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PRISONNIER DES AMAZONES DE BORIS HURTEL CHEZ THE HOOCHIE COOCHIE
 

Un infirmier à domicile a une relation amoureuse avec une de ses patientes. Henri n'assume pas tout à fait et la relation capote. Il finit par en perdre son boulot. Improbablement il se retrouve en Amérique latine aux côtés d'une guérilla majoritairement constituée de femmes. Voilà, vite résumée, l'intrigue de ce petit pavé de Boris Hurtel récemment publié chez The Hoochie Coochie.

La première partie, qui expose le quotidien du héros, ses relations aux patients, sa fatigue croissante face au fait que ces derniers ne cessent de lui prêter des livres, est tout à fait passionnante et crédible, y compris et surtout cette irrésistible attraction, un peu auréolée de fantastique, pour Louise... qui est le sosie parfait d'une de ses ex. Toute cette introduction est à la fois inquiétante et drôle.

Je suis moins convaincu par la suite où Henri rejoint un pays imaginaire d'Amérique Latine (une tradition franco-belge plutôt déconnante) où une guérilla affronte le régime. C'est à la fois caricatural tout en semblant rester soucieux de parler de la réalité. Certains aspects relèvent de l'observation de l'humanité et de la société tandis que d'autres s'apparentent à de la bande dessinée d'aventure purement distractive. L'observation du machisme régnant souvent dans des mouvements révolutionnaires pourtant à vocation émancipatrice est assez pertinente, mais les péripéties sexuelles du personnage central sont assez prévisibles : évidemment il va avoir des relations avec des membres féminins de la guérilla, forcément cela va lui causer des problèmes en révélant une certaine hypocrisie générale. Mais au final il m'est difficile de dégager un parti pris dans tout ceci. De là à penser que l'auteur est à l'image de son héros, un peu perdu et sans plan d'ensemble, ni objectif autre que la distraction potache, il n'y a qu'un cheveu, que j'effleure. La dernière partie, avec le consul et l'indien Juan est à nouveau assez enthousiasmante, plus originale et plus rythmée. La veine satirique m'y semble plus assumée, ce qui permet de finir la lecture sur une note plus agréable pour un type qui comme moi aime savoir dans quoi il marche.

Six cases par planche : un style efficace.

Le dessin qui baigne dans l'influence de la gravure sur bois et refuse d'utiliser des pinceaux de moins d'un centimètre est parfaitement cohérent. L'expressivité de cette esthétique est parfois annihilée par son imprécision, si bien que les figures qui en émergent tendent vers le statut d'écrans sur lesquels chacun projette ce qu'il veut ou ce qu'il peut. Ainsi se crée une BD dont vous êtes le dessinateur, comme si un scénariste vous avait fait parvenir un scénario vaguement storyboardé, à l'instar de ce que peuvent faire Ferri ou Cortegianni. Le lecteur se retrouve dans la position du metteur en scène à la lecture d'une pièce de théâtre, ce qui est une expérience enrichissante.

Au final j'ai lu sans déplaisir cet ouvrage, mais il y plane quelque chose qui me dérange et j'ai bien conscience de ne pas être ici parvenu à mettre le doigt dessus. Vous avez l'occasion de vous faire une opinion car ce livre est à vendre, chez nous et ailleurs.

Prisonnier des Amazones de Boris Hurtel, éditions The Hoochie Coochie, 234 planches, 15 €, noir et blanc, EAN : 9782916049373PS : Notons que le sujet Femmes et Guérilla est également traité dans Tintin et les Picaros avec un constat inverse : le chef des guérilleros est dominé par sa femme (qui est tout de même une occidentale). Chez Boris Hurtel les femmes sont dominées par les hommes de la guérilla, avant de se rebeller, et l'occidental, porté par les événements, est dominé par tout le monde.