Publications dans Les dessous de la bd
La mauvaise note qui tue
 

Lorsque pipeau et molo vont au Japon

Depuis plusieurs semaines, l'éditeur Français Glénat clamait à la presse avoir remporté l'achat de l'ultra best seller manga Death Note, ainsi que deux trois autres titres majeurs du catalogue japonais de la Shueisha....

La sortie etait parait-il imminente, et augurait surtout un rapprochement singulier entre les deux maisons.

OOOOOHHHHHH, les gros menteurs, en fait ils n'avaient rien du tout conclu.

Non seulement le poids lourd Death Note est toujours aux enchères, mais les japonais n'étant pas très fans de ce type de propagande,  Glénat semble maintenant bien mal barré pour décrocher la licence.

Tant mieux pour les autres....

 
L'Emile Ajar du pauvre
 

Où comment se tirer une balle dans le pied

Par Stéphane

Puisque c’est officiel, je peux maintenant vous raconter une petite histoire qui ne gâchera rien. Comment Lewis a signé chez Albin, récit rapporté à l’époque par un auteur Albin Michel (là je dis pas car il avait bu) à un journaliste de Télérama, rapporté à Aaapoum aussitôt. (Toujours prendre des pincettes dans ce genre de récits)

Alors que le Blog Frantico cartonne sur le net, que tout les lecteurs se doutent plus ou moins que Lewis est derrière (je me souviens avoir été convaincu le jour où il écrivit en toute lettre le nom Joann Sfar, impossible de ne pas reconnaître sa calligraphie), Albin contacte l’auteur pour le faire signer. C’est effectivement un homme correspondant au profil qui se présente,et engage les négociations. Les réunions se répètent, tant et si bien que le directeur de la maison d’édition fini convaincu qu’il va recruter un jeune premier. Puis arrive le jour de la signature, où Frantico arrive accompagné d’un homme caché d’une casquette. C’est lui qui signera, ainsi qu’un contrat assurant la discrétion de l’opération.

Tu parles Charles, la semaine d'après, toute la profession était au courant. Alors lorsque l’on demande pourquoi la bande dessinée n’arrive pas à égaler en aura d’autres formes d’Art, moi je réponds à cause des gens qui y travaillent. Y’a aucun doute là-dessus (c'est d'autant plus triste que pour L.T, fatigué à cette époque là si l'on en croit ses remarques sur son désir de retraite,  le projet Frantico semblait une démarche sincère pour relancer sa carrière artistique à l'abri de la notoriété) .

 
Hommage à T.G.
 

Le discret madame Soleil de la BD

Par Stéphane

Il y a dix onze ans, j'achète pour un ami une statue Tintin abîmé et en solde à la librairie Glénat. Dehors, à coté de l'étalage, le vendeur me fait un vague sourire et m'ignore, se moque un peu aussi. En fait il drague ma meuf à mort, en me méprisant totalement. Ce connard, c'est Thomas Gabison, un illustre inconnu.

L'année suivante, je commence un job étudiant de vendeur dans une librairie Album. Thomas Gabison devient mon collègue. Le premier jour, il me regarde et me dit en souriant: " Hé, je me souviens de toi, elle est mignonne ta copine". Toujours un connard en bref.

Peu de temps après, quelques jours disons, il reluque les livres que j'emprunte et me lance fierement :" Toi, tu ne lirais pas un ptit peu trop de merdes. Suis moi mon grand, je vais te montrer un truc mieux" (je résume très peu en fait). Il me tend alors Le petit monde du Golem, d'un autre illustre inconnu qui s'appelle Joann Sfar, et me dis:"Tu verras, ça, c'est de la balle". Dépité, je réponds "T'es trop fou toi, son dessin c'est trop de la merde". Les années suivantes, j'ai vu mille et mille fois Thomas Gabison à la caisse dialoguer avec les clients et leur tendre des livres un peu plus consistants. Souvent, ils réagissaient un peu comme moi même j'avais réagi quelques temps plus tôt. Sauf que moi, il commençait sérieusement à me convertir à ses idées.

Encore bien des années plus tard, cela fera bientôt deux ans pour être précis, Thomas Gabison sautille en m'annoncant " Stéphane, Stéphane, j'ai découvert un nouvel auteur, un italien un bijou, tu ne vas pas le croire". Il m'ouvre le livre et je tombe sur le cul. C'est que Thomas Gabison a fort bien réussi mon éducation pendant ces dix ans, vous savez.

Janvier 2005, alors que Thomas Gabison vient de se faire engager comme éditeur pour lancer une collection de bandes dessinées chez Actes Sud, ce livre est le premier qu'il édite. L'album s'appelle Notes pour une histoire de Guerre, et son auteur c'est Gipi.

Ce soir, à peine un an après cet événement, Joann Sfar est depuis longtemps devenu une star, et Thomas Gabison, pour sa part, décroche le Prix du meilleur Album 2005 au festival international de la bande dessinée d'Angoulême, en tant qu’éditeur pour le livre de Gipi, leur premier album à tous les deux.

Alors ce soir est le parfait soir pour rendre un petit hommage Thomas Gabison. Ne change  jamais, t'es fort comme un Paco Rabanne de la BD qui n'a jamais eu tort, même s’il t’arrive encore de passer pour un connard quand tu dragues les copines des clients le dimanche en ma compagnie (car il m'a appris ça aussi).

 
Trondheim à l'Institut Finlandais
 

Par Stéphane

Animant hier soir à l’Institut Finlandais une conférence sur Célébritiz, album de Lewis Trondheim et Ville Ranta aux éditions Dargaud, je rencontrais pour la première fois l’auteur des célèbres carottes. Des années durant j’ai imaginé ce moment que je savais inévitable, gravitant de plus en plus haut dans le monde interlope de l’édition BD. J’allais être face à un homme que l’on décrit comme imbu, prétentieux, ou pire…méprisant. Qu’allais je faire, moi qui avait longtemps cultivé pour son travail une vraie passion, allant jusqu’à l’intégrer comme objet de recherche universitaire dans ma jeunesse (Qui osera dire que les études supérieures ne servent à rien ?). A force de cogiter, j’en étais venu à éprouver une forme d’anesthésie émotionnelle totale. Et c’est presque blasé que j’arrivais ce soir pour animer la conférence. « Avec Lewis, il faut s’attendre à tout ! Soit il fait l’idiot et parasite tout, soit il coopère et se comporte plutôt calmement » me rappela l’éditeur. Un geste gentil, mais à vrai dire à ce stade je m’en fichais, j’étais détaché.

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Quelle erreur de jugement je n’avais pas fait là. Non seulement je redécouvrais un artiste que les quolibets avaient esquinté dans mon cerveau de crétin influençable, mais plus encore un humain complexe, assez plaisant. Lewis répondait aux questions avec beaucoup de tact et d’à propos, détaillant sa petite mécanique créatrice humblement, expliquant par exemple qu’il ne relisait que très rarement ses livres une fois publiés, préférant passer à autre chose une fois ce qu’il avait à dire achevé. Il expliqua aussi ses errances de scénariste, laissant son écriture dériver pour le plaisir de faire réapparaître un personnage, alors que ce n’étais pas prévu, juste parce qu’il est surpris par le dessin que son collaborateur a produit depuis ses indications…. Bref, un agréable moment, riche et didactique, avec un homme qui visiblement renonce à toute reconnaissance sociale pour mieux se concentrer sur ses besoins d’expression.

PS : Et l’album me direz vous… et bien pas terrible. L’esthétique audacieuse de Ville Ranta -entre école de la ligne crade et minimalisme-, et les retrouvailles avec certains thèmes absents depuis belle lurette des livres de Trondheim (la double personnalité, l’homme comme fraude ou usurpateur, l’engagement politico social), ne font pourtant pas décoller cette chronique absurde à laquelle il manque ce soupçon de pertinence et d’audace qui fait la différence, et que l’on trouve notamment dans la série Lapinot auxquels pourrait presque appartenir Célébritiz.

Toute la soirée j'eut le sentiment d'être "the ennemi", comme le disent si bien les rockstars en parlant des journalistes dans le film Presque Célèbre de Caméron Crow

 
The Blacksad's Blackmail
 

Le chantage du Blacksad

par Stéphane

La liberté de la presse, encore un truc que le monde de la Bd a bien du mal à comprendre.

Dernière élégance en date, un clash entre le magazine spécialisé Bulldozer d'un coté, Dargaud et sa série polar Blacksad de l'autre, à cause d'une critique à laquelle j'ai collaboré (chose rare, on l'a écrite à plusieurs).

Rapide rappel des faits : Bulldozer en janvier chronique Blacksad tome 3. Comme d'habitude, on trouve le scénario pourri, entre caricature de polar non voulue et grandiloquence politique à la réflexion d'un enfant de sixième. Bref, on le dit, l'argumente. Évidemment chez Dargaud, qui m'a par le passé déjà mis la tête dans le pâté en réponse à des chroniques peu flatteuses, ça souffle direct dans les bronches de la direction.

Les dessous de l'enquête de Blacksad seraient-ils moins glamour que ce que l'on souhaiterait vous faire croire?

Les dessous de l'enquête de Blacksad seraient-ils moins glamour que ce que l'on souhaiterait vous faire croire?

Et Frédéric Bosser, rédacteur en chef du magazine, mais aussi directeur d’une galerie de bande dessinée, de me rapporter en off qu’il se fait torpiller des deux cotés. François Lebescond, homme à responsabilité chez Dargaud, lui aurait annoncé que ce n’est pas bien de dire du mal de Blacksad, et qu’en réprimande Guarnido avait décidé qu'il pouvait faire une croix sur l'idée d'exposer un jour le dessinateur dans sa galerie.

Un bien dégueulasse chantage, puisqu’il n’y a aucune raison de lier les activités d’un journal et d’une galerie entre elles, sauf si l’on souhaite, à l’aide de tous les moyens à sa disposition même des pires, fermer la gueule des personnes osant faire un travail de critique.