Petite histoire du grand Texas
Dallas et dynasties...
par Vlad
Cette semaine j'ai lu un livre qu'un ami m'a offert à... Noël. Oui, moi aussi j'ai des piles de livres qui s'accumulent sur ma table de nuit. Il s'agit de Petite histoire du grand Texas écrit par Grégory Jarry et dessinée par Otto T., publiée par les éditions flblb (12€).Je ne connaissais pas ces auteurs (visiblement des piliers de flblb) et je n'avais pas entendu parler de cet ouvrage...sorti l'été dernier. Pourtant il faut croire que de vrais libraires l'avaient vu passer puisque l'exemplaire qui est désormais en ma possession porte un ex-libris de la librairie Super-héros... (Ah ! ils sont forts de l'autre côté de la Seine !). Il n'est jamais trop tard pour dire du bien d'un livre. Même s'il n'a pas eu besoin de nous vu qu'il est désormais indisponible ! Des hordes de salopards altermondialistes semblent en effet avoir rafflé toutes les premières éditions à des fins de propagande anti-impérialiste ! Misère !Tout d'abord ce livre est plaisant par son apparence : c'est un bel objet, fabriqué avec soin, doté d'une belle impression en bichromie, d'une format à l'italienne atypique mais maniable et d'une couverture malicieuse. En ces temps de standardisation effrénée, c'est à mes yeux un atout. Certains au vu du dessin diront que leur fille de trois ans en fait autant. Je leur dirai alors que je vais monter un maison d'édition pour signer un contrat d'exclusivité avec cette gamine. Ah ! Je me rappelle la tête de mes amis lorsque je leur conseillais la lecture de Trondheim il y a plus de dix années ! ("Lewis Trondheim... Il est aujourd'hui le premier !")
Le titre indique clairement le contenu : un historien qui se présente comme texan malgré son patronyme surprenant (Mohammed Ben Youssef) raconte l'histoire de son pays devant une caméra. Le point de vue de ce distrayant manuel historique est, au vu des dernières évolutions de la situation mondiale, de considérer que les Etats-Unis (et par conséquent le reste du monde) sont une excroissance du Texas...
Le dispositif est assez simple : le texte de la conférence est dactylographié en haut de chaque planche, tandis que les dessins s'imposent en commentaires jamais prévisibles.C'est donc trois histoires différentes du Texas (le véritable berceau de l'humanité) qui vont se dérouler sous nos yeux sur 7 chapitres et environ 70 pages (elles ne sont pas numérotées et je ne vais quand même pas les compter !). Le texte est une propagande patriotique, raciste et décomplexée, parfaitement révisionniste comme nous y ont habitués les tenants du pouvoir étasunien (politique et militaire) que ce soit à l'encontre des rouges ou des terroristes. Le dessin, patient travail d'épure suggestive, se charge de rétablir une vérité historique, forcément synthétique et outrancière, mais dont la pertinence s'impose. La troisième histoire est celle qui naît de la confrontation de ces points de vue antagonistes.
Le livre se permet également, par ce procédé, de nous faire rire à trois reprises :- Par le texte, qui tenant à la fois de Bart Simpsons et de Pierre La Police est assez irrésistible ("les Espagnols mangeaient de la paëlla, une nourriture infecte avec des bouts de coquilles de moules").- Par le dessin dont la tournure extrêmement synthétique produit de petites marionnettes gesticulantes, ce qui souligne avec pertinence les ressorts du comique (outrance et répétition mécanique).- Et évidemment par le décalage soigneusement réglé entre le discours et sa supposée illustration, ce qui est un procédé bédéïque fort connu (mais ignoré de E. P. Jacobs), mais utilisé ici avec gourmandise.
Un ouvrage à la fois drôle, beau et atypique, qui plus est réellement fort instructif d'un point de vue historique... Et en plus indisponible : un rêve de collectionneur. Dépêchez-vous, il doit bien en rester sur quelque provincial rayonnage.