L'art de la BD : John Severin, éditions Campus
Un vétéran discret
John Severin est un vieux soldat de la bande dessinée américaine. Né en 1921, il a surtout appliqué son talent aux récits de guerre et aux westerns, mais sa longue carrière le vit aussi œuvrer dans le fantastique, l'humour ou le récit de super héros. En effet, depuis les années cinquante son nom est associé à toutes les entreprises d'envergure dans le monde des comics : il était là au lancement des EC comics, au début de Mad, à la génèse de Creepy et Eerie... et au début des Marvel Comics de Stan Lee. Ainsi il travailla beaucoup sur Sgt. Fury and his Howling Commandos, la "jeunesse" de Nick Fury contre les nazis. Dans les années soixante-dix il encrait les dos musculeux de Hulk et de Kull The Conqueror (dans ce cas sur des dessins de sa sœur)... Mais le vétéran n'est pas resté sur la touche... Plus récemment on l'a vu retravailler pour Marvel — avec des scénaristes aussi tendance que Garth Ennis (Punisher - Max) et Ed Brubaker (Iron Fist) — et pour DC sur Desperadoes...
L'anthologie "L'art de la BD" que lui consacrèrent les éditions Campus en 1983 est assez orientée sur le genre fantastique, même s'il s'agit la plupart du temps de récits hybrides : westerns fantastiques, récits de guerre horrifiques, science-fiction humoristique... 7 nouvelles d'origines diverses nous sont ainsi données à déguster. Le dessin se déploie avec constance. Riche en détails,il ne néglige aucun élément du cadre, semblant appliquer à toutes choses la même attention professionnelle. Les effets sont dosés avec le soin culinaire du gourmet qui ne veut pas gâter la sauce d'une bonne intrigue par un excès de condiments.Toujours à hauteur d'homme, sa posture modeste peut parfois accoucher de planches ronronnantes quand l'histoire est faible (en l'occurrence la dernière du recueil) mais les personnages y sont toujours crédibles.
Cette anthologie de 66 pages, morceau compact de l'aventure du neuvième art, est un salutaire aperçu du travail d'un artiste méconnu, talentueux et discret. En plus chez nous il suffit d'un euro (1 € !) pour se l'acheter. Deux bémols tout de même concernant l'objet :
1) la qualité de l'impression en noir et blanc est nettement moins bonne que pour les précédents numéros de la collection, et ne rend pas hommage aux nuances de l'encrage qui utilise parfois des teintes intermédiaires, en lavis et crayon ou en trames...
2) les dates de publications originales, les titres originaux ainsi que les supports initiaux des nouvelles n'y sont pas clairement identifiées.
On parle aussi un peu de John Severin dans cette note postérieure :