Publications dans Novembre 2013
LA SAGA DES ÉTOILES
 

Si vous ne pouvez pas aller à la Nuit Star Wars ce soir au Grand Rex et que de ce fait vous allez louper la diffusion sur écran géant des films IV, V et VI, c'est dommage. Moi je peux. En échange, je n'aurai pas le temps de lire ce que nous vous proposons pour compenser.

En effet, gravitent autour de notre rayon Star Wars trois titres particulièrement intéressants intimement liés aux films.

Le premier est un album de la collection Top BD (précisément l'album relié N°3). Accompagné d'une histoire involontairement rétro-SF nommée 2010 (la BD du film qui fait suite à 2001), vous y trouverez une adaptation assez rigolote du Retour du Jedi. Présentée comme "la seule adaptation BD du célèbre film de George Lucas", cette histoire est datée de 1983, une époque ou les fanboys ne lapidaient pas encore les gens qui disent "Dark Vador". Archie Goodwin et Al Williamson, auteurs fameux, mettent beaucoup de cœur à l'ouvrage dans la bonne représentation des acteurs, avec un succès toutefois fluctuant. La page de garde prend même la peine d'inscrire le casting du film aux crédits de la BD.

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Jabba, Leia en string et maître Yoda sont à 3 € dans notre coin comics de la rue Serpente (encore quelques exemplaires) .

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Ensuite, si le souvenir des films d'origine est suffisamment vivace et que vous tremblez à l'approche du prochain, tentez ce tome intitulé Star Wars – l'héritier de l'Empire, paru chez Dark Horse en 1998 (avant d'être réédité chez Delcourt). C'est un album étonnant car dessinée par Vatine et Blanchard. L'histoire pourrait totalement correspondre au 7e film qui se profile. Lucas a parait-il d'ailleurs avoué qu'elle représentait sûrement la suite la plus plausible à sa trilogie. Leïa s'est mariée avec son bad boy stellaire, Luke a fondé une dynastie de Jedi et la Nouvelle République vacille comme de juste. Ça risque de poser des problèmes de cohérence lorsque la version officielle de l'histoire des Skywalker sortira en salles mais en attendant, vous pouvez vous procurer cette lecture chez nous à 9€ en étant sûr que, de toute façon, elle vous décevra toujours moins que les nouveaux films.

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Et enfin, si toutes ces histoires de continuité vous rebutent et que vous décidez d'occulter totalement le fait qu'il existe autre chose que les trois films que je vais voir ce soir, vous pourriez vous pencher sur ce volume très étonnant: Monstres et créatures étranges de George Lucas. Rempli de croquis non utilisés, de photos des films, de références, chaque double page de cet ouvrage est radicalement différente de la précédente.  Vous pourrez découvrir en détail l'anatomie de Sy Snootles, la chanteuse préférée de Jabbat que vous voyez dans le retour du Jedi. Vous pourrez préparer la recette du SMAPP, un plat pour 4 à 6 Hutts.  Et bien plus encore. L'ouvrage est inventif et drôle. Il met en scène de nombreuses bestioles qui n'ont pas été retenues pour les films mais dont les projets se sont arrêtés à divers stades de progression (esquisses, marionnettes...) ce qui lui permet de proposer une iconographie exclusive très foisonnante. Les textes ne sont pas en reste mais il vous faudra le découvrir par vous même pour 7€, toujours rue Serpente.

 
BLAKE & MORTIMER : L'ONDE SEPTIMUS
 

La couverture sans Philip ni Francis est réussie je trouve, même si elle dévoile carrément la surprise de l'intrigue. Les récitatifs de Dufaux sont bien inspirés, à la limite de l'excessif mais retombant tout de même du côté élégant de la tartine. Les vues de la rive droite de Londres sont bien agréables. L'encrage est légèrement plus clairet que la période Marque Jaune auquel l'album fait référence, mais il passe bien. Dufaux a réussi à obtenir de l'éditeur un 66 planches, ce qui lui a laissé le temps de développer son intrigue. Il prend le temps et on en a bien besoin.

À la première lecture je n'ai absolument rien compris. Ça part dans tous les sens, les pouvoirs de l'onde septimus sont totalement invraisemblables et injustifiables. À la seconde lecture, ça va mieux, on ne comprend toujours pas comment ça marche mais on s'en fout. Dufaux est parti loin dans l'irrationnel, Jacobs n'aurait pas osé, il aurait davantage soigné la justification scientifique, et l'ambiance aussi, mais bon, on sent que le scénariste aux 600 albums a fait le travail avec émotion et consciencieusement, et l'hommage est acceptable. La mise en scène de la partie la plus angoissante est cependant faiblarde (Aubin et Schréder ne sont donc pas Jacobs, sacré scoop !)... On partage peu la peur grandissante des personnages. Le final est un peu expédié mais laisse la place à une suite éventuelle pour un Dufaux convoquant Jacques Bergier, Wells et K. Dick.

Il y a une faute quelque part, un participe passé à la place d'un infinitif, mais je ne peux pas vous dire dans quelle page, car je viens de perdre mon exemplaire, sans doute l'ai-je mis par inadvertance dans le sac d'un client qui passait en caisse.

Blake et Mortimer T.22 : L'onde septimus de Jean Dufaux, Aubin et Schréder, EAN : 9782870971895, 15,25 €. Cet album n'est pas à vendre à AAAPOUM BAPOUM, mais vous pourrez le trouver en neuf dans la plupart des librairies de la Franco-belgie dans quelques jours.

 
PRISONNIER DES AMAZONES DE BORIS HURTEL CHEZ THE HOOCHIE COOCHIE
 

Un infirmier à domicile a une relation amoureuse avec une de ses patientes. Henri n'assume pas tout à fait et la relation capote. Il finit par en perdre son boulot. Improbablement il se retrouve en Amérique latine aux côtés d'une guérilla majoritairement constituée de femmes. Voilà, vite résumée, l'intrigue de ce petit pavé de Boris Hurtel récemment publié chez The Hoochie Coochie.

La première partie, qui expose le quotidien du héros, ses relations aux patients, sa fatigue croissante face au fait que ces derniers ne cessent de lui prêter des livres, est tout à fait passionnante et crédible, y compris et surtout cette irrésistible attraction, un peu auréolée de fantastique, pour Louise... qui est le sosie parfait d'une de ses ex. Toute cette introduction est à la fois inquiétante et drôle.

Je suis moins convaincu par la suite où Henri rejoint un pays imaginaire d'Amérique Latine (une tradition franco-belge plutôt déconnante) où une guérilla affronte le régime. C'est à la fois caricatural tout en semblant rester soucieux de parler de la réalité. Certains aspects relèvent de l'observation de l'humanité et de la société tandis que d'autres s'apparentent à de la bande dessinée d'aventure purement distractive. L'observation du machisme régnant souvent dans des mouvements révolutionnaires pourtant à vocation émancipatrice est assez pertinente, mais les péripéties sexuelles du personnage central sont assez prévisibles : évidemment il va avoir des relations avec des membres féminins de la guérilla, forcément cela va lui causer des problèmes en révélant une certaine hypocrisie générale. Mais au final il m'est difficile de dégager un parti pris dans tout ceci. De là à penser que l'auteur est à l'image de son héros, un peu perdu et sans plan d'ensemble, ni objectif autre que la distraction potache, il n'y a qu'un cheveu, que j'effleure. La dernière partie, avec le consul et l'indien Juan est à nouveau assez enthousiasmante, plus originale et plus rythmée. La veine satirique m'y semble plus assumée, ce qui permet de finir la lecture sur une note plus agréable pour un type qui comme moi aime savoir dans quoi il marche.

Six cases par planche : un style efficace.

Le dessin qui baigne dans l'influence de la gravure sur bois et refuse d'utiliser des pinceaux de moins d'un centimètre est parfaitement cohérent. L'expressivité de cette esthétique est parfois annihilée par son imprécision, si bien que les figures qui en émergent tendent vers le statut d'écrans sur lesquels chacun projette ce qu'il veut ou ce qu'il peut. Ainsi se crée une BD dont vous êtes le dessinateur, comme si un scénariste vous avait fait parvenir un scénario vaguement storyboardé, à l'instar de ce que peuvent faire Ferri ou Cortegianni. Le lecteur se retrouve dans la position du metteur en scène à la lecture d'une pièce de théâtre, ce qui est une expérience enrichissante.

Au final j'ai lu sans déplaisir cet ouvrage, mais il y plane quelque chose qui me dérange et j'ai bien conscience de ne pas être ici parvenu à mettre le doigt dessus. Vous avez l'occasion de vous faire une opinion car ce livre est à vendre, chez nous et ailleurs.

Prisonnier des Amazones de Boris Hurtel, éditions The Hoochie Coochie, 234 planches, 15 €, noir et blanc, EAN : 9782916049373PS : Notons que le sujet Femmes et Guérilla est également traité dans Tintin et les Picaros avec un constat inverse : le chef des guérilleros est dominé par sa femme (qui est tout de même une occidentale). Chez Boris Hurtel les femmes sont dominées par les hommes de la guérilla, avant de se rebeller, et l'occidental, porté par les événements, est dominé par tout le monde.

 
QUELQUES LECTURES DE NOVEMBRE
 

J'entendais par-ci par là "L'été des bagnoles" . Une rumeur de fond comme il y en a tant par ici... Je me suis dit, ce doit être un remake des Mange-Bitumes. Comme moi les bagnoles je m'y intéresse très peu, je n'ai pas creusé. Chez des amis, invité à prendre le thé, les voici qui me recommandent un petit bouquin à l'italienne avec une couverture texturée façon toile, édité par Çà et Là. Son titre : L'été des Bagnold. Bagnold !!! Pas bagnoles ! Ça change tout.

L'été des Bagnold est donc une bande dessinée faite par un anglais nommé Joff Winterhart qui narre la traversée d'un été par une mère et son fils de 15 ans. Le père a évidemment fui depuis longtemps et s'est mis avec une nouvelle femme plus jeune. Le fils de 15 ans devait passer ses vacances d'été chez son père, mais finalement ce dernier se dérobe une nouvelle fois et c'est encore avec Maman que Daniel va passer ses six semaines de vacances. J'ai trouvé ça très bien. Ma collègue Lady Stardust n'a pas tellement aimé, elle a dit, à l'instar de Patrick Batman quelques années avant à propos de Six feet under : "Ça va la vie quotidienne des autres ! Moi aussi j'ai une vie !". Moi je dois dire que j'apprécie plutôt de lire des histoires de vie quotidienne crédibles, parce que j'aime étudier leurs correspondances et leurs divergences avec la mienne.  L'estimable Géant Vert a fait dans le Rock&Folk de novembre une critique qui est élogieuse (c'est "le gros plan du géant") mais avec laquelle je ne suis pas d'accord : "ouvrage qui décrit de manière ultra-dépressive six semaines de la vie d'une mère célibataire et de son fils de quinze ans fan de Metallica". C'est sur l'adjectif "ultra-dépressif" que je tique. Il est vrai que je n'ai jamais vraiment compris ce qu'était la dépression, mais je ne vois pas ce qu'il y a de dépressif là-dedans. Ce n'est pas parce qu'on n'est pas tout le temps en train de sautiller que l'on est dépressif, ni parce qu'on a un visage plutôt impassible comme certains asiatiques en donnent l'impression (oui car la mère de Daniel, Sue, semble être originaire d'un pays d'Asie où les Yankees stationnèrent pendant une guerre) qu'on est forcément au quatrième dessous. Certes L'été des Bagnold est parfois un peu triste, empli de la nostalgie des présents potentiels, mais c'est aussi souvent une œuvre très drôle.

La rythmique implacable des saynètes de 6 cases nous fait passer par des émotions variées. Je n'ai pas lu de livre aussi sensible et avec lequel je me sente autant en phase depuis... Pepe de Carlos Gimenez ? Captain America de Brubaker et Epting ? Je ne sais plus et de toutes façons, c'est sans importance,  L'été des Bagnold est un très bon livre qui coûte 16 euros. Il paraît qu'on va l'avoir à la vente dans les jours qui viennent, mais j'allais écrire ce billet même si on n'en avait pas à vendre. Dans ce cas je vous aurais dit de l'acheter chez les libraires qui me l'ont conseillé (La Friche, rue Léon Frot à Paris).

Les éditions Dargaud ont fait traduire par le rock-critic Hugo Cassavetti Le Cinquième Beatles de Vivek Tiwary, Andrew Robinson et Kyle Baker. Il s'agit de la biographie en BD de Brian Epstein, manager inspiré de la carrière des Beatles, et non de l'histoire de George Martin ou de celle de Stuart Sutcliffe, autres pressentis pour le titre envié de cinquième. Ça se lit sans surprises, sans déplaisir, ni joie, comme tous ces biopics américains qui mènent tous au même point : l'homme dont on parle était grand mais incompris, ce qu'il a fait il le doit à la force de sa volonté, alors on doit être ému par les injustices qu'il a subies et par sa mort. Le scénariste proclame dans la postface que c'est l'œuvre de sa vie, j'espère bien pour lui qu'il se trompe. Les beatlemaniaques n'apprendront rien et les autres n'achèteront probablement pas cet album, correctement dessiné, avec même quelques trouvailles par-ci par là. Une occasion à 14 € vue dans la vitrine rue Serpente.

J'ai lu les 3 premiers tomes de L'Attaque des Titans de Hajime ISAYAMA, série sur laquelle l'éditeur Pika communique beaucoup. J'ai lu dans le prochain Zoo que c'était la série manga à retenir de 2013. Kaboom en parle comme "d'un des plus intéressants divertissements venus du Japon ces dernières années". Pour ma part je suis assez partagé sur ce truc. Je ne suis pas ébahi par la portée du propos, ni par la qualité des dialogues ou de la mise en scène. Ça ne tient pas tellement la route, la vraisemblance est ici un souci lointain et je n'ai rien compris au système tactique tri-dimensionnel que l'auteur a mis au point avec un pote ingénieur...

Reste que ces images de géants blêmes, à l'intelligence douteuse, au corps contrefait, errant dans les rues d'une cité lilliputienne abandonnée sont d'une grande force. Comme si elles reflétaient une peur ancestrale enfouie dans notre inconscient, attisée par la persistance de Goya et de Grossbouf. Je crois bien que j'en ai rêvé d'ailleurs. La simplicité de cette idée me suffit. Après, les atermoiements tactiques des personnages et leur survie éventuelle ne m'importent pas vraiment. On peut à l'heure actuelle trouver les 3 tomes rue Serpente, rangés à la lettre A de la section des 5 euros.

 
CHARLIE MENSUEL 1ère SÉRIE
 
charlie mensuel n°33

charlie mensuel n°33

Une belle pile de Charlie Mensuel première série vient de nous arriver.Leurs couvertures si modernes évoquent parfois le travail postérieur de nos amis des éditions Cornélius. Le contenu est fantastique : Pichard, Buzzelli, Breccia,  Schulz... souvent servis dans un noir et blanc comme plus aucun éditeur ne peut plus en obtenir d'aucun imprimeur.

Certes les revues n'ont plus la faveur du public, elles sont fragiles, ne se tiennent pas bien debout, prennent la poussière. Mais elles sont légères, souples et elles tiennent ouvertes sur la table "sans qu'on ait besoin d'y planter une fourchette" comme disait mon vieil ami Gaspar. Ainsi on peut manger une tartine de beurre trempée dans du chocolat chaud tout en lisant. Ce que l'on fait parfaitement détendu, car le papier des Charlie absorbe très bien le chocolat, contrairement aux albums de la collection Caractère chez Glénat.2 à 3 € pièce selon état.

 
CORNÉLIUS : NOUVEAUTÉS D'AVANT-HIER
 

Tout d'abord un beau livre à l'italienne de Hugues Micol : Providence.Cela ressemble à une succession d'illustration présentant un certain fantasme d'Amérique.Sur la couverture on croirait voir une Ségolène Royal géante et jeune juchée sur un motel. Troublant.

Providence de Hughes Micol

Providence de Hughes Micol

Ensuite le nouveau Ludovic Debeurme, en couleurs : Trois fils.

Trois fils de Debeurme

Trois fils de Debeurme

Massif et épais, 2,775 kg, voici le volume consacré à Gus Bofa : Gus Bofa, l'enchanteur désenchanté, monographie et biographie par Emmanuel Pollaud-Dulian.

Gus Bofa

Gus Bofa

Nous avons aussi eu la réédition de Viva Patamach ! de Killofer et J.-L. Capron initialement publié chez L'Association en 2001. On notera qu'à l'instar des Bolchéviques, les auteurs ont profité de cette nouvelle mouture pour simplifier l'orthographe. En effet on écrivait avant : Viva Pâtàmâch ! Ce qui était effectivement plus vulgaire.Viva Patamach ! 136 p. couleurs, 21,50 €, EAN : 9782360810277.Pour une appréciation du contenu de ces ouvrages, il vous faudra vous débrouiller en allant ailleurs ou vous armer de patience, car pour ma part je n'ai lu que le Patamach et comme c'était il y a douze ans et que je n'avais pas été plus chamboulé que ça, je n'en ai gardé aucun souvenir, si ce n'est que c'était assez drôle et qu'il était agréable d'avoir renoncé au chewing gum bien avant.

 
LONG JOHN SILVER : Tirage de tête
 

En 2011, Bruno Graff et les librairies Album co-éditèrent en tirage de tête un album réunissant les tomes 1 et 2 de Long John Silver, la série de Lauffray et Dorison publiée chez  Dargaud. La série a rencontré un certain succès assez prévisible. Ce tirage de tête fut suivi d'un second, réunissant les tomes 3 et 4. Si ce dernier ce trouve encore assez facilement, les 420 exemplaires du premier se font rares. Grand format, couverture sérigraphiée, ex-libris signé de bel aspect, esquisses et commentaires, plus l'intégralité des planches dans leur noir et blanc d'avant la mise en couleurs...

Même en ces temps où les tirages de tête n'excitent plus les foules comme avant, les attraits de cette pièce sont assez puissants pour titiller l'amateur de beaux livres et de dessin.

Nous en avons depuis hier un exemplaire à la vente rue Serpente. 220 euros (le prix initial était de 149 € : la demande et la rareté justifient évidemment que nous cotions cette pièce.Il y a peut-être un pirate de votre entourage dont elle ferait avec bonheur le Noël.