5 volumes, Editions Le Seuil, sens de lecture japonais, 300 pages, 15€.
Par Stéphane
Filtré à travers son univers littéraire, le portrait de l’ère Meiji (1868-1912). Un monde de troubles et de mécontentements, si loin, si proche.
Botchan, l’irascible professeur né en 1906 sous la plume de Natsumé Sôseki, connaît au Japon la même immortalité littéraire que Tom Sawyer aux Etats-Unis. Dans ce roman, contant les aventures d’un jeune enseignant confronté aux vindictes d’élèves et aux tracasseries de collègues, Sôseki dénonçait une société japonaise qui, se heurtant au bouleversement de la modernité, conservait une valeur sûre : la bassesse humaine, sur laquelle le temps n’aura sans doute jamais prise. Heureusement, semblent dire -non sans une certaine malice- Taniguchi et Sekikawa dans la série de manga Au temps de Botchan, le romancier ignoraitque le livre deviendrait pour les critiques d’après-guerre le parangon de la littérature japonaise moderne. Sôseki abhorrait l’idée de l’entrée du Japon dans la modernité et la combattu fougueusement. Pourtant aujourd’hui, pas un élève n’échappe à la lecture du roman Botchan, et le portait de son illustre créateur figure sur les billets de 1000 yens comme un étrange remerciement. Quiproquo légèrement cynique, non ?
En tous cas le paradoxe est au cœur de l’écriture du manga de Taniguchi et Sekikawa, qui tentent de répondre à la question : A quoi aspiraient ces brillants penseurs, à la fois terriblement perspicaces dans l’observation de leurs contemporains et totalement incapables de pressentir l’avenir et la place qu’il allaient y occuper. En dévoilant le parcours croisé de quelques figures artistiques choisies au gré des coups de coeur, Au temps de Botchan sonde l’ère Meiji comme une mère sonde la blessure superficielle d’un enfant qui vient de trébucher et pleure, c'est-à-dire le visage camouflant un sourire pincé d’émotions et de tendresse.