Publications dans BD Argentine
Lautaro Fiszman et Pablo Franco / dédicace / Le Naufrage du Wager
 

Le Wager, un navire de la flotte britannique qui a fait naufrage en octobre 1741, en pleine guerre entre Anglais et Espagnols, a une double actualité. Tout d’abord en raison du livre documentaire de David Grann publié aux Éditions du Sous-sol, ensuite par la publication de la bande dessinée argentine Le Naufrage du Wager aux éditions iLatina qui s’inspire des mêmes événements.

Les auteurs de cette œuvre, Pablo Franco (scénario) et Lautaro Fiszman (peinture) profiteront de leur séjour parisien pour venir dédicacer chez nous rue Serpente ce vendredi 24 novembre 2023 à partir de 18h.

À gauche le documentaire de David Grann, à droite la bande dessinée de Pablo Franco et Lautaro Fiszman.

Cette effroyable récit de survie et de choc civilisationnel est ici mis en image par un ancien élève d’Alberto Breccia qui use de son style pictural et nerveux pour amplifier la violence des éléments et des êtres. Le vent, le froid, la démesure des paysages sont rendus avec force à grands coups de pinceau, à la fois libérés et sûrs. La matière est parfois raclée, striée. Il y a là comme un combat permanent ponctué de quelques instants de recul, qui permettent de prendre la pleine mesure de l’aspect dérisoire des gesticulations humaines.

Les lecteurs du livre de David Grann, les Naufragés du Wager, qui l’auront forcément apprécié, auront tout intérêt à lire également cette bande dessinée qui s’avère fort complémentaire. En effet, l’écrivain s’est attaché des aspects que les Argentins ont délaissés. Ces derniers se sont concentrés sur un groupe de naufragés auquel David Grann ne consacre que quelques paragraphes. Il faut savoir que les survivants du naufrage, échoués sur un îlot sauvage de la côte déchiquetée du sud Chili, se sont séparés (en assez mauvais termes !) en deux groupes. D’un côté le Capitaine Cheap et ses fidèles, qui voulaient suivre la mission initiale et remonter la côte Pacifique vers les Nord afin de poursuivre la guerre contre les Espagnols (!). De l’autre côté, « les mutins » réunis autour du chef canonnier Bulkeley, qui espéraient rejoindre le Brésil en passant par le Détroit de Gibraltar d’ouest en est.

Ce groupe sera lui-même subdivisé, car huit hommes furent abandonnés sur une grève quelque part sur la côte de ce qui est aujourd’hui l’Argentine. C’est précisément le sort de ces naufragés-là qui est au cœur de la bande-dessinée alors qu’il n’occupe que quelques pages dans le livre (pages 285, 286 et 357 à 362, très précisément). Le titre original de la BD est d’ailleurs Náufrago Morris, en référence au principal protagoniste, Isaac Morris, survivant de ce groupe qui raconta son histoire dans un livre publié en 1752.

L’Argentine ayant été construite sur l’extermination des peuples qui vivaient sur ces terres, on comprend aisément que ce qui a intéressé les auteurs est la rencontre entre ces Anglais perdus et les Amérindiens de la Pampa sans qui ils n’auraient pas pu survivre.

Sur cette carte empruntée (@ David Grann / Éditions du Sous-sol, 2023), les tirets noirs indiquent le parcours de la troupe des “mutins” menés par le canonnier Bulkeley. En rouge nous avons précisé la zone approximative où furent abandonnés Isaac Morris et ses compagnons d’infortune. En bleu nous avons remis le parcours de l’équipe du Capitaine Cheap, qui figure sur une autre carte du livre de David Grann.

La rencontre de vendredi sera l’occasion de discuter plus profondément avec les auteurs. Selon son éditeur français, Lautaro Fiszman, qui est autant peintre que bédéaste, réalise de très belles dédicaces à la peinture…

Le Naufrage du Wager de Lautaro Fiszman et Pablo Franco, iLatina, 100p. couleurs, 24€. EAN 9782491042356

 
Menues trahisons de l'œuvre d'Hugo Pratt : Ticonderoga
 
À gauche le coffret et les 2 volumes de l’éditon Casterman 2018, à droite celle de 1982 aux Humanoïdes Associés.

À gauche le coffret et les 2 volumes de l’éditon Casterman 2018, à droite celle de 1982 aux Humanoïdes Associés.

Dans le massif de ce que se doit d’être une digne collection des œuvres d’Hugo Pratt, Ticonderoga, sur des scénarios d’Héctor Germán Oesterheld, représentait un pic non négligeable. L’édition de 1982 aux Humanoïdes Associés est en effet particulièrement délicate à se procurer, et qui plus est en bon état. Aussi c’est avec une grande joie que les amateurs, dont je fais partie, ont pu accueillir l’arrivée d’une réédition par Casterman en 2018. J’avais d’ailleurs alors salué cette initiative par un court article dans Zoo le mag (N°65, mai-juin 2018). Il faut dire que l’objet est de qualité, son mérite le plus important à mes yeux étant de respecter enfin les formats d’origine des histoires, dont la première moitié était initialement parue à l’italienne, tandis que la seconde l’avait été à la française (format « paysage » et « portrait » pour parler comme les imprimantes). En effet les revues argentines d’origine, Frontera et Frontera Extra, n’étaient pas au même format. Dans cet article, j’émettais toutefois cette réserve  :

« Dans cette entreprise de restauration patrimoniale, on déplorera de malheureux collages et bidouillages non mentionnés mais très dommageables, bien visibles dans l’histoire Le Loup vert. »

Je n’avais évidemment pas la place de développer dans le magazine (on y a d’ailleurs de moins en moins la place de s’étaler), mais je m’étais dit que je pourrais le faire sur ce blog… Et puis les mois et les années ont passé… La récente refonte du site, couplée au fait que les librairies restent fermées pour cause d’épidémie, me donne l’impulsion nécessaire pour me replonger dans cette affaire, qui je le précise tout de suite, n’intéressera que les plus pinailleurs de nos lecteurs, bien que sur le fond, l’affaire soit d’importance, vu qu’il s’agit ni plus ni moins que de trahisons (oh ! de petites trahisons, comme de petites piqûres nonchalantes, mais qui finissent par démanger et rendre dingue).

Comme indiqué dans un préambule de l’édition Casterman, les planches originales ont pratiquement toutes disparu et c’est donc à partir des journaux d’époque (1957-1958) que les scans ont été faits. Ces journaux sont imprimés sur du papier journal évidemment, très absorbant et qui vieillit mal. La finesse des traits est souvent perdue et les délicats lavis (souvent de la main de Gisela Dester) en ont fait les frais, devenant à la reproduction, soit invisibles, soit trop chargés. L’éditeur précise qu’un travail a été fait pour réintégrer le peu de scans provenant directement des originaux :

« Le mauvais état de conservation de ces revues a rendu nécessaire un long travail de restauration au cours duquel le maximum a été fait pour réintégrer, en évitant les écarts chromatiques et de tracé, le peu de planches originales encore disponibles. »

Soit. En revanche rien n’est précisé quant à des retouches, reprises et « repeints ». Or dans une des histoires, Le Loup vert, il y a des modifications particulièrement visibles et gênantes, qui induisent des changements dans le propos et la réception de l’œuvre. J’imagine que Casterman n’y est pour rien, l’éditeur n’ayant probablement rien remarqué, mais que la responsabilité revient aux ayants droit, la fameuse Cong S. A. qui veille au respect et à la gloire de l’œuvre de l’artiste.


Le 12 mars 2018 j’ai d’ailleurs envoyé ce message à Casterman :

« J'imagine que la Cong vous a fourni les fichiers et que vous n'avez pris en charge que la traduction.

Je pose la question car il y a tout de même de curieux remontages... bien visibles dans l'histoire le Loup vert, et bien dommageables dans une entreprise patrimoniale.

La Cong s'est-elle exprimée sur ces opérations ? »

Question restée sans réponse.

Venons-en à ces fameuses modifications.

Elles concernent principalement les visages des protagonistes. Dans cette histoire, Caleb et Ticonderoga font une halte dans une auberge isolée en plein territoire de conflits. Les ennemis, les soldats français rôdent, avec leurs alliés indiens, et les troupes anglaises sont bien loin. Le visage du robuste aubergiste, “Maese” Phineas (tout simplement “Maître Phineas”, le terme espagnol maese étant archaïque aucune des deux éditions n’a jugé bon de le traduire, ce qui l’assimile faussement à un prénom !), a beaucoup perdu à la reproduction, aussi les restaurateurs ont décidé de copier son visage de face, correctement reproduit, depuis la case 2 de la planche 4 (p. 73, volume 1) pour le coller sur d’autres cases où apparaît le personnage… Par exemple sur la case immédiatement adjacente à droite, produisant la désagréable impression d’avoir affaire, non à un personnage pleinement incarné, mais à une marionnette !

Humanoïdes associés, 1982.

Humanoïdes associés, 1982.

Casterman, 2018

Casterman, 2018

Ce même visage se retrouvant encore deux fois sur la page 81, avec toujours la même expression immuable, même lorsqu’il se reçoit un trait fatal !!! Cette case 54 de la page 81 est ainsi particulièrement grotesque, ce plaquage maladroit annihilant toute la charge émotionnelle de la séquence.

Humanoïdes Associés, 1982

Humanoïdes Associés, 1982

Casterman, 2018.

Casterman, 2018.

Humanoïdes Associés, 1982.

Humanoïdes Associés, 1982.

Un aubergiste vraiment impassible ! Casterman, 2018.

Un aubergiste vraiment impassible ! Casterman, 2018.

S’il est la principale victime de ces modifications, l’aubergiste n’est pas le seul à subir ce procédé. Ainsi Caleb Lee, le narrateur, voit son visage dupliqué depuis la case 3 de la p.77 pour être collé ailleurs (deux fois sur la page 81, case 1 — inversé en miroir pour qu’on n’y voie que du feu ! — et 2 , et p.84 case 4). Son visage de la case 3 de la page 78 est, lui, recollé sur la case 4 de la page 77 avec la perte de son expression initiale, les yeux baissés sur son travail chirurgical et non regardant le lecteur.

Oh Caleb ! Tes traits de 1982 sont par trop indistincts ! Nous allons y remédier !

Oh Caleb ! Tes traits de 1982 sont par trop indistincts ! Nous allons y remédier !

Et voilà, deux fois la même tronche, dont une en miroir, ces blaireaux de lecteurs n’y verront rien !

Et voilà, deux fois la même tronche, dont une en miroir, ces blaireaux de lecteurs n’y verront rien !

Allez mon mignon, fais pas ton timide, regarde l’objectif, c’est plus important que le travail délicat que tu es en train de faire sur un blessé ! (à gauche Humanoïdes Associés, 1982, à droite Casterman 2018)

Allez mon mignon, fais pas ton timide, regarde l’objectif, c’est plus important que le travail délicat que tu es en train de faire sur un blessé ! (à gauche Humanoïdes Associés, 1982, à droite Casterman 2018)

Janice, la fille du patron, voit aussi son expression changer en case 4 de la page 84. Elle sourit alors qu’en plein combat il n’y a aucune raison de le faire : et pour cause, cette expression vient de la première planche de l’histoire et c’est le visage de Toby, l’employée de maison, en case 4 de la p.70, qui lui est plaqué.

Humanoïdes Associés, 1982.

Humanoïdes Associés, 1982.

Sur cette vignette deux visages ne sont pas d’origine, saurez-vous retrouver lesquels ?

Sur cette vignette deux visages ne sont pas d’origine, saurez-vous retrouver lesquels ?

Dans cette chirurgie esthétique, elle se retrouve avec non seulement une expression inadéquate, mais également un menton prognathe qu’on ne lui connaissait pas. Au passage il est nécessaire de remarquer que, quelle que soit la version, les personnages de Toby et de Janice semblent interchangeables, ayant la même apparence et ne se trouvant jamais dans la même pièce en même temps, mais pour le coup la faute en incombe certainement à Pratt qui aura lu le scénario d’Oesterheld de travers. Pour finir, l’officier espion français voit lui aussi ses traits dupliqués et recollés à droite à gauche. Son visage de la case 1 de la p.75 (qui semble d’ailleurs redessiné), est ainsi collé sur la case 6 de la même planche et deux fois sur la suivante (case 2 et 4).

Un espion français déguisé en officier anglais ! Humanoïdes Associés, 1982 et ci-dessous le même, imperturbable, chez Casterman, 2018.

Un espion français déguisé en officier anglais ! Humanoïdes Associés, 1982 et ci-dessous le même, imperturbable, chez Casterman, 2018.

Cet ensemble de changements, concentrés sur peu de planches (je n’ai pas tout répertorié ici, juste les modifications les plus graves) jettent tout de même le doute sur l’honnêteté des éditeurs. La moindre des choses aurait été de faire des retouches correctes, respectueuses du sens des dessins originaux et surtout notifiées. Il y a peut-être d’autres modifications dans d’autres chapitres, mais rien d’aussi criant, du moins à notre regard.

Ceci étant posé, et je l’espère avec clarté, l’édition Casterman reste en général bien supérieure à l’édition Humanos, notamment dans son rendu des lavis, et au vu de sa traduction faite directement de l’espagnol (par Iris Munsch) et non de l’italien. Évidemment, on regrettera toujours la disparition de la maquette initiale de couverture, typiquement prattienne, dans l’esprit des Corto noir et blanc brochés, ainsi que la mise au placard de la préface de Claudio Bertieri. Il faut toutefois, au sujet de l’histoire qui nous occupe, rendre justice à l’édition de 2018 sur un point : la case d’ouverture du Loup Vert est ainsi partiellement récupérée, alors qu’elle avait été sacrifiée par les Humanos au profit d’une photocopie de la case 2 de la planche 71 ! J’écris “partiellement” car ces cases d’ouverture de chapitres contenaient certainement des résumés des épisodes précédents, qui n’ont plus aucun rôle à jouer dans une publication en album.

De son vivant, Hugo Pratt a opéré de nombreuses découpes et refontes dans ses œuvres, parfois très regrettables, notamment dans Sergent Kirk, mais c’était tout de même son droit. La question est plus délicate lorsqu’on parle de faire acte de restauration du patrimoine. Quoiqu’il en soit, les collectionneurs de Pratt savent ce qu’il leur reste à faire : il leur faut absolument les deux versions !

Vlad

Ticonderoga de Hugot Pratt et Héctor G. Oesterheld
• Humanoïdes associés, 1982
• Casterman, 2018, 7000 exemplaires numérotés. Étui contenant 2 volumes. 49 €. Code EAN : 9782203121911

 
LUCAS NINE, du trop plein d'encre à l'abstraction
 

Alors que sort son nouvel album, Budapest ou presque (chez les Rêveurs), pour lequel nous le recevrons le 27 Mars en dédicace, il était temps de vous parler un peu plus de cet excellent auteur, Lucas Nine.

Nine ? Comme Carlos Nine ? Un lien ? Oui, évacuons de suite la sempiternelle mais logique question. Oui, Lucas est fils de. Et oui, effectivement, Carlos est une des influences majeures de Lucas.

En même temps, passer son enfance à voir un père pareil créer, dessiner, ça donne un sacré référentiel. Sans compter un accès à la bibliothèque paternelle, pouvoir lire toutes ces œuvres qui l'ont influencé.Mais l'influence du père ne sera pas la seule. Il faudra aussi compter sur celle d'un autre illustre Argentin, Alberto Breccia.

IMG_20190320_154031-300x280.jpg

Tout comme lui, Lucas va beaucoup explorer sur le plan graphique. Un style par album, ni plus ni moins. Tout comme lui, il va chercher des moyens de dévoiler les formes, les corps et les sentiments sans les dessiner frontalement.La fusion des deux influences donnera des histoires empreintes d'absurde et de surréalismes où les formes se devinent plus qu'elles ne se montrent. Des explosions d'encre de Dingo Romero au trait épuré et fuyant de Budapest, toujours cette recherche de la forme que le lecteur devra achever.  

Si en Argentine, il publiera son travail plusieurs années des différents fanzines ou encore dans la célèbre revue Fierro (qui fut là bas jusqu'en 1992, la référence en BD, avec des auteurs tels que Breccia, Gimenez, Sampayo, Mandrafina et évidemment les Nine), il faudra attendre Dingo Romero en 2008 pour découvrir son travail sous nos latitudes.Véritable explosion graphique, Lucas Nine semble multiplier les couches d'encre pour esquiver les personnages de son cartoon hystérique. C'est à travers les entrelacs au pinceau que l'on suivra le chien fou traverser la pampa accompagné de sa horde alors que le gouverneur envoie sa plus fine gâchette à ses trousses.

IMG_20190320_154152-300x264.jpg

Nine en met partout, semblant vouloir recouvrir toute sa page, n'ayant pas peur de surcharger son image quitte à ce qu'on ne devine plus que discerne les personnages.L'auteur intègre aussi à son récit certains éléments qui reviendront fréquemment dans ses histoires: un humour absurde, des situations surréalistes ainsi qu'un peu de métatextuel. 

Viendra ensuite Thé de Noix (2011), fable absurde où Timothée, agent du ministère de l'enfance veille à ce que ses contemporains soient bien traités par l'engeance adulte, tout en se déplaçant niché dans l'opulente poitrine d'une femme robot appelée Mamelon. Ici, Nine rend hommage à la bd ancienne  de la première moitié du 20ème siècle. Il utilise des aplats de couleurs surannées, place ses cadres narratifs en bas de case (procédé qui perdure toujours chez lui), même le format, plus grand que nos franco-belge classiques, évoque par sa taille les vieux strips des journaux. On ne s'étonnera pas d'y croiser Popeye ou le capitaine Haddock.

L'univers est absurde à souhait, Nine joue énormément avec son format, incluant des strips entre ses histoires, mettant en scène des récits dans le récit, jonglant habilement entre le surréalisme et le métatextuel.Le style de dessin tranche radicalement avec les débordements d'encre de Dingo Romero. Ici tout est épuré, les formes rondes comme des visages poupins ou voluptueuses comme des corps féminins. L'informatique fait aussi son entrée dans la panoplie d'outils de Nine, notamment pour les décors. 

IMG_20190320_154115-269x300.jpg

L'ouvrage suivant, Jorge Luis Borgès (2018), marque un autre type d'hommage. En imaginant le célèbre auteur Argentin en inspecteur des volailles et lapins, Nine s'attaque cette fois au polar noir. Hammett et Chandler ne sont pas loin. Le style graphique change encore, le blanc cherche à se frayer un chemin dans les épaisses masses de noir pour dessiner les lieux et personnages. Il y jouera aussi beaucoup du collage, rajoutant un bras par ci, une tête par là. Le dessin et la technique se sont affinés, mais l'auteur continue d'évoquer visuellement ses personnages entre deux obscurités plutôt que de les dessiner frontalement (même si c'est l'album où Nine les détaillera le plus).L'absurde et le surréalisme bon enfant de Thé de noix se durcit pour coller au genre abordé, se teintant même parfois d'ésotérisme.Les cadres narratifs, à nouveau en bas de case, sont un écrin parfait pour les monologues intérieurs du héros, soutenant parfaitement le style hard boiled détourné.

Mais plus qu'un simple pastiche, Nine va en profiter pour aborder l'histoire de son pays, le péronisme et la relation entre les intellectuels de l'époque et le pouvoir, particulièrement celle compliqué de Borgès. Budapest ou Presque est à nouveau une histoire policière. Son héros, Sigilozy, du bureau des digressions, mène l'enquête pour trouver le mystérieux vampire qui terrorise Budapest. Ou du moins, une version fantasmée de la ville, absurde miroir de la vraie, plongée dans les lignes fuyantes du trait de l'auteur. Bourré d'idées folles et de situations incongrues, l'album est une cavalcade menant à un climax hors norme. Aussi prenant qu'inattendu, c'est une réussite.

IMG_20190320_153936-300x269.jpg

Un sommet du surréalisme si cher à Nine. Également son œuvre la plus métatextuelle.

Encore une fois, les cadres narratifs servent parfaitement les digressions du héros, parfait prolongement des monologues intérieurs de Borgès et typique du polar.

Visuellement, il change encore de style. Il délaisse les masses noires de Borgès pour se rapprocher du style épuré de Thé de Noix, poussant encore plus loin l'exercice. Son trait, plus fin que jamais, est enlevé, virevoltant, comme si l'auteur cherchait à faire saillir la forme du mouvement. Ses personnages deviennent des lignes fuyantes dans des décors fantasmagoriques. (Est-ce un hasard si Sigilo signifie furtif en espagnol?)

Bien que le scénario soit excellent, c'est surement là la plus grande réussite de Nine, atteindre enfin cette abstraction du personnage, à peine esquissé mais pleinement saisi par le lecteur.Se pose maintenant la question: quelle sera la prochaine étape, la prochaine évolution, expérimentation?

On espère lui soutirer un début de réponse le 27 mars.

PS : Comme Lucas Nine fait plein de choses, notamment plusieurs bd inédites en France, cet article non exhaustif se concentre sur ses parutions chez les Rêveurs.

Comme l'auteur est aussi animateur, pour se faire pardonner, on vous offre en bonus son court métrage Les Triolets :

 
Lucas Nine, du trop plein d'encre à l'abstraction
 
00_slides-820x530_.jpg

Alors que sort son nouvel album, Budapest ou Presque (chez les Rêveurs), pour lequel nous le recevrons le 27 Mars en dédicace, il était temps de vous parler un peu plus de cet excellent auteur, Lucas Nine. Nine ? Comme Carlos Nine ? Un lien ? Oui, évacuons de suite la sempiternelle mais logique question. Oui, Lucas est fils de. Et oui, effectivement, Carlos est une des influences majeures de Lucas. En même temps, passer son enfance à voir un père pareil créer, dessiner, ça donne un sacré référentiel. Sans compter un accès à la bibliothèque paternelle, pouvoir lire toutes ces œuvres qui l'ont influencé.

Mais l'influence du père ne sera pas la seule. Il faudra aussi compter sur celle d'un autre illustre Argentin, Alberto Breccia. Tout comme lui, Lucas va beaucoup explorer sur le plan graphique. Un style par album, ni plus ni moins. Tout comme lui, il va chercher des moyens de dévoiler les formes, les corps et les sentiments sans les dessiner frontalement. La fusion des deux influences donnera des histoires empreintes d'absurde et de surréalismes où les formes se devinent plus qu'elles ne se montrent. Des explosions d'encre de Dingo Romero au trait épuré et fuyant de Budapest, toujours cette recherche de la forme que le lecteur devra achever. 

IMG_20190320_154031-300x280.jpg

Si en Argentine, il publiera son travail plusieurs années des différents fanzines ou encore dans la célèbre revue Fierro (qui fut là bas jusqu'en 1992, la référence en BD, avec des auteurs tels que Breccia, Gimenez, Sampayo, Mandrafina et évidemment les Nine), il faudra attendre Dingo Romero en 2008 pour découvrir son travail sous nos latitudes. Véritable explosion graphique, Lucas Nine semble multiplier les couches d'encre pour esquiver les personnages de son cartoon hystérique. C'est à travers les entrelacs au pinceau que l'on suivra le chien fou traverser la pampa accompagné de sa horde alors que le gouverneur envoie sa plus fine gâchette à ses trousses.Nine en met partout, semblant vouloir recouvrir toute sa page, n'ayant pas peur de surcharger son image quitte à ce qu'on ne devine plus que discerne les personnages.L'auteur intègre aussi à son récit certains éléments qui reviendront fréquemment dans ses histoires: un humour absurde, des situations surréalistes ainsi qu'un peu de métatextuel.

IMG_20190320_154152-300x264.jpg

Viendra ensuite Thé de Noix (2011), fable absurde où Timothée, agent du ministère de l'enfance veille à ce que ses contemporains soient bien traités par l'engeance adulte, tout en se déplaçant niché dans l'opulente poitrine d'une femme robot appelée Mamelon. Ici, Nine rend hommage à la bd ancienne  de la première moitié du 20ème siècle. Il utilise des aplats de couleurs surannées, place ses cadres narratifs en bas de case (procédé qui perdure toujours chez lui), même le format, plus grand que nos franco-belge classiques, évoque par sa taille les vieux strips des journaux. On ne s'étonnera pas d'y croiser Popeye ou le capitaine Haddock. L'univers est absurde à souhait, Nine joue énormément avec son format, incluant des strips entre ses histoires, mettant en scène des récits dans le récit, jonglant habilement entre le surréalisme et le métatextuel. Le style de dessin tranche radicalement avec les débordements d'encre de Dingo Romero. Ici tout est épuré, les formes rondes comme des visages poupins ou voluptueuses comme des corps féminins.

IMG_20190320_154115-269x300.jpg

L'informatique fait aussi son entrée dans la panoplie d'outils de Nine, notamment pour les décors. L'ouvrage suivant, Jorge Luis Borgès (2018), marque un autre type d'hommage. En imaginant le célèbre auteur Argentin en inspecteur des volailles et lapins, Nine s'attaque cette fois au polar noir. Hammett et Chandler ne sont pas loin. Le style graphique change encore, le blanc cherche à se frayer un chemin dans les épaisses masses de noir pour dessiner les lieux et personnages. Il y jouera aussi beaucoup du collage, rajoutant un bras par ci, une tête par là. Le dessin et la technique se sont affinés, mais l'auteur continue d'évoquer visuellement ses personnages entre deux obscurités plutôt que de les dessiner frontalement (même si c'est l'album où Nine les détaillera le plus).


L'absurde et le surréalisme bon enfant de Thé de noix se durcit pour coller au genre abordé, se teintant même parfois d'ésotérisme.Les cadres narratifs, à nouveau en bas de case, sont un écrin parfait pour les monologues intérieurs du héros, soutenant parfaitement le style hard boiled détourné. Mais plus qu'un simple pastiche, Nine va en profiter pour aborder l'histoire de son pays, le péronisme et la relation entre les intellectuels de l'époque et le pouvoir, particulièrement celle compliqué de Borgès. 

IMG_20190320_153936-300x269.jpg

Budapest ou Presque est à nouveau une histoire policière. Son héros, Sigilozy, du bureau des digressions, mène l'enquête pour trouver le mystérieux vampire qui terrorise Budapest. Ou du moins, une version fantasmée de la ville, absurde miroir de la vraie, plongée dans les lignes fuyantes du trait de l'auteur.

Bourré d'idées folles et de situations incongrues, l'album est une cavalcade menant à un climax hors norme. Aussi prenant qu'inattendu, c'est une réussite.Un sommet du surréalisme si cher à Nine. Également son œuvre la plus métatextuelle.Encore une fois, les cadres narratifs servent parfaitement les digressions du héros, parfait prolongement des monologues intérieurs de Borgès et typique du polar.Visuellement, il change encore de style. Il délaisse les masses noires de Borgès pour se rapprocher du style épuré de Thé de Noix, poussant encore plus loin l'exercice. Son trait, plus fin que jamais, est enlevé, virevoltant, comme si l'auteur cherchait à faire saillir la forme du mouvement. Ses personnages deviennent des lignes fuyantes dans des décors fantasmagoriques. (Est-ce un hasard si Sigilo signifie furtif en espagnol?). Bien que le scénario soit excellent, c'est surement là la plus grande réussite de Nine, atteindre enfin cette abstraction du personnage, à peine esquissé mais pleinement saisi par le lecteur.

Se pose maintenant la question: quelle sera la prochaine étape, la prochaine évolution, expérimentation? On espère lui soutirer un début de réponse le 27 mars.

PS: Comme Lucas Nine fait plein de choses, notamment plusieurs BD inédites en France, cet article non exhaustif se concentre sur ses parutions chez les Rêveurs. Comme l'auteur est aussi animateur, pour se faire pardonner, on vous offre en bonus son court métrage Les Triolets.

 
L'ÉTERNAUTE : LE RETOUR, tome 1
 

Solano López considérait que L'Éternaute: le retour, en fait le quatrième Éternaute chronologique – si l'on fait abstraction du remake de Breccia, était la seule suite valable au chef d'œuvre prophétique de la fin des années 50. Dont acte : les éditions Vertige Graphic nous proposent pour cette fin d'année la traduction française de ce retour tant attendu.

Le contexte

De 1977, date de son exil de l'Argentine, à son retour en 1994, Francisco Solano López, dessinateur de L'Éternaute, ne put guère profiter des retombées financières du succès qu'il créa en 1957 avec le scénariste Oesterheld. Celui-ci disparu, assassiné par les sbires du pouvoir, l'éditeur Record fit signer un nouveau contrat de cession de droits à sa veuve et se soucia fort peu de la part du dessinateur. Se faire payer pour son travail publié semble dans l'Argentine de l'époque relever de l'activité sportive...  Solano López a raconté, que déjà au moment de la publication initiale et hebdomadaire de L'Eternaute, l'imprimeur trichait avec la complicité du distributeur : de nombreux exemplaires de la revue Hora Cero étaient imprimés en plus et écoulés en douce dans le dos de l'éditeur (les éditions Frontera, fondées par Héctor Germán Oesterheld, visiblement meilleur scénariste que gestionnaire, et son frère). L'éditeur Record sera lui même en partie spolié de son semi-larçin car les éditions pirates pullulèrent pendant des décennies. Lorsque Solano López revient en Argentine, il s'organise avec la veuve et les neveux de Oesterheld pour récupérer les droits de L'Éternaute. Dès lors il se lance dans un projet d'envergure pour capitaliser financièrement et artistiquement sur le titre qui fit sa renommée. Il fonde un "Univers Éternaute" et convie de jeunes auteurs a proposer leurs propres créations dans ce cadre. Entre les voyages dans l'espace, le temps et les dimensions parallèles, Juan Salvo et les siens peuvent effectivement être amenés à vivre de nombreuses péripéties. Mais il ne se contente pas d'impulser le mouvement et se lance totalement dans l'aventure en dessinant lui-même de nouvelles histoires sur des histoires de Pablo Maiztegui, qui fut son assistant au dessin avant de devenir scénariste. C'est ainsi que voit le jour cet Éternaute : le retour dont nous parlons aujourd'hui.

Le processus éditorial

Débuté en 2001 pour une revue italienne, Lancio Story, L'Éternaute : Le retour commença a être publié en fascicules en Argentine à partir de 2003. Il y eu 9 fascicules qui furent compilés dans une intégrale en 2005. Pour faciliter les choses ces fascicules, format "comics" furent numérotés, non pas de 1 à 9 mais subdivisés en trois séries (appelé "livres") de trois fascicules (appelé "chapitres") : donc si vous suivez bien, 9 numéros depuis le "livre 1, chapitre 1" jusqu'au "livre 3, chapitre 3".Ce premier opus du Retour fut suivi en 2006 par une nouvelle série : La búsqueda de Elena, "À la recherche d'Elena", présentée, elle, en 6 fascicules, qui furent compilés en une intégrale en 2007.Pour la version française de L'Éternaute : le retour, les éditions Vertige graphic ont choisi de simplifier les choses de la manière suivante  : ils ont pris en considération la somme des pages de L'Éternaute le retour ajoutées à celles de L'Éternaute : le retour — à la recherche d'Elena et on coupé l'ensemble en deux parties presque égales.

Le produit

L'Éternaute : le retour se passe une quarantaine d'années après les événements racontés dans L'Éternaute, en tous cas après le départ de Juan Salvo vers le Continuum 4... L'invasion a continué mais elle a changé de méthodes. Je ne ferai pas trop de révélations ici afin de ne pas gâcher la lecture, mais on peut constater que le scénariste s'est démené pour essayer de renouveler le potentiel de l'histoire, lui apporter des éléments plus modernes, sans trop démonter l'édifice. Bien sûr, il y a quelques raccords de papiers peints qui jurent un peu pour l'œil attentif du bricoleur, mais le travail n'est pas méprisable. Le résultat est un curieux mélange d'éléments désuets et de problématiques plus récentes (Matrix...).

Globalement Maiztegui maintient la bonne dose d'action et d'interrogation de l'histoire de l'Argentine.Sur l'aspect visuel on pourrait chipoter un peu. Lorsqu'il s'attela à L'Éternaute à la demande d'Oesterheld, Solano López n'avait que 5 ans d'expérience derrière lui mais il était en phase ascendante, son style dynamique peuplé de physionomies puissantes et marmoréennes était alors en pleine expansion. Près de 50 ans après, si ses personnages sont toujours aussi expressifs et incarnés, le vieux maître n'a plus la même énergie, que ce soit dans la construction des cases ou dans la précision du trait. Il n'hésite pas à inclure des photocopies de photos comme le paresseux Manara et lorsqu'il rate une case personne n'ose ni lui faire remarquer ni lui suggèrer de la refaire.Même si on aurait pu imaginer plus spectaculaire et même si cette suite ne peut rivaliser en innovation avec son modèle, le fait qu'elle soit faite par les mêmes mains qui ont accouché de l'original est assez émouvant, surtout si l'on prend en considération qu'il s'agit d'une des dernières œuvres que ces mains ont faites.

Sans avoir lu la fin (second tome à venir) il est impossible de savoir si les auteurs retombent bien sur leurs pieds à la fin et si les motivations des "Eux" s'éclaircissent, mais ce qui est sûr, c'est qu'on passe un bon moment à la lecture des aventures désespérantes de Juan Salvo dans un monde qui n'est pas si différent du nôtre.

L'Éternaute : le retour, tome 1, de Francisco Solano López et Pablo Maiztegui, Vertige Graphic, 2014, 200 p. N&B, 28 €. EAN : 9782849991152.

éternaute le retour.jpg


Dans nos archives vous pouvez notamment lire dans nos archives la présentation du premier tome de la VF de L'Éternaute historique. Vous pouvez aussi taper "éternaute" dans la noire barre de recherche là-haut sur la droite et vous aurez pas mal de matière.

 
FANTASTIK n°10
 

Éditions Campus, juillet 1984

Dans ce numéro on trouve comme à l'accoutumée de nombreuses planches intéressantes : du Trillo et Mandrafina inédit en album (du moins il me semble), du Luis Bermejo au magnifique dessin charbonneux, du Dick Matena assez en forme, du Milazzo en bichromie noire et bleue (très efficace, on rêve d'un album entier avec ce procédé et ce bleu là, beaucoup plus contrasté et utile que celui de Igort dans 5 est le numéro parfait), du Alex Toth splendide, du Wrightson...

Surtout il y a la couverture, signée Fabá, où je reconnais sans gloire la source photographique. L'artiste espagnol s'est inspiré d'une photo de tournage de Magnum Force, la seconde aventure de l'inspecteur Harry Callahan, que réalisa Ted Post en 1973 sur un scénario de John Milius.

Ceci me permet de glisser que le rayon des revues est particulièrement bien fourni, et bien rangé en ce moment. Outre Fantastik et Ère comprimée des éditions Campus, on trouve aussi de nombreux  Métal Hurlant, des Échos des savanes première et deuxième période et des Spécial USA sous leurs différents avatars. Tout ceci est entre 4 et 6 euros en général, sauf numéros exceptionnels.

 
TANK GIRL CALE À CHNICOV
 

Et à défaut de pruneau vous balance une grenade en pleine poire. Vous êtes un peu marron mais c'est bien, c'est sain. Mangez 5 fruits, BD et légumes par jour.

J'ai attendu de visionner Tank girl the movie pour commencer à formuler cet article, me disant qu'il fallait bien que je parfasse ma connaissance de l'univers de la série. Et puis je me doutais bien que le film serait un bon réservoir à critiques faciles/ blagues d'initiés/ références passablement érudites.  J'en suis sorti tellement abasourdi que je ne peux faire autrement que d'en parler en préambule au lieu de parsemer l'articles de subtiles annotations.

tankgirl5.jpg

Je me suis surtout dit en tortillant mon fessier endolori (d'avoir été écrasé sans façons sur un canapé inadéquat. Rien d'autre) qu'il faudrait surement que je relise tous les tank girl avant de me remettre à la rédaction sous peine de ne pas me remémorer les bons aspects des comics... Le film mériterait un article à lui tout seul pour, en vrac, la super bande son qui en fait trop, le sergent Travolta, ice-T -son jeu d'acteur et sa participation musicale qui nous aide à soutenir son choix de carrière-, Tank girl qui ressemble parfois à la nana de Die Antwoord,  NAOMI WATTS  TOTALEMENT DÉNUDÉE -je booste notre référencement sur moteur de recherche, là- de toute sa prestance cinématographique à venir (Mulholland drive n'est qu'à 5 ans d'écart!) , un peu tout le casting en fait, un scénar' qui ménage très peu d'espaces de cohérence (et donc en cela qui reste fidèle à l'esprit du comics, héhé), des passages sympa en dessins animés qui auraient pu faire transiter le film de Waterworld du pauvre/ Mario the movie à quelque-chose de plus Fritz the cat.

tank-girl.gif

Tank girl the movie (qui date de 1995) est sûrement un film à voir entouré de ses potes, une bière à la pogne et trois dans le gosier après Mario et TMNT. Malheureusement je n'avais que du mauvais vin, deux carlins peu punk et le magicien d'Oz sous la main.

J'adore trop Tank girl, que puis-je lire de plus à Aaapoum Bapoum?

6fbe04bbbb21bb4962d7f41f7feab7a4832bd028.jpg

Ma réponse ne constitue pas une liste exhaustive. Elle se concentre sur des titres que nous avons/ voyons de temps à autre/ aimons récupérer. Plus important, c'est un choix de titres déterminé subjectivement en fonction de similitudes partielles parfois ténues. Bien entendu que vous ne retrouverez jamais vraiment votre Tank girl adorée. C'est une série difficile pour le fan. Protéiforme et non darwinienne. Même les spin-offs récents sont bizarres et différent. C'est dire!

Bambi alternative

 a déjà été chroniqué iciet si vous avez un tant soit peu parcouru le blog, vous connaissez déjà bien l'auteur et son univers. L'article déroule le sommaire du volume d'une façon très posée qui tranche terriblement avec l'ambiance de la série. Et si je vous disais qu'on peux voire ces diverses histoires comme des aventures sous acide qui mènent leurs protagonistes à la mort ou à la folie? Bambi c'est du gunfight halluciné, du manque total de sens moral (ou d'une transcendance perverse de celui ci?) et des protagonistes chtarbés (déglingos) qui s'entrechoquent à toute berzingue. C'est bien plus flagrant dans la série principale mais ce one-shot additionnel est un bon fix.

Sophie

 n'a jamais été chroniqué mais ça ne saurait tarder. Alors sans m'appesantir, je signalerai une évolution narrative similaire à celle de la série tank girl originelle: après quelques aventures qui ancrent le lecteur et les personnages dans des schémas qu'ils finissent par apprécier et chérir, tout bascule. Méchamment. Brutalement. Radicalement. Sans retour.  Comme ce space-cake dosé un peu fort que vous aviez ingéré tout à l'heure puis oublié. Celui qui toque à la porte de votre perception et vous envoi dans un monde tout sauf merveilleux.

Souvenez vous lorsque Tank girl se fait dégager de son propre titre et la rupture violente qui en résulte. Dans Sophie, c'est le même topo. L'histoire vous emmène sur les traces d'une jeune femme révoltée par la société americaine. Une jeune délurée aux opinions tranchées qui glaviote bien volontiers à la face du monde moderne. Puis soudainement, sans autre raison que la magnifique spontanéité de cette femme, vous basculez dans le délire. Celui des hallucinations et de la folie sur terre. Mais la réalité de ce qui semble hallucinatoire au lecteur n'est jamais démentie par la délurée qui surf sur la vague de dinguerie avec flegme, comme par besoin. Et comme il en a été le cas pour Tank girl, les dessins de Muñoz accentuent avec brio la déliquescence globale de tous les éléments du titre. En fin d'album d'ailleurs, vous retrouverez des illustrations représentant Sophie dont la technique pourrait vous rappeler autre chose...

sophie.jpg

Strange girl

commence par un pitch dément: c'est l'apocalypse. La bonne vieille apocalypse biblique! Démons sur terre et bons petits croyants aux cieux. Malheureusement, l'héroïne est un peu une mécréante et aura donc le grand plaisir de voir ses bigots de parents monter au ciel en la laissant aux mains des nouveaux maîtres de la planète. Il faut gérer. Pas étonnant qu'elle s'en sorte avec une propension au bris de rotules et une envie de liberté qu'elle n'hésite pas à revendiquer par les armes. Ça ressemble à du Warren Ellis. Peut être même à du Freak angel. Et bien vite on y reconnait du Tank girl. Et notre cœur fait awww devant ce qui aurait pu être sa petite sœur.

Street angel

a déjà été chroniqué auparavant aussi. Par un parpaillot qui finira comme la Strange girl du paragraphe précédent.  Il y cherche des enjeux, moi j'y cherche des dinosaures. Il n'y a ni l'un ni l'autre. Nous voila tous deux déçus.  Ou indifférents à leur absence car lui en profite pour se détourner du titre et moi en revanche j'y découvre beaucoup mieux. Des pirates, des ninjas urbains, des dieux mayas en plein problème sacrificiel , des conquistadors espagnols, l'anté-christ (décidément...), un homme tronc sur un skateboard et tant d'autres choses. Tout ce beau monde s' étripe avec passion d'ailleurs.

Et du sentiment il y en a. Mais il est vrai que les ficelles pour faire pleurer dans les chaumières sont proéminentes et que l'on ne peut s'y faire prendre qu'au détour d'un des bon gros délires narratif  que nous proposent les auteurs, une fois que nous avons relâché notre sens critique.  Street angel est un cocktail. Pas de celui que l'on sirote en réception cossue mais plutôt un cocktail fait maison, reliquat des expériences gustatives adolescentes les plus folles qui marine dans un coin putride oublié de notre pré-puberté et qui ne demande qu'a rejaillir avec force. Et que l'on déguste avec le même plaisir boutonneux. C'est du punk-Tarantino délirant, m'a-t on dit une fois. N'est ce pas tentant?





Enfin rien ne vaut les basiques. Alors si vous aimez Tank girl, et bien vous aimerez

Tank girl bien sur!

Mais la première édition cette fois. Celle que les vrais de vrais ont pu voir passer en 1996. Celle qui affiche une couverture peut être un peu datée mais d'un orange bien vif qui rappelle la chaleur du désert Tank girlien en nous abimant d'entrée de jeu les mirettes. Cette première édition parue chez Vent d'ouest est cartonnée et réveille une légère considération d'oeuvre-objet face aux brochés-consommables d'Ankama. En plus, elle contient tout leur tome 1 suivit de 30 planches du T2. C'est bien mieux pour ceux qui n'aiment pas être interrompu dans leur lecture par un changement de volume, non?

Le détail le plus marquant est celui de la traduction. Je ne sais pas si des hordes de fan se sont livrés à une guerre sans merci sur les forums lorsqu'il s'est agi de comparer la nouvelle traduction à l'ancienne et je le regrette beaucoup. N'ayant pu comparer que quelques pages des deux éditions et surtout n'ayant pu vérifier qu'un nombre minime de dialogues en anglais, je ne saurais déterminer formellement laquelle est la plus fidèle. La plus fun par contre je le sais. C'est l'ancienne. Entre deux Fouyouyou exclamatifs et par exemple la délectable utilisation de l'expression "se viander", l'ancienne traduction (d'une personne se nommant Ange) est bien plus roots. Bien plus fendard. Par exemple on parle de couilles plutôt que de testicules. Ça me semble correct. On parle aussi de Sacha Distel et même si j'ai du mal à trouver ça positif, j'apprécie tout de même pour des raisons de rébellion adolescente (lorsqu'on aimait encore traiter les adultes de vioques avant de finir comme eux) et de cet amour des réminiscences, induites ici par une traduction du type reflet d'époque. Il ne faut pas oublier qu'on ne peux pas faire pire que Spider-man de toute façon.

Nous avons présenté ces titres dans un petit coin de la boutique (cf l'image correspondante dans le présent article) à durée limitée. Lorsque l'opportunité d'une autre thématique se présentera, ces séries reprendront leur marche solitaire à travers nos rayonnages, se séparant peut être à jamais mais cohabitant toujours sous les mêmes cieux. Alors si un jour vous peinez à les retrouver, demandez les nous. 

 
L'ÉTERNAUTE : L'INTÉGRALE "PREMIER CYCLE", VERTIGE GRAPHIC
 

Nous avons déjà tellement œuvré à la promotion de cette œuvre, qu'écrire encore une ligne à son propos ici ne peut que me donner l'impression de bégayer... Mais le temps passe, les lecteurs vont et viennent et il y a encore quelques centaines de milliers d'amateurs potentiels en France qui sont sans doute passés à côté.

Ainsi L'Éternaute d'Héctor Germán Oesterheld et Francisco Solano López est à nouveau disponible chez Vertige Graphic, cette fois-ci en une intégrale monovolume. Si nous avons le courage, nous reviendrons sur l’appellation "Premier cycle" qui orne la couverture. La qualité d'impression est supérieure aux éditions cartonnées précédentes, mais équivalente à celle de l'édition brochée du premier tome, ce qui est très bien. La préface est la même que précédemment, excepté quelques photos ajoutées et la fin du texte sur Solano López qui a été modifiée, l'auteur étant mort entretemps. On déplore la présence dans ces ajouts d'une faute d'orthographe sur le nom du scénariste (répétée quatre fois, c'est dérangeant !), mais l'erreur est humaine et les compressions de personnel ne favorisent pas souvent les relectures.

Pour ceux qui ne savent pas du tout de quoi il est question, je conseille donc la lecture de nos archives...Tome 1Tome 2Tome 3 

Je conseille également la lecture d'un article du blog de Dionnet dont l'enthousiasme n'est pas toujours inutile.

368 p. n&b. 42 € Code EAN : 9782849991145.Notez que le supplément La bataille de la bibliothèque nationale, qui était inséré dans le coffret des 3 tomes, n'est pas repris dans cette intégrale. Il s'agissait d'une histoire courte que Solano López avait dessinée à l'occasion du cinquantenaire de L'Éternaute, sur un scénario de Juan Sasturain.Vous pourrez trouver chez nous l'intégrale évidemment, mais aussi le supplément sus-mentionné.

 
UNE SÉRIE TÉLÉ SUR OESTERHELD
 
 

Nous apprenons grâce au site argentin  http://www.archivohgo.blogspot.com.ar/  que la télé publique argentine a financé une série de treize épisodes consacrés à Hector Germán Oesterheld : Germán últimas viñetas. Elle va être diffusée incessamment sous peu sur la chaîne Canal 26.

Les bandes annonces laissent présager quelque chose d'assez maniéré, mais nous sommes curieux de voir le résultat. Ce sont les dernières années du scénariste de L'Éternaute, de Sergent Kirk et de tant d'autres séries qui devraient y être racontées, avec l'ambition de parler de l'histoire de la Bande dessinée.

Emphatique, la phrase d'accroche n'hésite pas à parler du "plus grand scénariste du monde". Quoiqu'il en soit, si vous n'avez pas lu L'Éternaute, cette lacune peut encore être comblée.

 
AFFICHES ET SÉRIGRAPHIES, UN ARRIVAGE (1)
 

De Joubert, de la Belgique et de l'Argentine

J'ai trimé comme un âne toute la journée d'hier (en fait seulement à partir de 15h), pour accrocher plein de cadres qui embellissent nos murs et qui amélioreront notre compte bancaire.

Avant-hier aussi j'en ai mis. Moi, cette fois-ci je n'ai rien cassé et je ne me suis pas blessé, si bien que je peux vous présenter vite fait quelques unes de nos nouvelles acquisitions.

On commence par l'ami des scouts, PIERRE JOUBERT.

Cette sérigraphie reprend la couverture de ce que je crois être une édition des années 40 du roman de Serge Dalens, Le Bracelet de Vermeil, un livre de la collection Signe de Piste des éditions Alsatia. Sorti de son cadre elle mesure 32 x 48 cm. Elle est naturellement signée et numérotée (n°115 sur 300). Nous la vendons avec son cadre, agréablement agrémenté d'une seyante marie-louise. 90 €. Je n'en connais pas la date d'édition, tout commentaire éclairant est le bienvenu.

Ci-contre une petite sérigraphie de Baudouin de Ville, un belge ligneclaireux méconnu dans nos contrées, qui fut l'auteur au milieu des années 80 de la trilogie L'inconnu de la Tamise, une histoire emplie de références jacobsiennes... Une trilogie d'autant plus méconnu qu'il est très difficile de se rendre compte à la vue des couvertures qu'il s'agit d'une série.

La sérigraphie que nous évoquons reprend en quatre passages couleurs la couverture du tome 3, tout simplement appelé Atomium 58 et publié en 1986 chez Récréabull (contrairement au deux premiers, publiés chez Bedescope — le foisonnement des micro-éditeurs est vertigineux). Cette œuvre de dimensions modestes (40 x 49,50 cm) peut aussi être achetée par des non-belges. Elle fut d'ailleurs éditée à 250 exemplaires, ce qui lui a permis de franchir la frontière. Nous la vendons sans cadre au tarif respectable mais peu effrayant de 50 €.

Alberto Fernández, également connu sous le nom de Lito Fernández, n'a été que très peu publiée en France. Il travailla pour les éditions Record et leur revue Skorpio sur la série Precinto 56 (sur laquelle avait œuvré José Muñoz) dont nous pouvons voir ci-contre le personnage de Zero Galván, viril flic moustachu sur une affiche de 45 x 81,50 cm.L'autre affiche (60 x 81,50 cm) de Fernández provient également des éditions Record, il s'agit de promotion pour la série A través de Oceania qui fut publiée France dans les petits formats Brik, sous le nom de Calico Jack. Ces deux affiches, éditées par Record au milieu des années 70 sont rarissimes de ce côté-ci de l'océan. Cependant, le caractère quasi-inconnu de leur sujet et leur relatif état de fatigue (le papier est très fin) ne peuvent nous laisser espérer un prix de vente supérieur à 25€ chaque. Elles sont vendues sans cadre.

Dick_herisson-300x300.jpg

Dick Hérisson de Savard est une série assez agréable. Cette affiche promotionnelle pour le tome 7 (1996) était jadis offerte pour l'achat de l'album. On peut donc raisonnablement en attendre 12€ sans cadre. Les tâtillons s'exclameront : "mais... mais, c'est invraisemblable ! L'album est coté au BDM 15€ sans affiche et 18€ avec affiche. Vous devez vendre l'affiche 3€ !". Là je dis "Non". Je trouve cette différence indigne du poster, car 3€ c'est à peine le prix d'un carte postale avec enveloppe au buraliste du coin (nous sommes à Paris). Il a fallu le garder à travers les années, le préserver et enfin le présenter.

Comme il est assez tard et qu'il y en a encore pour des plombes à tout vous présenter, je propose de continuer cette visite mardi.