Publications avec le tag comic
NEXUS DE MIKE BARON ET STEVE RUDE
 

Si j'avais un peu de temps devant moi et un tiers d'étagère de libre, il est probable que je me laisserais tenter par cette intégrale en 12 volumes en anglais des aventures de Nexus, par Mike Baron et l'excellent Steve Rude...Rue Dante, mon collègue a fait pour ce beau pack une étiquette qui n'est pas tout à fait véridique "série [...] inédite en France". En effet la série n'est pas tout à fait inédite par chez nous. En 2003, la valeureuse collection Semic Books en publiait un tome 1. Ce volume ne correspondait d'ailleurs pas au début de la série originale, mais en reprenait les épisodes #81, 89 et 90, ce qui donnait au recueil une tonalité elliptique assez étonnante pour qui prenait ce tome 1 pour un véritable début. Toujours est-il que malgré tout, cette sélection de Semic était fort alléchante et mettait bien en valeur les trois atouts principaux de la série :• un savoureux mélange de science-fiction et de récit super-héroïque• un univers dense dont on sent que les auteurs ont peaufiné la profondeur et soigné la galerie de personnages• le dessin efficace à l'élégance très années 50 de Steve Rude, qui ne renonce jamais face à la difficulté et ceci sans délaisser la lisibilité. Le plus louable étant que son style ne paraît ni démonstratif, ni laborieux. La crème des dessinateurs pour les scénaristes  : "– Tu peux me dessiner cette scène de bataille, mais vu depuis le haut de la tour ? – Pas de problème. Tu veux aussi dans la vitre le reflet des gens qui observent depuis l'intérieur ?"

Le pack que nous présentons ici comprend les 12 tomes édités par Dark Horse Archives entre 2005 et 2011. Ils ont des couvertures cartonnées ornées de jaquettes. Chacun d'entre eux valait 49,95 $. Nous vendons l'ensemble (en bon état) pour 180 €. Cela semble assez raisonnable.Pour finir quelques visuels extraits du semic book (oui maintenant que le paquet est fait, je vais pas tout déchiqueter pour photographier l'intérieur des Dark Horse !).

 
THE MASSIVE T.3 de BRIAN WOOD et GARRY BROWN
 

Brian Wood est un gars qui t'invite souvent à des fêtes. Il te promet un buffet somptueux, une playlist audacieuse, des convives joviaux, de belles perspectives de réjouissances.Quand tu arrives chez lui, il n'y a pas grand monde. Tu prends une bière dans le frigo et tu t'assois sur le canapé en soulignant avec le pied le léger tempo de la musique lounge qui suinte de quelque part et tu attends que les autres arrivent et que ça commence. L'appart et l'ambiance sont agréables, ça va être une belle fête.En fait ça ne commence jamais vraiment et tu vas rester longtemps tout seul sur ton canapé.

Comme je suis borné j'ai lu le tome 3 de The Massive qui est paru il y a peu, édité en France par Panini. Comme d'habitude avec Brian Wood il y a du bon et du mauvais. Je ne vois toujours pas trop où il veut en venir, ni qui peut se satisfaire de demi-histoires de ce genre, mais quelques rêveries et réflexions surnagent, ainsi que de toujours très bonnes séquences tactiques... Ah oui, il y en a tout de même une qui est moyennement réussie. C'est un flash-back d'avant le cataclysme, qui se passe à Paris, à l'Aéroport Charles De Gaulle. Mag et Georg, deux mercenaires, semblent devoir exécuter un homme dans les toilettes. Juste avant de passer à l'acte, Mag reçoit un ordre d'abandon de la mission sur son oreillette, il quitte alors promptement les lieux, abandonnant son arme et son comparse. Des troupes d'assaut investissent alors les lieux.

Deux grosses invraisemblances dans cette planche :•  Mag sort tranquillement devant les forces de l'ordre qui le laissent passer.• Alors qu'il y a des mouvements de troupe et des coups de feu, Mag est le seul à se retourner. Les autres voyageurs continuent tranquillement à rêvasser à ce qu'ils vont bien pouvoir acheter au duty free.Moi je comprends pas comment un dessinateur peut faire un truc pareil, ni comment un éditeur peut lui dire c'est bon mon coco on publie.Sinon les couvertures de John Paul Leon sont toujours aussi bonnes et justifieraient presque à elles seules l'achat de la série.The Massive T.3, Drakkar, de Brian Wood et Garry Brown, Panini, 144 p. couleurs, 14,95 €. code EAN : 9782809439700. Pas encore vu en occasion dans nos échoppes.

 
LECTURES DE VACANCES
 

En vacances, on peut lire, c'est merveilleux.

Les Tuniques Bleues n°57 : Colorado Story de Lambil et Cauvin, DupuisC'est fou, la précédente fois que j'ai lu un Tuniques Bleues, c'était le n°53. Tu as à peine le temps de te retourner, d'installer deux trois étagères, et voilà que Lambil et Cauvin ont déjà pondu quatre albums. Je ne me rappelle plus du tout du contenu de Sang bleu chez les bleus mais je me souviens de m'être fait la réflexion que le dessin de Lambil n'avait pas bougé. Quatre ans plus tard on ne peut plus dire la même chose. Une grosse fatigue s'est abattu sur le vieil artisan et ici chaque vignette semble être un agrandissement d'un morceau de case du temps passé : trait un peu bancal, gras, composition malhabile, absence de détails, impression de vide. L'album se lit cependant sans difficulté et on le referme avec l'impression qu'il ne s'est pas passé grand chose. Longtemps annoncée, l'aventure n'arrive jamais. Ce n'est pas forcément un mal puisque des aventures, les deux bas-gradés fédérés en ont déjà vécues pas mal.Cette quasi-absence d'action et de rebondissements me laisse assez rêveur.

S'il n'y avait cette fameuse péremption des corps vivants, on pourrait imaginer que Lambil et Cauvin continuent ainsi pendant des siècles. Et qu'à chaque tome, insidieusement les deux compères se décalent progressivement et de manière quasi imperceptible du schéma initial. Spéculons : au 25e siècle, Cornélius Chesterfield et Blutch passeront des albums entiers à ne presque rien faire, cantonnés dans un fort. À la page 7 ils se lèveront pour aller saluer le drapeau "— Debout ! bête feignasse !", "— Je vois briller une telle exaltation dans votre œil bovin que je vous cède le passage avec plaisir, Sergent". Page 26 ils se rendront à la cantine : "— Alors Cornélius, vous n'avez pas faim ? Vous rêvez encore à Miss Applet..." scrognnntudju.

Ainsi petit à petit, les anti-héros de la guerre auront glissé dans un espace théâtral becketto-brechtien où le décor ira en s'effaçant, jusqu'à disparaître dans un nuage cotonneux. Réduits à l'état de spectres bégayants ils se rendront parfois compte qu'ils sont morts depuis longtemps. Ils se disputeront alors pour savoir depuis quelle aventure ils sont décédés, depuis quel moment a démarré ce changement d'état ?

Scalped tome 9 :  À couteaux tirés de Aaron et Guéra, Urban comicsJ'ai bien essayé de le faire durer celui-là, sachant que le tome 10, à sortir en février, serait le dernier de ce magnifique feuilleton. Aussi je me suis souvent arrêté, à la fin de chaque chapitre, je prenais le journal, j'allais jouer aux petites voitures, mais rien à faire, j'ai fini par le terminer. Excellent, sauf un chapitre assez inutile en début de recueil, correspondant au n°50 des fascicules originaux. Quand ils arrivent au 50e numéro, les étatsuniens se sentent obligés de fêter ça, alors ils invitent tout un tas d'artistes extérieurs à venir célébrer leur durabilité. Si la première partie de cet épisode 50, avec ses détails parfaitement horrifiques sur la technique du scalpage est très bien, si le choix d'Igor Kordey comme partenaire est assez naturel, les pleines pages signées par d'autres artistes (dont Jordi Bernet et Steve Dillon) sont assez inutiles. Mais cessons de pleurnicher pour quelques planches : eussions nous attendu un long mois comme les lecteurs initiaux pour avoir la suite, que la grogne eût été justifiée, mais nous avons eu bien des pages pour être, non pas satisfaits, mais transportés avec bonheur et angoisse. Un tome extrêment dense en rebondissements et action. Trahisons, revirements, surprises... Le rythme s'accélère dans la réserve Lakota de Prairie Rose (!) et cette magistrale série approche de sa conclusion, qu'on présume noire tant tout ce qui nous a été donné de traverser était loin du Village dans les nuages. À mon avis cette série est ce que les États-Unis ont produit de mieux, avec Locke & Key, depuis une décennie.

Baby-sitters tome 1 de Hari Tokeino, GlénatOn change totalement de registre pour cette série cherchant à se placer sous le dogme du "mignon". Ryuchi, un ado bien élevé et bienveillant, et son tout petit frère Kotaro, ont perdu leurs parents dans un accident. Désormais ils sont l'un pour l'autre leur seule famille. Oui, la larme vous vient à l'œil... C'est le principe. Les grosses ficelles de l'émotion sont ici fortement agitées. Ryuchi est même victime d'injustices (plutôt mineures) récurrentes. Ce brave gars n'en veut jamais à ceux qui le bousculent, au contraire, ils les comprend. Ryuchi et Kotaro sont donc accueilli pas la directrice d'apparence acariâtre d'une université. Vous avez bien noté le "d'apparence". Elle confie à Ryutaro un emploi de surveillant dans la crèche sise au sein de l'établissement, la crèche qui accueille donc les bébés des professeurs et du personnel. Grand frère idéal et attentionné, Ryutaro est un excellent choix pour ce poste. Les bébés sont ici traités comme des créatures d'une espèce presque distincte de l'humanité. Supposés extrêmement mignons, ils sont aussi très chauds et volontaires et ils ne font pas beaucoup caca. Il est un peu trop tôt pour se faire une opinion tranchée sur cette série. C'est souvent un peu balourd, mais j'ai été parfois ému. Il faut dire que je pleure devant la Petite maison dans la prairie, moi.

Btooom! tome 11 de Junya Inoue, GlénatNouvelle rupture de registre, avec la suite de ce shonen-up bien sanglant. Forcément, quand tu n'as que des grenades pour te défendre contre d'autres tordus, ça change un peu de la bataille de polochons. Là aussi on s'approche bien de la conclusion, ou du moins d'un cap important dans le développement de l'histoire. Ryota continue à se débattre pour constituer une équipe afin de mener à bien son plan d'évasion de l'île, mais le Dr Daté est décidément une véritable ordure. Les enjeux tactiques sont toujours clairement exploités dans cette série B tout à fait lisible. Les motivations des méchants organisateurs sont un peu moins convaincantes, mais on ne blâmera pas l'auteur de tenter d'inclure son aventure insulaire dans un cadre géopolitique anticipatif plus large. D'ailleurs un shonen-up supervisé par le Monde diplo serait sans doute moins distrayant. Enfin, dans la mesure où voir des êtres humains déchiquetés par des bombes puisse vous distraire. L'auteur développe d'ailleurs un peu sa réflexion et sa mise en abyme du spectacle, faisant de Btooom ! une curiosité hésitant entre voyeurisme et moralisme et dévoilant Junya Inoue comme un lointain descendant de Sam Peckinpah.Bonne fin d'année 2014.

 
BATMAN : la cour des hiboux (1)
 

La vision d'un détail dans un coin de case a fait ressurgir en moi un ensemble d'interrogations futiles autour du personnage de Batman et de sa vraisemblance. Le Sombre Chevalier balance un bon coup de pied dans le visage d'un malfrat ukrainien.

À ce moment on peut apercevoir que sous sa semelle il y a son logo, la chauve-souris stylisée. J'ai tout d'abord cru que ce logo était en relief, aussi je m'interrogeais sur la pertinence de marquer ainsi ses semelles, ce qui permettrait à n'importe qui de savoir que Batman est passé par ici ou par là pour peu qu'il y ait un peu de boue. À y regarder de plus près il me semble qu'en fait ce logo est peint sur la semelle dans un petit cercle laissé en creux entre les crans.

Qui a peint ce logo ? Bruce Wayne lui-même, pour passer le temps entre deux séances de muscu et de bricolage ? Plus probablement un de ses nombreux Robin, assumant ainsi une des tâches subalternes qui dans toute société hierarchisée combinent astucieusement humiliation et formation nécessaire. On peut dès lors imaginer que c'est le dernier arrivé, son fils Damian, qui s'est acquitté de la peinture du logo sur les semelles, Dick et Tim, plus anciens dans la boite ayant sans doute depuis longtemps été promus à la peinture des logos sur les carrosseries des nombreux véhicules que l'on peut apercevoir dans la Batcave.

La Batcave... Quel boulot quand même ! Quand on pense qu'il a fallu bâtir tout ça dans la plus grande discrétion, sans faire appel à des intervenants extérieurs pour que personne ne soit au courant, pour que rien ne fuite, pour que personne ne puisse faire le rapprochement entre Wayne et Batman... Et tous ces véhicules, qu'il a fallu assembler en interne, même si certaines pièces ont pu être commandées toutes faites en passant par des sociétés écrans domiciliées aux îles Caïmans... Et ce dinosaure empaillé, oulah ! Ça n'a pa été facile de le faire passer par l'entrée, surtout sans se faire remarquer.

Bon, je ne vais pas insiter trop longtemps. Les fans ne cessent de le répéter, ce qui est bien chez Batman, c'est qu'il n'a pas de superpouvoirs, que c'est un mec presque normal (milliardaire et champion dans tout les domaines, mais en dehors de ça, parfaitement normal). C'est vrai que cette figure est intéressante, mais elle implique qu'on la confronte à une certaine vraisemblance. Que Superman se construise vite fait une gigantesque "Forteresse de solitude" on peut très bien l'admettre, mais qu'un type sans super-pouvoirs qui tient à préserver son identité secrète s'aménage, tout seul ou avec un ou deux stagiaires, une batcave high-tech, ça passe beaucoup plus mal.

Ce problème est inhérent à presque toutes les aventures de Batman et pas seulement au démarrage des nouvelles dans Batman : La cour des hiboux de Scott Snyder et Greg Capullo, mais cet ouvrage est farci de nombreuses autres petites choses gênantes sur lesquelles je reviendrai très prochainement.

Deuxième partie de l'article.

 
Street Angel de Jim Rugg et Brian Maruca
 

Basket, skate et ninjas

Il faudrait vraiment être très couillon pour croire qu'un commerçant apprécie et recommande tout ce qui se trouve dans son magasin. Ainsi nous vendons des ouvrages que j'adore, d'autres que je trouve mignons, d'autres que j'ai appris à aimer à force de leur chercher des qualités, d'autres que je déteste franchement et enfin certains qui m'indiffèrent totalement.Street Angel appartient plutôt à cette dernière catégorie. Je serais bien en peine de trouver le moindre argument pour vous convaincre de l'acheter en dehors du prix incroyablement bas que nous pratiquons (4€ au lieu des 15€ initiaux !).

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Les exploits extravagants de Jesse Sanchez, cette enfant championne de skate et de combat de rue, qui lutte contre les ninjas et le népotisme, me laissent de bois, ou plutôt de yaourt...Ces 184 pages me semblent désespérement vides d'enjeux et d'émotions. En revanche, deux de mes collègues sont très friands de ces péripéties adolescentes qui semblent directement sorties du cerveau d'un Bart Simpson en période créative, qui prendrait Frank Miller pour James Joyce et croirait que Stéphane Collaro est un membre des Monty Python.

Donc si vous voulez comprendre pourquoi c'est bien, Street Angel de Jim Rugg et Brian Maruca (dire qu'ils se sont mis à deux pour faire ça !) ce n'est pas à moi qu'il faut demander, mais à Alex et à Patrick Batman.

Comme c'est bon de balancer.

Street Angel de Jim Rugg (dessin) et Brian Maruca (scénario). 184 p. n&b. Ed. Lézard Noir.

 
Malet et Criminal
 

Faits divers, Histoire et Bande dessinée

En dehors de la lecture d'illustrés pour la jeunesse, mon autre grande réjouissance littéraire est mon rendez-vous hebdomadaire avec le Canard enchaîné. Cette semaine j'ai été fort gâté avec le n°4765, car deux articles y semblaient des échos évidents du catalogue de notre librairie.

Tout d'abord parce qu'était chroniqué par Alain Dag'naud un livre paru au mois de janvier : La conspiration du Général Malet, de Thierry Lentz, aux éditions Perrin, qui raconte donc avec précision "l'improbable aventure du Général Malet, qui profita de l'absence de Napoléon, en campagne en Russie, et de la crise économique après l'éclatement d'une bulle immobilière, (…) pour tenter un coup d'état".

Tel est également le sujet de l'excellente bande dessinée de Nicolas Juncker parue chez Treize Étrange en 2005, dont le titre est tout simplement Malet. Or il se trouve que nous avons récupéré, il y a peu, une pile de ce pertinent ouvrage de 168 p., en première édition, que nous vendons au prix de 10€.

Ensuite, dans la toujours formidable chronique judiciaire de Dominique Simonnot, j'ai lu la mésaventure de deux jeunes braqueurs inexpérimentés, qui m'est apparue comme une version parodique et dérisoire de l'ouverture  de l'exceptionnel tome 1 de Criminal, cette bande dessinée étatsunienne de Ed Brubaker et Sean Phillips. Une ouverture dans laquelle, après un braquage foireux, le très prévoyant Léo échappe à l'étau des forces de police grâce à une panoplie de cycliste.

Or il se trouve que j'ai reperé dans le rayon comics de la rue Serpente un fort bel exemplaire de ce fameux tome 1, ainsi qu'un non moins beau tome 3. Ils sont tous les deux en occasion, à 10€ et peuvent permettre à un curieux de démarrer cette magistrale série noire, dont le tome 6 est annoncé sous peu en français par les éditions Delcourt (un tome assez surprenant au demeurant par son petit côté Colombo sans Colombo). Chaque tome de Criminalest une histoire complète pouvant se lire indépendemment. L'ensemble formant toutefois une fresque ou se croisent de nombreux personnages. Il vaut toutefois mieux lire le tome 2 avant le 4. Remarquez que nous n'avons pour le moment aucun de ces deux volumes, donc il n'y a pas de problèmes.

Que de joie dans un seul billet.

 
Bambi 0 (Bambi – alternative) d'Atsushi Kaneko
 

Chapitres bonus... Comme une rondelle dans le coca.

Puisque nous avons reçu l'auteur — Atsushi Kaneko — en dédicace la semaine dernière, et que nous avions ce livre en exclusivité pour l'occasion, nous avons eu un peu le temps de le lire et je vais pouvoir en toucher un mot à nos lecteurs avant sa parution nationale, planifiée au 9 février sur le site de l'éditeur.

Bambi O, dont le titre réel semble être plutôt Bambi alternative, est un recueil de nouvelles se déroulant dans l'univers très particulier de la série Bambi. Contrairement à ce que raconte l'éditeur sur son site, ou à ce que la magnifique couverture laisse penser, Bambi alternative ne raconte absolument pas l'enfance de la pistolera.

En revanche on y trouve :

- Comment un tueur expérimenté nommé Okada est devenu cet homme-pigeon bien frappé que Tanahashi rencontre pour la première fois dans le Point 5 (tome 1). Il s'agit donc des circonstances qui l'ont amené à croiser Bambi.

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- L'histoire de l'enfance des trois tueuses qui seront connues par la suite sous les délicieux sobriquets de Mouse, Roach et Fly. Chapitre plaisamment présenté comme un livre pour enfants de la collection "Les grands classiques jeunesse". On y comprend que l'auteur voit dans leur destinée perverse la conjonction d'un naturel mauvais et d'une désastreuse éducation. Ainsi s'éloignent les interprétations qui verraient en Bambi l'incarnation instinctive et brute d'un naturel bon de l'être humain avant qu'il ne soit dévoyé par une société décadente, corrompue et malsaine. Si Bambi est proche de l'enfance, tous les enfants n'ont donc pas de manière innée son inclination vers la pureté.On en apprend aussi davantage sur l'inquiétant Charly, son parcours et ses motivations.

- Le contre-champ d'un chapitre du tome 3 (Point 20 : Nao) et ce qui le précède. On y voit les dernières heures de la vie d'un petit escroc qui mourra  d'avoir voulu arrêter Bambi. Et oui, car derrière chaque mort il y a une vie avec ses espoirs idiots.

- Les origines de Black Dog, l'esclave sexuel de Fly. Encore une enfance maltraitée. Sordide à souhait.

- Une assez longue histoire (2 chapitres) mettant en scène les trois tueuses de Charly. Elles traquent Smirnov, un opposant politique d'un pays de l'Est. L'histoire est axée autour d'un des mercenaires escortant Smirnov et tentant de lui faire traverser une frontière pour le mettre à l'abri. C'est sans espoir et assez émouvant. Un bon western en montagne.

- La rencontre de Bambi et des "Vieux"... à peu près deux ans avant le moment où débute la série.

- Le recueil se clôt par un article vantant les mérites de Tanahashi... On y apprend qu'il mourra à 83 ans à la tête d'une fortune colossale, après avoir triomphé dans le monde de la finance.

Rien d'indispensable dans ce volume, mais il apporte tout de même un précieux complément aux amateurs de la série. L'art de Kaneko s'y déploie avec aisance. Son souci de la psychologie s'y affine et on peut raisonnablement voir l'œuvre  comme le fruit d'une transition de son auteur vers les horizons moins décontractés de SOIL.

Bambi t.O d'Atsushi Kaneko, IMHO, traduit par Sylvain Chollet, 12,95€.

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L'Éternaute : le coffret !
 

Le meilleur cadeau possible pour Noël 2011

Il vient d'arriver le fabuleux coffret Vertige Graphic contenant les 3 tomes de L'Éternaute de H. G. Oesterheld et Francisco Solano López. En supplément une brochure présentant un chapitre inédit que Solano dessina il y a quelques années pour le cinquantenaire du chef d'œuvre : La bataille de la Bibliothèque nationale. Chaque brochure du coffret est numérotée. Il y a 700 coffrets.

Ci-dessus, un détail de l'épisode inédit...

Que ceux qui ont déjà acheté les trois tomes séparément se rassurent. Il existe un tirage non numéroté du supplément, tiré à 1000 exemplaires. Pour notre part, et dans la limite de nos stocks (une centaine d'exemplaires) nous offrons ce supplément à nos bons clients amis de L'Éternaute qui nous présenteront les trois volumes... ou qui nous donneront une photo d'eux avec les trois volumes, posant devant leur bibliothèque.

Ci-dessus, nos exemplaires de La bataille de la Bibliothèque nationale

Ah oui détail important : le prix de ce coffret si attirant... 50 euros  ! Oui 50 euros ! Les trois volumes séparément sont en revanche toujours au catalogue et se vendent toujours 24 euros chacun. C'est donc le luxe à prix réduit que Vertige Graphic nous offre pour cette fin d'année. Ô joie !

 Petit détail chic, chaque exemplaire de chacun des tomes du coffret est différent des exemplaires hors coffret, car son code-barre est tamponné à l'encre argentée d'une silhouette que les lecteurs reconnaîtront.

 
Blueberry : Nez Cassé et case amputée
 

Qu'elle est belle cette case d'ouverture de Nez Cassé, ce si bel album de Blueberry, mis en scène par un Giraud au sommet de son souci de la précision et du détail. Il y a tout ce qu'on aime dans le western dans cette case d'introduction.

Un décor somptueux aux rochers impressionnants, une belle plongée permettant de saisir en un instant le contexte tactique et cette distance quasi-démiurgique qui assimile les protagonistes à de petites figurines que l'on peut mouvoir par la pensée justement dans cet environnement détaillé, rempli d'accessoires. L'enfant-joueur qui sommeille dans le lecteur est ainsi sollicité pour son plus grand plaisir.

Cependant cette case n'est pas extraite de l'album Dargaud (1980), mais de sa prépublication dans le mensuel Métal Hurlant, qui débuta dans le n°38 de février 1979 pour s'achever dans le n°40.

En effet, ces créateurs prolixes que sont Jean-Michel Charlier et Jean Giraud n'ayant pas réussi à boucler les péripéties de leur lieutenant rebelle en maximum 46 planches comme les contraintes de rentabilité induites par les standards de production l'exigent, mais en 47, l'éditeur décida –exceptionnellement– que cette aventure démarrerait en page 2 et non en 3 comme la tradition le réclame. Sauf qu'en page 2 la tradition est, chez Dargaud, que l'on trouve l'achevé d'imprimer... Et l'achevé d'imprimer c'est sacré, on ne peut pas le bouger d'un micron, oh non ! On ne peut pas imaginer le déplacer, par exemple, en page 1, sous la silhouette de Mike S. qui dégaine.

Non, ce serait trop inconvenant. Le mieux c'est de réduire la place accordée au dessin. Par exemple en coupant cette case du haut, ce paysage qui ne sert à rien. Ouais, les agaves en fleurs, les cailloux, le chariot et les chevaux, on s'en fout ! L'essentiel c'est que les clients puissent lire le texte et voir les onomatopées au milieu, blam blam.

Et voilà comment on cisaille une magnifique tableau.

Tout cet exposé se termine, comme souvent quand on a affaire à un libraire, qui n'est souvent qu'un commerçant en chandail, par une conclusion mercantile : demain mardi, aux alentours de 15h, les trois numéros de Métal Hurlant contenant l'histoire complète de Nez Cassé, dans sa version intégrale et non censurée de ses agaves en fleurs, seront mis en vente rue Dante en lot pour la somme de 24€. Et là j'entends la voix de Laurent qui s'élève :"— Quoi ?! 24 euros ! Mais... Tu me les as repris 3€ pièce à l'échange ! C'est beaucoup moins que la moitié !".Ce à quoi je réponds avec fermeté :"— En effet, mais as-tu remarqué le mal que je me suis donné pour mettre en valeur la marchandise ?"

 
Jonni Future de Steve Moore et Arthur Adams
 

Une poitrine abondante gêne-t-elle la manœuvrabilité du réacteur dorsal ?

Je les aimais bien, les Semic books. Ils étaient élégants et, à  75 %, c'était au moins des livres agréables. J'ai été un peu triste quand Semic a perdu la quasi totalité de ses licences américaines. Ainsi mon étagère supérieure allait arrêter d'être encombrée par de nouvelles tranches noires. Je pensais connaître tous les titres, mais en fait, vers la fin, 2004-2005, j'en ai loupé pas mal, comme ce Jonni Future de Steve Moore et Arthur Adams. Steve Moore est présenté sur le rabat comme un scénariste anglais ami de Alan Moore (ça fait toujours bien, un peu comme de dire qu'on a travaillé chez Aaapoum Bapoum). Steve serait même "celui qui a tout appris à Alan". C'est vrai qu'il y a un certain état d'esprit commun qui mêle révérence et dérision en abordant les classiques de la SF rétro. La série Jonni Future fut d'ailleurs initialement publiée par ABC dans les Tom Strong's Terrific Tales où l'on trouvait aussi les aventures du "jeune Tom Strong", de la plume du même Steve Moore.

Nous avons donc affaire à 9 courtes histoires qui forment un hommage à la science-fiction d'exploration aventureuse et exotique telle qu'elle se déploya au Etats-Unis dans le sillage des aventures de John Carter, le Guerrier de Mars d'Edgar Rice Burroughs (1912),  jusqu'à Adam Strange à la fin des années cinquante, sans oublier l'excellent Flash Gordon.

Jonni Future est surtout une série humoristique qui repose sur l'idée de remplacer le traditionnel héros masculin par une créature qui aurait beaucoup de mal à cacher qu'elle est une femme. Ainsi le héros viril qui offrait sa protection aux femmes réfugiées à ses pieds et accrochées à ses genoux est remplacé par une version triomphante des créatures mêmes qu'il défendait.

Jonni Ray, une jeune femme respirant la santé, hérite du manoir de son oncle, qui écrivait de la science-fiction sous le nom de Johnny Future. Jonni se rend vite compte que le manoir recèle un pont dimensionnel et que les aventures narrées par l'oncle, fussent-elles très mal écrites, étaient parfaitement vraies : de l'autre côté son oncle était un véritable héros galactique. Le costume et la fonction font partie de l'héritage et voilà la belle Jonni amenée à faire la justice et à sauver le monde, aidée par un homme-tigre se consumant de désir pour elle.

Les histoires sont souvent réussies, mais elles souffrent un peu de leur briéveté, qui fait pourtant leur singularité. Le second degré est sympathique, mais il n'est véritablement digeste sur le long terme que porté par une histoire vraiment accrocheuse au premier degré. C'est ce que réussit si bien Alan, mais que Steve maîtrise moins, car il ne prend pas le temps. Du coup on s'attache moins aux personnages et aux enjeux.  Il manque un protagoniste entre Jonni et son tigre, qui relancerait un peu la conversation...

Une mini-série agréable mais pas fondamentale.

Si je suis aussi décontracté pour expliquer ici que mon produit est assez honnête mais sans plus, c'est que pour convaincre les lecteurs, Jonni Future a des arguments qu'aucun de mes babillages verbeux ne saurait effriter. Portée par le dessin précis d'Arthur Adams et l'encrage soigneux d'Al Gordon (sauf sur l'avant-dernière histoire où ils devaient tous deux avoir une sacrée grippe), la plastique de l'héroïne saura convaincre beaucoup de nos clients toujours prompts à acquérir le moindre fascicule arborant un beau fessier ou une poitrine abondante. Les fesses de Jonni Future sont parfaitement moulées dans sa combinaison, et ses seins débordants sont... bref, je ne me fais aucun souci quand à l'avenir des dix exemplaires que nous avons récupérés et que nous vendons 9,90 € (prix initial 11,90€).