Publications dans Août 2007
Snikt !!!
 

Wolverine / Serval

Avis aux amateurs et aux amatrices de virilité sauvage et bourrue...

Aujourd'hui sont mis en vente dans le Aaapoum de la rue Dante un grand nombre de numéros de Wolverine (Marvel France), tous en très bon état et certains très rares. 

L'occasion de compléter ou de commencer une collection qui s'est toujours distinguée par des covers d'une efficacité splendide.Faîtes-vous plaisir, soyez gloutons.

 
Victor De la Fuente (2)
 

Un peu d'archéologie

Il y a peu j'évoquais Victor de la Fuente... Parfaite coïncidence, quelques jours plus tard me tombe entre les mains une vieille revue (Athanor n°1 mensuel, décembre 1977) contenant un court entretien avec ce maître espagnol. Je me jette dessus, car les documents le concernant sont rares et je constate avec un certain amusement que l'entretien est réalisé par un jeune Mourad Boudjellal (vous savez celui de Soleil et du Rugby club toulonnais). Boudjellal est en effet le rédacteur en chef de ce fanzine de qualité dont je ne sais pas s'il a donné lieu à d'autres numéros.

Dans de ce trop court entretien, on apprend notamment que Mathai-dor aurait été orienté pour plaire au régime franquiste, pour compenser des Haxtur qui était susceptibles de l'avoir froissé... Va falloir les relire éclairés ainsi. On y voit aussi que De la Fuente a toujours eu beaucoup de mal a se faire payer convenablement. Ainsi, interrogé sur sa participation à L'Histoire de France en BD (Larousse), il répond :

"Ah ça ! C'est une autre histoire. J'ai arrêté à cause des difficultés avec la maison d'édition. celle-ci ne respectait pas les huit pour cent de droit d'auteur que l'on donne généralement, mais au lieu de ça, nous donnait 1% à diviser en six personnes. C'est absurde et nous ne pouvions accepter, car c'est immoral et c'est un précédent très dangeureux pour tous les professionnels que d'accepter une chose de cette nature."

Egalement au sommaire de ce numéro d'Athanor, un article sur Pellos et la reproduction de quelques planches de son œuvre de science-fiction nommée Atomas, apparemment introuvable en dehors de sa publication en épisodes dans la revue Mon Journal en 1948...

 
Horaires estivaux du 13 au 19 août
 

Comme ce coup-ci c'est Stéphane qui est parti se reposer un peu, nous vous annonçons que la boutique de la rue Serpente ne sera ouverte que de 13h à 21hla semaine du 13 au 19 août.

Pendant une semaine, vous n'entendrez donc plus :"si quelqu'un a besoin d'aide, vous n'hésitez pas !", la fameuse formule de notre estimé comparse, quelque peu raillée il y a peu sur ce sympathique guide on-line du manga à Paris.

 
Prince Norman de Osamu Tezuka
 

Histoire en 3 volumes, sens de lecturejaponais, Editions Cornélius,  14 Euros pièces.

C’est le récit d’une guerre, d’un ultimatum et d’une menace nucléaire ; un synopsis qui évoque immanquablement l’Histoire japonaise du XXème siècle. Mais si, dans cette douce parabole de science fiction qui plante le décor sur la Lune, le prince Norman refuse la reddition – comme le fit l’empereur japonais Hiro-Hito en son temps-, en revanche le juvénile dirigeant a saisi ici toute la mesure de la menace. C’est pourquoi à l’orée du dernier volume la tension est à son comble. Et pour causes, les préparatifs de guerre ne sont pas achevés, les solutions pas encore trouvées, tandis que l’écrasante armée des lézards mugit aux portes du royaume lunaire.

PrinceNorman1_11122005.jpg

Plus que par l’intrigue, trépidante et nimbée de renvois poétiques aux canons de la science fiction d’avant-guerre, ou plus encore que les résonances politiques et humanistes chers à l’auteur, c’est par la puissance de son traitement esthétique que Prince Norman se démarque. La digestion des références à Walt Disney y apparaît comme complètement achevée ; la réflexion sur l’équilibre entre épure et rigueur du trait poussée à son comble. En effet dans peu de temps, Osamu Tezuka repartira sur les sentiers de l’expérimentation, délaissant d’un coté l’esthétique naïve et raffinée de l’enfance pour la dramatisation par le détail des récits adultes, de l’autre l’obsession du trait pour celle de l’agencement de la page. Prince Norman fait donc partie de ses deux ou trois séries à marquer l’apogée d’une ligne, et d’une époque où le maître est secondé des meilleurs assistants.

Sur le terrain symbolique, Prince Norman éveillera l’intérêt du lecteur intrigué par l’Histoire, car y sont solidement ancrés la fascination et l’espoir qu’ont déclanché l’annonce, en 1960, par le président américain, de l’envoi prochain des premiers hommes sur la Lune. Accouché quelques mois avant l’évènement, Prince Norman partage les rêves des Quatre Fantastiques et du Surfeur d’argent. Emergeant à peu près à la même époque, bien que sur deux continents différents, ces héros répondent aux angoisses du Vietnam, de l’installation de la guerre froide et de la monté en puissance des tensions entre blocs. Durant cette ère où se réveillent les craintes d’une apocalypse nucléaire, le Japon et les Etats-Unis entrevoient, peut-être mieux que quiconque, la possibilité tragique de la bombe atomique ; ils en furent les premiers acteurs. Ce n’est -peut-être- alors pas un hasard si les bandes dessinées de ces deux peuples s’accrochent à la chimère d’un sursaut de l’humanité. (Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que la bande dessinée franco-belge ne défend aucun rêve dans son illustration de cet évènement. Tintin et sa fusée sont certes passionnants, mais témoignent peu des angoisses et des espoirs de cette époque).

Que de bonnes raisons d’essayer ce récit de science fiction d’une grande beauté.

 
Victor De la Fuente
 

Les maîtres du pinceau

A Aaapoum Serpente, un déballage massif de vieillesrevues de BD (3€, des vieux Fluide,Echo, Métal, A suivre…) m’a permis de me replonger dans l’évocation d’un amourde jeunesse.

C’est au détour de pages d’Okapi, hebdomadaire pour la jeunessede 8 à 12 ans édité par Bayard presse, que je suis tombé amoureux du trait deVictor de la Fuente. C’était Cœur de Fer, récit dans le style arthurien où ilfallait que le héros ait expédié une aventure à chaque planche.

De la Fuente est un maître du dessin réaliste et un dieu del’encrage au pinceau. Ses traits sont toujours précis sans jamais être figés.Les masses d’ombre sont parfaitement réparties pour sculpter la lumière. Lesombres ne sont pas chez lui un remplissage aléatoire et fastidieux, elles sontla matière même dont sont constituées les formes, les structures sur lesquellesles corps peuvent s’appuyer pour se mouvoir. Comme chez le Gillon de la belleépoque, les formes ne sont pas artificiellement détourées, elles émergent del’ombre.

Victor jubile à dessiner des rochers, des corps enmouvement, des chevaux. C’est un dessinateur de plans larges, de vuesd’ensemble. Cette manière de rester assez loin de ses personnages, alliée aucaractère réaliste du dessin, qui semble traiter les personnages comme desexcroissances du relief géographique, sefait bien souvent au détriment de l’émotion, mais est idoine pour dépeindre lamajesté de la nature ou pour entrer dans les détails tactiques d’une scèned’action.

Haggarth, publié en deux sessions (de mai à octobre 1978 et de juillet à décembre 1979) dans le toutjeune magazine (A suivre…), est sans doute le sommet de cet art. Hélas jamaisrepublié en album, du moins à ma connaissance (tiens, voilà un boulot pour leséditions Mosquito), cette histoire de fantasy, mêlant Jack Vance et Robert E.Howard est un joyau du noir et blanc.

L’histoire, prometteuse, souffre de développements inaboutis ou esquissés . L’impressionque De la Fuente se moque un peu de la trame est assez forte. Unehistoire dessinée par De la Fuente s’avère toujours plus plate que ce qu’ellelaissait présager au feuilletage. Les moyens qu’il met en marche paraissentsouvent disproportionnés en regard de ce qui semble être raconté. « Quoi,tout ce talent pour ça ? Cette inventivité du cadrage, cette richesse dela mise en page, ce travail magique sur les ombres… Tout ça pour cette petitehistoire qui s’arrête là où elle devrait commencer ? ». C’est quel’intérêt n’est pas dans l’histoire prise dans son ensemble, mais dans la péripétie,dans la cavalcade. Chaque scène vibre de la joie ludique du créateur qui vitchaque instant de ce qu’il dessine. S’il était général, Victor serait un piètrestratège mais un génial tacticien. Victor est chaque pierre, chaque pli devêtement, chaque ornement, chaque ride que caresse son pinceau. Il faitl’amour avec le papier et je vous conseille de partager son plaisir.