récurrence de la figure eastwoodienne : annexe 1

 

Cette note fait suite à notre précédent panorama.

Black is beautiful

par Vlad

Dans les années 80 les préjugés courants dans notre beau pays faisaient de Eastwood un facho raciste. Dans ce contexte, les quelques centaines de lecteurs qui en 1980 mirent la main sur l’album broché Sabre aux éditions Déesse ont dû sacrément halluciner. Même aujourd’hui l’effet produit est stupéfiant !

Pensez-donc : un Clint Eastwood noir dans une histoire d’apocalypse fantasy...  Sabre est une série courte écrite par Don McGregor et dessinée par Paul Gulacy. Gulacy est bien connu de nos clients parce qu’un certain nombre  de ses oeuvres sont passées par chez nous en solde (en vrac : Terminator : objectif secondaire, l’excellent Batman : ProieJames Bond : la dent du serpent, Star Wars : L’Empire écarlate).

Sabre est un héros du futur. Un rebelle individualiste résistant à l’oppression et cherchant à venger ses frères humains assassinés et à libérer ceux qui sont emprisonnés. Sur sa route, il rencontre l’amour, connaîtra la défaite et devra se surmonter. Sabre est un hymne un peu amer à la liberté et la puissance de la volonté, classique par son synopsis mais tortueux dans sa forme et son déroulement. On est guère loin de Conan... mais en beaucoup plus bavard.

Les récitatifs mangent littéralement la page (effet accentué par une traduction française approximative et calligraphiée à la truelle). Les personnages ne cessent de bavasser, y compris le traditionnellement mutique Eastwood, qui, vous l'avez compris, incarne le héros. Ces textes sont parfaitement hallucinants, on se croirait dans un détournement situationniste des seventies. Les personnages se traitent sans sourire de « mercenaire sanglant » ou de « technicienne glacée », ils ne cessent de philosopher : « j’ai vu les gens autour de moi convaincu que la carotte que l’on pendait sous leur nez était suffisante pour valoir le prix de leur individualité. Zut ces systèmes vidéo-sensoriels les ont drogué, plus que la télé avait fait à leur aïeux. Les coefficients intellectuels et les salaires s'élevant plus que le sens de l'horreur, ou l'idée de la dignité » (sic, j'ai laissé les fautes). Si vous ajoutez à cette logorrhée un décor de parc d'attraction dysney et un combat de galions pirates avec Kirk Douglas, vous aurez une idée correcte du degré d'exotisme loufoque que représente Sabre.

Graphiquement Gulacy n’est pas très en forme, sauf curieusement pour dessiner Eastwood dont il parvient à nous rendre crédible la négritude. Des années plus tard, dans L’empire écarlate, Gulacy recrachera une figure eastwoodienne (le général Antilles) sans jamais parvenir à en retrouver les traits. Sabre est donc une série OVNI, indispensable à toute eastwoodothèque qui se respecte.

Il est à noter qu'après Gulacy, la série a été reprise par d'autres dessinateurs, et parmi eux notons l'étonnante présence d'un de nos préférés, l'espagnol José Ortiz (Hombre, Burton & Cyb…) (Sabre #10,11,12,13,14). N'en ayant pas eu sous les yeux (la suite est inédite chez nous), je ne sais pas si les successeurs ont aussi cherché à reproduire Clint.

Un lien vers les couvertures américaines des fascicules originaux, "Sabre The most explosive hero in comics" !