L'Eternaute de Solano López et Oesterheld

 

Un monument de la Science-fiction

Scandale : un gros morceau du patrimoine mondial de la BD a atterri dans nos échoppes pendant que j'étais en vacances et il n'y en a eu aucune mention en ces pages !

Depuis plus d'une semaine vous pouvez acheter chez nous (et ailleurs) la plus célèbre des bandes dessinées argentines !!! 51 ans après son achèvement ce monument de la science-fiction a enfin été traduit en français[*].

Et ceci grâce aux éditions Vertige Graphic ! Aaapoum Bapoum ne pouvait passer à côté d'un tel événement.

Nous avons toujours été friands de la bande dessinée du Rio de la Plata, et que ce soit par hasard ou par choix délibéré, nous avons toujours réussi à en fournir à nos clients. C'est donc avec grand plaisir que nous vous incitons à découvrir cette "nouveauté".

L'histoire :

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Imagine que tu es en train de passer une soirée tranquille avec des amis... Tu joues aux cartes en buvant un verre, bien au chaud. C'est une longue soirée d'hiver idéale, les rumeurs belliqueuses du monde et les catastrophes écologiques sont bien étouffées par le confort de ton pavillon et par la solidité de tes fenêtres... Mais voilà que l'obscurité se fait... Une panne électrique ? Dehors une étrange neige s'est mise a tomber dans un silence inquiétant... Une neige phosphorescente... Vous vous approchez de la fenêtre pour constater que la vie s'est arrêtée... Les voitures sont stoppées... les passants gisent sur les trottoirs.

Comme toi et tes potes vous êtes loin d'être cons et plutôt scientifiques, vous faites vite le lien entre ces morts et la neige mystérieuse.

L'histoire commence donc comme un survival en lieu clos. Comment survivre dans un environnement hostile post-apocalyptique ? Comme Oesterheld le fera dire à ses personnages, c'est une variation sur le mythe de Robinson. Le pavillon de banlieue, refuge au milieu d'un océan de mort. Les héros se rendent pourtant vite compte qu'ils ne sont pas les seuls survivants, mais dans ce monde de pénurie, l'entraide semble avoir disparu et la menace extérieure évoque fortement une thématique sur laquelle le cinéaste John Carpenter brodera de nombreuses variations.

Le pire étant à venir : la neige mortelle n'était que la première étape de... l'invasion d'une invincible armada extraterrestre. La suite (extrêmement inventive) de l'histoire ravira les amateurs de récits de guerre désespérés où la dimension tactique est centrale.

Le contexte :

Les près de 350 pages de la saga de El Eternauta furent publiées pendant deux ans (1957-1959) dans la revue hebdomadaire argentine Hora Cero suplemento semanal. Cette revue de 16 pages imprimée en noir et blanc (sauf la couverture en trichromie) était de format à l'italienne. 

L'Éternaute en fut la série la plus populaire, depuis le n°1 (mercredi 4 septembre 1957) jusqu'au n°106. La revue ne survivra pas plus de 10 numéros après la fin de la saga. Néanmoins pendant 2 ans les Argentins se passionnèrent pour les mésaventures des survivants et leur combat contre l'envahisseur. On peut facilement imaginer qu'à cette époque où la télévision était un luxe, cette revue bon marché et de qualité régnait sur les rêveries des lecteurs, attendant impatiemment la suite... Ce feuilleton apocalyptique avait le bon goût de se dérouler dans un contexte famillier (les rues mêmes de Buenos Aires) et d'être en écho avec les angoisses de son époque.

Et "le Breccia" alors ?

Cette série eut un tel succès que Hector Oesterheld ne résista pas à la tentation d'en scénariser lui-même le remake dix ans après pour la revue Gente.

Cette fois-ci c'est son compère Alberto Breccia qui se charge de la partie graphique. La situation de l'Argentine ne s'étant guère améliorée, la junte toujours au pouvoir et les tensions s'exacerbant, Oesterheld semble se radicaliser en même temps que le mouvement social et ce nouvel Éternaute s'en ressent. Le graphisme fantasmagorique et suggestif de Breccia s'y déploie magnifiquement et exacerbe les tonalités résolument plus sombres et pessimistes du scénario.

Nous reviendrons sans doute dans une note ultérieure sur les différences entre les deux œuvres, ainsi que sur les nombreuses suites et variations que la saga engendra. La "version Breccia" fut éditée en france par les Humanos en 1993... épuisée depuis longtemps, on la trouve encore chez... Aaapoum Bapoum !

L'objet :

Mais revenons à la nouveauté, le Solano López. Les éditions Vertige Graphic ont fait un long travail de recherche pour nous présenter une édition réalisée d'après les planches originales. Si une vingtaine d'originaux sont demeurés introuvables, la plupart des pages de la présente édition offrent une bel écrin au dessin précis de Francisco Solano López. Vertige Graphic publiera en trois volumes l'intégralité de L'Éternaute.

Le deuxième devant paraître en mars. En attendant, les 128 pages du premier tome sont fort denses et devraient vous tenir un moment en haleine. 20 €.

[*] Étant un ignare qui cherche à se soigner, je découvre après avoir écrit cette note que L'Éternaute semble déjà avoir été publié en France dans le petit format Antarès (éditions Mon journal) au début des années 80, du n°38 à 54, sous le nom de L'Ethernaute... Ne les ayant pas, je ne saurais dire si cette édition fut complète ni quelle en fut la qualité. La revue Antarès n'étant pas a l'italienne, on peut craindre un remontage déplaisant.