Publications dans Février 2015
BLUEBERRY ET LE PARADOXE TEMPOREL
 

Une pinaille de Hugues.

C'est notre vieille connaissance Hugues, grand amateur de westerns et de Jean Giraud qui a remarqué une troublante incohérence dans la fausse nouveauté Blueberry de 2007, l'album nommé Apaches qui n'est qu'un remontage aberrant des éclairs du passé montrés dans le cycle Mister Blueberry. Rappelez-vous, dans ces aventures de Blueberry vieillissant (sur fond de fusillade à O.K. Corral, octobre 1881), celui-ci évoquait sa jeunesse et sa première rencontre avec Géronimo, aux lendemains de la Guerre Civile dite par ici Guerre de Sécession (1861-1865). L'album Apaches remonte donc à la suite toutes les séquences de l'hiver 1865 et rejette toute l'action de 1881.

Blueberry_Apaches02.jpg

À mon sens c'est aberrant parce que l'intérêt du cycle de Mister Blueberry est précisément la mise est perspective de l'expérience d'un vieux soldat. Mais bon, le service séduction du consommateur avait pris soin pour vendre cette fausse nouveauté de préciser que Apaches "comprend de nombreuses pages, images et textes complètement inédits". Hugues, qui est un vrai passionné à comparé chaque planche et a pu mesurer l'ampleur de ces ajouts. Moi je n'ai pas eu ce courage tant le projet "Apaches" me semblait vain. Si je l'avais fait aurais-je pu comme lui relever l'énorme pinaille dont je vais vous parler ?

Dans l'un de ces ajouts, deux assez belles planches qui clôturent l'album on voit un plan d'ensemble où Mike S. Blueberry se recueille devant une tombe, celle de Caroline Younger, morte à la page précédente. Ce plan d'ensemble est surmonté d'un récitatif précisant "Trois mois plus tard". Donc cette scène, se déroule au tout début de l'année 1866. Le plan d'ensemble est suivi par un gros plan en contrechamp, nous permettant de déchiffrer la stèle funéraire :

"Caroline Youngerborn jul. 1860died nov. 1881"

"Caroline Youngerborn jul. 1860

died nov. 1881"

C'est bon, vous avez vu où on voulait en venir ? La bonne Caroline ne peut être née en 1860 puisqu'elle a une vingtaine d'années au moment de l'action (1865 donc) et elle ne peut être morte en 1881, puisqu'elle meurt quand Blueb est jeune. D'ailleurs à la fin de Apaches, celui-ci part pour "Fort Navajo, un coin un peu plus tranquille qu'ici, paraît-il".

Que le vieil artiste s'emmêle un peu les pinceaux est bien pardonnable, revenir sur un truc qu'on avait bouclé est jamais très motivant, comme de remonter l'escalier le matin quand on se rend compte qu'on a oublié sa carte de bus. En revanche c'est assez consternant que personne chez Dargaud n'ait alors pensé à relire les planches, trop occupés qu'ils étaient à se frotter les mains à l'idée de tout l'argent qu'ils allaient engranger en vendant un nouveau Blueberry qui ne l'était pas.

J'ai une occaz d'Apaches à vendre rue Serpente, devinez qui me l'a revendue ? Oui Hugues. C'est une réédition de novembre (1ère édition en octobre, signe que la "nouveauté" a bien fonctionné !).

PS : s'il y en a qui ont une théorie moebusienne sur le cycle, l'anneau et le serpent qui se mord le nœud pour justifier l'anomalie, qu'ils n'hésitent pas à nous en faire part ici.PPS : il y a tellement d'exégèse et de glose sur Mœbius que tout ceci a certainement déjà été signalé sur plusieurs forums, mais moi je le découvre juste alors j'en fais part à nos clients.

 
UNDERTAKER T.1 DE MEYER ET DORISON
 

Si l'on parle ici de Undertaker T.1 : Le Mangeur d'or de Meyer et Dorison ce n'est pas parce que nous en avons à vendre, mais juste parce que je m'intéresse aux westerns.

Il se trouve que j'ai trouvé celui-ci pas mal dans l'état actuel de son développement. Ce qui est amusant parce que je l'ai empoigné en ayant plutôt l'intention de le détester.

Les raisons sont nombreuses mais pour une fois assez indépendantes de l'œuvre elle-même : l'impression que désormais écrire une histoire de l'Ouest est un  passage obligé pour couronner une carrière, une campagne de presse trop bien agencée, et pour finir cet autocollant sur le premier plat, qui proclame carrément : "LE PLUS GRAND WESTERN DEPUIS BLUEBERRY" ! Allez hop, sans complexes.

Le classique est dans le catalogue de la maison alors on va pas se gêner ! Habituellement les publicistes habillent ce genre de promo dans la citation plus ou moins fausse d'un média (un journal ou à défaut le blog de trouduc).

Là non, chez Dargaud au rayon Stimulation du consommateur on fait dans le bien lourdingue, le vulgaire. De plus, quand les codes graphiques d'une œuvre sont à ce point inspirés de celle d'un autre (en l'occurrence, oui, le Giraud de Blueberry) on devrait avoir l'intelligence de ne pas trop insister, de laissez le public y voir un hommage appuyé, et non une tactique éprouvée de séduction flattant ses sens avec ce qui les fit chavirer jadis. Cette insistance redondante se retrouve d'ailleurs dès la page de garde, où ce qui se révèlera être un bon mot du personnage principal (pl. 16), est cité et mis en exergue, désarmorçant ainsi sa force lors de sa lecture ultérieure. C'est ici la vulgarité d'un gros balourd riant de sa propre blague et apostrophant la cantonnade : "Haha ! Hilarant, non !?".

Mais vous l'aurez remarqué ces reproches s'adressent plutôt à la stratégie commerciale de l'éditeur qu'à l'œuvre elle-même.

J'ai effectivement apprécié, en vrac :• La digestion du style giraudien (?). La filiation de Ralph Meyer avec Giraud / Mœbius n'est pas nouvelle, et bien visible depuis IAN, elle est ici plus simplement plus évidente à cause du cadre du récit. Les plans d'ensemble sont très réussis, la scène de pluie à la fin aussi.• L'expressivité appuyée mais riche des personnages, notamment celle du héros.• La ludicité du scénario qui nous promet une expédition qui est sans cesse retardée. Le reserrement imprévu sur la ville.• La quatrième de couverture.• L'idée d'un croque-mort itinérant, que je n'avais pas vue ailleurs, mais peut-être est-ce par inculture.• Le fait que l'album comporte 54 planches.


L'ensemble est fort correct et achetable, mais n'est pas exempt de défauts, la vraisemblance n'est pas toujours recherchée et certaines choses sont un peu dures à avaler. Ainsi par exemple, j'aurais vraiment apprécié que lorsque un personnage se fait brûler la main, à vue de nez au "deuxième degré profond", il éprouve ensuite quelques difficultés à s'en servir, ne serait-ce que pendant une page ou deux...

Undertaker T.1 : Le Mangeur d'or de Ralph Meyer et Xavier Dorison, Dargaud, 64 p. 13,99 € EAN : 9782505061373

 
NEXUS DE MIKE BARON ET STEVE RUDE
 

Si j'avais un peu de temps devant moi et un tiers d'étagère de libre, il est probable que je me laisserais tenter par cette intégrale en 12 volumes en anglais des aventures de Nexus, par Mike Baron et l'excellent Steve Rude...Rue Dante, mon collègue a fait pour ce beau pack une étiquette qui n'est pas tout à fait véridique "série [...] inédite en France". En effet la série n'est pas tout à fait inédite par chez nous. En 2003, la valeureuse collection Semic Books en publiait un tome 1. Ce volume ne correspondait d'ailleurs pas au début de la série originale, mais en reprenait les épisodes #81, 89 et 90, ce qui donnait au recueil une tonalité elliptique assez étonnante pour qui prenait ce tome 1 pour un véritable début. Toujours est-il que malgré tout, cette sélection de Semic était fort alléchante et mettait bien en valeur les trois atouts principaux de la série :• un savoureux mélange de science-fiction et de récit super-héroïque• un univers dense dont on sent que les auteurs ont peaufiné la profondeur et soigné la galerie de personnages• le dessin efficace à l'élégance très années 50 de Steve Rude, qui ne renonce jamais face à la difficulté et ceci sans délaisser la lisibilité. Le plus louable étant que son style ne paraît ni démonstratif, ni laborieux. La crème des dessinateurs pour les scénaristes  : "– Tu peux me dessiner cette scène de bataille, mais vu depuis le haut de la tour ? – Pas de problème. Tu veux aussi dans la vitre le reflet des gens qui observent depuis l'intérieur ?"

Le pack que nous présentons ici comprend les 12 tomes édités par Dark Horse Archives entre 2005 et 2011. Ils ont des couvertures cartonnées ornées de jaquettes. Chacun d'entre eux valait 49,95 $. Nous vendons l'ensemble (en bon état) pour 180 €. Cela semble assez raisonnable.Pour finir quelques visuels extraits du semic book (oui maintenant que le paquet est fait, je vais pas tout déchiqueter pour photographier l'intérieur des Dark Horse !).