Publications dans Septembre 2006
Comment les éditeurs et les marchands de cartons nous ont niqués
 

Je suis nul en maths mais j'ai la rage

par Vlad

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Relisant hier deux albums que j'aime, mon cerveau a commencé à bouillir quand je les ai retournés et que j'ai regardé les "vieilles" étiquettes des prix. Il faut dire que ces albums sont très bons. En plus ils sont édités par la même maison, sont parus à un an d'intervalle et en plus ils ont les mêmes auteurs, ils vont donc être parfaits pour servir d'exemple étalon dans ma démonstration.

Il s'agit du diptyque de Pourquié et Pécherot formé par Des méduses plein la tête (un des meilleurs albums de tous les temps) et son remake Ciao Pékin. Je vous recommande au passage ces deux bijoux, ce qui n'est pas le cas de la troisième collaboration des deux auteurs, Vague à lame, tellement ratée qu'on dirait du Chauzy-Jonquet.

Des méduses plein la tête est sorti en février 2000 et valait 59 francs. Ciao Pékin est sorti en mai 2001 et valait 88 francs. Déjà vous voyez où je veux en venir... Attendez,  je développe dans la suite : c'est après que ça devient meilleur...

De 59 à 88 francs, ça fait si je ne me trompe pas trop une augmentation de... 29 francs, soit 49% en plus. C'est notable tout de même... A ce stade, le commercial de chez Casterman intervient et dit "Haha, certes, mais l'album est beaucoup plus grand, c'est plus beau, luxe, confort de lecture, volupté et patati...". Alors là, a priori, moi je m'écrase : effectivement, les Méduses font 22,6 X 30,2 X 0,7 cm, tandis que Ciao fait 24,1 X 32 X 1 cm (plus épais, 2 cm de plus en largeur et 2,5 en hauteur), soit une augmentation de surface de premier plat de 13,24% et une augmentation de volume de 61%. Je suis impressionné.

Sauf que... C'est bien beau luxe confort et volupté, mais à l'intérieur, la surface imprimée des planches, une fois retirées les marges, est quasiment la même dans Ciao que dans Méduses... PIRE : malgré l'augmentation de la taille de l'album, la surface imprimée est plus petite dans le grand format : une planche de Méduses fait 9,2 cm sur 26,1, tandis que celles de Ciao font seulement 9 cm sur 26 !

Je ne peux m'arrêter en si bon chemin : IL EST IMPORTANT D'APPRENDRE QUE CIAO COMPREND 8 PLANCHES DE MOINS QUE MEDUSES (56 contre 64, et oui, plus épais de 3 mm, mais moins de pages, vive le carton !).

Une page de Méduses coûtait donc 92 centimes de francs, tandis qu'une page de Ciao revenait à 157 centimes. Sous ce rapport, c'est donc une augmentation de 70,65% dont ont été valorisés des produits similaires. Oui je sais, ça fait mal. Et je ne parle pas des augmentations consécutives au passage à l'euro.

Sans compter qu'une augmentation du volume de 61%, c'est très utile dans une période où l'immobilier a connu lui même une augmentation délirante (86,4% en moyenne entre 1998 et 2004 pour les logements anciens, 67,1% si on tient compte de l'inflation (chiffres INSEE, juillet 2005))...

Conclusion : les bédés sont beaucoup plus chères et prennent beaucoup plus de places qu'avant dans un rapport sensiblement égal, entre 60 et 70 %... C'est fascinant.

Seconde conclusion : je vous invite à réaliser quelques économies dans nos rayons à 5 et 7 euros...

PS : il est possible que des erreurs de calculs se soit produites, c'est plausible avec moi... Les matheux sont invités à nous les signaler.

 
Belle Collection de couvertures
 

C'était le bon temps

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Très chers clients, amoureux comme nous de cet âge fantastique de la bande dessinée américaine, voici de quoi vous rincer l'oeil en attendant de mieux vous ruiner en magazines dans notre honorable établissement. Devant la difficulté croissante à nous approvisionner en EERIE,CREEPY et VAMPIRELLA - y en a plus nul part, il est fort probable que votre collection ne s'enrichisse plus aussi vite que par le passé ; alors voici de quoi patienter.

Ci contre, un petit avant-goût que j’ai spécialement choisi pour Vlad, particulièrement fasciné, en ce moment, par Jeff Jones (Ici Jones est accompagné sur ce superbe dessin par Vaughn Bode).

 
Goldorak est mon ange gardien.
 

Sans lui je serai autre chose, c’est sûr

Par Stéphane

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1 : Comme pour deux garçons sur trois de ma génération, il fut le héros et le  jouet ultime. J’en eu deux versions. Le classique avec la soucoupe en plastique qui tire des missiles gamma et des planitrons, et une peluche, bien plus grande que moi, remplie de fourrage. La paille, c’était pour moi «de l’intérieur de Goldorak». Je devais découvrir ce que la paille était réellement quelques années plus tard, et comprenais ainsi pourquoi cette conne de peluche ne tenait jamais debout malgrè sa rigidité apparente.

2. Des rares miracles intellectuels dont ma mère peut s’enorgueillir lorsque elle parle de son fils (car il faut reconnaître que par la suite ce sacripant eu une scolarité plutôt sans éclats positif, si vous voyez ce que je veux dire), c’est que j’appris à lire seul (les mots et l’heure), entre quatre et cinq ans, à l’aide du programme télé et de nombreuses questions. A cette époque ma mère ne veut pas que je regarde la télé, et préfère que je m’épanouisse dehors. Hors, le mercredi, 14H35, après Watoo Watoo, impossible pour moi de manquer ce rendez-vous. Comme elle ne peut rien m’interdire sinon je fais des comédies atroces, elle me ment. « Retourne jouer, ce n’est pas encore l’heure. Ce n’est pas encore l’heure. Ce n’est pas encore l’heure. Ce n’est pas l’heure…. Bah alors, où tu étais, je t’ai cherché partout dans la cour mais tu étais nulle part. C’est fini Goldorak ». Vous pouvez vous dire que je ne me suis pas laissé faire longtemps.

3. Le premier dessin, celui que j’ai vu ou du moins compris comme tel. Dans les poubelles de l’immeuble, un superbe Goldorak en crayon à papier, sur une feuille à grands carreaux, les deux poings tendus, s’éjectant de sa soucoupe, avec des vaisseaux ennemis en arrière plan. Magnifique. Ma mère ne voulait pas que je le garde, mais elle céda. Aujourd’hui je le revois, assez nettement, et comprends qu’il ne devait être que le décalque d'un enfant plus vieux que moi. Mais à l’époque, c’est de l’art, qui me permit de saisir le concept de réalisme. Fini les boules et les traits que je griffonnais partout, je commençais à scruter le monde avec attention, et vouloir le reproduire dans le détail.

4. Quelques années plus tard, je décalque beaucoup, sauf Goldorak, dont je n’ai aucune représentation en deux dimensions. Il est le premier personnage que j’apprends à dessiner depuis un objet en volume –mon jouet bien sûr. J’ai beaucoup progressé grâce à lui.

 5. Aujourd’hui, je ne dessine plus, ou très mal. Je sais, je sens, un blocage. Pfiouuu. Chaque fois que je passe devant mon Goldorak en plastique, unique jouet que je possède encore, offert par François de DBD à un anniversaire, je me dis que je vais réapprendre grâce à lui. Un jour je vais le mettre sur ma table base, prendre une feuille, et le redessiner comme je le fis des dizaines de fois.

 
Béatitude crispante 2
 

Mieux que les photos, la vidéo du crime

Par Stéphane et Ronald, assistant réalisateur engagé de force.

En attendant plus d’informations –je vois une attaché de presse des éditions Casterman mardi matin pour parler de ces Corto Maltese version poche- voici une petite vidéo maison, subversive et amateur, qui dévoile quelques-unes des honteuses modifications de ces petits formats.

 
Béatitude crispante.
 

Rogne deux centimètres du cadre d’un des plus obscurs nanars du cinémaet tu récoltes toutes les ligues de défense au cul. Remonte totalement l’un deschefs d’œuvre de la bande dessinée et personne ne dira rien.

Par Stéphane

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Voila le dilemme. Depuis troismois, Corto Maltese s’est vu offrir uneédition de poche pas chère, et tout le monde –entendez les journalistes bd, lesspécialistes- crie au miracle. Sauf que personne ne dit que les livres sont,mais alors très différents de leur version en grand format. Deux solutions :

Soit 1- Personne ne l’a remarqué,ce qui semble le plus probable vu la tonne de mails interloqués que j’ai reçu dela part des quelques journalistes BD –vous l’ai-je dis des grands spécialistes,et engagés en plus- en réponse à mes questions internet sur ce sujet.

Soit 2 – Soit c’est une vieilleversion fumetti acceptée par Pratt lui-même de son vivant, à l’époque où il estprobable qu’il fut distribué en Kiosque. Et ces spécialistes le savent, mais ne disent rien.

Moi je suis trop jeune, et je ne lesais pas. Mais j’ai comme qui dirait de gros doutes. Depuis trois mois, traîneune critique très en colère contre cette initiative, je ne la publie pasdans l’attente de savoir si c’est un remontage moderne tel qu’il s’estodieusement pratiqué à l’époque de la collection J’ai lu en BD (appartenant augroupe Flammarion où crèche les éditions Casterman d’ailleurs).  Je mets desscans qui distingent les deux versions dans la journée, repassez donc.

Une bande dessinée d’une valeur de 15 euros au choix est offerte àcelui qui peut m’apporter la réponse. Puisque les professionnels nerépondent pas, faisons appel aux fans.

 
La bande dessinée entre au musée
 

"N'importe quel imbécile peut peindre un tableau, Mais il faut être malin pour le vendre"  dixit le satirique Samuel Butler

Par Stéphane

Je reviensd’un séjour à Cherbourg où se déroulait l’exposition La boite à dessins,rétrospective de la carrière d’André Juillard organisé par le Musée des Beaux-artsde la ville. Pourquoi parler de ça ? Simplement car, si letravail de Juillard me laisse d’une manière générale froid (quoique admiratifde sa technique), l’exposition est sublime, malgré de faibles moyens (40.000euros), et j’y ai appris plusieurs choses qui laissent à réfléchir.

1° : Une exposition comme celle-ci, ou celles d’avant dédiées à Bilal puis Schuiten,est dure à monter. Bien que la région soit à l’origine d’une telle démarche, l’Etats’investit peu, il préfère l’art contemporain.

2° :Hors une exposition autour de la bande dessinée attire quatre fois plus devisiteurs qu’une exposition de Beaux-arts traditionnelle. 10 à 12 milles visiteurs sontattendus pour celle-ci, et à chaque nouvelle tentative le score augmente.

3° : Cesexpositions sont d’autant plus intéressantes qu’elles attirent un public qui nemet d’ordinaire jamais les pieds dans un musée, et profite de l’occasion pourparcourir l’exposition permanente, découvre Chardin et Millet (autredécouverte, Cherbourg possède la seconde plus grande collection de Millet aumonde). La bande dessinée, selon ces expériences et confirmé par laconservatrice, la géniale Emilie Perrier, est le parfait appât pour initier lesplus réfractaires à la culture des beaux arts.

Bref,autant je suis contre l’introduction d’UFR bande dessinée dans les universités,lieux que je considère valable uniquement dans le cadre d’un developpement desavoir à vocation profesionnelle, autant des expositions temporaires -voirepermanentes- de bande dessinée dans le milieu des beaux arts, me semble être uneinitiative des plus enthousiasmantes.

PS: Le musée devrait très prochainement annoncer une exposition autour de Guillaume Sorel. Et il se pourrait que des tableaux d'Arnold Böcklin, comme ceux d'autres artistes à l'origine de ses inspirations, viennent enrichir le dispositif. Ce serait une première, une exposition, dans un musée d'Etat, confrontant artiste de bande dessinée et artiste de Beaux-arts.

 
Partielle baisse des prix chez Aaapoum…
 

 Notre rayon de belles occasions (des albums plutôt récents, plutôt en très bon état et plutôt de grand format) a subi des petites modifications... Il a été partagé en deux :

1) La plus grosse partie (environ 400 titres) est désormais vendue à 7 € par exemplaire (au lieu de 8 €, soit une baisse de 12,5 %), les 3 pour 20 € et les 8 pour 50 €, ce qui fait l’album grand format à 6,25 €, ce qui s’impose comme parfaitement alléchant en cette période de régression du pouvoir d’achat, alors que le prix courant d’un album neuf fleurte désormais avec les 13 €...

2) La seconde partie, une cinquantaine de titres moins fréquents, ou très populaires ou d’un prix d’origine plus élevé, a rejoint notre rayon d’albums à 10 € (les 6 pour 50 €), ce qui reste tout de même très intéressant.

Et non, il n’y a pas de carte de fidélité chez Aaapoum Bapoum.

 
Un taxi nommé Nadir, Gilles Tévessin & Romain Multier
 

Lescanons ont la vie dure ; la bande dessinée ne fait pas exception.

Par Stéphane

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Je me souviens, il y a quelques années, dans l’immense sous sol de la librairie Album du 84 boulevard St Germain, je cherchais une bonne heure et demi durant de l’iconographie sur Paris en bande dessinée à la demande d’Antoine de Caunes,tout droit sorti d’un film où il montrait ses jolies fesses et en pleine préparation de son premier long métrage à la réalisation. Un besoin de documentation jamais assouvi, l’homme connaissant déjà et sur le bout des doigts le moindre des dessins publiés par Tardi.

À l’époque, je m’étais dit qu’il y a vraiment peu de bandes dessinées prenant la capitale pour cadre, et m’étais trouvé un peu vexé de n’avoir réussi à exhiber mon savoir devant cette célébrité. Hors depuis, je n’ai jamais découvert de vision originale, novatrice ou intéressante de Paris, elles n’existaient donc pas, ou étaient bien cachées.

C’est donc avec un bonheur indicible que j’ai vu débarquer, pour la première fois,une démarche artistique en rupture avec les vingt-cinq ans de cette domination esthétique du maître Tardi ; le pire étant les répétitions vulgaires à l’infini, réalisées le plus souvent par des tacherons de première. Après le splendide Roi cassé de Nicolas Dumontheuil, qui renouvelait en début d’année dernière l’imaginaire et les courbes des tranchées de la première guerre mondiale (un autre de ses terrains de domination), voici Un taxi nommée Nadir, de Gilles Tévessin et Romain Multier, édité par mon vieux pote T.G, qui repeint Paris aux couleurs de ce nouveau siècle.

Enfin fini ce noir et blanc des clichés désuets d’une capitale du passé, trop souvent sous-entendue comme à son meilleur - le détestable Amélie Poulain en tête. Là est le grand mérite de cette bande dessinée, évider enfin l’imagerie anachronique et franchouillarde de ville musée, incapable de ce renouveler dans son architecture et dans son imaginaire,les pieds pris dans le béton pavé du vingtième siècle.

En plus d’apporter un peu de neuf esthétique, les deux auteurs dégomment la déjà canonique et pompeuse forme du reportage en bande dessinée initiée par JoeSacco. Ce dernier certes y excellait, mais là encore il faut voir ce que ces suiveurs ont produit comme déchets. Tévessin et Multier montrent que le documentaire a une histoire, de nombreux modèles à adapter.

Proche des portraits de professions réalisés par Alain Cavalier (à la tendresse sublime et récemment réédités chez Arte au passage, mon préféré «la dame lavabo»), leur promenade parisienne en compagnie d’un chauffeur de taxi, as de la conduite et guide de la nuit, ne cherche que la fluidité du récit et des décors, provoque la proximité par l’abondance de variations narratives et d’effets qui se veulent discrets.

Novateur à tellement d’égard au point de renouveler dans sa chair la bande dessinée, astucieux dans le détails de la voix et du trait tant et si bien que plusieurs lectures sont nécessaires,joyeux comme un drille et humaniste comme pas deux, ce livre est assurément l’un des plus grands moments éditorial de l’année 2006.

 
L'édification de la jeunesse
 

L'éveil d'une conscience

par Vlad

En 1984, quand l'album n°14 de Gaston (La saga des gaffes) paru, j'avais 9 ans. Sur la moitié de page inférieure qui suivait le dernier gag s'étalait une publicité pour l'Unicef au profit de laquelle les éditions Dupuis avaient édité un tirage de tête. Le caractère exceptionnel de ce type d'intervention au sein d'une bédé cartonnée, décuplait  son impact. De plus il y avait deux dessins de Franquin qui encadraient le texte.

Celui de droite représentait un enfant pauvre portant  de l'eau, et celui de gauche (reproduit ci-contre) montrait Gaston ouvrant un robinet pour remplir une casserole. Et bien cette image et les propos concernés de Gaston surgissent en moi à chaque fois que je tourne un robinet d'une main en tenant une caresserole de l'autre ! A chaque fois et ce depuis donc 24 ans ! Et seulement avec les casseroles... avec les bouteilles, les verres et les seaux rien ne se passe.

C'est fou l'impact de certaines images. Je suis plutôt économe avec l'eau, et ça vient partiellement de cette lecture !