Publications dans Septembre 2011
Éloge des cimetières
 

Non ce n'est pas de la Bande dessinée !

Nous sommes tous des zéros satisfaits (2011) est un recueil de textes courts de l'écrivain italien Piergiorgio Bellocchio (né en 1931). Il y exprime avec esprit et humour une nostalgie combattive qu'il utilise comme instrument de lucidité. Il décortique le monde moderne à l'aune du passé et des potentialités détruites de ce passé. Il s'agit d'un ouvrage qui m'est extrêmement stimulant, mais qui ne trouverait pas sa place dans ces colonnes s'il ne contenait pas un excellent texte de 1983 sur les librairies de soldes dont je me permets de livrer aux curieux deux extraits :

"Mes rares achats, je les fais presque uniquement aux puces, dans quelque vieille librairie un peu négligente en matière de retours, ou bien chez les soldeurs.

En ces lieux comme ailleurs, 99% de la marchandise est de la cochonnerie, invendue parce qu'invendable : d'innombrables petits monuments – des pierres tombales – où la vulgarité et l'ignorance, l'insanité et l'escroquerie, qui se seraient bien contentées de faire illusion pendant une seule saison (le temps d'épuiser le tirage), sont condamnées à une embarrassante durée. Ce sont des lieux de justice où les auteurs et les éditeurs expient leur vanité, leur imprévoyance, leurs ambitions ratées."

(...)

"Il est néanmoins possible de faire dans ces cimetières quelques rencontres nettement plus agréables que celles qu'offrent les librairies, au-delà de leur avantage économique. Il s'agit de livres dont on ne m'inflige pas la publicité dans les journaux, dont je n'entends pas parler à la télévision, et dont je n'ai pas à lire les honteux éloges écrits par des critiques qui font semblant d'en rendre compte."

Le reste est également délectable, même lorsqu'il aborde des sujets qui me sont moins familiers.

Nous sommes tous des zéros satisfaits de Piergiorgio Bellocchio, éditions de L'Encyclopédie des nuisances, Paris, 2011, 160 p. 12 €.

 
Avengers Academy
 

Du bon divertissement Marvel

Le Marvel Heroes n°7 (nouvelle numérotation) sorti il y a un mois est agréable pour deux raisons. La première c'est qu'on nous a débarrassés, (contrairement à ce qu'on pourrait penser en voyant la couverture) de la pénible série consacrée au Hulk Rouge, personnage pitoyable aux origines grotesques et aux aventures consternantes. La seconde c'est que nous avons droit à une double dose d'Avengers Academy. Cette série récente, mettant en scène des personnages authentiquement neufs est de loin la meilleure de la revue et mérite à elle seule l'achat de ce titre en attendant une peu vraisemblable publication en recueil.

Une poignée d'adolescents à super-pouvoirs avait été prise en main par Norman Osborn au temps où ce dernier était le chef du monde (c'était le Dark Reign). Forcément Norman œuvrait pour faire de ces jeunes à problèmes de véritables super-vilains. Depuis, les bons ont repris le dessus (C'est l'Heroic Age) et ils se sont demandé ce qu'ils allaient faire de cette bande de jeunes pas forcément foutus... Naît alors la "Avengers Academy", créée pour canaliser, sous la férule de Hank Pym, le potentiel de ce groupe dans la bonne direction et tâcher d'en faire une éventuelle relève pour quand les Vengeurs seront trop vieux (ha ha !).

La principale tâche des bons scénaristes qui reprirent l'œuvre de Stan Lee fut d'insuffler un peu de nuance dans des personnages un peu bruts de décoffrage et pas toujours très subtils. Claremont s'en sortit bien en créant la seconde équipe des X-men qui mêlait nouveaux et anciens personnages. Miller fit des merveilles avec Daredevil. Plus récemment, des gens comme Morrison, Bendis ou Millar surent troubler le monolithisme de certains héros. Dans le cas de Avengers Academy, Christos Gage donne dès le départ une personnalité riche et ambiguë à une poignée de personnages nouvellement créés, avec lesquels il jouit d'une certaine liberté. Le résultat est brillant et fluide... Pas besoin pour lui de se compliquer la vie à essayer de rétro-insérer des traumatismes dans le passé de persos ultra-connus pour tenter d'en épaissir le vécu, processus parfois grippé par des manipulations couinantes qui laissent le vraisemblable sur le bas-côté.

Le résultat est une série qui se lit avec grand plaisir, aux dialogues impeccables, à l'humour rendant supportables les souffrances intimes d'adolescents perturbés au destin compliqué et subissant d'énormes pressions tout en tentant de devenir adultes. Gage met bien en relief les enjeux d'un suspense qui repose sur la fragilité mentale de personnages trop influençables car manquant de repères et d'expérience. Ici les principaux combats sont intérieurs.

Après un épisode 4 à la conclusion décevante car trop brusque et peu crédible, la série repart en beauté dans ce numéro de Marvel Heroes. L'épisode 5 nous montre "Foudre", un personnage qui semble n'être motivé que par le désir d'être célèbre, tandis que l'épisode 6 se concentre sur "Reptil" le nouveau chef de classe, en pleine crise de confiance en lui, qui tremble de voir son rêve d'héroïsme gâché par les ambivalences de la réalité.

 
EXPOSITION HITTINGER
 

CHRISTOPHER HITTINGER : 1 Sept -02 Oct

Chez Aaapoum Bapoum, on ne vend pas de neuf, ou presque. Vous trouverez l'intégralité du catalogue Cornelius, quelques livres du Lezard noir, de Vertige graphic, IMHO et de Hoochie Coochie. Hoochie Coochie, mais c'est qui eux?

Eux, ne tortillons pas des fesses, forment le groupe d'auteurs émergents le plus intéressant du moment. Et parmi eux, toujours, se trouve Christopher Hittinger, un auteur qu'on aime particulièrement et que Stéphane avait défendu très tôt pour son livre Les Déserteurs.

Aujourd'hui, ce même Christopher Hittinger publie un port-folio, vraiment beau: Les Géants, véritables figures fantasmés tirées des mythologies les plus diverses. On pense à Swift mais aussi à l'univers poétique de Shadow of colossus. Ces êtres hors-normes mal adaptés évoluent pourtant avec grâce dans notre univers.

Pour marquer l'évènement, l'intégralité des planches est exposée jusqu'au 02 octobre dans notre échoppe de la rue Serpente. Nous ne faisons pas de vernissage! Par contre, on fêtera dignement le décrochage, le 30 septembre, avec une séance de dédicace et notre traditionnel apéritif festif. En attendant, venez contempler et peut-être acheter l'un des impressionants dessins originaux de Christopher. Voici quelques photos piquées sur son blog pour vous mettre l'eau à la bouche.

Pour voir son blog, rendez-vous ici