Publications dans 2006
De la recolorisation du patrimoine (2)
 

Antimilitarisme chromatique

Ce qui fait la particularité des X-men de Claremont (qui reprend le titre Uncanny X-men à partir du #94 d'août 1975) c'est que c'est un groupe formé d'individus disparates mais pourtant soudés. L'uniformité n'est pas leur crédo. D'ailleurs ils n'ont plus l'uniforme de la première équipe. Ils ont des costumes différents. Chaque costume affirme l'individualité de chaque membre. Les différences et les divergences s'expriment. La mise en pratique de cet idéal n'est pas toujours commode, mais au final, ils sont plus forts ainsi. Leur fonctionnement est aux antipodes du militarisme. Cyclope, qui a l'esprit le plus responsable, s'efforce d'insuffler un peu de rigueur et d'organisation, mais au final il laisse beaucoup de marges de manoeuvre aux individus. Il n'est pas un autocrate. Son autorité est consentie et non subie. D'ailleurs il est prêt à abdiquer et le fait un temps.

Les X-men sont donc plus proches d'un groupe libertaire de guerilleros romantiques que d'une unité d'action bolchévique. C'est d'ailleurs la raison de leur succès. Cet état d'esprit est indissociable du contexte hippie de l'époque, né sur l'opposition à la guerre du Vietnam.

Lorsque nous lisions leurs aventures dans Spécial Strange, les couleurs étaient le reflet du contexte. Elles étaient à l'image des papiers peints et des moquettes d'alors, toutes en orange, marron, rose fuchsia, violet chatoyant. Les flux d'énergie étaient colorés et chaleureux. Comme je l'écrivais la semaine passée, les récentes intégrales sont très bien, mais les couleurs ne sont pas celles d'origine. Désormais le blanc et le bleu dominent. L'énergie est devenue froide et électrique. Une partie de la fantaisie est nettoyée.

Je ne pense pas que ce soit un syndrome bushien, c'est juste l'état d'esprit général qui a changé, nous ne sommes plus à la même époque. Si cette atmosphère froide et métallique seyait bien aux deux films de Bryan Singer, réalisés à l'époque du tout numérique, elle paraît incongrue quand elle est plaquée sur des dessins des années soixante-dix.

Ce reformatage n'a été appliqué que sur les deux premières intégrales (1975-1976 et 1977-1978), à partir de la troisième (1979) les trames initiales ont été reprises. Elles ne donnent pas du tout le même résultat car leur intensité, au lieu d'être en partie absorbée par du papier journal mat est  décuplée par le papier  désormais blanc chloré et glacé. En bref c'est criard... Mais c'est tout de même mieux.

La prochaine fois je ferai un topo sur le massacre de l'Incal par le "studio Beltran", à côté duquel, les petites libertés de Marvel paraissent bien gentilles !

 
Aaapoum, aapoum, apoum bapoum
 

L'origine

par Vlad

Souvent j'entends hurler depuis l'autre bout de la rue des troupes plus ou moins jeunes qui clament avec une emphase réjouie le nom de notre enseigne : "Aaaaapoum Baaaaapoum !!!!!".

Ce nom que mon cher collègue Stéphane n'arrive toujours pas à prononcer correctement au bout de 5 ans, puisqu'il s'obstine à dire "Librairie ApoumPapoum bonjour" lorsqu'il décroche le téléphone, en intrigue plus d'un.

On nous demande souvent pourquoi ce nom, d'où vient-il ? Certains nous soupçonnent de l'avoir choisi pour figurer parmi les premières enseignes de l'annuaire, ce qui est faux, car jusqu'à il y a peu nous figurions dans les pages jaunes sous le nom étrange de "J Defaye diffusion", ce qui vous en conviendrez, est parfaitement hermétique.

Aujourd'hui, pour fêter la fin de l'année, je me propose de vous en dévoiler l'origine ci-après...Cette interjection ne provient pas d'une bédé en particulier comme en était persuadé un monsieur l'autre jour. Le fondateur du magasin dit parfois qu'il s'agit d'un mantra bouddhique, mais lorsqu'il est d'humeur moins taquine, il raconte que c'est son premier né qui répétait cette formule à l'infini à l'arrière de la voiture... Mettant ainsi à rude épreuve la patience de ses parents et marquant à jamais leur mémoire. Le père, notant que cette interjection représentait bien dans son machinisme répétitif, l'implacable marche d'un commerce rentable tout en respectant un certain état d'esprit bonhomme, décida qu'elle ferait un nom parfait pour un magasin.Et voilà.

Cette version des faits me semble validée par le témoignage de mon amie Ariane D. qui me confiait l'autre jour que son second né de quelques mois faisait déjà le tour du salon à quatre pattes en répétant à l'envi "apoumbapoum... apoumbapoum... apoumbapoum..."

Ce qui laisserait penser qu'il s'agit d'un cri primal enfantin transgénérationnel...

 
Bon anniversaire Stéphane
 

Les 30 ans de l'homme-clavier

Aujourd'hui mon cher collègue Stéphane a 30 ans ! Venez donc lui faire plaisir en augmentant son chiffre d'affaire quotidien et en l'aidant ainsi dans le duel impitoyable qui l'oppose à moi.

Pour une fois suivez donc ses conseils de vente farfelus et écoutez ses surprenantes théories sur l'avenir de la bande dessinée et du monde en général ! Les juristes parmi vous pourraient aussi l'aider en écoutant ses déboires à propos de sa console Wii et des ses enceintes garanties à vie.

Bon anniversaire donc, je te souhaite que les cinq prochaines soient aussi distrayantes que les cinq passées. Promis je te fais pas chier avec le rangement pendant au moins... Une semaine.

Vlad

 
Un vrai bibliophile
 
 
Thorgal 29 : la fin justifie le moyen
 

Acharnement thérapeutique

par Vlad

Le sacrifice, tome 29 de la saga familialeThorgal est présenté à grand renfort publicitaire comme la fin du cycle écrit par Van Hamme. Le doute est entretenu sur son ou ses successeurs et sur leur domaine de travail... D'autres Thorgal... ou un cycle consacré à son fils, Jolan ? Le dessinateur Rosinski, après avoir fait mine de vouloir arrêter, se déclare prêt à continuer, à condition que se soit en couleurs directes. La couleur directe est d'ailleurs le principal argument de vente de cet album. Sur un forum bédéïque que je fréquente, nombreux sont les lecteurs qui s'extasient devant la performance du dessinateur-peintre. Certes les harmonies chromatiques sont plus pêchues que par le passé, mais ce virage technique est surtout une astuce de la part d'un vieux routard pour masquer sa difficulté croissante à pousser ses crayonnés et à assurer un encrage aussi prestigieux que par le passé (tares bien visibles sur le précédent épisode, le pathétique Kriss de Valnor). Ce que ne parviennent pas à farder ces touches de peinture, c'est l'incapacité — qui relève de la répulsion inconsciente— de Rosinski à retrouver les traits de son héros. Thorgal change ainsi de tête à chaque page, pour finir totalement méconnaissable et difforme sur l'ultime case, maladresse qui achève de saborder l'émotion souhaitée .

Les incohérences scénaristiques, elles, sont tellement omniprésentes qu'on se demande si elles ne font pas partie d'un exercice de style nihiliste, et le recours quasi-systématique au deus ex machina comme moteur de progression de l'action est  diablement lassant.

Merci messieurs, il était temps d'arrêter ! On pourrait même être satisfait de cet épisode en considérant qu'il vaut mieux que les deux précédents, s'il n'y avait les deux cases rédhibitoires que je vous laisse découvrir dans la suite...

Messieurs Rosinski et Van hamme, comment des auteurs peuvent fairevivre une situation aussi ridicule à un personnage qu'ils ont créé etqui les a accompagnés pendant 29 tendres années ?

Que nos amis qui n'ont pas encore lu cet épisode se rassurent, notre pataud héros n'aura bien sûr aucune bosse et conservera la totalité de ses dix doigts malgré ses expériences hasardeuses avec son épée. Au passage, ce serait pas mal de la faire correctement aiguiser... Mais il est vrai que les bons artisans se font rares.