De quoi se détourner dix minutes du travail en ce lundi difficile.
Petites errances sur la toile et autres lectures inutiles
Par Stéphane
Je ne sais pas pour vous, mais le brouillard pesant de ce matin ne me motive pas trop. Et comme Vlad est parti en vacances pendant dix jours, il ne m'en faut pas plus pour me lever en me disant "oulala, aujourd'hui, je vais y aller molo" (N'en croyez rien patron, c'est de la blague! Juste un peu de stratégie marketing pour séduire le chaland) .Alors, si vous êtes dans ma situation, voila de quoi prendre du plaisir occulaire pendant au moins cinq à dix minutes. C'est un petit concours d'incrustation de personnages de dessins animés dans des toiles de grands maîtres. Vous verrez, le résultat est vraiment amusant. Quant aux anglophones qui s’intéressent au manga, voila un très bon article de C.N.N, daté d'hier, sur la place du manga dans la stategie culturelle japonaise à l'internationale. Toujours sur l'esthétique manga au Japon, le dernier Nicolas de Crecy, Le Journal d'un fantôme aux éditions Futuropolis, est un peu chiant mais très beau et parfois intéressant. Je vous met dans la suite l'ébauche de critique que j'en ai faite, et qui finira peut être dans la section bande dessinée de Chronicart si j'arrive à la terminer (simplifier diraient mes amis).
Journal d'un fantôme, Nicolas de Crecy, Futuropolis.
Longtemps, la bande dessinéeest restée une jeune pousse ignorée sur la branche esthétique del’arbre de la philosophie. Or l’ère de l’innocence est révolue.Depuis l’émergence récente de jeunes réformistes – auxquels lescritiques français en mal de référence n’ont su trouver d’autrepseudonyme que celui de « nouvelle vague »-, les idées fusent etse déchirent autour d’une conception artistique de la bande dessinée.Le beau, le sublime et tout le tralala deviennent monnaiecourante dans les interviews d’auteur, tandis que les disputes entredéfenseurs de la technique et chercheurs d’une essence suprême fontrage. A travers le Journal d’un fantôme, récit de voyagefictif et grotesque d’une étrange créature à l’autre bout dumonde, Nicolas de Crecy intervient en personne pour argumenter sa vision.
Un être fait de dessinpart en stage au Japon, pays gavé de logo et d’icônes, dans le butd’en apprendre un peu plus sur l’utilité de l’esthétique. Lebut : se forger une forme. Drivé par son manager, si le petit êtreapprend bien les rudiments de l’épure, de la clarté et de l’efficacité,il sera alors capable, à son retour en France, de postuler à un emploid’icône publicitaire. Peut-être même un rôle suprême de mascottepour les futurs jeux Olympiques. Le rêve. Par malheur, son inclinaisonnaturelle pour une ligne fragile, et la fâcheuse tendance à se formeret se déformer en fonction de ses humeurs, compliquent l’apprentissage.Le challenge n’est pas gagné, d’autant plus qu’il croise un Nicolasde Crecy au discours particulièrement perturbant dans son avion deretour.
Si ce résumé ne manquerapas de rappeler le Bibendum céleste, du point de vue strictementidéologique, on retiendra de l’argumentaire de N.D.C. qu’il ressassebeaucoup, s’appuyant sans les nommer sur des concepts philosophiquestoujours pertinents mais un peu poussiéreux1. Heureusement,sa capacité à mettre en pratique ces théories fait très vite oublierle soliloque. Le lecteur affûté aura d’ailleurs compris que cetteaventure (de fiction) et son discours ne sont pas le vrai journaldu titre. Il faut gratter, l’intérêt est derrière, dans lescroquis d’après nature rassemblés par N.D.C. durant ces voyages(autobiographie) pour alimenter le récit. Très drôle, ce renversementdes rôles, où l’image prime et le texte devient son illustration.
Alors, si les nombreuxchangements d’outils et variations de trait servent toujours la miseen scène, ils consignent surtout les mouvements d’humeur d’un dessinateuren voyage. Le romanesque cache sous sa croûte la cartographie émotionnelle,de l’émerveillement à la solitude dépressive –là est le vraisujet. Voilà donc la belle subtilité de cet album : Il y a deux journaux.Un fictif et grotesque, un vrai, dont celui d’un fantôme ; qui est-il? Le héros informe du récit en a bien l’apparence, tandis que lediscours veut convaincre qu’il s’agit du dessin, en tant qu’idéephilosophique. Peu convaincant, pour le lecteur, le si touchant fantômede ce récit restera la présence immanente et invisible qui anime lemonde : l’auteur. Alors, très cher Nicolas, montrez nous donc encorequi vous êtes et ce que vous avez vu.