Publications dans 2013
GASTON 8 : QUELLE EST L'EO ?
 

Voici pour mémoire et pour le bon usage des collectionneurs une trouvaille qu'a faite mon collègue Anton. Alors que nous rangions le rayon Franquin de la rue Dante, Anton remarqua qu'il y avait deux quatrièmes plats différents pour ce que nous avions identifiés comme deux éditions originales du huitième recueil de gags de Gaston, Lagaffe nous gâte.

J'ai fait part de mes remarques et inquiétudes sur le forum BDgest il y a peu, mais je n'ai pas pour l'instant obtenu de réponses satisfaisantes.  Aucune des deux éditions ne porte la mention de l'existence de Du Glucose pour Noémie dans le catalogue des pages intérieures. Pour le BDM, l'absence de cette mention suffit à identifier l'édition originale. Force est de constater que nous avons ici deux éditions qui semblent dater de la même époque et qui ont des maquettes différentes, comme vous pouvez le vérifier sur la photo suivante.

Gaston 8 EO DL

Gaston 8 EO DL

Gaston 8 EO pages de gardes

Gaston 8 EO pages de gardes

Autre différence notable : la couleur des pages de gardes.

Toutes les deux sont imprimées en Belgique, marqués 1970. Celle qui est en haut sur les photos précise les centres de diffusion pour la Belgique et la Hollande en plus du site français du Boulevard Saint Germain à Paris, ce qui pourrait laisser penser qu'un tirage était plus précisément destiné à la France tandis que l'autre aurait plutôt été orienté vers le nord... Mais rien n'est sûr. Voilà, toute précision ou idée est bonne à prendre, n'hésitez pas à nous écrire. En tous cas nous avons actuellement ces deux "éditions originales" à vendre, pas dans des états rutilants, mais corrects tout de même.

 
SERAPHIM – '266613336WINGS' de MAMORU OSHII et SATOSHI KON
 

Comme je ne suis pas très érudit en ce qui concerne la production nippone, le premier mérite du livre paru le mois dernier chez IMHO fut, par son existence même, de me faire découvrir que deux pointures de la japanimation, Mamoru OSHII (Patlabor, Ghost in the Shell, Avalon...) et Satoshi KON (Perfect Blue, Tokyo Godfathers, Paranoïa Agent, Paprika...) avaient travaillé ensemble. Non pas sur un film, donc, mais sur une série en BD. Il faut l'écrire tout de suite : cette fiction n'est absolument pas terminée et ne le sera jamais. Les postfaces, instructives, restent cependant peu disertes sur les raisons réelles de la rupture et de l’inachèvement.

D'abord uniquement crédité de la partie graphique, Satoshi Kon finit par signer l'ensemble tout en conservant la mention "sur une idée originale de Mamoru Oshii". L'œuvre fut prépubliée dans le magazine Animage entre mai 1994 et novembre 1995. Éditorialement, le projet semble conçu pour combler le vide laissé par la fin de Nausicaä de Miyazaki, dans le même magazine. De fait Seraphim se situe stylistiquement et thématiquement à l'intersection de Nausicaä et d'une autre série, commencée dans le magazine Afternoon en 1997, c'est-à-dire après l'arrêt de Seraphim : Eden, It's an Endless World ! de Hiroki Endo, éditée en France chez Panini.

De Nausicaä on retrouve un personnage féminin central, situé entre l'enfance et l'âge adulte, au rôle messianique affirmé, et des manifestations incontrôlables de la Nature, semblant réaffirmer ses droits après la dévastation. L'épidémie ravageant l'humanité, le dessin précis, l’atmosphère apocalyptique, les jeux de pouvoirs des triades et une certaine fascination pour les technologies guerrières préfigurent quant à eux l'œuvre de Hiroki Endo.

Le récit met un peu de temps à se mettre en place, démarre de manière un peu ennuyeuse, les informations sur l'univers arrivant plus vite que les actions des protagonistes, et ce n'est que vers la page 120 que l'on se sent réellement entraîné. Sur un récit de 220 planches, ce genre de défaut serait rédhibitoire, mais pas pour le démarrage d'une longue épopée, à laquelle les auteurs nous préparaient. En effet, le parcours des trois Rois mages de service (au rang desquels un basset géant) et de l'Enfant messie devait traverser la Chine, morcelée et en proie aux guerres, et la Sibérie, pour se rendre "au plus profond du continent eurasiatique". Au vu du rythme du récit, de la dose de mystères à exploiter et de diverses intuitions, on peut pronostiquer que l'histoire entière aurait été au moins trois fois plus longue. Au final la frustration du lecteur est bien là, mais pas aussi forte que l'on eût pu s'y attendre. En effet, prévenu dès le départ, on peut se laisser porter par le moment présent du récit avec un certain détachement contemplatif pas du tout désagréable. Le dessin réaliste de Satoshi Kon, tout à fait apte à attirer les non-amateurs de produits japonais préalablement conquis par Otomo, se prête assez bien à ce mode de lecture. Le découpage toutefois est assez inégal: si certains passages sont un régal, le recours à la micro-ellipse nuit parfois à la lisibilité de certaines scènes d'action.

L'objet édité par IMHO est plaisant, notammant grâce au travail de maquette de Vincent Montagnana. Poster, planches de croquis et postfaces, belle prise en main et toucher agréable, on n'a pas à se plaindre.Trois défauts néanmoins sont à signaler, sinon nous ne serions plus les chieurs pointilleux que nous affectionnons paraître :• Si nous sommes ravis d'avoir un poster en encart et des pages couleurs en introduction, il faut bien déplorer que ces dernières moirent, si ce n'est méchamment, du moins de façon gênante.• Une interversion de l'emplacement de deux récitatifs vient gâcher une citation de l'Évangile de Luc en page 018.• L'absence de rabats rend extrêmement fragile le délicat pelliculage mat de la couverture : après quelques manipulations et transports, même soigneux, il a tendance à se décoller aux angles.

Au final, un ouvrage que l'on recommandera aux amateurs de l'un ou l'autre des auteurs et aux maîtres du jeu en recherche d'inspiration pour leur campagne de jeu de rôle futuriste, qui trouveront ici matière à développer leur inspiration et pourront conclure à leur manière cette aventure de fin du monde inachevée.

 
LECTURES DE VACANCES
 

En vacances, on peut lire, c'est merveilleux.

Les Tuniques Bleues n°57 : Colorado Story de Lambil et Cauvin, DupuisC'est fou, la précédente fois que j'ai lu un Tuniques Bleues, c'était le n°53. Tu as à peine le temps de te retourner, d'installer deux trois étagères, et voilà que Lambil et Cauvin ont déjà pondu quatre albums. Je ne me rappelle plus du tout du contenu de Sang bleu chez les bleus mais je me souviens de m'être fait la réflexion que le dessin de Lambil n'avait pas bougé. Quatre ans plus tard on ne peut plus dire la même chose. Une grosse fatigue s'est abattu sur le vieil artisan et ici chaque vignette semble être un agrandissement d'un morceau de case du temps passé : trait un peu bancal, gras, composition malhabile, absence de détails, impression de vide. L'album se lit cependant sans difficulté et on le referme avec l'impression qu'il ne s'est pas passé grand chose. Longtemps annoncée, l'aventure n'arrive jamais. Ce n'est pas forcément un mal puisque des aventures, les deux bas-gradés fédérés en ont déjà vécues pas mal.Cette quasi-absence d'action et de rebondissements me laisse assez rêveur.

S'il n'y avait cette fameuse péremption des corps vivants, on pourrait imaginer que Lambil et Cauvin continuent ainsi pendant des siècles. Et qu'à chaque tome, insidieusement les deux compères se décalent progressivement et de manière quasi imperceptible du schéma initial. Spéculons : au 25e siècle, Cornélius Chesterfield et Blutch passeront des albums entiers à ne presque rien faire, cantonnés dans un fort. À la page 7 ils se lèveront pour aller saluer le drapeau "— Debout ! bête feignasse !", "— Je vois briller une telle exaltation dans votre œil bovin que je vous cède le passage avec plaisir, Sergent". Page 26 ils se rendront à la cantine : "— Alors Cornélius, vous n'avez pas faim ? Vous rêvez encore à Miss Applet..." scrognnntudju.

Ainsi petit à petit, les anti-héros de la guerre auront glissé dans un espace théâtral becketto-brechtien où le décor ira en s'effaçant, jusqu'à disparaître dans un nuage cotonneux. Réduits à l'état de spectres bégayants ils se rendront parfois compte qu'ils sont morts depuis longtemps. Ils se disputeront alors pour savoir depuis quelle aventure ils sont décédés, depuis quel moment a démarré ce changement d'état ?

Scalped tome 9 :  À couteaux tirés de Aaron et Guéra, Urban comicsJ'ai bien essayé de le faire durer celui-là, sachant que le tome 10, à sortir en février, serait le dernier de ce magnifique feuilleton. Aussi je me suis souvent arrêté, à la fin de chaque chapitre, je prenais le journal, j'allais jouer aux petites voitures, mais rien à faire, j'ai fini par le terminer. Excellent, sauf un chapitre assez inutile en début de recueil, correspondant au n°50 des fascicules originaux. Quand ils arrivent au 50e numéro, les étatsuniens se sentent obligés de fêter ça, alors ils invitent tout un tas d'artistes extérieurs à venir célébrer leur durabilité. Si la première partie de cet épisode 50, avec ses détails parfaitement horrifiques sur la technique du scalpage est très bien, si le choix d'Igor Kordey comme partenaire est assez naturel, les pleines pages signées par d'autres artistes (dont Jordi Bernet et Steve Dillon) sont assez inutiles. Mais cessons de pleurnicher pour quelques planches : eussions nous attendu un long mois comme les lecteurs initiaux pour avoir la suite, que la grogne eût été justifiée, mais nous avons eu bien des pages pour être, non pas satisfaits, mais transportés avec bonheur et angoisse. Un tome extrêment dense en rebondissements et action. Trahisons, revirements, surprises... Le rythme s'accélère dans la réserve Lakota de Prairie Rose (!) et cette magistrale série approche de sa conclusion, qu'on présume noire tant tout ce qui nous a été donné de traverser était loin du Village dans les nuages. À mon avis cette série est ce que les États-Unis ont produit de mieux, avec Locke & Key, depuis une décennie.

Baby-sitters tome 1 de Hari Tokeino, GlénatOn change totalement de registre pour cette série cherchant à se placer sous le dogme du "mignon". Ryuchi, un ado bien élevé et bienveillant, et son tout petit frère Kotaro, ont perdu leurs parents dans un accident. Désormais ils sont l'un pour l'autre leur seule famille. Oui, la larme vous vient à l'œil... C'est le principe. Les grosses ficelles de l'émotion sont ici fortement agitées. Ryuchi est même victime d'injustices (plutôt mineures) récurrentes. Ce brave gars n'en veut jamais à ceux qui le bousculent, au contraire, ils les comprend. Ryuchi et Kotaro sont donc accueilli pas la directrice d'apparence acariâtre d'une université. Vous avez bien noté le "d'apparence". Elle confie à Ryutaro un emploi de surveillant dans la crèche sise au sein de l'établissement, la crèche qui accueille donc les bébés des professeurs et du personnel. Grand frère idéal et attentionné, Ryutaro est un excellent choix pour ce poste. Les bébés sont ici traités comme des créatures d'une espèce presque distincte de l'humanité. Supposés extrêmement mignons, ils sont aussi très chauds et volontaires et ils ne font pas beaucoup caca. Il est un peu trop tôt pour se faire une opinion tranchée sur cette série. C'est souvent un peu balourd, mais j'ai été parfois ému. Il faut dire que je pleure devant la Petite maison dans la prairie, moi.

Btooom! tome 11 de Junya Inoue, GlénatNouvelle rupture de registre, avec la suite de ce shonen-up bien sanglant. Forcément, quand tu n'as que des grenades pour te défendre contre d'autres tordus, ça change un peu de la bataille de polochons. Là aussi on s'approche bien de la conclusion, ou du moins d'un cap important dans le développement de l'histoire. Ryota continue à se débattre pour constituer une équipe afin de mener à bien son plan d'évasion de l'île, mais le Dr Daté est décidément une véritable ordure. Les enjeux tactiques sont toujours clairement exploités dans cette série B tout à fait lisible. Les motivations des méchants organisateurs sont un peu moins convaincantes, mais on ne blâmera pas l'auteur de tenter d'inclure son aventure insulaire dans un cadre géopolitique anticipatif plus large. D'ailleurs un shonen-up supervisé par le Monde diplo serait sans doute moins distrayant. Enfin, dans la mesure où voir des êtres humains déchiquetés par des bombes puisse vous distraire. L'auteur développe d'ailleurs un peu sa réflexion et sa mise en abyme du spectacle, faisant de Btooom ! une curiosité hésitant entre voyeurisme et moralisme et dévoilant Junya Inoue comme un lointain descendant de Sam Peckinpah.Bonne fin d'année 2014.

 
DANS LES CORDES DE JAMES VANCE ET DAN E. BURR
 

Dans les années 80 le dramaturge étatsunien James Vance se tourna vers la bande dessinée pour raconter, à travers les mésaventures d'un adolescent, l'histoire violente et douloureuse de la Grande Dépression des années trente : c'était Kings in disguise . En France ce roman graphique fut traduit chez Vertige Graphic en 2003 sous le titre Les Rois Vagabonds. Ce récit, servi par le dessin un peu raide mais précis et investi de Dan E. Burr marqua durablement ceux qui s'y plongèrent. Voilà que des années après les auteurs nous offrent la suite de cette histoire.

Dans les cordes (On the Ropes en VO) est en fait le développement d'une pièce que James Vance avait écrite il y a bien longtemps. Quelques années ont passé. Le personnage central des Rois Vagabonds, Fred Block, a grandi et a souffert. Il a finit par rejoindre un cirque ambulant. Ce cirque fait partie d'un programme de la WPA, la Works Progress Administration, une initiative du New Deal visant à créer des emplois tout en divertissant les populations appauvries. Comme on ne va pas tarder à l'apprendre, cette activité nomade est idéal pour le jeune homme qui peut ainsi couvrir ses activités clandestines au service du mouvement ouvrier. La lutte des classes est très violente aux États Unis où le gouvernement et le patronat ont toujours été très vigilants à ne pas laisser se développer un syndicalisme radical. Depuis le dix-neuvième siècle les militants syndicaux en ont fait les frais. Les anarchistes, puis les communistes, furent sévèrement réprimés, par les forces de l'ordre ou par des organisations paramilitaires aux services des grandes entreprises (comme par exemple la fameuse agence Pinkerton) : intimidation, tabassage, emprisonnement, assassinat...

Tous les moyens étaient bons, avec cette violence frontale dont l'histoire des États-Unis est gorgée. Inscrivant leur récit dans ce contexte, les auteurs nous livrent une œuvre ambitieuse où le roman social se mêle au polar et à la description du monde du cirque. Les personnages ont une profondeur qui ne surprendra pas les lecteurs du premier opus et qui permet de dérouler de longues scènes de discussion, où les caractères et les expériences s'affrontent, sans que l'ennui ne puisse pointer son nez. Les 28 € que l'on peut investir dans ce livre ne seront pas gaspillés tant la lecture est roborative. Un bon week-end est nécessaire pour en venir à bout, alors imaginez que vous la coupliez avec les Rois Vagabonds : que du bonheur.

C'est donc aujourd'hui que nous sommes autorisés à mettre en vente cet ouvrage. Ne vous fiez pas à sa couverture, assemblage malheureux de 5 vignettes tristement colorisées. Le contenu est réellement excellent et le dessin de Dan E. Burr, malgré quelques rigidités – qui collent assez bien à l'âpreté de la période – possède la précision nécessaire pour rendre les différentes émotions qu'affrontent les protagonistes.

Dans les Cordes, de James Vance et Dan E. Burr, Vertige Graphic, 264 p. n&b, 28€. Code EAN : 9782849991138

 
3 PALETTES DE "NOUVEAUTÉS"
 

Le temps me manque pour vous décrire précisément et mettre en valeur le dernier arrivage de vieilleries sympathiques qui nous est arrivé cette semaine.

1,8 T de livres, d'après le bordereau du transporteur.

Du coup je vous propose une petite visite en photographies, vaguement commentées, comme une vieille séance diapo un peu soporifique.

Les étatsuniens :

Les scouts :

L'arthurien :

Le reste en vrac :

Les escaliers menant au sous-sol ont été réquisitionnés :

 Haha ! Vous pensiez que tous ces titres avaient rejoint les cimetières du neuvième art, et bien non, ils reviennent ! Et encore je ne vous ai pas tout montré.

 
MÉTAL HURLANT n°82, DÉCEMBRE 1982
 

Aujourd'hui je devrais plutôt vous parler du contenu des trois palettes qui sont arrivées hier, mais je creuse mon sillon sans me laisser bouleverser par la micro-actualité : voyage vers 1982 donc.

Moebius et Lisberger

Moebius et Lisberger

En ce moment nous sommes bien fournis en Métal Hurlant, cette fabuleuse revue dont la publication s'étala de 1975 à 1987 et dans laquelle palpitait l'âme des éditions Humanoïdes Associés. Le rayon Métal était tellement rempli il y a quelques jours qu'il ne vendait plus. Conseil pour les libraires débutants : un bac trop rempli nuit aux ventes, car le client ne peut rien en extraire et n'est pas dans une situation de confort, ou plutôt il est dans un inconfort excessif, car un peu d'inconfort n'est pas toujours inutile. Une fois mis en ordre, les doublons, les triplons et les quadruplons ôtés, le voilà reparti et je vois à nouveau les Métal passer en caisse. Ne manquez donc pas de faire un tour aux environs de la caisse des Métal. On peut notamment y voir le numéro 82, de décembre 1982 (justement). Il m'a tapé dans l'œil car la couverture en est consacrée au film Tron que j'ai récemment eu le plaisir de revoir. La fois précédente c'était dans les années 90, à la Cinémathèque, qui avait encore une salle rue du Faubourg du Temple à côté du Gibus. La séance avait été présentée par Mœbius qui avait alors eu plutôt tendance à minimiser son rôle dans l'affaire. Ce qui n'est pas le cas dans l'interview qu'il donne alors à Manœuvre et Dionnet dans ce numéro 82 de Métal Hurlant.

Le dossier sur Tron est en vérité très intéressant avec ses deux interviews, l'une du alors jeune réalisateur Steven Lisberger et l'autre de Jean Giraud/Mœbius. Ce dernier est toujours passionnant en entretien, mais Lisberger se révèle également très pertinent :

"Le vidéo-game est le moyen le plus génial de renvoyer un peu d'énergie humaine DANS les télés. [... ] Les kids veulent autre chose [que la télé]. Les jeux vidéo sont débiles. Okay. Mais ils n'existent que depuis deux ans... et il faut consacrer toute notre énergie à les améliorer, à les comprendre, à les maîtriser. Chaque grande invention pose ce problème, la rejeter et se faire avaler par elle un jour, en victime, ou alors se pencher dessus et tenter de la maîtriser, de la mettre à notre service."

Une petite citation de Mœbius maintenant, pour donner envie :

"C'est le cinéma qui m'a demandé. [...] J'essaie de passer du stade où je suis demandé à celui où je serai demandeur. Je termine la série Blueberry, je termine la série John Difool en trois albums et c'est fini. J'arrête la bande dessinée."

Manœuvre montre aussi pas mal de lucidité en énonçant que la science-fiction est sortie du placard et a envahi la culture populaire, qu'elle est désormais partout :

"Vous lisez bien, et ce n'est pas un canular : au hit-parade des mioches, l'extra-terrestre "E.T." a détrôné Mickey Mouse !"

Metal hurlant 82 Tron

Metal hurlant 82 Tron

Sinon c'est aussi dans ce numéro que Dionnet découvre le Daredevil de Frank Miller et c'est assez émouvant :

"C'est génial. C'est formidable. La petite fille droguée qui saute par la fenêtre est super."

Voilà. C'est un numéro que je mettrais bien à 8 € mais comme il faut bien admettre qu'il a un coin corné je me contenterai de 6 €.

 
L'ÉTERNAUTE : L'INTÉGRALE "PREMIER CYCLE", VERTIGE GRAPHIC
 

Nous avons déjà tellement œuvré à la promotion de cette œuvre, qu'écrire encore une ligne à son propos ici ne peut que me donner l'impression de bégayer... Mais le temps passe, les lecteurs vont et viennent et il y a encore quelques centaines de milliers d'amateurs potentiels en France qui sont sans doute passés à côté.

Ainsi L'Éternaute d'Héctor Germán Oesterheld et Francisco Solano López est à nouveau disponible chez Vertige Graphic, cette fois-ci en une intégrale monovolume. Si nous avons le courage, nous reviendrons sur l’appellation "Premier cycle" qui orne la couverture. La qualité d'impression est supérieure aux éditions cartonnées précédentes, mais équivalente à celle de l'édition brochée du premier tome, ce qui est très bien. La préface est la même que précédemment, excepté quelques photos ajoutées et la fin du texte sur Solano López qui a été modifiée, l'auteur étant mort entretemps. On déplore la présence dans ces ajouts d'une faute d'orthographe sur le nom du scénariste (répétée quatre fois, c'est dérangeant !), mais l'erreur est humaine et les compressions de personnel ne favorisent pas souvent les relectures.

Pour ceux qui ne savent pas du tout de quoi il est question, je conseille donc la lecture de nos archives...Tome 1Tome 2Tome 3 

Je conseille également la lecture d'un article du blog de Dionnet dont l'enthousiasme n'est pas toujours inutile.

368 p. n&b. 42 € Code EAN : 9782849991145.Notez que le supplément La bataille de la bibliothèque nationale, qui était inséré dans le coffret des 3 tomes, n'est pas repris dans cette intégrale. Il s'agissait d'une histoire courte que Solano López avait dessinée à l'occasion du cinquantenaire de L'Éternaute, sur un scénario de Juan Sasturain.Vous pourrez trouver chez nous l'intégrale évidemment, mais aussi le supplément sus-mentionné.

 
WET MOON D'ATSUSHI KANEKO
 

On peut constater un certain assagissement chez Atsushi Kaneko. Les formes se désentrelacent, les plans vont en se distinguant les uns des autres et les intrigues se clarifient. Pour résumer :

1)      Au départ nous avons un dessinateur virtuose qui anime de concert tous ses fantasmes de fiction dans une sarabande démente. C’est le Atsushi période Bambi (éditions IMHO). Un Tarantino de papier enrobant toutes ses fusillades dans un graphisme psyché alors que retentit le rythme endiablé d’un punk-rock primitif… Un Tarantino qui aurait cependant troqué le glamour publicitaire pour une bonne dose de cauchemar suintant qui ne déparerait pas dans le frigo de Stéphane Blanquet. L’intrigue semble se résumer à une succession de combats, avant qu’une histoire ne se dévoile. Impossible à gérer sur le long terme, le dessinateur scénariste finit par la faire retomber in extremis sur ses pattes grâce à une pirouette acrobatique. Nous disions alors bravo.

2)       Atsushi change de cap… L’improvisation il a déjà donné. Il veut se sortir une histoire de la tête. Se montrer qu’il peut produire une œuvre structurée et longue, qu’il peut élaborer un plan et s’y tenir. Surviennent alors les 11 tomes de Soil (éditions Ankama) : Blam ! Blam ! Blam ! Écoutez comme ils paraissent avec régularité. Votre portefeuille pleure et la larme nous vient à l’œil en constatant que oui, c’est vrai, il y est arrivé ! Vu le départ il semblait impossible que cette histoire de famille disparue, de pyramide de sel extra-terrestre, de recréation de cérémonies magiques ancestrales, d’adolescents perdus pour la normalité et de ville qui se dérobe puisse jamais, mais jamais tenir debout. Et bien si, et s’est magnifiquement angoissant et criant d’une formidable lucidité sur les caractéristiques de notre espèce. L’œuvre s’adresse tout de même à des rationalistes capables d’admettre que l’on puisse changer le cours du destin en se couvrant de ketchup et en tapant très fort sur une marmite. C’était le Atsushi période "Lynch et Cronenberg ont lu Mircea Eliade". Nous disions toujours bravo.

3)      Et voilà comment on arrive à la nouveauté à paraître en janvier ! Wet Moon…chez Casterman (merci aux défricheurs qui ont précédé : vous avez vendu que dalle laissez donc faire les pros). D’abord c’est beau. Des aplats de noir viennent régulièrement structurer les cases. Auparavant l’aplat de noir était plutôt réservé aux scènes nocturnes. Il faut préciser qu’Atsushi n’a pas d’assistant, alors quand, au Japon, tu n’as personne pour te mettre du noir là où tu fais une petite croix, tu évites de faire des petites croix (je plaisante). Donc le dessin de Wet Moon est parfaitement équilibré, tout à fait lisible sans rien perdre de sa personnalité. Le découpage et la mise en scène y sont renversants (allez au pif : p. 86, p. 131, magnifique, non ?). La peur et l’angoisse montent en vous tandis que le sang vous cogne les tempes… Oui bien sûr mettez-vous un peu en condition, n’allez pas me lire ça sans investissement, au boulot en mâchouillant un burger tout en surveillant votre fessebouc !L’histoire ? Et bien… Sata, un jeune inspecteur, obsédé par la lune, voit la réalité se déliter à la suite d’un accident qui lui a laissé une cicatrice à la tempe. Que lui est-il arrivé ? Il ne sait plus bien… Sa mémoire n’est plus fiable et ses collègues ont l’air de conspirer. Pas facile d’enquêter dans ces conditions. Ah oui, nous sommes en 1966 et le Japon ne semble pas désespérer de participer lui aussi à la conquête spatiale. Quand je vous disais qu’Atsushi s’était assagi. Nous disons encore une fois : bravo !

C'est presque de façon désintéressée que je vous vante les mérites de Wet Moon (à l'heure actuelle c'est un excellent premier tome, on verra pour la suite, la série étant prévue en trois tomes je crois). Car vous ne trouverez vraisemblablement pas ce titre, à paraître le 8 janvier 2014, chez nous. Certes nous vendons encore les tomes 0 et 6 de Bambi, mais vous dire que vous pouvez les lire sans lire le reste de la série serait vraiment mensonger.

Wet Moon d'Atsushi Kaneko, à paraître le 8 janvier 2014 chez Casterman. 8,50 €. Code EAN : 9782203081482.

En 2012 nous avions reçu Monsieur Kaneko dans notre librairie, il en reste cette vidéo.

Bien que je sâche que le reste de la série est désormais dur à trouver, j'ai très envie d'acheter par correspondance sur le site d'Aaapoum Bapoum  (et je ne m'inquiète pas si c'est super long à charger !)

 
LA SAGA DES ÉTOILES
 

Si vous ne pouvez pas aller à la Nuit Star Wars ce soir au Grand Rex et que de ce fait vous allez louper la diffusion sur écran géant des films IV, V et VI, c'est dommage. Moi je peux. En échange, je n'aurai pas le temps de lire ce que nous vous proposons pour compenser.

En effet, gravitent autour de notre rayon Star Wars trois titres particulièrement intéressants intimement liés aux films.

Le premier est un album de la collection Top BD (précisément l'album relié N°3). Accompagné d'une histoire involontairement rétro-SF nommée 2010 (la BD du film qui fait suite à 2001), vous y trouverez une adaptation assez rigolote du Retour du Jedi. Présentée comme "la seule adaptation BD du célèbre film de George Lucas", cette histoire est datée de 1983, une époque ou les fanboys ne lapidaient pas encore les gens qui disent "Dark Vador". Archie Goodwin et Al Williamson, auteurs fameux, mettent beaucoup de cœur à l'ouvrage dans la bonne représentation des acteurs, avec un succès toutefois fluctuant. La page de garde prend même la peine d'inscrire le casting du film aux crédits de la BD.

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Jabba, Leia en string et maître Yoda sont à 3 € dans notre coin comics de la rue Serpente (encore quelques exemplaires) .

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Ensuite, si le souvenir des films d'origine est suffisamment vivace et que vous tremblez à l'approche du prochain, tentez ce tome intitulé Star Wars – l'héritier de l'Empire, paru chez Dark Horse en 1998 (avant d'être réédité chez Delcourt). C'est un album étonnant car dessinée par Vatine et Blanchard. L'histoire pourrait totalement correspondre au 7e film qui se profile. Lucas a parait-il d'ailleurs avoué qu'elle représentait sûrement la suite la plus plausible à sa trilogie. Leïa s'est mariée avec son bad boy stellaire, Luke a fondé une dynastie de Jedi et la Nouvelle République vacille comme de juste. Ça risque de poser des problèmes de cohérence lorsque la version officielle de l'histoire des Skywalker sortira en salles mais en attendant, vous pouvez vous procurer cette lecture chez nous à 9€ en étant sûr que, de toute façon, elle vous décevra toujours moins que les nouveaux films.

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Et enfin, si toutes ces histoires de continuité vous rebutent et que vous décidez d'occulter totalement le fait qu'il existe autre chose que les trois films que je vais voir ce soir, vous pourriez vous pencher sur ce volume très étonnant: Monstres et créatures étranges de George Lucas. Rempli de croquis non utilisés, de photos des films, de références, chaque double page de cet ouvrage est radicalement différente de la précédente.  Vous pourrez découvrir en détail l'anatomie de Sy Snootles, la chanteuse préférée de Jabbat que vous voyez dans le retour du Jedi. Vous pourrez préparer la recette du SMAPP, un plat pour 4 à 6 Hutts.  Et bien plus encore. L'ouvrage est inventif et drôle. Il met en scène de nombreuses bestioles qui n'ont pas été retenues pour les films mais dont les projets se sont arrêtés à divers stades de progression (esquisses, marionnettes...) ce qui lui permet de proposer une iconographie exclusive très foisonnante. Les textes ne sont pas en reste mais il vous faudra le découvrir par vous même pour 7€, toujours rue Serpente.

 
BLAKE & MORTIMER : L'ONDE SEPTIMUS
 

La couverture sans Philip ni Francis est réussie je trouve, même si elle dévoile carrément la surprise de l'intrigue. Les récitatifs de Dufaux sont bien inspirés, à la limite de l'excessif mais retombant tout de même du côté élégant de la tartine. Les vues de la rive droite de Londres sont bien agréables. L'encrage est légèrement plus clairet que la période Marque Jaune auquel l'album fait référence, mais il passe bien. Dufaux a réussi à obtenir de l'éditeur un 66 planches, ce qui lui a laissé le temps de développer son intrigue. Il prend le temps et on en a bien besoin.

À la première lecture je n'ai absolument rien compris. Ça part dans tous les sens, les pouvoirs de l'onde septimus sont totalement invraisemblables et injustifiables. À la seconde lecture, ça va mieux, on ne comprend toujours pas comment ça marche mais on s'en fout. Dufaux est parti loin dans l'irrationnel, Jacobs n'aurait pas osé, il aurait davantage soigné la justification scientifique, et l'ambiance aussi, mais bon, on sent que le scénariste aux 600 albums a fait le travail avec émotion et consciencieusement, et l'hommage est acceptable. La mise en scène de la partie la plus angoissante est cependant faiblarde (Aubin et Schréder ne sont donc pas Jacobs, sacré scoop !)... On partage peu la peur grandissante des personnages. Le final est un peu expédié mais laisse la place à une suite éventuelle pour un Dufaux convoquant Jacques Bergier, Wells et K. Dick.

Il y a une faute quelque part, un participe passé à la place d'un infinitif, mais je ne peux pas vous dire dans quelle page, car je viens de perdre mon exemplaire, sans doute l'ai-je mis par inadvertance dans le sac d'un client qui passait en caisse.

Blake et Mortimer T.22 : L'onde septimus de Jean Dufaux, Aubin et Schréder, EAN : 9782870971895, 15,25 €. Cet album n'est pas à vendre à AAAPOUM BAPOUM, mais vous pourrez le trouver en neuf dans la plupart des librairies de la Franco-belgie dans quelques jours.