Publications dans Octobre 2008
H.M.S Sisyphe (Level I)
 

La triangulation bermudale est un peu short captain'

Sous la ligne -claire forcément- de flottaison, juste à la verticale des mille sabords du troisième pont, les moules, crochées à la coque, se désensablent les esgourdes à l'écoute des vibrations conversatoires de l'équipage, fredonnées par la structure craquante de bois, d'acier et de carton du navire.

~ Écoutilles fermées, Deathblow & Wolverine en mode ballasts, prêt à la vidange, bouclard paré aux manœuvres de plongée hivernale.

Le sourcil ébouriffé du quartier-maître Stanley plombe l'interrogation, après tout, si l'aspirant Scrat visualise le contre-torpilleur AAA en sous-marin, façon moonboots, où est-ce U-boat -le vieux moyen mnémotechnique "Dimitri et Lovecraft sont au ski..." ne fonctionne décidément pas- rien de dramatique sous le soleil de novembre. Puis, surtout, ne jamais contrarier un homme collectionnant les photos des cadavres décomposés des pires favelas de Rio. Particulièrement quand il a son sourire de Punisher sous acid. La dernière cliente ayant tenté ce combo s'est chopé un scooter en pleine poire, rien à dire, la fausse couche fut superbe.

~ Excellent. Cap sur la fin d'année engagé. Où reste le commandant Smyrn ?

D'une chiquenaude experte, l'aspirant engloutit sa septième chocolatine du matin. Contemple le lieutenant Stardust, poursuivie dans les rayons par un genre de phoque à parka difforme, répétant en boucle "vous gn'avez du gore ? gn'avez quoi comme Bd très gore, moi gn'aime le gore, gn'est gore ça ?" -l'ouvrage en question essayant d'échapper à ses mains suintantes, poisson manga souhaitant de toutes ses petites écailles en papiers atterrir plutôt sur les étagères d'une lolita sakura- avec un air sadique.

~ Calfeutré dans la canonnière, il croise vers l'archipel de Dante. Semblerait que le commandant Bullut ait foutu le bronx dans les cartes. Juste avant de se barrer en bordée à Singapour. De ce que j'ai capté, y'a le choix entre utiliser le relevé des courants du lac Léman pour faire le point dans la mer des Sargasses ou naviguer à vue.

Le sourire de Stanley ressemble à un encalminement d'ouragan. Un mélange entre Garulfo découvrant le monde et un Eusébe pensif.

~ La routine. Si on m'cherche, j'suis à fond d'cale, va y'avoir besoin d'poudre pour s'refaire en abordages. Si on m'trouve, j'veux bien un rhum 'vec mon thé.

Les moules se rendorment dans le gaufrier, bercées par le clapotis de l'océan sans surface des bulles effervescentes. A l'horizon se profile le fuselage du trimoteur Fokker F-Vll de l'amiral Benbow, cargaison de contrebande en parachutage annoncé, va y avoir du sport, Stan' reste tranquille, les coups de tabac ça se fume à la Popeye, juste des histoires supplémentaires pour emboucaner les infirmieres de la maison de retraite des vieux libraires décatis.

 
Le cadeau du jour
 

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On ne peut rien faire pour empêcher la bistouille de s'installer...

Aussi vigilants, que vous soyez les merdouilles et la poussière finissent par s'immiscer sur vos belles étagères. Des objets invendables, des schmilblicks qui n'ont rien à voir avec la boutique, qui agacent inconsciemment le coin de l'œil jusqu'à ce qu'un jour on n'en puisse plus.

Déjà quand il est arrivé je ne l'aimais pas. Quel besoin mon associé avait-il d'introduire dans notre échoppe un stupide livre disque "Sans famille" d'après la bande originale du film éponyme d'André Michel (1958) ???

Plus de deux ans après, c'est décidé, il va dégager de mon espace vital ce truc !

Donc pour l'instant il est à donner.

Qui le veut le prend.La semaine prochaine s'il est encore là je le détruis implacablement. Je sauterai dessus à pied joints, comme Prunelle dans les Gaston... ça me défoulera un peu et ça prolongera l'espérance de vie des clients qui démantibulent le rayon illustration.

Adieu Vitalis.

J'ai piqué l'image sur ebay, ce qui veut dire que vous pouvez aussi payer pour avoir cette œuvre.

 
Exposition et Dédicace Laurent Maffre : les chambres du Cerveau
 

Enfin... une bonne adaptation littéraire

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Depuis bientôt dix jours, l’exposition des planches originales du dernier album de Laurent Maffre, Les chambres du cerveau, a investi nos murs. Une vingtaine d’originaux, magnifiques, sont présentés, noir et blanc charbonneux  baignés par l’expressionnisme des films de F.W. Murnau. De sublimes grands formats au service d’une nouvelle de R.L. Stevenson contant le meurtre d’un antiquaire la veille de Noël. Rien n’est à vendre, si ce n’est le livre que nous recevons la semaine prochaine et que nous vous conseillons chaudement. Ainsi, vous pourrez le faire dédicacer par son auteur, présent dans votre Aaapoum du 14 de la rue Serpente le samedi 8 novembre dans l’après midi et la soirée. Plus d'informations bientôt. En attendant, consultez ci-dessous l’article que Stéphane a publié dans le dernier numéro de Chronic’art pour en apprendre un peu plus sur l’album..

Les chambres du cerveau, Laurent Maffre d'après Robert Luis Stevenson, Actes Sud.

L'« adaptation littéraire » ne serait qu'une vieille prostitué si, de temps en temps,ne nous arrivaient une œuvre subtile et personnellecomme celle de Laurent Maffre.

L'adaptation littéraire est devenue une terre brulée d'où se démarquent péniblement quelques livres, au mieux vains. L'exemple type : le dernier Joann Sfar. Son Petit Prince est loin d'être la plus méprisables de ces productions, puisqu'une certaine forme d'intelligence le sauve. Mais son seul mérite, in fine, sera d'avoir été sage et respectueux jusque dans la mise en image, conciliation laborieuse entre l'aquarelle originelle de Saint-Exupéry et le plume vibrante du repreneur, ajoutant de-ci de-là une tête de Prévert ou Gainsbourg et deux trois volutes de fumée de cigarette, histoire de rappeler qu'il avait bien un univers Joann Sfar avant de se faire casser les jambes par les désidératas d'une commande Gallimard. Depuis deux ans, en effet, c'est l'avalanche, pas un éditeur qui ne se soit lancé dans ce genre facile à faire, facile à vendre, d'autant plus dans notre pays blindés de bibliothèques municipales qui n'attendent que cette caution littéraire pour s'équiper en sous-produits culturels plus connue sous le nom de BD. La consigne primordiale : pas de trahison pas de risque, encore moins d'interprétation ; on illustre le texte comme une notice de maquette d'avion. Et le genre, de devenir la tarte à la crème des industriels et des professeurs de primaires, pour le malheur des grands classiques. Stevenson, à ce sujet, est l'un des plus à plaindre, maintes fois poignardé par la bande dessinée, que ce soit par l'entremise d'Hugo Pratt et de Lorenzo Mattoti, qui ne s'étaient à l'époque pas foulés, ou, pire, par le déluge des modernes qui profitent des possibilités éditoriales pour massacrer ces chefs d'œuvres, sans personnalité, sans culture sans vergogne, et au moins trois fois cette année. C'est un contexte noir qui, par contraste, offre au travail de Laurent Maffre une valeur plus grande encore.

Adapter

Le mot adaptation devrait être suffisamment porteur de sens pour que celui qui s'y lance se pose un minimum de questions. La première interrogation de Laurent Maffre, la plus indispensable, est celle que ces collègues ne se posent jamais : « A quoi sert d'adapter L'ile au trésor ou L'Etrange cas du Docteur Jekyll et Mister Hyde ? ». A rien, évidemment, puisque ce n'est pas dans ces sommets de perfection qu'il y aura quelque chose à extraire ou à apporter. Amoureux de Stevenson, il se tourne alors vers une nouvelle plus modeste, quoique très appréciée des amateurs : Markheim. Dans ce conte de noël commandé par un quotidien londonien, l'écrivain ressasse les pensées qui le travaillent, la nuit, dans ses fameux cauchemars que sa femme a pour charge de consigner. L'histoire commence lorsque un client entre chez un antiquaire, un soir de noël. Cette fois, il ne vient pas monnayer un des nombreux objets rares qu'il prétend récupérer auprès de son oncle mais acquérir en urgence un présent pour sa femme. Bientôt, le commerçant sera mort, poignardé par son visiteur, et l'assassin subitement confronté à inquiétant reflet, diable ou double de lui-même, jailli d'on ne sait où si ce n'est des nombreux miroirs disposés un peu partout, dans cette échoppe poussiéreuse croulant sous le bric et le broc. Dès le résumé, les ébauches de Jekyll et Hyde transparaissent, et avec eux le thème du combat entre le bien et le mal -libre arbitre et prédestination- qui se déroule en toute âme humaine. Pour autant, la nouvelle Markheim s'en distingue en de nombreux points, puisqu'elle ne conte pas l'abandon d'un notable à ses plus sombres penchants, mais au contraire la sursaut d'un criminel qui, reconnaissant avoir perdu tout contrôle sur sa vie, entame un couteux périple vers la repentance. Un détail scénaristique loin d'être anodin, en tout cas pour Maffre, puisque le lutte pour la liberté et la rédemption étaient déjà les thèmes au cœur de son précédent ouvrage.

Transposer

D'adaptation en adaptation, Maffre développe en effet son sujet pour l'enrichir de nombreux échos. Dans cette démarche, il inscrit son action la plus ambitieuse, celle qui oblige la nouvelle de Stevenson à dialoguer avec le reste de ses œuvres (le titre La chambre des cerveaux est tirée d'un texte de l'écrivain très éclairant sur le rêve) mais aussi, dans une plus large mesure, avec les thèmes de la condition humaine, de la folie et du double, à travers l'histoire de l'Art. Car si le texte originel opposait exclusivement le héros à un doppelgänger venu ébranler ses certitudes, Maffre enrichit ces confrontations, qui survenait principalement lors des rencontres avec un miroirs, d'autres reflets, cathartiques, que lui renvoient les peintures et autres œuvres d'art amoncelées dans l'échoppe de l'antiquaire. Cette idée lui permet non seulement de transposer une mise en scène essentiellement littéraire en une forme visuelle qui ne soit pas répétitive et laborieuse, mais elle lui permet de surcroit d'inscrire par-dessus les conceptions de Stevenson sa propre interprétation de la folie. Il imagine en effet ce magasin comme une mine d'or dans laquelle reposeraient tout aussibienle Marat Assassiné  de Jacques-Louis David que l'autoportrait Désespéré de Gustave Courbet ou Les caprices de Francisco de Goya. Et dans le choix du catalogue se dessine une conception singulière de la dualité, de l'homme comme être esclave de lui-même, condamné au témoignage de sa propre déchéance. Sur ces références (datant d'avant Stevenson), Maffre appose une esthétique expressionniste, citant à foison Murnau et Lang. Si bien que, très vite, les pages se retrouvent saturées d'intertextualité, baignant l'ancien récit dans une vision artistique et philosophique de l'humanité qui maintenant le dépasse, à la fois universelle, intemporelle, immanente. La couverture, à cet égard, est une parfaite introduction à ce projet puisqu'elle reprend le  Jugement dernier de Luca Signorelli, tableau dans lequel le diablesouffle à l'oreille de l'antéchrist un message sans que l'on sache jamais si le bras qui dépasse de sa cape est bien le sien ou celui du fourbe conseiller qui se tient derrière lui. Œuvre dense, LesChambres du cerveau n'est pas dépourvue de maladresses. Néanmoins la finesse de sa réflexion sur l'écriture de Stevenson et la mise en abime vertigineuse de ses thèmes jusqu'à notre actualité en font une lecture formidable. Et peut-être même l'ultime survivant d'ungenre en passe d'être à jamais galvaudé.

 
Petites modifications de rayon
 

S'il y a bien une question récurrente qui me fatigue quand je ne suis pas d'humeur, c'est bien le pourtant fort classique "Alors quoi de neuf ?". Pour ne plus répondre "Rien", il y a quelques temps à Dante, j'utilisais une caisse dans laquelle je mettais les bouquins que je venais de récupérer, de nettoyer, d'emballer et d'étiqueter. Le "Alors quoi de neuf ?", se voyant ainsi facilement retourner un adéquat "Je ne sais pas trop, regardez dans cette caisse...".


Cette caisse de "nouvellement arrivés" était bien pratique pour moi et pour les clients réguliers qui parfois le matin n'aiment pas refaire tout le tour de la boutique pour voir si quelque chose a changé depuis la veille au soir. Pourtant, un jour, sans prévenir, mon comparse l'a fait disparaître au profit de vieux Futuropolis. Comme cette caisse me manque, je l'ai recréée.


Une modification en appelant d'autres, il y a des jours comme ça où l'air est lumineux, où les contours des objets se dessinent avec netteté, où le monde se décrypte avec aisance et où rien ne peut me résister, j'ai donc dans la foulée ouvert un nouveau rayon thématique : La bibliothèque des ténèbres.

Vous y trouverez, pêle-mêle mais avec une certaine cohérence, la panoplie des adaptations lovecraftiennes, divers récits démoniques, la très variée littérature vampirique, les œuvres d'Olivier Ledroit et de Gabriel Delmas et d'autres rejouissances. En somme, de quoi accompagner profitablement un bol de chicorée et des croissants chauds.

Par souci d'optimisation de la place et avec une pointe de dérision, le rayon "Disney" a été déplacé et accolé à ce nouvel espace. Ce changement s'est fait au détriment du rayon des 10€ qui a été épuré.

 
Hommage à Newman
 

Il y a les œuvres mémorables, et les autres...

A la mort de Paul Newman, je fustriste, comme beaucoup. Mais plus encore par la filmographie sélectionnée parles chroniqueurs en charge de sa nécrologie. A quoi sert d’avoir été unbrillant acteur et un modèle d’engagement politique si c’est pour qu’onn’inscrive qu’en fin de colonne (lorsqu’ils ne sont pas carrément ignorés) lesmerveilleux Luke la main froide ou La chatte sur un toit brûlant, loinderrière les amusants mais beaucoup plus négligeables LArnaque ou la Couleur de l’argent.

Et ce n’est rien lorsque l’onpense que ces incultes scribouillards n’ont guère fait mention des Aventures  de BobHughes, curiosité de la bande dessinée pornographique dont il n’y auraitprobablement pas grand-chose à sauver si cette étoileau regard océan n’y apparaissait pas dans son plus beau costume. Heureusement, lesarchéologues nécrophages d’Aaapoum Bapoum sont là. Grâce à eux, il ne vous encoûtera que dix euros le rare ouvrage, désormais tout autantutilitaire que mausolée grotesque de l’une des grandes icônes du vingtièmesiècle.

Enfin, après avoir bien rigolépour peu de frais, voire une petite excitation si vraiment vous êtes un peupervers, vous pourrez poussez la promenade de quelques rues et vous arrêtez àla Filmothèque du Quartier latin pour voir l’un des rares films réalisés par Newman,De l’influence des rayons gamma sur lecomportement des marguerites. Une magnifique entreprise artistique etfamiliale dans laquelle le réalisateur décrit la misère sociale américaine touten scrutant amoureusement sa femme et sa fille. Le plus beau film vu depuisbien longtemps, et la preuve éclatante que l’étrange douceur de son regard bleun’était pas un artifice esthétique, mais le reflet sincère d’un esprit généreuxet sensible.

 
Quizz : le mystère des nattes
 

Quelque chose d'anormal ?

Pour faire plaisir à nos lecteurs et aussi dans l'urgence d'écraser au plus vite la saugrenue et très laide bande-annonce déposée précédemment comme une crotte de caniche sur un trottoir de la rue Dante, voici un nouvel extrait mystère.

Qui saura reconnaître en premier l'auteur précoce des 3 strips ci-dessous ?