Publications avec le tag Tuniques bleues
LECTURES DE VACANCES
 

En vacances, on peut lire, c'est merveilleux.

Les Tuniques Bleues n°57 : Colorado Story de Lambil et Cauvin, DupuisC'est fou, la précédente fois que j'ai lu un Tuniques Bleues, c'était le n°53. Tu as à peine le temps de te retourner, d'installer deux trois étagères, et voilà que Lambil et Cauvin ont déjà pondu quatre albums. Je ne me rappelle plus du tout du contenu de Sang bleu chez les bleus mais je me souviens de m'être fait la réflexion que le dessin de Lambil n'avait pas bougé. Quatre ans plus tard on ne peut plus dire la même chose. Une grosse fatigue s'est abattu sur le vieil artisan et ici chaque vignette semble être un agrandissement d'un morceau de case du temps passé : trait un peu bancal, gras, composition malhabile, absence de détails, impression de vide. L'album se lit cependant sans difficulté et on le referme avec l'impression qu'il ne s'est pas passé grand chose. Longtemps annoncée, l'aventure n'arrive jamais. Ce n'est pas forcément un mal puisque des aventures, les deux bas-gradés fédérés en ont déjà vécues pas mal.Cette quasi-absence d'action et de rebondissements me laisse assez rêveur.

S'il n'y avait cette fameuse péremption des corps vivants, on pourrait imaginer que Lambil et Cauvin continuent ainsi pendant des siècles. Et qu'à chaque tome, insidieusement les deux compères se décalent progressivement et de manière quasi imperceptible du schéma initial. Spéculons : au 25e siècle, Cornélius Chesterfield et Blutch passeront des albums entiers à ne presque rien faire, cantonnés dans un fort. À la page 7 ils se lèveront pour aller saluer le drapeau "— Debout ! bête feignasse !", "— Je vois briller une telle exaltation dans votre œil bovin que je vous cède le passage avec plaisir, Sergent". Page 26 ils se rendront à la cantine : "— Alors Cornélius, vous n'avez pas faim ? Vous rêvez encore à Miss Applet..." scrognnntudju.

Ainsi petit à petit, les anti-héros de la guerre auront glissé dans un espace théâtral becketto-brechtien où le décor ira en s'effaçant, jusqu'à disparaître dans un nuage cotonneux. Réduits à l'état de spectres bégayants ils se rendront parfois compte qu'ils sont morts depuis longtemps. Ils se disputeront alors pour savoir depuis quelle aventure ils sont décédés, depuis quel moment a démarré ce changement d'état ?

Scalped tome 9 :  À couteaux tirés de Aaron et Guéra, Urban comicsJ'ai bien essayé de le faire durer celui-là, sachant que le tome 10, à sortir en février, serait le dernier de ce magnifique feuilleton. Aussi je me suis souvent arrêté, à la fin de chaque chapitre, je prenais le journal, j'allais jouer aux petites voitures, mais rien à faire, j'ai fini par le terminer. Excellent, sauf un chapitre assez inutile en début de recueil, correspondant au n°50 des fascicules originaux. Quand ils arrivent au 50e numéro, les étatsuniens se sentent obligés de fêter ça, alors ils invitent tout un tas d'artistes extérieurs à venir célébrer leur durabilité. Si la première partie de cet épisode 50, avec ses détails parfaitement horrifiques sur la technique du scalpage est très bien, si le choix d'Igor Kordey comme partenaire est assez naturel, les pleines pages signées par d'autres artistes (dont Jordi Bernet et Steve Dillon) sont assez inutiles. Mais cessons de pleurnicher pour quelques planches : eussions nous attendu un long mois comme les lecteurs initiaux pour avoir la suite, que la grogne eût été justifiée, mais nous avons eu bien des pages pour être, non pas satisfaits, mais transportés avec bonheur et angoisse. Un tome extrêment dense en rebondissements et action. Trahisons, revirements, surprises... Le rythme s'accélère dans la réserve Lakota de Prairie Rose (!) et cette magistrale série approche de sa conclusion, qu'on présume noire tant tout ce qui nous a été donné de traverser était loin du Village dans les nuages. À mon avis cette série est ce que les États-Unis ont produit de mieux, avec Locke & Key, depuis une décennie.

Baby-sitters tome 1 de Hari Tokeino, GlénatOn change totalement de registre pour cette série cherchant à se placer sous le dogme du "mignon". Ryuchi, un ado bien élevé et bienveillant, et son tout petit frère Kotaro, ont perdu leurs parents dans un accident. Désormais ils sont l'un pour l'autre leur seule famille. Oui, la larme vous vient à l'œil... C'est le principe. Les grosses ficelles de l'émotion sont ici fortement agitées. Ryuchi est même victime d'injustices (plutôt mineures) récurrentes. Ce brave gars n'en veut jamais à ceux qui le bousculent, au contraire, ils les comprend. Ryuchi et Kotaro sont donc accueilli pas la directrice d'apparence acariâtre d'une université. Vous avez bien noté le "d'apparence". Elle confie à Ryutaro un emploi de surveillant dans la crèche sise au sein de l'établissement, la crèche qui accueille donc les bébés des professeurs et du personnel. Grand frère idéal et attentionné, Ryutaro est un excellent choix pour ce poste. Les bébés sont ici traités comme des créatures d'une espèce presque distincte de l'humanité. Supposés extrêmement mignons, ils sont aussi très chauds et volontaires et ils ne font pas beaucoup caca. Il est un peu trop tôt pour se faire une opinion tranchée sur cette série. C'est souvent un peu balourd, mais j'ai été parfois ému. Il faut dire que je pleure devant la Petite maison dans la prairie, moi.

Btooom! tome 11 de Junya Inoue, GlénatNouvelle rupture de registre, avec la suite de ce shonen-up bien sanglant. Forcément, quand tu n'as que des grenades pour te défendre contre d'autres tordus, ça change un peu de la bataille de polochons. Là aussi on s'approche bien de la conclusion, ou du moins d'un cap important dans le développement de l'histoire. Ryota continue à se débattre pour constituer une équipe afin de mener à bien son plan d'évasion de l'île, mais le Dr Daté est décidément une véritable ordure. Les enjeux tactiques sont toujours clairement exploités dans cette série B tout à fait lisible. Les motivations des méchants organisateurs sont un peu moins convaincantes, mais on ne blâmera pas l'auteur de tenter d'inclure son aventure insulaire dans un cadre géopolitique anticipatif plus large. D'ailleurs un shonen-up supervisé par le Monde diplo serait sans doute moins distrayant. Enfin, dans la mesure où voir des êtres humains déchiquetés par des bombes puisse vous distraire. L'auteur développe d'ailleurs un peu sa réflexion et sa mise en abyme du spectacle, faisant de Btooom ! une curiosité hésitant entre voyeurisme et moralisme et dévoilant Junya Inoue comme un lointain descendant de Sam Peckinpah.Bonne fin d'année 2014.

 
Sandy et Hoppy
 
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— Hé!  Gamin ! Reviens ! Tu es fou ?!!

— Fou ? Peut-être... Mais je ne peux pas attendre là, bêtement !

Nous en avons très rarement en rayon, mais chaque fois qu'un Sandy et Hoppy arrive jusqu'à chez nous je l'emprunte aussitôt avec une joie non simulée. J'aime beaucoup Sandy et Hoppy. Quand le monde se fait trop rugueux, que l'atmosphère est trop acide, j'aime m'endormir avec mes deux amis australiens.

Réalisé par Willy Lambil avant les Tuniques Bleues, cette série pour la jeunesse est très réussie malgré son manque cruel de postérité. Le dessin de Lambil, plus réaliste que par la suite, est excellent. Les visages sont un peu lassants de répétitivité, mais c'est excellent tout de même. Les éditions Magic Strip, en noir et blanc, rendent d'ailleurs parfaitement honneur au graphisme. Le plus étonnant c'est que, presqu'à chaque fois, le scénario est très bon lui aussi. En 44 planches l'intrigue est parfaitement menée, sans temps mort ni accélération abrupte et queue de poisson. Tout y est au poil. Il faut juste accepter l'idée qu'un gamin de quinze ans est plus mature, courageux et débrouillard que la plupart des adultes, que toutes les charmantes jeunes filles de dix ans plus âgées le trouvent irrésistible, sans doute justement parce qu'il est plus homme que les hommes (un peu comme dans Gloria de Cassavetes, quoi), et qu'il est suivi par un kangourou redoutable d'attention et champion de kickboxing, comme l'apprennent à leur dépends les malfrats. Mais en même temps, ces qualités de sur-scout sont assez courantes dans la littérature enfantine.

La saveur des scénarios réside principalement dans une capacité remarquable de l'auteur complet à mener deux fils d'intrigue qui s'imbriquent efficacement et avec doigté aux environs de la page 22.  Le cadre des aventures étant l'Australie des années soixante, la majeure partie des épisodes se déroulent au sein d'une ruralité quasi-idéale que des événements et des personnages viennent troubler. Gangsters et trafiquants venus des villes sont en effet légion à venir se réfugier dans la contrée paisible des koalas et des aborigènes. Il en résulte un genre de polar campagnard dans la veine de certains fims américains des années soixante-dix comme Charley Varick de Don Siegel ou Thunderbolt and Lightfoot de Cimino... Attention, je parle bien d'ambiance globale, hein, on est chez Spirou là, y'a pas trop de morts ni de torture.

Il faut savoir rendre hommage aux créateurs talentueux quand ils sont encore vivants. Il faut aussi louer Willy Lambil pour son talent de raconteur, cruellement laissé en jachère depuis qu'il s'est inféodé à la Guerre de Sécession et à son ami/ennemi Cauvin, qui aurait parfois dû demander un coup de main à son compère dessinateur. Attention, hein, je ne dis pas que Cauvin est un mauvais scénariste ! Je remarque juste que certains Tuniques bleues n'arrivent pas à la cheville du moindre Sandy et Hoppy. Ne me contrediront que ceux qui détestent les histoires où apparaissent des kangourous.

 Le Sandy et Hoppy qui arrivera bientôt rue Dante est le tome 13 de la collection Magic Strip : L'étranger de Glen Muir (1981). Un petit accroc au premier plat liée à l'adhésion trop longue d'une étiquette trop collante dévalorise quelque peu cet ouvrage broché, qui sinon est en fort correct état. Nous le vendons 18€. L'intrigue entretient une petite parenté avec History of Violence de Cronenberg et le final est assez étonnant, avec son ton un peu amer qui dénote un peu dans la ligne Spirou.

Mince je me rend compte que je fais comme les critiques de BD Stéphane Beaujean et Kamil Plejwaltzsky et que j'ai truffé mon laïus de références cinématographiques souvent lointaines plutôt que de m'attacher à décrire l'œuvre. Pardon.