Publications avec le tag Moebius
UNDERTAKER T.1 DE MEYER ET DORISON
 

Si l'on parle ici de Undertaker T.1 : Le Mangeur d'or de Meyer et Dorison ce n'est pas parce que nous en avons à vendre, mais juste parce que je m'intéresse aux westerns.

Il se trouve que j'ai trouvé celui-ci pas mal dans l'état actuel de son développement. Ce qui est amusant parce que je l'ai empoigné en ayant plutôt l'intention de le détester.

Les raisons sont nombreuses mais pour une fois assez indépendantes de l'œuvre elle-même : l'impression que désormais écrire une histoire de l'Ouest est un  passage obligé pour couronner une carrière, une campagne de presse trop bien agencée, et pour finir cet autocollant sur le premier plat, qui proclame carrément : "LE PLUS GRAND WESTERN DEPUIS BLUEBERRY" ! Allez hop, sans complexes.

Le classique est dans le catalogue de la maison alors on va pas se gêner ! Habituellement les publicistes habillent ce genre de promo dans la citation plus ou moins fausse d'un média (un journal ou à défaut le blog de trouduc).

Là non, chez Dargaud au rayon Stimulation du consommateur on fait dans le bien lourdingue, le vulgaire. De plus, quand les codes graphiques d'une œuvre sont à ce point inspirés de celle d'un autre (en l'occurrence, oui, le Giraud de Blueberry) on devrait avoir l'intelligence de ne pas trop insister, de laissez le public y voir un hommage appuyé, et non une tactique éprouvée de séduction flattant ses sens avec ce qui les fit chavirer jadis. Cette insistance redondante se retrouve d'ailleurs dès la page de garde, où ce qui se révèlera être un bon mot du personnage principal (pl. 16), est cité et mis en exergue, désarmorçant ainsi sa force lors de sa lecture ultérieure. C'est ici la vulgarité d'un gros balourd riant de sa propre blague et apostrophant la cantonnade : "Haha ! Hilarant, non !?".

Mais vous l'aurez remarqué ces reproches s'adressent plutôt à la stratégie commerciale de l'éditeur qu'à l'œuvre elle-même.

J'ai effectivement apprécié, en vrac :• La digestion du style giraudien (?). La filiation de Ralph Meyer avec Giraud / Mœbius n'est pas nouvelle, et bien visible depuis IAN, elle est ici plus simplement plus évidente à cause du cadre du récit. Les plans d'ensemble sont très réussis, la scène de pluie à la fin aussi.• L'expressivité appuyée mais riche des personnages, notamment celle du héros.• La ludicité du scénario qui nous promet une expédition qui est sans cesse retardée. Le reserrement imprévu sur la ville.• La quatrième de couverture.• L'idée d'un croque-mort itinérant, que je n'avais pas vue ailleurs, mais peut-être est-ce par inculture.• Le fait que l'album comporte 54 planches.


L'ensemble est fort correct et achetable, mais n'est pas exempt de défauts, la vraisemblance n'est pas toujours recherchée et certaines choses sont un peu dures à avaler. Ainsi par exemple, j'aurais vraiment apprécié que lorsque un personnage se fait brûler la main, à vue de nez au "deuxième degré profond", il éprouve ensuite quelques difficultés à s'en servir, ne serait-ce que pendant une page ou deux...

Undertaker T.1 : Le Mangeur d'or de Ralph Meyer et Xavier Dorison, Dargaud, 64 p. 13,99 € EAN : 9782505061373

 
COMICS & STORIES DE DARROW
 

J'ai très peu de temps pour vous présenter l'arrivage luxueux de cette belle journée rue Dante.Commençons par une folie des éditions Aedena. Nous sommes en 1986 et voici Comics and Stories, du maniaque du détail Geof Darrow. Le contenu de cet ouvrage fut réédité en plus petit par les éditions Delcourt en 1995, sous le titre Bourbon Thret. L'édition originale présente l'avantage du format (26 x 36,5 cm) et des planches qui se déplient. De plus ce que nous présentons aujourd'hui, c'est la version tirage de tête, avec numérotation, signature, couverture alternative et surtout le supplément, le Darrow Magazine qui contient les contributions amicales d'une vingtaine de dessinateurs (parmi lesquels Mœbius et Franquin).Ce tirage en excellent état porte le numéro 478/750 et est à vendre pour 220 €.

 
MŒBIUS – HENDRIX : LE PORTFOLIO
 

En 1975 la maison Barclay demanda à Mœbius une illustration pour la pochette de la compilation en un double album des deux premiers disques du Jimi Hendrix Experience : are you experienced  / bold of axis. Pour l'aider dans sa tâche on fournit à Mœbius un lot de photographies du musicien. Celle qui retient l'attention du dessinateur a immortalisé Hendrix en train de manger. Ce cliché fut pris le 6 mars 1967 à Bruxelles, par Jean-Noël Coghe, alors jeune critique de rock. Pendant des années ce dernier ne sembla guère se soucier de ce qu'il était advenu de l'image qu'il avait saisie, avec un appareil qui n'était pas le sien... Puis un beau jour des années 90, sans doute fort bien conseillé, il se décide à menacer de procès le dessinateur. Mœbius dont l'inspiration, tout au long de sa carrière, puisa abondamment à la source de ce qu'on appelle parfois le huitème art (bien qu'antérieur au septième, cette classification est débile), Mœbius donc, commença à transpirer à grosses gouttes. Finalement les deux hommes s'arrangèrent à l'amiable et firent un livre et un portfolio de toute cette histoire. Le livre s'appelle Jimi Hendrix, émotions électriques (EAN : 9782859203863), et fut publié par le Castor astral en 2000. Il fut précédé par le portfolio en 1998, édité par Stardom. Sous un emboîtage imprimé en orange sur le front, on trouve une page de colophon, une page de photos de Jimi Hendrix, une page de texte de Jean-Noël Coghe,  et 10 planches sérigraphiées en couleur. Édition numérotée 263 sur 500 exemplaires et signée par Moebius et par Coghe sur le colophon. 41x51 cm.


Quelques rousseurs sur la page de titre et quelques traces d'usure sur l'emboîtage. 700 € est son prix de vente dans notre échoppe rue Dante. Un exemplaire similaire fut vendu à Artcurial en 2011 pour 750 €. C'est d'ailleurs dans le catalogue de cette vente que j'ai appris le mot "colophon", qui ne me semble pas forcément super approprié mais que j'ai tout de même recopié, car il est amusant.

 

 
MÉTAL HURLANT n°82, DÉCEMBRE 1982
 

Aujourd'hui je devrais plutôt vous parler du contenu des trois palettes qui sont arrivées hier, mais je creuse mon sillon sans me laisser bouleverser par la micro-actualité : voyage vers 1982 donc.

Moebius et Lisberger

Moebius et Lisberger

En ce moment nous sommes bien fournis en Métal Hurlant, cette fabuleuse revue dont la publication s'étala de 1975 à 1987 et dans laquelle palpitait l'âme des éditions Humanoïdes Associés. Le rayon Métal était tellement rempli il y a quelques jours qu'il ne vendait plus. Conseil pour les libraires débutants : un bac trop rempli nuit aux ventes, car le client ne peut rien en extraire et n'est pas dans une situation de confort, ou plutôt il est dans un inconfort excessif, car un peu d'inconfort n'est pas toujours inutile. Une fois mis en ordre, les doublons, les triplons et les quadruplons ôtés, le voilà reparti et je vois à nouveau les Métal passer en caisse. Ne manquez donc pas de faire un tour aux environs de la caisse des Métal. On peut notamment y voir le numéro 82, de décembre 1982 (justement). Il m'a tapé dans l'œil car la couverture en est consacrée au film Tron que j'ai récemment eu le plaisir de revoir. La fois précédente c'était dans les années 90, à la Cinémathèque, qui avait encore une salle rue du Faubourg du Temple à côté du Gibus. La séance avait été présentée par Mœbius qui avait alors eu plutôt tendance à minimiser son rôle dans l'affaire. Ce qui n'est pas le cas dans l'interview qu'il donne alors à Manœuvre et Dionnet dans ce numéro 82 de Métal Hurlant.

Le dossier sur Tron est en vérité très intéressant avec ses deux interviews, l'une du alors jeune réalisateur Steven Lisberger et l'autre de Jean Giraud/Mœbius. Ce dernier est toujours passionnant en entretien, mais Lisberger se révèle également très pertinent :

"Le vidéo-game est le moyen le plus génial de renvoyer un peu d'énergie humaine DANS les télés. [... ] Les kids veulent autre chose [que la télé]. Les jeux vidéo sont débiles. Okay. Mais ils n'existent que depuis deux ans... et il faut consacrer toute notre énergie à les améliorer, à les comprendre, à les maîtriser. Chaque grande invention pose ce problème, la rejeter et se faire avaler par elle un jour, en victime, ou alors se pencher dessus et tenter de la maîtriser, de la mettre à notre service."

Une petite citation de Mœbius maintenant, pour donner envie :

"C'est le cinéma qui m'a demandé. [...] J'essaie de passer du stade où je suis demandé à celui où je serai demandeur. Je termine la série Blueberry, je termine la série John Difool en trois albums et c'est fini. J'arrête la bande dessinée."

Manœuvre montre aussi pas mal de lucidité en énonçant que la science-fiction est sortie du placard et a envahi la culture populaire, qu'elle est désormais partout :

"Vous lisez bien, et ce n'est pas un canular : au hit-parade des mioches, l'extra-terrestre "E.T." a détrôné Mickey Mouse !"

Metal hurlant 82 Tron

Metal hurlant 82 Tron

Sinon c'est aussi dans ce numéro que Dionnet découvre le Daredevil de Frank Miller et c'est assez émouvant :

"C'est génial. C'est formidable. La petite fille droguée qui saute par la fenêtre est super."

Voilà. C'est un numéro que je mettrais bien à 8 € mais comme il faut bien admettre qu'il a un coin corné je me contenterai de 6 €.

 
Blueberry : Nez Cassé et case amputée
 

Qu'elle est belle cette case d'ouverture de Nez Cassé, ce si bel album de Blueberry, mis en scène par un Giraud au sommet de son souci de la précision et du détail. Il y a tout ce qu'on aime dans le western dans cette case d'introduction.

Un décor somptueux aux rochers impressionnants, une belle plongée permettant de saisir en un instant le contexte tactique et cette distance quasi-démiurgique qui assimile les protagonistes à de petites figurines que l'on peut mouvoir par la pensée justement dans cet environnement détaillé, rempli d'accessoires. L'enfant-joueur qui sommeille dans le lecteur est ainsi sollicité pour son plus grand plaisir.

Cependant cette case n'est pas extraite de l'album Dargaud (1980), mais de sa prépublication dans le mensuel Métal Hurlant, qui débuta dans le n°38 de février 1979 pour s'achever dans le n°40.

En effet, ces créateurs prolixes que sont Jean-Michel Charlier et Jean Giraud n'ayant pas réussi à boucler les péripéties de leur lieutenant rebelle en maximum 46 planches comme les contraintes de rentabilité induites par les standards de production l'exigent, mais en 47, l'éditeur décida –exceptionnellement– que cette aventure démarrerait en page 2 et non en 3 comme la tradition le réclame. Sauf qu'en page 2 la tradition est, chez Dargaud, que l'on trouve l'achevé d'imprimer... Et l'achevé d'imprimer c'est sacré, on ne peut pas le bouger d'un micron, oh non ! On ne peut pas imaginer le déplacer, par exemple, en page 1, sous la silhouette de Mike S. qui dégaine.

Non, ce serait trop inconvenant. Le mieux c'est de réduire la place accordée au dessin. Par exemple en coupant cette case du haut, ce paysage qui ne sert à rien. Ouais, les agaves en fleurs, les cailloux, le chariot et les chevaux, on s'en fout ! L'essentiel c'est que les clients puissent lire le texte et voir les onomatopées au milieu, blam blam.

Et voilà comment on cisaille une magnifique tableau.

Tout cet exposé se termine, comme souvent quand on a affaire à un libraire, qui n'est souvent qu'un commerçant en chandail, par une conclusion mercantile : demain mardi, aux alentours de 15h, les trois numéros de Métal Hurlant contenant l'histoire complète de Nez Cassé, dans sa version intégrale et non censurée de ses agaves en fleurs, seront mis en vente rue Dante en lot pour la somme de 24€. Et là j'entends la voix de Laurent qui s'élève :"— Quoi ?! 24 euros ! Mais... Tu me les as repris 3€ pièce à l'échange ! C'est beaucoup moins que la moitié !".Ce à quoi je réponds avec fermeté :"— En effet, mais as-tu remarqué le mal que je me suis donné pour mettre en valeur la marchandise ?"

 
Posters & Affiches : Nouvel accrochage rue Serpente
 

Chronique imprécise mais détaillée

L'exposition Christopher Hittinger étant finie et décrochée, nous n'avons pas laissés les murs vides et blancs, enfin presque blancs. Nous avons à nouveau suspendu avec un certain opportunisme certaines affiches que vous avez déjà pu voir chez nous... Par exemple cet amusant Tintin à Hollywood fait il y a une quinzaine d'années (vous allez voir ce post va être plein d'imprécisions car en fait les affiches je n'y connais pas grand chose et que je n'ai pas vraiment envie de consacrer tout mon temps de travail d'aujourd'hui à compléter mes lacunes pour un petit article informatif rédigé dans une relative urgence). Une affiche parodique qui je crois fut donc produite par les éditions Mégawawe à l'occasion d'une exposition (encore de l'imprécision !). Nous vendons cette représentation de Tintin en Steve Mc Queen et de Haddock en John Wayne pour la somme de 30 €, sans le cadre rouge que nous gardons.

Dans la même collection nous avons aussi un Tintin de dos dans une expo d'art moderne par Michel Blanc-Dumont et un Tintin piquant le rôle du bisouteur du Baiser de l'Hôtel de Ville de Doisneau par je ne sais qui. Ces affiches-là ne sont pas exposées pour le moment, mais vous pouvez toujours demander à les voir et vous pouvez même les acheter. Elles ne coûtent elles que 20 €.

Pour continuer sur Tintin, nous avons ressorti (tiens, mais pourquoi donc ?) nos sérigraphies des couvertures. Il s'agit de véritables sérigraphies, tirées à 1500 exemplaires par la galerie Escale à Paris en 1988 (et oui là j'ai retrouvé la date !). Elles faisaient partie d'un ensemble de 22 aujourd'hui dispersé (pas par nos soins), qui était réuni dans une grande grande boîte que nous devons toujours avoir, jaunie par la fumée du tabagique collectionneur qui nous l'a cédée, quelque part au fond de la cave de Dante (communément appelée "L'Enfer", ou plus sobrement "La Douve" par les intimes). Chacune des 5 couvertures en notre possession (Ottokar, Or noir, Amérique, Coke, Picaros) est vendue avec son cadre pour la somme ronde de 200 €.

Schuiten

Ce n'est pas tout à fait un nouvel accrochage, puisque nous présentions déjà ces affiches avant l'expo Hittinger, mais il est amusant de vous présenter ici ces deux Schuiten. On peut voir que l'auteur n'hésite pas à recycler en les modifiant en chouia, certaines de ses créations pour les ressortir à diverses occasions. Ci-dessous à gauche une affichette promotionelle pour folio (qui doit certainement reprendre une couverture faite pour une édition poche d'un Kafka) et à droite la reproduction luxueuse et grand format de ce que m'a mémoire croit identifier comme étant l'une des planches de L'Archiviste dans les Cités obscures (à confirmer).


Tacito

Abruptement, car le style est très différent, je vous montre désormais ce magnifique tirage offset de ce que nous avons identifié comme étant du Tacito en lien avec la série 666 (visible ci-contre à gauche). Nous le vendons sans le cadre pour la somme de 15€. Une somme modique si l'on considère que l'objet est signé par son auteur et fort élégant dans une salle à manger.

dimensions : 70 x 50 cm

année : 1994

tirage indiqué : 250 ex. numérotés et signés

Si vous aviez déjà pu voir les pièces jusqu'ici mentionnées, celles qui suivent ne sont jamais sorties de nos cartons secrets.

Denis Sire

Pour continuer avec les adorateurs de belles calandres, nous vous présentons un Denis Sire sérigraphié, numéroté et signé (250 ex.) intitulé avec malice 55 MPH Speed Limit. Les véritables amateurs, comme Fox d'Album Dante sauront certainement nous préciser dans les jours qui viennent, quels sont précisément les véhicules représentés ici. Nous vendons cette pièce 50 € sans cadre.

Chaland

Numérotée et signée, nous n'hésitons pas à proposer cette illustration de Yves Chaland à 200 € sans le cadre.

Tirage : 190 exemplaires.

Dimensions : 75 x 56 cm

Éditeur : en bas à droite, un léger gaufrage indique "L'Atelier, Paris"

Serge Clerc

Désormais disparues, les éditions Reporter éditèrent en 2001 un petit ouvrage de Serge Clerc sérigraphié (4 passages), numéroté et signé (380 exemplaires), nommé Saute dans l'action. Nous avons récupérés, par un circuit que nous avons nous-mêmes oublié, ce qui semble être un tirage d'essai non plié et non massicoté de l'ouvrage. Ce qui fait une très affiche très chic et originale. Comme ses rebords sont par endroits un peu souillés  et un peu gondolés, et qu'elle n'est point signée, on ne peut pas la vendre plus de 80 euros encadrée et 35 euros sans le cadre.

Dimensions : 70 x 100 cm

Le dernier et non le moindre :

Moebius (qu'on écrit aussi Mœbius quand on maîtrise son clavier)

L'affiche d'Harzach reprenant la magnifique double-page de la bataille a été a ma connaissance déclinée sur différents papiers et en version signée et non signée. L'exemplaire présenté par nos soins est imprimé sur un papier assez fort et n'est pas signé. Ses bordures présentent quelques micro-déchirures, tâches et légers froissements qui limitent son prix de vente à 50 € sans le cadre.

dimensions : 96 x 68 cm environ

Pour finir, une pièce quasi-muséale : une véritable lithographie de Mœbius représentant Arzach sur son volatile et qui fut semble-t-il réalisée pendant que Jean Giraud habitait aux États-Unis, au début des années 90.

Je crois me rappeler que le collectionneur qui me l'avait vendue il y a quatre ans m'avait parlé d'un "atelier au Canada". Toujours est-il qu'elle est signée et numérotée (n°100 sur 150) et qu'elle est sublime. La richesse des détails ne sera certainement pas visible sur la photographie ci-dessous.

Il faut venir la voir pour le croire. Joliment encadrée par un professionnel, nous vendons cette rareté 1500 €, car nous ne sommes pas pressés et que nous ne souhaitons pas qu'un autre vil commerçant se fasse de la marge sur notre travail.

Dimensions : 96 x 68 cm environ

Ouf ! J'ai fini cette interminable prose descriptive. Je crois que je vais aller faire un tour pour me rafraîchir un peu.

 
Marco Nizzoli (1) : Raymond Capp
 

"— Oh Ray ! Toutes ces émotions m'ont excitée. Embrasse-moi !"

Le style "sous-mœbius" est quasiment un genre bédéïque en soi et qui mériterait d'être analysé, car à travers lui, c'est un pan de l'histoire du neuvième art que nous pourrions retracer. Marco Nizzoli est un dessinateur italien qui avait 20 ans quand l'Incal de Mœbius et Jodorowsky a pris fin. Cette lecture a profondément marqué l'œuvre qu'il réalisa avec son compère Federico Amico au scénario : Raymond Capp.

Il est inutile de crier au plagiat tant la référence est évidente. Il s'agit d'un polar cyberpunk extrêmement classique, qui se veut un démarquage futuriste des enquêtes de Philip Marlowe, exactement comme l'Incal noir, le premier volume des aventures de John Difool, mais avec en plus une orientation réseaux informatiques formant dimension parallèle – la fameuse "matrice" – qui n'intéressait pas encore Jodo à l'époque. On retrouve ainsi éparpillés dans Raymond Capp divers motifs tant graphiques que scénaristiques de l'Incal, mais aussi d'autres œuvres de Mœbius en noir et blanc. John Difool s'appelle donc ici Raymond Capp, l'holo-maquillage s'appelle "générateur holographique", etc.

Les envolées mystiques de Jodorowsky sont ici réduite à un personnage assez grotesque qui s'exprime comme Yoda, et la tonalité est nettement plus terre-à-terre et vulgaire que dans la saga cosmique des Humanoïdes Associés. Ces réserves émises, l'exercie est assez réussi, et depuis Nizzoli a trouvé en France une sorte de consécration en travaillant avec Jodo sur le Monde d'Alef-Thau, prenant ainsi la suite d'Arno, un dessinateur qui poussa lui-même à la lumière moebiusienne.

La meilleure création de l'album, c'est ce groupe de terroristes critiques littéraires prêts à tout pour défendre la culture face à l'abrutissement des masses (masses auxquelles ils se sentent forcément infiniment supérieurs).

Raymond Capp de Nizzoli et Amico, environ 180 pages à vue de nez, Vertige Graphic 1994, 10€ en neuf, mais quelques exemplaires à 5€ vus à Aaapoum Bapoum.

 
Métamœbius
 

Un beau gâchis

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L'exposition Mœbius à la fondation Cartier est très bien. On peut regretter le parti pris de la présentation à l'horizontale de certains dessins, ce qui oblige le curieux à littéralement ramper sur le pupitre pour pouvoir observer les détails des miniatures. Mais bon, c'est tout de même une visite très enrichissante. Le catalogue en revanche ne m'a paru ne contenir que du déjà-vu pour l'amateur, alors que l'expo présente un nombre incroyable d'inédits... C'est tout à fait regrettable. Aussi j'ai privilégié, en fin de parcours, l'achat du DVD du film qui était projeté au sous-sol. En effet après deux heures de visite j'en ai, en général, plein les pattes et j'ai plus envie de manger un cheeseburger et de boire une pression dans un digne estaminet tout en discutant des œuvres vues que de regarder un documentaire.

C'est donc chez moi que j'ai pu voir Métamoebius de Damian Pettigrew...

Grosse déception. Alors qu'il suffit de poser Giraud devant un micro pour qu'il se mette à raconter quelque chose d'intéressant sur l'art, les relations humaines, les voyages, la vie, alors qu'il suffit de le regarder dessiner pour vivre une expérience inoubliable, et bien ce film passe complètement à côté de son sujet.

Il semble que Giraud ait participé à l'élaboration du concept...  Un concept marrant sur le papier. Jean Giraud passe un casting pour un film d'un réalisateur imaginaire sensé provenir du Désert B. Or assister à des castings ou à des répétitions théâtrales est un vrai calvaire. Voir Mœbius s'adonner à cet exercice masochiste pendant de longues minutes est douloureux. Surtout quand on pense à ce qui aurait pu être fait, avec moins de prétention et d'attitude "arty". Le pire c'est que Pettigrew suit Giraud depuis longtemps, plus de dix ans, et qu'il a forcément en stock le materiau nécessaire pour faire un grand film sur Giraud, comme le Mystère Picasso fut un grand film sur le catalan. On trouve d'ailleurs un hommage au film de Clouzot dans ce naufrage qu'est Métamoebius.

Le film sur Gir/Moebius reste donc à faire. Espérons que le septième art ne passera pas à côté de ce qu'a si bien réussi la radio, en l'occurrence France Culture qui dès 1987 ou 88 consacra cinq ou six heures à l'artiste dans un excellent Le bon plaisir de Jean Giraud-Gir-Mœbius qui a marqué à jamais ma mémoire. France Culture encore qui, il y a deux ou trois ans, produisit sur le même artiste une nouvelle série d'entretiens, dans À voie nue, si je ne me trompe pas.

Toutefois je puis terminer sur une note positive. En complément de programme le DVD permet de voir du même réalisateur un documentaire plus ancien, Mister Gir et Mike S. Blueberry, qui montre Giraud à l'époque de la sortie du Blueberry Géronimo L'Apache et de la préparation de 40 days dans le Désert B. Ce film beaucoup plus simple et traditionnel dans sa construction est beaucoup plus intéressant. On y voit Giraud parler, dessiner, se mouvoir, et non débiter un texte abscons en faisant semblant d'être un mauvais acteur. Ces images ayant une dizaine d'années, on y retrouve un Giraud plus jeune que dans le film que l'on a vu préalablement. La constatation de ce décalage est poignante. Dans le visage ridé de Jean Giraud c'est notre propre mort que l'on peut regarder dans les yeux.

Métamoebius, DVD, 20€. Indispensable pour le fan, dispensable pour les autres.

Moebius TranseForme, exposition jusqu'au 13 mars 2011 à la Fondation Cartier, fermée le lundi.