Publications avec le tag IMHO
SERAPHIM – '266613336WINGS' de MAMORU OSHII et SATOSHI KON
 

Comme je ne suis pas très érudit en ce qui concerne la production nippone, le premier mérite du livre paru le mois dernier chez IMHO fut, par son existence même, de me faire découvrir que deux pointures de la japanimation, Mamoru OSHII (Patlabor, Ghost in the Shell, Avalon...) et Satoshi KON (Perfect Blue, Tokyo Godfathers, Paranoïa Agent, Paprika...) avaient travaillé ensemble. Non pas sur un film, donc, mais sur une série en BD. Il faut l'écrire tout de suite : cette fiction n'est absolument pas terminée et ne le sera jamais. Les postfaces, instructives, restent cependant peu disertes sur les raisons réelles de la rupture et de l’inachèvement.

D'abord uniquement crédité de la partie graphique, Satoshi Kon finit par signer l'ensemble tout en conservant la mention "sur une idée originale de Mamoru Oshii". L'œuvre fut prépubliée dans le magazine Animage entre mai 1994 et novembre 1995. Éditorialement, le projet semble conçu pour combler le vide laissé par la fin de Nausicaä de Miyazaki, dans le même magazine. De fait Seraphim se situe stylistiquement et thématiquement à l'intersection de Nausicaä et d'une autre série, commencée dans le magazine Afternoon en 1997, c'est-à-dire après l'arrêt de Seraphim : Eden, It's an Endless World ! de Hiroki Endo, éditée en France chez Panini.

De Nausicaä on retrouve un personnage féminin central, situé entre l'enfance et l'âge adulte, au rôle messianique affirmé, et des manifestations incontrôlables de la Nature, semblant réaffirmer ses droits après la dévastation. L'épidémie ravageant l'humanité, le dessin précis, l’atmosphère apocalyptique, les jeux de pouvoirs des triades et une certaine fascination pour les technologies guerrières préfigurent quant à eux l'œuvre de Hiroki Endo.

Le récit met un peu de temps à se mettre en place, démarre de manière un peu ennuyeuse, les informations sur l'univers arrivant plus vite que les actions des protagonistes, et ce n'est que vers la page 120 que l'on se sent réellement entraîné. Sur un récit de 220 planches, ce genre de défaut serait rédhibitoire, mais pas pour le démarrage d'une longue épopée, à laquelle les auteurs nous préparaient. En effet, le parcours des trois Rois mages de service (au rang desquels un basset géant) et de l'Enfant messie devait traverser la Chine, morcelée et en proie aux guerres, et la Sibérie, pour se rendre "au plus profond du continent eurasiatique". Au vu du rythme du récit, de la dose de mystères à exploiter et de diverses intuitions, on peut pronostiquer que l'histoire entière aurait été au moins trois fois plus longue. Au final la frustration du lecteur est bien là, mais pas aussi forte que l'on eût pu s'y attendre. En effet, prévenu dès le départ, on peut se laisser porter par le moment présent du récit avec un certain détachement contemplatif pas du tout désagréable. Le dessin réaliste de Satoshi Kon, tout à fait apte à attirer les non-amateurs de produits japonais préalablement conquis par Otomo, se prête assez bien à ce mode de lecture. Le découpage toutefois est assez inégal: si certains passages sont un régal, le recours à la micro-ellipse nuit parfois à la lisibilité de certaines scènes d'action.

L'objet édité par IMHO est plaisant, notammant grâce au travail de maquette de Vincent Montagnana. Poster, planches de croquis et postfaces, belle prise en main et toucher agréable, on n'a pas à se plaindre.Trois défauts néanmoins sont à signaler, sinon nous ne serions plus les chieurs pointilleux que nous affectionnons paraître :• Si nous sommes ravis d'avoir un poster en encart et des pages couleurs en introduction, il faut bien déplorer que ces dernières moirent, si ce n'est méchamment, du moins de façon gênante.• Une interversion de l'emplacement de deux récitatifs vient gâcher une citation de l'Évangile de Luc en page 018.• L'absence de rabats rend extrêmement fragile le délicat pelliculage mat de la couverture : après quelques manipulations et transports, même soigneux, il a tendance à se décoller aux angles.

Au final, un ouvrage que l'on recommandera aux amateurs de l'un ou l'autre des auteurs et aux maîtres du jeu en recherche d'inspiration pour leur campagne de jeu de rôle futuriste, qui trouveront ici matière à développer leur inspiration et pourront conclure à leur manière cette aventure de fin du monde inachevée.

 
WET MOON D'ATSUSHI KANEKO
 

On peut constater un certain assagissement chez Atsushi Kaneko. Les formes se désentrelacent, les plans vont en se distinguant les uns des autres et les intrigues se clarifient. Pour résumer :

1)      Au départ nous avons un dessinateur virtuose qui anime de concert tous ses fantasmes de fiction dans une sarabande démente. C’est le Atsushi période Bambi (éditions IMHO). Un Tarantino de papier enrobant toutes ses fusillades dans un graphisme psyché alors que retentit le rythme endiablé d’un punk-rock primitif… Un Tarantino qui aurait cependant troqué le glamour publicitaire pour une bonne dose de cauchemar suintant qui ne déparerait pas dans le frigo de Stéphane Blanquet. L’intrigue semble se résumer à une succession de combats, avant qu’une histoire ne se dévoile. Impossible à gérer sur le long terme, le dessinateur scénariste finit par la faire retomber in extremis sur ses pattes grâce à une pirouette acrobatique. Nous disions alors bravo.

2)       Atsushi change de cap… L’improvisation il a déjà donné. Il veut se sortir une histoire de la tête. Se montrer qu’il peut produire une œuvre structurée et longue, qu’il peut élaborer un plan et s’y tenir. Surviennent alors les 11 tomes de Soil (éditions Ankama) : Blam ! Blam ! Blam ! Écoutez comme ils paraissent avec régularité. Votre portefeuille pleure et la larme nous vient à l’œil en constatant que oui, c’est vrai, il y est arrivé ! Vu le départ il semblait impossible que cette histoire de famille disparue, de pyramide de sel extra-terrestre, de recréation de cérémonies magiques ancestrales, d’adolescents perdus pour la normalité et de ville qui se dérobe puisse jamais, mais jamais tenir debout. Et bien si, et s’est magnifiquement angoissant et criant d’une formidable lucidité sur les caractéristiques de notre espèce. L’œuvre s’adresse tout de même à des rationalistes capables d’admettre que l’on puisse changer le cours du destin en se couvrant de ketchup et en tapant très fort sur une marmite. C’était le Atsushi période "Lynch et Cronenberg ont lu Mircea Eliade". Nous disions toujours bravo.

3)      Et voilà comment on arrive à la nouveauté à paraître en janvier ! Wet Moon…chez Casterman (merci aux défricheurs qui ont précédé : vous avez vendu que dalle laissez donc faire les pros). D’abord c’est beau. Des aplats de noir viennent régulièrement structurer les cases. Auparavant l’aplat de noir était plutôt réservé aux scènes nocturnes. Il faut préciser qu’Atsushi n’a pas d’assistant, alors quand, au Japon, tu n’as personne pour te mettre du noir là où tu fais une petite croix, tu évites de faire des petites croix (je plaisante). Donc le dessin de Wet Moon est parfaitement équilibré, tout à fait lisible sans rien perdre de sa personnalité. Le découpage et la mise en scène y sont renversants (allez au pif : p. 86, p. 131, magnifique, non ?). La peur et l’angoisse montent en vous tandis que le sang vous cogne les tempes… Oui bien sûr mettez-vous un peu en condition, n’allez pas me lire ça sans investissement, au boulot en mâchouillant un burger tout en surveillant votre fessebouc !L’histoire ? Et bien… Sata, un jeune inspecteur, obsédé par la lune, voit la réalité se déliter à la suite d’un accident qui lui a laissé une cicatrice à la tempe. Que lui est-il arrivé ? Il ne sait plus bien… Sa mémoire n’est plus fiable et ses collègues ont l’air de conspirer. Pas facile d’enquêter dans ces conditions. Ah oui, nous sommes en 1966 et le Japon ne semble pas désespérer de participer lui aussi à la conquête spatiale. Quand je vous disais qu’Atsushi s’était assagi. Nous disons encore une fois : bravo !

C'est presque de façon désintéressée que je vous vante les mérites de Wet Moon (à l'heure actuelle c'est un excellent premier tome, on verra pour la suite, la série étant prévue en trois tomes je crois). Car vous ne trouverez vraisemblablement pas ce titre, à paraître le 8 janvier 2014, chez nous. Certes nous vendons encore les tomes 0 et 6 de Bambi, mais vous dire que vous pouvez les lire sans lire le reste de la série serait vraiment mensonger.

Wet Moon d'Atsushi Kaneko, à paraître le 8 janvier 2014 chez Casterman. 8,50 €. Code EAN : 9782203081482.

En 2012 nous avions reçu Monsieur Kaneko dans notre librairie, il en reste cette vidéo.

Bien que je sâche que le reste de la série est désormais dur à trouver, j'ai très envie d'acheter par correspondance sur le site d'Aaapoum Bapoum  (et je ne m'inquiète pas si c'est super long à charger !)

 
RENCONTRE AVEC ATSUSHI KANEKO
 

"Si je n'avais pas raté la fac, je ne serais pas devenu mangaka."

Au mois de janvier de cette année, nous avions eu la chance d'accueillir Atsushi Kaneko, un excellent illustrateur et un mangaka étonnant, dont nous apprécions aussi bien Bambi (6 tomes chez IMHO) –série B punk, frénétique et délirante– que Soil (11 tomes chez Ankama), –fantastique psychanalyse lynchienne d'une ville nouvelle ou rien n'est ce qu'il paraît être.

Grâce à la traduction en direct d'Aurélien Estager, Atsushi Kaneko a pu répondre aux questions de ses lecteurs présents ce jour là.  La vidéo dure un petit quart d'heure et a été enregistrée à l'initiative de Faustine et Nicolas, qui en plus d'être nos clients depuis longtemps sont aussi les valeureux animateurs de la section manga du site planetebd.com. Merci à eux, qui ont captés ces instants malgré l'état grippal qui les accablait et qui nous ont autorisé à diffuser ces images sur notre blog.

Atsushi Kaneko à Aaapoum Bapoum from Aaapoum Bapoum on Vimeo.

Après avoir répondu aux questions avec un naturel notable pour un mangaka, l'artiste a travaillé jusqu'à l'épuisement sur des dédicaces pour nos clients. Merci à lui et aux éditions Ankama et IMHO.

Le son n'est pas très fort, ce doit être ma faute –je suis nul en compression de vidéos– mais vous n'avez qu'à pousser le volume de votre home cinéma.

 
Atsushi Kaneko à Aaapoum Bapoum
 

Un précieux bédéaste nippon devrait nous rendre visite le mercredi 25 janvier 2012 à partir de 17h. Atsushi Kaneko, l'auteur de Bambi (éditions IMHO) et de Soil (éditions Ankama), passera en effet par la rue Serpente (75006) avant d'aller se prendre la bruine sur les hauteurs d'Angoulême. Lors de son escale vous pourrez le rencontrer, discuter avec lui grâce à la présence d'un traducteur, acheter ses livres et en profiter pour vous en faire dédicacer.

Pour ceux qui ne connaissent pas du tout son travail je peux préciser que son style est très particulier, fruit d'influences culturelles variées et qu'il épate souvent les lecteurs peu friands de mangas. "Ah c'est vrai que c'est étonnant pour un japonais ! C'est pas mal du tout ! " Entends-je souvent lorsque je présente un Bambi à un client dont le goût a été gâté par une trop longue exposition à la culture yankee. Les plus bornés concluent par un "Je t'en aurais pris un si c'était en sens de lecture occidental, mais là, tu comprends, c'est trop dur". Je comprends surtout que je ne peux plus rien faire pour toi, mais je ne t'en veux pas.

Bambi ravira les amateurs des films de Rodriguez et Tarantino et des deux bédés de Guy Peellaert, quant à Soil, son orientation Lynch-Cronenberg-X-files devrait exciter plus d'un décadent friand d'angoisse malsaine et déroutante. Youpee.

Tout petit déjà, S; du aaablog fut marqué par le tome 1 de Bambi : à voir ici.Quant à Patrick Batman, pour des raisons différentes, c'est un de ses trois livres de chevet.

6a00d8341c924153ef0162ff30644f970d-800wi.jpg

Très prochainement nous vous en dirons plus sur les modalités techniques.