Publications dans Février 2006
Le Futur, cet inconnu
 

Devoirs de vacances

par Stéphane

Avant de partir pour 12 jours de vacances sous le soleil d'Asie, et laisser Vladimir seul à travailler 60 heures semaine dans la librairie (courage l'ami), je pose ici un catalogue d'illustrations fantastiques conseillé par mon ami London Julian :

"En fouinant dans mes bookmarksdel.icio.us, je retombe sur Tales of the Future Past. Un site consacré aux visions du futur développées au début et au cours du XXème siècle. Pas mal d'illustrations d'époque permettent de se faire une idée du passé, plus que du futur:

"The future wasn't tomorrow, next week, next year, or next century.  It was a place with a form, a structure, a style."

"Le futur n'était ni demain, ni la semaine prochaine, ni l'année prochaine, ni le siècle prochain. C'était un endroit avec une forme, une structure, un style".

Parmi les illustrations de la "guerre du futur", je recommande le Gyro-Electric-Destroyer ou l'Artillery Tower (image ci-contre). Le Radio Gun, une sorte de rayon laser de la mort, préfigure quant à lui le système anti-balistique Airborne Laser développé par l'armée américaine, qui ne relève déjà plus des fantasmes de la Science-fiction."

De quoi vous occupez des heures durant à rêver au monde tel qu'il ne sera jamais.

 
La mauvaise note qui tue
 

Lorsque pipeau et molo vont au Japon

Depuis plusieurs semaines, l'éditeur Français Glénat clamait à la presse avoir remporté l'achat de l'ultra best seller manga Death Note, ainsi que deux trois autres titres majeurs du catalogue japonais de la Shueisha....

La sortie etait parait-il imminente, et augurait surtout un rapprochement singulier entre les deux maisons.

OOOOOHHHHHH, les gros menteurs, en fait ils n'avaient rien du tout conclu.

Non seulement le poids lourd Death Note est toujours aux enchères, mais les japonais n'étant pas très fans de ce type de propagande,  Glénat semble maintenant bien mal barré pour décrocher la licence.

Tant mieux pour les autres....

 
L'ARCHE DE MARVEL
 

House of M , le génocide Mutant


Par Stéphane

Elle nous refait le coup. Elle, c’est la prestigieuse maison Marvel, qui, quinze ans après l’inoubliable Âge d’Apocalypse, bidouille un nouveau scénario miracle chargé d’amaigrir son univers trop dilaté par le succès. Avec quelques millions de nouveaux mutants, la planète Terre et le catalogue de parution commençaient à être sérieusement encombrées. Lassés, les aficionados se désengageaient. En réplique, parul’été dernier au U.S.AHouse of M. Bouleversement fondamental version Weight Watcher que les Français découvriront d’ici quelques mois ; contrecoup irrémédiable de ces périodes fastes où les éditeurs, avides d’éponger le moindre dollar égaré dans la poche du comic addict, multiplient les séries jusqu’à l’écoeurement. Curieux et fans, arrêtez cette chronique ici même, les paragraphes suivants sont un spoiler de grande envergure.

Commençons par les conséquences. A la sortie d’House of M ne survivra qu’une poignée de mutants (200 tout de même). Les millions d'autres finiront morts où dépossédés de leurs pouvoirs par la Sorcière rouge. Exit Magneto (vous savez, le grand méchant aimanté), Vif Argent, et même de nombreux X-men. Un mémorandum ferme circule dans les couloirs de la célèbre maison : interdit de ressusciter qui que ce soit pour au moins quelques années. Fini aussi les vieux mythes usés jusqu’à la corde, Serval par exemple se souvient maintenant de son passé. Un bouleversement aux airs d’apocalypse religieuse : un univers s’écroule, un nouveau est à reconstruire.

Seulement, à bien y réfléchir, ce chavirement tactique tout a fait habituel éclipse peut-êtreun second signal, imprévu et plus inquiétant. Et si, à l’aube du XXIeme siècle, la métaphore du mutant n’avait plus de sens ! En effet, quelle minorité peut aujourd’hui crier au rejet et à la haine totale. Et bien que la situation soit loin d’être parfaite en occident, l’icône du mutant telle qu’elle était perpétuée n’est plus à même de rendre compte de la réalité, n’exsudant qu’une image archaïque et déformée jusqu’à la caricature des problèmes de communautarisme et d’exclusion modernes.

Alors se joue, peut-être, larvé dans l’évènement House of M, la raison artistique même qui justifierait la survie d’un tel univers. Et ainsi, les Kevin Smith amateurs qui adorent se prendre le chou sur les valeurs existentielles du superhéros, peuvent ressortir leur question favorite : Mais quelles valeurs devront donc incarner les superhéros de demain ? Je me demande bien moi-même.

PS: la série est dessinée par un Froggy, Olivier Coipel...

 
Pétillon parle à la TV
 

C'est quand même rude au pti Déj...

Par Stéphane

A l'occasion de la sortie de L'Affaire du voile, et du débat médiatique autour de la caricature du prophète dans la presse française, René Petillon était dès potron-minet invité à l'excellente émission La Matinale sur Canal+. Il s’est exprimé sur son admiration politique pour Nicolas Sarkozy (deux fois de suite) et ses envies de «décrisper» les problèmes d’actualité à travers l’humour de ses livres (ce qui pour le coup est raté vu la timidité du dernier).


Ah ! Si je me souviens avec plaisir de ce temps où je recevais un mail de mépris de sa famille pour m'être montré critique avec le scénario caricatural de Super catho, je préfère encore la nostalgie douloureuse de ce lointain passé où l’homme, entre Le Canard enchaîné et le Baron Noir, suscitait chez moi une foule de rires. 

 
Quel Futur pour les éditeurs de manga en France ?
 

Par Stéphane

Au lieu de faire des bilans, pourquoi ne pas s'essayer à prédire l'avenir.

Pour prolonger ici ma réflexion sur les évolutions à venir pour le marché du manga en 2006, réflexion publiée dans le magazine Bulldozer de décembre à l’occasion du rachat de la maison d’édition Tonkam par Delcourt, il me semble qu'après quelques années d'expansion et de dilatation, 2006 marquera pleinement un tournant vers la concentration et le rassemblement. La seconde manche de la professionnalisation en quelque sorte. Mais peut-être peut-on, aussi, s’amuser à imaginer la tournure que pourrait prendre le marché d’ici peu. L’article qui suit est donc un état des lieux synthétique, suivi d’une analyse prospective à court terme, puis à long terme des chavirements possibles dans l’organisation des éditeurs de mangas. Des informations inédites y sont glissées, mais l’article est un peu complexe (entendez chiant) et je ne conseille sa lecture qu’à ceux qui s’intéressent au fonctionnement économique du marché de la bande dessinée. Une dernière précision : je n’avance rien de sûr, il s’agit encore une fois d’une envie de préfigurer, pour mieux anticiper.

J’annonçais en décembre dernier le rachat des éditions Tonkam par Delcourt avec une pointe d’ironie. Comme l’actuel directeur éditorial des éditions Delcourt avait fondé Tonkam avant de se faire jeter dehors sans ménagement, ce rachat sonnait un peu comme un sympathique «retour du roi» après l’exil, mais aussi le coup d’envoi d’une course effrénée, celle du gobage des petites maisons d’édition de manga par des structures plus grosses. Attention petits fantômes japonais, les pacmans Franco-belges sont lâchés et ils ont faim.

2006 sera donc l’année de la concentration éditoriale, une course qui démarre en fanfare avec le rachat à hauteur de 50% des éditions SEEBD (Tokebi, Saphira, Kabuto…) par le groupe Soleil. Le mois prochain, J’ai lu annoncera la fin de son catalogue manga, qui va rejoindre le giron Casterman au sein des éditions Flammarion. Pika, un autre indépendant, serait parait-il courtisé par un grand groupe dont on ne connaît pas encore le nom (info qui reste cependant à vérifier). Un début d’année en fanfare qui augure ce constat : il semble certain que la plupart des petites structures indépendantes se feront aspirer par les mammouths éditoriaux de la bande dessinée.

 

La raison la plus évidente : le marché est trop encombré, donc trop virulent, pour qu’une petite pirogue puisse y évoluer désormais en toute sérénité. Une armature et des reins solides sont devenus indispensables, et c’est précisément pour cette raison que la concentration semble inévitable. C’est la rançon du succès.

 

Il ne serait donc pas étonnant que, d’ici deux à trois ans au plus, il ne reste au mieux qu’une dizaine de structures éditrices de manga, elles-mêmes détenues par des groupes éditoriaux plus larges. Alors le marché sera mûr pour une troisième manche industrielle et commerciale, que l’on peut d’ors et déjà imaginer en fonction des indices qui nous sont donnés à voir aujourd’hui. Brossons donc un plan prévisionnel.

 

1. Les coulisses de l’industrie japonaise du manga semblent désormais limpides pour les professionnels français. Les hasards éditoriaux se sont raréfiés, la chance de tomber sur une perle méconnue aussi. Tout est transparent et le savoir presque plus un avantage. Pour se départager, seule compte désormais la taille du porte-monnaie des acheteurs français. Hors…

 

2. …la multiplicité des concurrents, conjuguée au succès commercial dans l’hexagone, a permis aux éditeurs japonais de multiplier X fois le prix de vente des licences de manga à leurs confrères gaulois. L’arrivée en automne dernier de la maison Kurokawa, en fait une sous-marque du groupe Fleuve Noir, a tout accéléré. Très riche, cette dernière n’hésite pas à acheter les licences à prix d’or en surenchérissant largement au dessus des propositions. Peu de concurrents sont ainsi capables de s’aligner. Conséquence inévitable, les dernières licences à la mode comme Full Metal Alchémist sont raflées par Kurokawa sans mal, et les éditeurs moins fortunés condamnés peu à peu à se rabattre sur des produits de seconde catégorie, moins porteur en terme de rentabilité. Kurokawa vient ainsi en quelques mois de faire une entrée spectaculaire dans le monde du manga, et rejoint Panini et Dargaud dans le clan des béhémoths aux accès illimités. Les plus petits éditeurs de se demander comment faire pour ne pas dilapider leur bas de laine dans l’achat de licences à haute teneur commerciale, eux qui n’ont même plus le privilège de « l’éclaireur » avantagé par sa connaissance du terrain.  Ont-ils encore une raison d’exister ? Ou même les moyens de survivre ? Rien n’est moins sûr ?

 

3. Un autre élément est à considérer dans l’équation, peu exposé car effrayant la plupart des professionnels qui ne sont pas dupes. Et si, le succès aidant, les japonais décidaient demain d’éditer eux-mêmes leurs catalogues sur le sol Français. Après tout, ils sont les champions du monde de la rentabilité éditoriale, et possèdent le premier marché du livre au monde. Ils savent faire aussi bien nous, pour ne pas dire mieux. Certes la machine des achats de licences entre nos deux pays semble maintenant lancée et difficile à arrêter, mais pas impossible. Et si le jeu commençait à en valoir la chandelle, après tout pourquoi les nippons ne gagneraient-ils pas eux même l’argent que nous autres français empochons à leur place ? Il leur suffirait de ne pas renouveler quelques grosses licences, puis de les relancer eux-mêmes une fois les contrats les liant aux français tombés à échéance. Quelques années suffiraient pour renouveler complètement le parc des éditeurs hexagonaux par des nouveaux arrivants japonais. Que de rentabilité gagnée pour peu d’efforts fournis. Une possibilité pas si fantasque, puisque la plupart des majors japonaises ont ouvert une succursale à Paris depuis quelques années dans le but de surveiller et comprendre le phénomène manga et son évolution sur le marché français. D’ailleurs, dans notre fonctionnement, de nombreux points les agacent, comme par exemple l’exploitation gratuite de l’iconographie dans la presse (elle est payante au Japon, et le droit de regard des éditeurs est bien plus obligatoire).

 

Ainsi, en additionnant les trois paramètres, il est possible de deviner les enjeux que devront relever les français dans les prochaines années, pour ne pas se laisser engloutir dans le sol instable de l’édition manga. Certains bruits courent, annonçant les pourparlers d’association entre maisons Françaises et Japonaises. La solution de demain, stabilisante, économique. Mais où peu seraient vainqueurs, les monstres de l’édition japonaise étant en moins grand nombre.

 

Une autre alternative consiste aussi à importer le mode de production en France, et engager les jeunes français désireux de dessiner du manga. On pourrait ainsi éviter de payer des fortunes pour des licences japonaises, et se libérer des contraintes commerciales liant les deux parties, puisque l’éditeur fabriquerait sa bd de A à Z sur le territoire. Comme par hasard, seules les maisons de moyenne envergure ou de seconde catégorie (entendez celles qui ont de bons moyens, cependant insuffisants pour être de ceux qui ont le pouvoir de s’associer avec les leaders japonais), comme Pika et Delcourt, se sont lancés dans ce projet. Est-ce un indice que les leaders français ont d’autres priorités ? Certainement. En tous cas, on sent plus d’urgence chez les poids moyens à se rabattre sur la production locale. Les grands groupes, au contraire, accélèrent les processus les liant au marché d’import japonais. D’ailleurs, les partenariats franco-japonais pourraient aussi permettre aux éditeurs choisis de mieux s’exporter au pays du soleil levant.

 

Bref, beaucoup d’informations, plus encore de désinformations, sont à traiter avec du recul et de la hauteur. Aujourd’hui le marché du manga est complexe, les éditeurs essaient de tirer leur épingle du jeu et de se stabiliser pour le futur. Une stabilisation bien difficile à mettre en place dans l’actuel marasme éditorial, d’ailleurs amplifié par l’arrivée dans la compétition de mastodontes financiers inhabituels pour le monde de la bande dessinée.

 

 
Liens distendus entre la France et le Japon
 

Plus rien n'est comme avant !

Vous savez que chez AAAPOUM, on aime bien vendre des séries complètes, ou à défaut, des packs contenant les débuts d'une série... Ça fait des années qu'on fait ça. On avait une méthode pour ficeler les volumes ensemble avec du bolduc, une habille boucle toute en élégantes obliques...

Et bien nos recherches démontrent que cette méthode ne fonctionne pas avec les mangas !  

Démonstration par l'image :

À gauche un pack Gunnm Last Order (6 tomes, 24€) lié traditionnellement à la "franco-belge" par Stéphane. À droite un pack Rainbow (4 tomes, 20€), lié "à la japonaise" par Vlad. Observons le résultat après quelques minutes d'exposition de ces deux produits à la clientèle aaapoumienne...   

Et voilà le résultat ! Patatras ! Le lien traditionnel franco-belge ne tient pas le choc et la méthode de Vlad est la meilleure.

 
Dédicace Shizuka Nakano
 

Shizuka Nakano en dédicace à Album Manga pour son livre 

Le Piqueur d'étoiles

Difficile de faire beaucoup mieux, l'espace était trop étroit, l'auteur trop penchée sur sa feuille (elle a bien le droit au confort tout de même). J'espère cependant que le spectacle est séduisant. Un dessin en progression, c'est toujours agréable, non?                 .

 
Vagabond de Takehiko Inoué
 

La plume et le sabre

Suivant la tradition des biographies romanesques sur Musashi, Vagabond s’ouvre sur la plus grande date de l’Histoire médiévale japonaise, octobre 1600, bataille de Sekigahara.

Sur le visage engourdi du héros sonne la pluie, autour de son corps étendu gisent les cadavres de ses alliés déchus. Laissé pour mort, la défaite de son camp sonnant l’instauration d’un régime politique qui durera 300 ans, son réveil a un goût de renaissance, le Japon des airs de nouveau monde. Cet instant inaugural conditionne dès lors l’errance de l’adolescent. Il s’agira à l’avenir de ne plus se précipiter dans la bataille sans réfléchir, et de maîtriser les techniques qui assurent la victoire.Miyamoto Musashi est une figure essentielle de l’Histoire et du Folklore nippon.

Depuis toujours s’incarne dans l’image chevaleresque et philosophique de ce samouraï  l’idéalisation d’une « âme japonaise », faite de rigueur et d’obstination, d’abandon de soi et de recueillement au plus près de la nature. Des associations d’idées d’autant plus fortes qu’elles furent flattées à de nombreuses reprises dans d’illustres créations artistiques.Au-delà du symbole identitaire, Vagabond fascine par la volonté de l’auteur à se mesurer au mythe.

Même l’européen déconnecté de la mentalité nippone ne manquera pas de ressentir à chaque image le challenge. Voie du Sabre et voie du dessin sont liées au sein des pages, auteur et sabreurs unis à dans l’expérimentation et le changement d’outils (commencée à la plume, la série se poursuit désormais au pinceau). Une ode à la perfection dans l’humilité, enveloppée d’un graphisme à se pâmer de beauté...

Bref, l’essence pure en manga du mythe Musashi.