Publications dans Décembre 2008
L'Eternaute de Solano López et Oesterheld
 

Un monument de la Science-fiction

Scandale : un gros morceau du patrimoine mondial de la BD a atterri dans nos échoppes pendant que j'étais en vacances et il n'y en a eu aucune mention en ces pages !

Depuis plus d'une semaine vous pouvez acheter chez nous (et ailleurs) la plus célèbre des bandes dessinées argentines !!! 51 ans après son achèvement ce monument de la science-fiction a enfin été traduit en français[*].

Et ceci grâce aux éditions Vertige Graphic ! Aaapoum Bapoum ne pouvait passer à côté d'un tel événement.

Nous avons toujours été friands de la bande dessinée du Rio de la Plata, et que ce soit par hasard ou par choix délibéré, nous avons toujours réussi à en fournir à nos clients. C'est donc avec grand plaisir que nous vous incitons à découvrir cette "nouveauté".

L'histoire :

6a00d8341c924153ef0105369e5304970c-320pi.jpg

Imagine que tu es en train de passer une soirée tranquille avec des amis... Tu joues aux cartes en buvant un verre, bien au chaud. C'est une longue soirée d'hiver idéale, les rumeurs belliqueuses du monde et les catastrophes écologiques sont bien étouffées par le confort de ton pavillon et par la solidité de tes fenêtres... Mais voilà que l'obscurité se fait... Une panne électrique ? Dehors une étrange neige s'est mise a tomber dans un silence inquiétant... Une neige phosphorescente... Vous vous approchez de la fenêtre pour constater que la vie s'est arrêtée... Les voitures sont stoppées... les passants gisent sur les trottoirs.

Comme toi et tes potes vous êtes loin d'être cons et plutôt scientifiques, vous faites vite le lien entre ces morts et la neige mystérieuse.

L'histoire commence donc comme un survival en lieu clos. Comment survivre dans un environnement hostile post-apocalyptique ? Comme Oesterheld le fera dire à ses personnages, c'est une variation sur le mythe de Robinson. Le pavillon de banlieue, refuge au milieu d'un océan de mort. Les héros se rendent pourtant vite compte qu'ils ne sont pas les seuls survivants, mais dans ce monde de pénurie, l'entraide semble avoir disparu et la menace extérieure évoque fortement une thématique sur laquelle le cinéaste John Carpenter brodera de nombreuses variations.

Le pire étant à venir : la neige mortelle n'était que la première étape de... l'invasion d'une invincible armada extraterrestre. La suite (extrêmement inventive) de l'histoire ravira les amateurs de récits de guerre désespérés où la dimension tactique est centrale.

Le contexte :

Les près de 350 pages de la saga de El Eternauta furent publiées pendant deux ans (1957-1959) dans la revue hebdomadaire argentine Hora Cero suplemento semanal. Cette revue de 16 pages imprimée en noir et blanc (sauf la couverture en trichromie) était de format à l'italienne. 

L'Éternaute en fut la série la plus populaire, depuis le n°1 (mercredi 4 septembre 1957) jusqu'au n°106. La revue ne survivra pas plus de 10 numéros après la fin de la saga. Néanmoins pendant 2 ans les Argentins se passionnèrent pour les mésaventures des survivants et leur combat contre l'envahisseur. On peut facilement imaginer qu'à cette époque où la télévision était un luxe, cette revue bon marché et de qualité régnait sur les rêveries des lecteurs, attendant impatiemment la suite... Ce feuilleton apocalyptique avait le bon goût de se dérouler dans un contexte famillier (les rues mêmes de Buenos Aires) et d'être en écho avec les angoisses de son époque.

Et "le Breccia" alors ?

Cette série eut un tel succès que Hector Oesterheld ne résista pas à la tentation d'en scénariser lui-même le remake dix ans après pour la revue Gente.

Cette fois-ci c'est son compère Alberto Breccia qui se charge de la partie graphique. La situation de l'Argentine ne s'étant guère améliorée, la junte toujours au pouvoir et les tensions s'exacerbant, Oesterheld semble se radicaliser en même temps que le mouvement social et ce nouvel Éternaute s'en ressent. Le graphisme fantasmagorique et suggestif de Breccia s'y déploie magnifiquement et exacerbe les tonalités résolument plus sombres et pessimistes du scénario.

Nous reviendrons sans doute dans une note ultérieure sur les différences entre les deux œuvres, ainsi que sur les nombreuses suites et variations que la saga engendra. La "version Breccia" fut éditée en france par les Humanos en 1993... épuisée depuis longtemps, on la trouve encore chez... Aaapoum Bapoum !

L'objet :

Mais revenons à la nouveauté, le Solano López. Les éditions Vertige Graphic ont fait un long travail de recherche pour nous présenter une édition réalisée d'après les planches originales. Si une vingtaine d'originaux sont demeurés introuvables, la plupart des pages de la présente édition offrent une bel écrin au dessin précis de Francisco Solano López. Vertige Graphic publiera en trois volumes l'intégralité de L'Éternaute.

Le deuxième devant paraître en mars. En attendant, les 128 pages du premier tome sont fort denses et devraient vous tenir un moment en haleine. 20 €.

[*] Étant un ignare qui cherche à se soigner, je découvre après avoir écrit cette note que L'Éternaute semble déjà avoir été publié en France dans le petit format Antarès (éditions Mon journal) au début des années 80, du n°38 à 54, sous le nom de L'Ethernaute... Ne les ayant pas, je ne saurais dire si cette édition fut complète ni quelle en fut la qualité. La revue Antarès n'étant pas a l'italienne, on peut craindre un remontage déplaisant.

 
Necronlogie

 

C’était la rubrique de trop.

 S. du aaablog n’est plus ! S.du aaablog nous a quitté,

et comme d’habitude c’est une fois parti que l’on réalise la valeur des grands hommes.

C’est à moi, le jeune nouveau qu’il a été du de lui rendre un dernier hommage.

Oui toi S., libraire de combat, j’ai eu la chance d’avoir été sous ton aile et d’avoir reçu le meilleur enseignement possible. Tu m’as notamment montré un système de classement et de rangement fascinant ; une méthode proche du style Gaston Lagaffe sans la prouesse architecturale. Tu m’as aussi fait découvrir à quel point le code (noir ?)du travail est une fadaise que l’on raconte aux enfants avant de dormir. Peu de gens le savent mais S. avait la peau durcie par les passages répétés de la convention collective de la librairie avec laquelle il aimait tant s’essuyer tout en s'esclaffant de ce rire si sonore et embarrassant.

Grâce à toi, vieux briscard, j’ai appris que le col de chemise est la partie la plus ergonomique si on veut faire planer un client récalcitrant.

 S. est le mentor qui m’a fait comprendre que la honte n’existait pas ; que l’on peut battre à mains nues un sans abri et porter des chaussettes tellement ridicules que l’on n'oserait les mettre sur les montants d’une cheminée un soir de Noël.

Beaucoup de gens te connaissaient comme étant ce journaliste d’investigation prenant tous les risques pour dénicher les auteurs les plus tendances à lire dans les salons parisiens. Même si tu ne l’as jamais su, mais seul toi comprenais ce que tu écrivais dans ces revues à la pointe de l’intelligentsia française; la faute étant due à une pratique systématique de citations latines que tu inventais pour te donner des airs érudits.

S. mon patron, mon modèle, mon ami( ?) parler ainsi de toi me faire presque regretter de t’avoir lapidé à coups de crottes de nez jusqu’à que mort s’en suive.

 Enfin comme dit la formule « Ciao l’artiste ».

 
Kubert (3) : Sergent Rock, Anthologie 1 chez Soleil
 

Le triomphe de la volonté

Non, Sergent Rock n'est pas une série racontant la guerre du Vietnam, comme le croyait un de mes associés que je ne dénoncerai pas, quoiqu'il l'aurait bien mérité.

Non, Sergent Rock n'est pas une série antimilitariste se déroulant en Corée, comme le racontait un client docte à un de ses amis.

Oui, Sergent Rock raconte les aventures de la Easy Company, ces braves soldats Américains venus libérer l'Europe de la botte germaine. Oui exactement les mêmes que dans l'efficace série télé Band of Brothers.

C'est donc une série DC comics créée en 1959 (d'abord sous le titre de Our Army at War) par Bob Kanigher sur laquelle a œuvré une belle brochette de dessinateurs : Ross Andru, Russ Heath, John Severin...

Mais c'est surtout l'excellent Joe Kubert qui lui donna ses galons.

Sans être antimilitariste, la série ne cherche pas à masquer l'horreur de la guerre. Davantage que l'apologie de l'obéissance et de la hiérarchie, le titre et sa galerie de personnages défend le triomphe de la volonté humaine et de la chair contre les tonnes d'acier roulants. L'affirmation de la singularité et de la dignité de chaque être humain est donc la clé de ces planches, et non l'observation historique stricte de la Seconde guerre mondiale. Axées sur les personnages, les séquences tactiques sont ainsi rigoureusement décontextualisées. Pourtant, on se prend assez vite à s'attacher à ces combats, dynamisés par un récit à la première personne.

Alors évidemment, les éditions Soleil ne publieront jamais la suite de cette "Anthologie 1", qui promettait de réunir enfin la saga initialement publiée en France dans une galaxie de petits formats d'histoires de guerre, jadis très populaires...

Vous croyiez quoi ? Que Monsieur Boudjellal allait plomber sa tréso pour une poignée d'archivistes loqueteux ? Fallait l'acheter à sa sortie les gars, pour leur montrer qu'on en avait dans le ventre et qu'on était des milliers à suivre potentiellement la série, leur montrer que l'entreprise était rentable ! Las...

L'Anthologie 1 et ses successeurs fantômes furent éradiqués du catalogue Soleil. L'avantage, c'est évidemment toujours le même, c'est la litanie des mes présentes notules :

Vous pouvez donc trouver chez AAAPOUM BAPOUM ce livre à un très bon tarif :

14,90 €

au lieu des 28,50 € initiaux. Hardi, boys ! Vous m'en mettrez deux pour Noël : un pour mon père et un pour mon oncle.

Sgt. Rock :

anthologie 1, 168 p., noir et blanc,  album cartonné sous jaquette avec une préface de Joe Kubert, Soleil, 2004.

Article publié le 13 décembre 2008

Dans nos archives, vous pouvez également lire :

Joe Kubert (1) : face au Viet-công

Joe Kubert (2) : Abraham Stone

 
Il bave un peu mais ne mord pas
 
pierre-1Mise en ligne par bullut

pierre-1

Mise en ligne par bullut

C'est le petit nouveau. Depuis six mois, vous le croisez dans nos échoppes et vous n'osez l'aborder.

Son nom est Pierre, et malgré son jeune âge, il est déjà responsable de la faillite d'une des meilleures librairies de Bordeaux, a lu au moins les trois-quarts du catalogue manga disponible en France (les trois plus mauvais quarts), écrit à droite à gauche dans des revues spécialisées BD à la qualité discutable, et fait des conférences auprès des bibliothécaires parce qu'il n'a pas trouvé de meilleur moyen pour engager une discussion avec des personnes du sexe opposée.

Si vous avez des livres qui vous manquent et qui s'avèrent difficiles à trouver, c'est à lui qu'il faut s'adresser, par mail de préférence. Bref, il n'est pas parfait, mais on va le garder, ne serait-ce parce qu'il a un vache de sens de l'humour et une jolie collection de T-shirt bigarrés.