont de bon goût ?

Pourtant

- les goûts évoluent. Ce qui hier nous apparaissait comme  indispensable se révèle à la relecture sous une aspect moins exaltant. A certains moments de notre existence des œuvres semblent rencontrer nos propres préoccupations et  à d'autres elles n'ont plus que l'aspect rêche d'une boite vidée de ses œufs...

- il arrive que l'on fasse des découvertes. On se rend compte alors que telle qualité d'un livre prend sa source dans un livre antérieur que notre ignorance nous avait caché. L'idéal se dissout alors comme le cachet effervescent plongé en milieu liquide.

- parfois c'est le contraire, un ouvrage qui nous avait paru assommant profite d'une seconde lecture pour laisser entrevoir la subtilité de ses charmes. Ce cas de figure est moins fréquent, car on a rarement l'envie de relire ce qui nous a été pénible. Cela arrive pourtant, notamment quand l'influence d'une tierce personne se fait insistante.

Des exemples !

Il y a dix-douze ans je ne jurai que par Baudouin. Son Eloge de la poussière avait la valeur d'un manifeste. Je me prélassais à l'ombre de Passe le temps... Récemment, j'ai relu plusieurs de ces beaux albums minéraux. Ils étaient non pas vides, mais leur densité s'était faite pesante. Ils me faisaient moins d'effet, comme les disques qu'on a trop écoutés.

Les trois premiers Prométhéa m'avaient soufflé. Alan Moore m'impressionnait toujours. Quel ambitieux projet ! Quelle maîtrise ! Quels beaux rouages. A la sortie du quatrième j'ai tout relu. Quel ennui ! Quel étalage de connaissances recopiées ! Que de confiture sur un petit bout de pain... Et surtout quelle froideur, quel manque d'émotions...

Continuons sur Moore... pour aller à contresens de la pignolade généralisée. V pour Vendetta. Lu une première fois il y a plus de quinze ans, je retardais le moment de m'y replonger. L'annonce de la sortie d'un film me décida. Dans un premier temps je n'osais pas regarder ma déception dans les yeux... Ce n'était plus le même livre. De subtil il était devenu primitif.

A l'inverse, le Cycle de Cyann m'était tombé des mains au bout de quelques pages... L'année passée, je m'y remets : quel plaisir !

Bref, la bibliothèque idéale c'est une bibliothèque confite dans ses convictions inébranlables, figée dans le vernis. C'est une bibliothèque morte destinée à la décoration. C'est une stèle funéraire. La culture transformée en bibelot.

Jouons

Néanmoins une initiative récente des animateurs du site BD Gest m'a agréablement amusée... Chaque visiteur s'est vu offrir la possibilité de choisir ses 100 séries favorites et ses 100 albums favoris, tous étant regroupés sous la bannière "Indispensables". Ce mot peut toujours être discuté, mais le fait est que d'un simple clic sur un logo en forme de cœur un album sort de l'ombre. Un nouveau clic il y replonge. Un jeu amusant auquel je vous convie ! Outre le fait qu'il incarne bien l'inconstance de nos goûts il permet de passer en revue sa bibliothèque et de se livrer à de grandes considérations. Je n'ai pas fini, mais c'est excitant, comme de sortir tous ses jouets avant de ranger sa chambre.

La bibliothèque photographiée est celle de Nicolas Fouquet, au château de Vaux le Vicomte. Le dessin est de Crumb. C'est un détail de la couverture de Cornélius ou l'art de la mouscaille et du pinaillage, éditions Cornélius, Paris, 2007.

Edit mai 2012 : préparant la migration de ce blog vers notre nouveau site, j'en profite pour supprimer définitevement cette catégorie que je réprouve. Adieu la "Bibliothèque idéale".

 
Si Superman existait...
 

... il viendrait botter les fesses de notre fraichement émoulu président.

où l'on apprend sur le blog de Steph lastere (qui ne met que deux A sur trois à notre nom...le vilain) que N.S, notre illustre V.I.P à l'international, puise ses tirades les plus fulgurantes dans des bandes dessinées atlantistes (on dit aussi comic). A lire, c'est très très drole... d'ailleurs, pour ceux que ça intéresse, on en vend et c'est une très bonne lecture.

 
L'ADAPTATION est-elle vraiment une bonne chose ?
 

Mais quel est l’infâme qui a un jour déclaré : « la curiosité est unvilain défaut » ?

Par Stéphane

Sa force de persuasion devait être particulièrement développée pour réussir à enterrer si profondément cette abominable maxime dans l'âme humaine. La curiosité est l’une des qualités les plus fondamentales de l’homme, au contraire ; la source de l’ouverture. Voila pourquoi il faut débattre de l’actuelle mode de l’adaptation, emblème d’une tendance artistique profitant surtout de la fainéantise intellectuelle pour faire son beurre industriel.

En fait, je ne suis pas non plus complètement bouché sur l’exercice de l’adaptation/ transposition. En bande dessinée par exemple,  j’ai beaucoup aimé,récemment, L’Âge de Bronze chez Akileos (je mets le lien dès que ma chronique sera en ligne) et L’Homme qui s’évada chez Actes Sud (chez qui en revanché j’ai détesté Le Maître et Marguerite). C’est juste que, si l’exercice peut engager une réflexion intéressante sur des œuvres -les moderniser, les détourner, les enrichir, comme un metteur en scène peut renouveler une pièce de théâtre à travers les siècles en lui offrant de nouveaux échos- peu d’artistes s’y adonnent correctement. L’adaptation, telle qu’on l’entend désormais, est loin de manifester une telle démarche. Elle n’est le plus souvent qu’une marotte de producteurs et d’éditeurs avides de renouveler leur stock d’intrigues à peu de frais et, excuse plus contemporaine, de surfer sur une œuvre en vogue en facilitant son accès aux personnes moins ouvertes à sa forme de publication originale.

Si tu n’aimes pas lire, va voir le film. Moi, ce genre de remarque m’emmerde,surtout dans un domaine tel que celui de la bande dessinée, quand même le plus souvent méprisé à cause de l’absence de curiosité des gens. Voir le film est loin d’équivaloir à lire le livre d’origine, c’est un mensonge destiné à rassurer le spectateur dans sa fainéantise, à détruire chez lui tout désir d’effort et de développement de sa curiosité. N’importe qui peut en témoigner, dans la plupart de ces « adaptations », mêmes les rognures d’ongles des œuvres originales ont disparu dans cette lamentable supercherie de création artistique. Alors pour ce qui est de l’essence ou de l’âme.

Si l'on y réfléchit bien, l'adaptation artistique est la castration, le meurtre, de l'instinct d'adaptation de l'Homme. Darwin, s'il vivait aujourd'hui, serait sûrement encore plus inquiet que moi.

Mais voila où je voulais en venir. Prochainement, la bande dessinée, garde-manger désormais pillé par Hollywood, va aussi accélérer la petite mode de l’adaptation littéraire (voir ici pour les exemples récents, j'ai entendu le même son de cloche chez Delcourt). Pour ce media en mal de reconnaissance, c’est le remède capable de convaincre les élites réfractaires de son potentiel intellectuel. Encore un problème d’ego à nourrir. Et c’est pas la première fois, même les grands du 9emes’y sont prostitués. Je pense à Will Eisner et à sa collection nullissime de Moby Dick, Don Quichotte et consort. Des ouvrages inintéressants au possible qui ne trompent personne (chez Aaapoum, Moby Dick est invendable à 5 euros tandis qu’on arrive pas à tenir le moindre Spirità 45 euros, c’est dire). Alors, 2007, Si le record de bandes dessinées parues explose pour arriver à 4500 ou 5000 livres, vous pouvez déjà écarter de vos choix la ribambelle des adaptations qu’on va essayer de vous refourguer. Et oui, les cocos, mieux vaut lire un roman par dizaine d’année que de perdre son temps à lire une seule de ces adaptations. Si c’est pas du travail de sélection de libraire, ça, je sais pas ce que sais.

 
La bande dessinée entre au musée
 

"N'importe quel imbécile peut peindre un tableau, Mais il faut être malin pour le vendre"  dixit le satirique Samuel Butler

Par Stéphane

Je reviensd’un séjour à Cherbourg où se déroulait l’exposition La boite à dessins,rétrospective de la carrière d’André Juillard organisé par le Musée des Beaux-artsde la ville. Pourquoi parler de ça ? Simplement car, si letravail de Juillard me laisse d’une manière générale froid (quoique admiratifde sa technique), l’exposition est sublime, malgré de faibles moyens (40.000euros), et j’y ai appris plusieurs choses qui laissent à réfléchir.

1° : Une exposition comme celle-ci, ou celles d’avant dédiées à Bilal puis Schuiten,est dure à monter. Bien que la région soit à l’origine d’une telle démarche, l’Etats’investit peu, il préfère l’art contemporain.

2° :Hors une exposition autour de la bande dessinée attire quatre fois plus devisiteurs qu’une exposition de Beaux-arts traditionnelle. 10 à 12 milles visiteurs sontattendus pour celle-ci, et à chaque nouvelle tentative le score augmente.

3° : Cesexpositions sont d’autant plus intéressantes qu’elles attirent un public qui nemet d’ordinaire jamais les pieds dans un musée, et profite de l’occasion pourparcourir l’exposition permanente, découvre Chardin et Millet (autredécouverte, Cherbourg possède la seconde plus grande collection de Millet aumonde). La bande dessinée, selon ces expériences et confirmé par laconservatrice, la géniale Emilie Perrier, est le parfait appât pour initier lesplus réfractaires à la culture des beaux arts.

Bref,autant je suis contre l’introduction d’UFR bande dessinée dans les universités,lieux que je considère valable uniquement dans le cadre d’un developpement desavoir à vocation profesionnelle, autant des expositions temporaires -voirepermanentes- de bande dessinée dans le milieu des beaux arts, me semble être uneinitiative des plus enthousiasmantes.

PS: Le musée devrait très prochainement annoncer une exposition autour de Guillaume Sorel. Et il se pourrait que des tableaux d'Arnold Böcklin, comme ceux d'autres artistes à l'origine de ses inspirations, viennent enrichir le dispositif. Ce serait une première, une exposition, dans un musée d'Etat, confrontant artiste de bande dessinée et artiste de Beaux-arts.

 
Le Christ parlait dans des bulles
 

Rangez vos vieilles encyclopedies de la bande dessinée écrites par des croutons incultes. La vraie info est free et online.

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Désolé, seuls les anglophones seront totalement comblés, mais pour les autres les images valent vraiment le coup d'oeil. C'est l'histoire de la bulle, du phylactère si vous préférez, dans l'iconographie. C'est fou. D'ailleurs, n'hesitez pas à faire un tour plus général sur ce site très riche.