Publications avec le tag animation
Toyholic
 

Visiblement, les lecteurs/lectrices de fanzines des années 90 étaient des durs à cuire qui savaient exprimer leur désapprobation (en sus d’apporter d’étonnants compléments d’information)!

Si vous souhaitez en savoir plus sur Toyholic, qui est bien plus que la somme de ses lecteurs passés, il est peut-être encore possible de tomber sur notre exemplaire d’occasion rue serpente ou d’aller voir si leur site web fonctionne toujours.

 
SERAPHIM – '266613336WINGS' de MAMORU OSHII et SATOSHI KON
 

Comme je ne suis pas très érudit en ce qui concerne la production nippone, le premier mérite du livre paru le mois dernier chez IMHO fut, par son existence même, de me faire découvrir que deux pointures de la japanimation, Mamoru OSHII (Patlabor, Ghost in the Shell, Avalon...) et Satoshi KON (Perfect Blue, Tokyo Godfathers, Paranoïa Agent, Paprika...) avaient travaillé ensemble. Non pas sur un film, donc, mais sur une série en BD. Il faut l'écrire tout de suite : cette fiction n'est absolument pas terminée et ne le sera jamais. Les postfaces, instructives, restent cependant peu disertes sur les raisons réelles de la rupture et de l’inachèvement.

D'abord uniquement crédité de la partie graphique, Satoshi Kon finit par signer l'ensemble tout en conservant la mention "sur une idée originale de Mamoru Oshii". L'œuvre fut prépubliée dans le magazine Animage entre mai 1994 et novembre 1995. Éditorialement, le projet semble conçu pour combler le vide laissé par la fin de Nausicaä de Miyazaki, dans le même magazine. De fait Seraphim se situe stylistiquement et thématiquement à l'intersection de Nausicaä et d'une autre série, commencée dans le magazine Afternoon en 1997, c'est-à-dire après l'arrêt de Seraphim : Eden, It's an Endless World ! de Hiroki Endo, éditée en France chez Panini.

De Nausicaä on retrouve un personnage féminin central, situé entre l'enfance et l'âge adulte, au rôle messianique affirmé, et des manifestations incontrôlables de la Nature, semblant réaffirmer ses droits après la dévastation. L'épidémie ravageant l'humanité, le dessin précis, l’atmosphère apocalyptique, les jeux de pouvoirs des triades et une certaine fascination pour les technologies guerrières préfigurent quant à eux l'œuvre de Hiroki Endo.

Le récit met un peu de temps à se mettre en place, démarre de manière un peu ennuyeuse, les informations sur l'univers arrivant plus vite que les actions des protagonistes, et ce n'est que vers la page 120 que l'on se sent réellement entraîné. Sur un récit de 220 planches, ce genre de défaut serait rédhibitoire, mais pas pour le démarrage d'une longue épopée, à laquelle les auteurs nous préparaient. En effet, le parcours des trois Rois mages de service (au rang desquels un basset géant) et de l'Enfant messie devait traverser la Chine, morcelée et en proie aux guerres, et la Sibérie, pour se rendre "au plus profond du continent eurasiatique". Au vu du rythme du récit, de la dose de mystères à exploiter et de diverses intuitions, on peut pronostiquer que l'histoire entière aurait été au moins trois fois plus longue. Au final la frustration du lecteur est bien là, mais pas aussi forte que l'on eût pu s'y attendre. En effet, prévenu dès le départ, on peut se laisser porter par le moment présent du récit avec un certain détachement contemplatif pas du tout désagréable. Le dessin réaliste de Satoshi Kon, tout à fait apte à attirer les non-amateurs de produits japonais préalablement conquis par Otomo, se prête assez bien à ce mode de lecture. Le découpage toutefois est assez inégal: si certains passages sont un régal, le recours à la micro-ellipse nuit parfois à la lisibilité de certaines scènes d'action.

L'objet édité par IMHO est plaisant, notammant grâce au travail de maquette de Vincent Montagnana. Poster, planches de croquis et postfaces, belle prise en main et toucher agréable, on n'a pas à se plaindre.Trois défauts néanmoins sont à signaler, sinon nous ne serions plus les chieurs pointilleux que nous affectionnons paraître :• Si nous sommes ravis d'avoir un poster en encart et des pages couleurs en introduction, il faut bien déplorer que ces dernières moirent, si ce n'est méchamment, du moins de façon gênante.• Une interversion de l'emplacement de deux récitatifs vient gâcher une citation de l'Évangile de Luc en page 018.• L'absence de rabats rend extrêmement fragile le délicat pelliculage mat de la couverture : après quelques manipulations et transports, même soigneux, il a tendance à se décoller aux angles.

Au final, un ouvrage que l'on recommandera aux amateurs de l'un ou l'autre des auteurs et aux maîtres du jeu en recherche d'inspiration pour leur campagne de jeu de rôle futuriste, qui trouveront ici matière à développer leur inspiration et pourront conclure à leur manière cette aventure de fin du monde inachevée.