Antimilitarisme chromatique
Ce qui fait la particularité des X-men de Claremont (qui reprend le titre Uncanny X-men à partir du #94 d'août 1975) c'est que c'est un groupe formé d'individus disparates mais pourtant soudés. L'uniformité n'est pas leur crédo. D'ailleurs ils n'ont plus l'uniforme de la première équipe. Ils ont des costumes différents. Chaque costume affirme l'individualité de chaque membre. Les différences et les divergences s'expriment. La mise en pratique de cet idéal n'est pas toujours commode, mais au final, ils sont plus forts ainsi. Leur fonctionnement est aux antipodes du militarisme. Cyclope, qui a l'esprit le plus responsable, s'efforce d'insuffler un peu de rigueur et d'organisation, mais au final il laisse beaucoup de marges de manoeuvre aux individus. Il n'est pas un autocrate. Son autorité est consentie et non subie. D'ailleurs il est prêt à abdiquer et le fait un temps.
Les X-men sont donc plus proches d'un groupe libertaire de guerilleros romantiques que d'une unité d'action bolchévique. C'est d'ailleurs la raison de leur succès. Cet état d'esprit est indissociable du contexte hippie de l'époque, né sur l'opposition à la guerre du Vietnam.
Lorsque nous lisions leurs aventures dans Spécial Strange, les couleurs étaient le reflet du contexte. Elles étaient à l'image des papiers peints et des moquettes d'alors, toutes en orange, marron, rose fuchsia, violet chatoyant. Les flux d'énergie étaient colorés et chaleureux. Comme je l'écrivais la semaine passée, les récentes intégrales sont très bien, mais les couleurs ne sont pas celles d'origine. Désormais le blanc et le bleu dominent. L'énergie est devenue froide et électrique. Une partie de la fantaisie est nettoyée.
Je ne pense pas que ce soit un syndrome bushien, c'est juste l'état d'esprit général qui a changé, nous ne sommes plus à la même époque. Si cette atmosphère froide et métallique seyait bien aux deux films de Bryan Singer, réalisés à l'époque du tout numérique, elle paraît incongrue quand elle est plaquée sur des dessins des années soixante-dix.
Ce reformatage n'a été appliqué que sur les deux premières intégrales (1975-1976 et 1977-1978), à partir de la troisième (1979) les trames initiales ont été reprises. Elles ne donnent pas du tout le même résultat car leur intensité, au lieu d'être en partie absorbée par du papier journal mat est décuplée par le papier désormais blanc chloré et glacé. En bref c'est criard... Mais c'est tout de même mieux.
La prochaine fois je ferai un topo sur le massacre de l'Incal par le "studio Beltran", à côté duquel, les petites libertés de Marvel paraissent bien gentilles !