Publications dans Janvier 2006
Le Péril jaune
 

A propos de "Fils de Chine " de Gillon

par Vlad

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  Au début des années cinquante, alors que le Camarade Staline était encore parmi nous, Paul Gillon dessinait dans les pages de Vaillant, le magazine du PCF pour la jeunesse. Il y cosignait alors avec Roger Lecureux une épopée chinoise retraçant le combat des partisans de Mao, la Longue Marche, la guerre civile et la victoire sur les troupes de Tchang Kaï-Chek. Ces pages ont été regroupées en 1978 par Jacques Glénat, dans un album intitulé Fils de Chine.

Ce qui apparaît d’emblée à la lecture de cette vigoureuse propagande, écrite et dessinée avec puissance et style (j’écris ça sans ironie) c’est l’influence démente qu’avait Alex Raymond sur le jeune Gillon (environ 25 ans à l’époque). Jusqu’à la calligraphie de la signature, le jeune français reproduit avec brio le style de l’américain, créateur de Flash Gordon.

Par son allégeance formelle Gillon produit un miracle, dont la portée politique est bien plus importante que la simple hagiographie maoïste : sous nos yeux ébahis, le symbole du « péril jaune » tel que les Américains ont appris à le redouter, le terrible Empereur Ming… est désormais du côté des bons !

Que cette démarche est été consciente ou non, c’est une révolution des mentalités qui est ici à l’œuvre. Utiliser les codes de l’ennemi pour les retourner, s’approprier ses armes et les utiliser à d’autres fins, c’est ce qu’ont toujours fait les rebelles et c’est ce qu’ils feront toujours. Tout le contraire de messieurs Van Hamme et Benoît lorsqu’ils trouvent opportun de truffer leur « Etrange rendez-vous » de stéréotypes racistes nous ramenant cinquante ans en arrière ! 

Merci à Fabio, qui n’a pas voulu me céder à vil prix cet album, mais qui a bien voulu me le prêter !

 
L'Emile Ajar du pauvre
 

Où comment se tirer une balle dans le pied

Par Stéphane

Puisque c’est officiel, je peux maintenant vous raconter une petite histoire qui ne gâchera rien. Comment Lewis a signé chez Albin, récit rapporté à l’époque par un auteur Albin Michel (là je dis pas car il avait bu) à un journaliste de Télérama, rapporté à Aaapoum aussitôt. (Toujours prendre des pincettes dans ce genre de récits)

Alors que le Blog Frantico cartonne sur le net, que tout les lecteurs se doutent plus ou moins que Lewis est derrière (je me souviens avoir été convaincu le jour où il écrivit en toute lettre le nom Joann Sfar, impossible de ne pas reconnaître sa calligraphie), Albin contacte l’auteur pour le faire signer. C’est effectivement un homme correspondant au profil qui se présente,et engage les négociations. Les réunions se répètent, tant et si bien que le directeur de la maison d’édition fini convaincu qu’il va recruter un jeune premier. Puis arrive le jour de la signature, où Frantico arrive accompagné d’un homme caché d’une casquette. C’est lui qui signera, ainsi qu’un contrat assurant la discrétion de l’opération.

Tu parles Charles, la semaine d'après, toute la profession était au courant. Alors lorsque l’on demande pourquoi la bande dessinée n’arrive pas à égaler en aura d’autres formes d’Art, moi je réponds à cause des gens qui y travaillent. Y’a aucun doute là-dessus (c'est d'autant plus triste que pour L.T, fatigué à cette époque là si l'on en croit ses remarques sur son désir de retraite,  le projet Frantico semblait une démarche sincère pour relancer sa carrière artistique à l'abri de la notoriété) .

 
Biographie à l'emporte-pièce
 

Jean-Marie Bigard et Che Guevara, même combat.

Par Stéphane

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Saviez-vous qu'Ernesto Guevara fut nommé Ministre de l’économie de Cuba à cause d’un malentendu. En effet, à la question « Qui est économiste ? » il entendit « Qui est communiste ?». Et du coup répliqua promptement d’un grand geste.

Si comme moi, vous ne le saviez pas (je l’ai appris ce matin en regardant une interview de Roland Castro), vous ne l’auriez de toutes les manières pas découvert à la lecture de la très merdique biographie parue chez Casterman ce mois-ci. Un livre aux ambitions esthétiques inexistantes, et à l’intérêt tout aussi défaillant. Libertad !se présente comme un beau pavé de vide destinée à lancer une collection sur les grands révolutionnaires de l’Histoire (attention JFK et Marilyn arrivent bientôt), un peu comme sont faits les livres sur Bigard et Mimie Mathy (toujours chez Caster d'ailleurs, et à ce sujet lire ce court article paru ici.

Oh mon dieu ce qu'on essaie de nous refourguer !).

Evidemment dans les bureaux, personne n’a dû se demander à quoi pouvait servir le portrait d’une grande figure historique et politique, très fortement portée par l’image en plus, si ce n’est ni pour prendre position, ni pour enrichir l’iconographie abondante sur l’homme. 

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Un camouflet honteux lorsque l’on sait ce que Breccia et Oesterheld endurèrent en écrivant la leur (lire ici et ce que coûte l'engagement artistique en bande dessiné, c'est loin d'être l’exécrable fraude commerciale que l'on essaie de nous vendre aujourd'hui).

Je vais donc me charger de descendre cette abomination artistique et humaine dans une de mes prochaines critiques Chronic’art.

Et j'espère qu'on ne criera pas cette fois ci que je suis trop méchant. Il y a avilissement de la bande dessinée ici, non ?

 
Les gadgets du voisinage
 

Les gadjets du voisinage

Vidéo envoyée par aaapoum

Pour notre premier espace publicitaire débile (en vrai notre premier essai de video), Arnaud de chez Pulp's (nos voisins d'en face) s'est sacrifié... avec brio. Bon, pour une première le son est médiocre, mais tout devrait rentrer dans l'ordre dès la prochaine vidéo.

Au fait les filles, Arnaud est libre. Et si vous deviez le trouvez sur ce court extrait peu à votre goût, sachez que la video ne lui reussit pas forcément au tein.

 
Pourquoi ne pas aimer Batman begins
 

Par Stéphane (et Vlad par procuration vu que c'est lui qui éveilla chez moi cette réflexion).

Parce que les Hoolywoodiens sont si cons que pour eux, tous les jaunes se ressemblent -mon dieu quelle connerie, ces ninjas qui peuplent L'Himalaya- et le moindre des paysans des montagnes y parle anglais.

Parce que Bruce Wayne voudrait être sale et trouble comme dans un bon Burton, mais n'y arrive pas (son plus grand crime, se voler à lui même...).

Parce qu’une scène d’action mérite un peu de virtuosité pour épater, et Nolan est une tanche qui ne connaît rien au montage (même s’il photographie bien).

Mais surtout… à lire dans la suite

Le film n’apporte rien, mais rien du tout, à Year one, comics fondateur du mythe de Batman dont est tiré ce nanard. Nolan se dirige même à contre-courant de l’image que Frank Miller a tenté de mettre en place dans le comics américain. Pas cette nouvelle facette humanisé, souvent le verni  moderne que lecteurs et spectateur retiennent. Sur ce point pas de problème, le film respecte le style Miller et l’enrichit même de deux trois idées astucieuses. En revanche le film annihile totalement le combat  de Miller (et celui d’Alan Moore par la même occasion) pour la représentation dans le comics américain d’un monde plus réaliste et moins américanocentré.

Hors, en intervertissant avec allégresse chinois et japonais sous prétexte qu’ils sont jaunes, et que donc personne ne fera la différence, Nolan méprise l’immense passion de Miller pour l’Asie, ses peuples et ses coutumes, et plus grave, dédaigne aussi les populations, qui en aucun cas ne sont interchangeables. Mais ça, je pense que le spectateur s’en fout, il trouve ça joli les ninjas qui sautillent dans les déserts glacés. Ça fait classe, donc nul besoin de se demander comment une telle image est produite, ni ce qu’elle véhicule comme message (au passage ici un profond mépris).

Pire, en transformant le leader de ce groupe de ninjas Himalayens (arfarfarf !!!), le démonique Raz al Gul, en blanc (alors qu’il est bel et bien asiatique dans la BD), il tombe dans le plus vieux des clichés racistes américains, de ceux sur lesquels Frank Miller cracha abondamment lorsqu’il commença la bd : l'icone de l'occidental blanc par nature capable d’apprendre et maîtriser tous enseignements ou domaines, pour finalement surpasser les maîtres du tiers-monde qui les dispensent. Ça lui aurait arraché le cul qu’un asiatique soit meilleur qu’un américain… Frank Miller, lui, cela ne le gênait pas, au contraire il semblait même le penser, à relire ses Serval, ses rônins, ses Daredevil…. Mais bon, cela n’embarrasse apparemment pas le spectateur avide de divertissements, qui ne souhaite pas décortiquer le monde donné à voir. Après tout, l’important dans Batman, c’est comment il fabrique son costume.

 
Les terribles taches
 

Où comment naît la vocation.

Par Stéphane

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Attiré par le mal comme tout les enfants, j’en étais venu à vouer une admiration sans borne pour le fantôme noir, ce terrible ennemi de Mickey qui signait ses forfaits d’une indélébile tache noire. J’étais fasciné, non par son génie diabolique, mais par cette indécrottable manie de souiller.

C’est qu’à cette époque les salissures, plus encore le dessin sur les murs de ma chambre, me sont interdits. Ma mère comme elle le fera des années durant s’applique de nombreuses heures au ménage, à briquer, brosser, avec un ascétisme et une énergie qui, cela demeure encore vrai, confine un peu à la folie.

Je scrutais ces petites macules noirs dans mes bandes dessinées et reconnaissait dans le regard de Mickey, lorsqu’il devait tomber sur l‘une d’entre elles, le désespoir quotidien de ma mère. J’ai ainsi de nombreux mois dessiné sur le mur derrière la porte de ma chambre, à l’abris de la justice, jusqu’à me faire prendre un beau matin.

Ce jour là, je retrouvais dans les yeux de ma mère ce petit quelque chose de Mickey, et en moi  s'étirait un petit sourire intérieur de fantôme noir.

 
Delcourt : le deuil du noir
 

"Ceux qui sont dans le vent auront un destin de feuilles mortes"

par Vlad

Je n'ai jamais bien compris l'aura de prestige dont jouissaient les éditions Delcourt auprès d'une certaine frange pourtant exigeante du lectorat. En effet pour une série comme De cape et de crocs ou Le pouvoir des innocents, combien de produits strictement commerciaux, formatés selon les critères de divertissement les plus prévisibles.


J'ai toujours soupçonné cette respectabilité d'être due à la sobre élégance des maquettes et particulièrement des dos noirs. Formule inchangée depuis plus de dix ans. Alors que ses confrères, Soleil et Humanos en tête, s'affrontaient à coup de maquettistes débridés et interchangeables, maniant la transparence et la sur typographie comme d'autres la chantilly, Monsieur Delcourt  maintenait son port altier et sobre pour se distinguer des maquignons. Imagine-t-on la Pléïade de Gallimard se mettre au goût du jour à chaque décennie ?
Heureusement cette période de tromperie est révolue ! L'usurpation va être démasquée !


Les dos noirs appartiennent désormais au passé.


Cette nouvelle bien tangible sur le dernier De cape ou sur la suite d'Okko désespèrent nos collectionneurs. Et bien moi je m'en réjouis ! Désormais la forme du contenant correspondra un peu plus au contenu.


La vérité est toujours révolutionnaire.

 
Hommage à T.G.
 

Le discret madame Soleil de la BD

Par Stéphane

Il y a dix onze ans, j'achète pour un ami une statue Tintin abîmé et en solde à la librairie Glénat. Dehors, à coté de l'étalage, le vendeur me fait un vague sourire et m'ignore, se moque un peu aussi. En fait il drague ma meuf à mort, en me méprisant totalement. Ce connard, c'est Thomas Gabison, un illustre inconnu.

L'année suivante, je commence un job étudiant de vendeur dans une librairie Album. Thomas Gabison devient mon collègue. Le premier jour, il me regarde et me dit en souriant: " Hé, je me souviens de toi, elle est mignonne ta copine". Toujours un connard en bref.

Peu de temps après, quelques jours disons, il reluque les livres que j'emprunte et me lance fierement :" Toi, tu ne lirais pas un ptit peu trop de merdes. Suis moi mon grand, je vais te montrer un truc mieux" (je résume très peu en fait). Il me tend alors Le petit monde du Golem, d'un autre illustre inconnu qui s'appelle Joann Sfar, et me dis:"Tu verras, ça, c'est de la balle". Dépité, je réponds "T'es trop fou toi, son dessin c'est trop de la merde". Les années suivantes, j'ai vu mille et mille fois Thomas Gabison à la caisse dialoguer avec les clients et leur tendre des livres un peu plus consistants. Souvent, ils réagissaient un peu comme moi même j'avais réagi quelques temps plus tôt. Sauf que moi, il commençait sérieusement à me convertir à ses idées.

Encore bien des années plus tard, cela fera bientôt deux ans pour être précis, Thomas Gabison sautille en m'annoncant " Stéphane, Stéphane, j'ai découvert un nouvel auteur, un italien un bijou, tu ne vas pas le croire". Il m'ouvre le livre et je tombe sur le cul. C'est que Thomas Gabison a fort bien réussi mon éducation pendant ces dix ans, vous savez.

Janvier 2005, alors que Thomas Gabison vient de se faire engager comme éditeur pour lancer une collection de bandes dessinées chez Actes Sud, ce livre est le premier qu'il édite. L'album s'appelle Notes pour une histoire de Guerre, et son auteur c'est Gipi.

Ce soir, à peine un an après cet événement, Joann Sfar est depuis longtemps devenu une star, et Thomas Gabison, pour sa part, décroche le Prix du meilleur Album 2005 au festival international de la bande dessinée d'Angoulême, en tant qu’éditeur pour le livre de Gipi, leur premier album à tous les deux.

Alors ce soir est le parfait soir pour rendre un petit hommage Thomas Gabison. Ne change  jamais, t'es fort comme un Paco Rabanne de la BD qui n'a jamais eu tort, même s’il t’arrive encore de passer pour un connard quand tu dragues les copines des clients le dimanche en ma compagnie (car il m'a appris ça aussi).

 
Le Tsunami du mardi
 

Par Stéphane

Mardi, non moins de 40 nouveautés sont apparues d'un coup chez les libraires de bande dessinée. Et encore je ne compte pas les mangas, eux aussi débarquant en grand nombre le même jour. Concrètement, en prenant l'exemple de mes voisins la librairie Album (pas le cagibi du coin niveau taille), c'est l'espace dédié aux nouveautés en entier qui fut réorganisé. C'est à dire que les livres parus la semaine précédente ne sont déjà plus à l'affiche, même les grosses pointures sont rangées à l'ombre des rayons.

Lorsque l'on pense aux râleurs qui se plaignent du rétrécissement de la durée de programmations dés films en salle, que devraient dire les lecteurs de bande dessinée, si même les blockbuster de papier ne tiennent plus une semaine le haut de l'affiche ?  C'est dire aussi la difficulté pour le bédéphile lambda à choisir correctement ses lectures, lui qui n'aura désormais l'occasion de ne voir qu'une nouveauté sur trois, au mieux, et encore s'il passe au minimum entre deux et trois fois par mois dans son échoppe favorite.

Alors comment faire pour choisir aujourd'hui? Tous ses livres sont-ils nécessaires ?

 
Tu veux mon doigt ?
 

Souvenez vous, une bande de bambins déchainés accroupis tels des dalmatiens devant la télévision le mercredi après midi. Face à eux, un homme, un vrai, musclé, en clou et en cuir, qui plante à tout bout de champs ses gros doigts dans la chair saillante de ses ennemis en balançant un terrible "je vais te prendre le fi... ", excusez moi je me suis trompé. En balançant donc un terrible "tu vas mourir dans trente secondes".

Beh ouais les gars, Ken revient, et il est pas content (un peu facile je vous l'accorde). Un grand film (cinéma me semble-til) se prépare au Japon et, pour tous nostalgiques qui se respectent, un petit tour sur le site pour admirer les bandes annonces (cliquer sur l'onglet trailers en anglais) est franchement conseillé.

Ouah, il est trop fort ce Ken.