Budapest ou Presque est à nouveau une histoire policière. Son héros, Sigilozy, du bureau des digressions, mène l'enquête pour trouver le mystérieux vampire qui terrorise Budapest. Ou du moins, une version fantasmée de la ville, absurde miroir de la vraie, plongée dans les lignes fuyantes du trait de l'auteur.
Bourré d'idées folles et de situations incongrues, l'album est une cavalcade menant à un climax hors norme. Aussi prenant qu'inattendu, c'est une réussite.Un sommet du surréalisme si cher à Nine. Également son œuvre la plus métatextuelle.Encore une fois, les cadres narratifs servent parfaitement les digressions du héros, parfait prolongement des monologues intérieurs de Borgès et typique du polar.Visuellement, il change encore de style. Il délaisse les masses noires de Borgès pour se rapprocher du style épuré de Thé de Noix, poussant encore plus loin l'exercice. Son trait, plus fin que jamais, est enlevé, virevoltant, comme si l'auteur cherchait à faire saillir la forme du mouvement. Ses personnages deviennent des lignes fuyantes dans des décors fantasmagoriques. (Est-ce un hasard si Sigilo signifie furtif en espagnol?). Bien que le scénario soit excellent, c'est surement là la plus grande réussite de Nine, atteindre enfin cette abstraction du personnage, à peine esquissé mais pleinement saisi par le lecteur.
Se pose maintenant la question: quelle sera la prochaine étape, la prochaine évolution, expérimentation? On espère lui soutirer un début de réponse le 27 mars.
PS: Comme Lucas Nine fait plein de choses, notamment plusieurs BD inédites en France, cet article non exhaustif se concentre sur ses parutions chez les Rêveurs. Comme l'auteur est aussi animateur, pour se faire pardonner, on vous offre en bonus son court métrage Les Triolets.