FRITZ THE CAT DE R. CRUMB, éditions Cornélius

 

D'après mes informations (ou plutôt mes souvenirs vagues car j'ai la flemme de revérifier) c'est donc aujourd'hui que nous avons le droit de mettre en vente la toute nouvelle édition française de Fritz the Cat de Robert Crumb. Il s'agit donc de la troisième édition par chez nous et c'est la plus complète. La première fut publiée par Actuel en 1972 et la deuxième en 1995 par Anthracite. Nous avons encore quelques exemplaires de 1972, ce qui peut vous permettre de comparer. L'édition Actuel est très contemporaine des personnages et très en phase avec une certaine image de l'underground. Ce n'était pas un chef d'œuvre d'impression et la traduction fut par moment un peu expédiée... Il lui manque de plus la dernière histoire, mais il faut bien dire qu'elle devait alors être à peine sèche. Cette édition a tout de même le mérite d'avoir quarante ans d'avance.

Revenons à la nouvelle édition. Elle est nettement plus confortable à la lecture et les éditions Cornélius ont tâché, autant que possible, de retrouver les planches originales... C'est-à-dire qu'elles n'en ont pas trouvé beaucoup. Toutefois le résultat, même en l'absence d'originaux, est nettement plus fin que dans le Actuel (ce n'est certes pas difficile). Je ne peux pas comparer avec l'Anthracite (annoncé comme un volume 1 mais jamais suivi d'un 2) car je ne l'ai pas sous la main. Le Cornélius est aussi exhaustif que possible et présente les histoires dans l'ordre chronologique de création, ce qui permet d'avoir une vision assez nette de l'évolution du personnage.

Fritz est ainsi l'histoire d'un naufrage. Le type est certes au départ assez antipathique, mais il possède, au-delà de son égoïsme un certain panache et une certaine verve dont on pouvoit espérer quelques éclosions. S'il est principalement animé par l'assouvissement de ses pulsions charnelles et s'il est parfaitement autocentré, il met dans ce programme un raffinement, qui, si on ne pouvait en attendre des dévoiements à la Des Esseintes, pouvait se développer –convenablement arrosé– en un honnête sous-Kerouac de comptoir : "Comment veux-tu que je pleure mon amour perdu, si je me défonce à l'herbe ?", déclare-t-il indigné à son ami Fuzz. Son premier forfait social d'importance, l'incendie de son immeuble, ne manque pas de rappeler le légendaire acte fondateur de l'art contemporain : l'incendie de Rome par Néron.

Las, au fil des pages la vacuité de ses aspirations s'amplifie. Ses sens s'émoussent au fur et à mesure de la répétition de ses excès. Envisagés comme stimulants, les drogues deviennent l'objectif. La fatigue et la saturation envahissent tout. L'invraisemblable succès et la célébrité dont Fritz finit par jouir par un mystérieux tour du destin, ne lui seront d'aucune aide. Au contraire, le vedettariat, en accélérant le processus et en lui fournissant filles faciles et drogues à un rythme plus élévé, le conduira à la chute. Brutale et sans autre envergure que celle de son évidence.

• Fritz the Cat de Robert Crumb, 128 p. N&B, couverture couleur avec rabats, 22,50 €.EAN : 9782360810529

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