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BATMAN : la cour des hiboux (2)
 

On doit pouvoir mesurer l'inventivité d'un scénariste à l'aisance avec laquelle il sort ses héros des situations insolubles dans lesquels ils les a plongés. À cette aune Scott Snyder ne vaudrait pas tripette, en tous cas, si on se borne à lire ses débuts sur Batman. Après une ouverture presque totalement inutile et encombrée d'emphase sentencieuse se voulant profonde, l'on voit Bruce Wayne tombant dans le vide, projeté du haut d'une tour...

Ça semble vraiment foutu pour lui, il n'a pas son costume et en plus il a trois couteaux plantés dans le corps (1 dans l'avant-bras droit et 2 à la jointure des bras et des épaules). Bruce Wayne trouve d'ailleurs ses projectiles particulièrement bien placés : "en plein dans mes artères brachiales. La douleur et l'hémorragie m'empêchent de saisir quoi que ce soit pour stopper ma chute". De plus il nous précise que même s'il pouvait attraper quoi que ce soit, sa "vitesse de chute est telle [qu'il] y laisserai[t] [s]es bras". Le suspens est à son comble. Que va-t-il se passer ? Comment va-t-il s'en sortir ? On tourne la page... Toujours tombant Bruce Wayne assène avec ses bras sanglants une volée de bourre-pifs à un adversaire costumé qui chute curieusement à côté de lui. Puis Bruce se rattrape à une traditionnelle gargouille, se rétablit sur ses pieds et regarde le méchant s'écraser au sol, tout ceci en parfaite contradiction avec ce qui a été énoncé avant.

Le pire est que les auteurs nous refont le coup un peu plus loin. Batman se fait transpercer le tronc par une grosse lame, puis tabasser efficacement. Il est épuisé, sous-alimenté et drogué... Le suspens est à son comble, comment va-t-il s'en sortir ? On tourne la page... Batman décide que ça commence à bien faire, il se relève en colère et fout une branlée à son adversaire. Un sursaut de volonté comme ressort scénaristique.

C'est un peu comme dans une cour de récré.— Pan ! T'es Mort !— Aaaaarghh ! (s'écroule dans un geste théâtral, puis se relève) Ouais, mais en fait non, je ressuscite.

Moi il m'en faut un peu plus pour m'extasier. Je trouve que ces nouvelles aventures de Batman ne commencent pas très bien. En plus, sous prétexte de permettre à de nouveaux lecteurs d'accrocher à l'univers, tout le monde à pris un sacré coup de jeune... Ce fait, cumulé avec une certaine imprécision dans le dessin de Capullo abordant les physionomies, n'aide guère à la différenciation des personnages masculins. Batman et ses trois Robin sont ainsi difficiles à distinguer autrement que par leur gabarit, à la manière des matriochki, les poupées russes. L'autre gentil milliardaire qui veut postuler à la Mairie de Gotham –Lincoln March– (et dont on découvrira vraisemblablement qu'il n'est pas aussi sympa que ça) a ainsi la même tête que Bruce.

Reste une très belle séquence dans le labyrinthe où j'ai l'impression que les auteurs se sont donnés à fond et qu'un peu étonnés par leur performance, ils se sont retrouvés haletants et en sueur dans l'attente des applaudissements qui ne manqueront pas d'arriver, tels ceux des parents à la fête de l'école.

Batman : La cour des hiboux de Scott Snyder et Greg Capullo, Urban comics, 176 pages, EAN : 9782365770415, 15€ en neuf. Chez nous un exemplaire à 12€... Aaah pas tout de suite Alecs vient de l'emprunter, alors qu'il l'avait déjà lu.

 
The End League de Rick Remender, éditions Akileos
 

La fin des haricots

Après le cataclysme, la planète est ravagée et seul 10% de la population humaine a survécu. Parmi les rescapés, une bonne partie a développé des superpouvoirs... et la plupart d'entre eux ont suivi leur mauvais penchant et sont devenus des Vilains.

Dans un contexte aussi sombre que font les héros ? Quelles questions agitent le cerveau du plus puissant d'entre eux qui est le seul (ou presque) à savoir qu'il est en fait responsable de la grande catastrophe ?

Les grands questionnements moraux sont le piment indispensable des grandes histoires de super-héros. Ils sont le contrepoint cérébral au divertissement bagarreur insufflé par tout rassemblement de superpouvoirs. Il y a trois critères pour juger de la qualité d'un grand raout de surhumains :

1) Le nombre de gugusses en costumes mis en scène, la diversité chatoyante de leurs combinaisons

2) Le caractère impossible de la mission qui est attribuée aux gentils

3) Les choix moraux auquels ils sont confrontés

À l'aune du troisième critère The End League est une grande réussite. En effet qui peut proposer mieux comme crucial dilemne que :

Le sauvetage de l'humanité mérite-t-il le sacrifice d' UN MILLION DE NAZIS ?

Il fallait l'oser ! Franchement je ne vois difficilement mieux. Ce questionnement est le point culminant d'une succession de dilemnes assez foudroyants qui émaillent les péripéties désespérées d'une poignée de justiciers en déroute.

Les fans de comics ne manqueront pas de souligner les nombreux personnages décalqués sur des figures connues des grands éditeurs que sont DC et Marvel, mais ces emprunts, ces hommages, ne sont pas le principal intérêt de l'œuvre de Rick Remender, tout juste un jeu de piste routinier pour geeks. Ce qui étonne ici, c'est la noirceur du postulat de base et les ambiguïtés du final. Je ne peux trop en dire ici, mais il y a des éléments que je n'ai guère compris en conclusion du tome 2, et j'écouterai volontiers quelques éclaircissements de la part d'autres lecteurs.

The End League est une mini-série en 2 tomes, publiée en France par les éditions Akileos et nous avons en ce moment quelques tomes 1, rue Serpente, au prix réduit de 10€ au lieu des 14 initiaux. Cette série n'est pas indispensable, mais elle est plutôt bien dessinée (même si Mat Broome a beaucoup de mal avec les visages féminins) et son déroulement est distrayant et donne à penser. Ce qui n'est pas si mal.

 
Pourquoi ne pas aimer Batman begins
 

Par Stéphane (et Vlad par procuration vu que c'est lui qui éveilla chez moi cette réflexion).

Parce que les Hoolywoodiens sont si cons que pour eux, tous les jaunes se ressemblent -mon dieu quelle connerie, ces ninjas qui peuplent L'Himalaya- et le moindre des paysans des montagnes y parle anglais.

Parce que Bruce Wayne voudrait être sale et trouble comme dans un bon Burton, mais n'y arrive pas (son plus grand crime, se voler à lui même...).

Parce qu’une scène d’action mérite un peu de virtuosité pour épater, et Nolan est une tanche qui ne connaît rien au montage (même s’il photographie bien).

Mais surtout… à lire dans la suite

Le film n’apporte rien, mais rien du tout, à Year one, comics fondateur du mythe de Batman dont est tiré ce nanard. Nolan se dirige même à contre-courant de l’image que Frank Miller a tenté de mettre en place dans le comics américain. Pas cette nouvelle facette humanisé, souvent le verni  moderne que lecteurs et spectateur retiennent. Sur ce point pas de problème, le film respecte le style Miller et l’enrichit même de deux trois idées astucieuses. En revanche le film annihile totalement le combat  de Miller (et celui d’Alan Moore par la même occasion) pour la représentation dans le comics américain d’un monde plus réaliste et moins américanocentré.

Hors, en intervertissant avec allégresse chinois et japonais sous prétexte qu’ils sont jaunes, et que donc personne ne fera la différence, Nolan méprise l’immense passion de Miller pour l’Asie, ses peuples et ses coutumes, et plus grave, dédaigne aussi les populations, qui en aucun cas ne sont interchangeables. Mais ça, je pense que le spectateur s’en fout, il trouve ça joli les ninjas qui sautillent dans les déserts glacés. Ça fait classe, donc nul besoin de se demander comment une telle image est produite, ni ce qu’elle véhicule comme message (au passage ici un profond mépris).

Pire, en transformant le leader de ce groupe de ninjas Himalayens (arfarfarf !!!), le démonique Raz al Gul, en blanc (alors qu’il est bel et bien asiatique dans la BD), il tombe dans le plus vieux des clichés racistes américains, de ceux sur lesquels Frank Miller cracha abondamment lorsqu’il commença la bd : l'icone de l'occidental blanc par nature capable d’apprendre et maîtriser tous enseignements ou domaines, pour finalement surpasser les maîtres du tiers-monde qui les dispensent. Ça lui aurait arraché le cul qu’un asiatique soit meilleur qu’un américain… Frank Miller, lui, cela ne le gênait pas, au contraire il semblait même le penser, à relire ses Serval, ses rônins, ses Daredevil…. Mais bon, cela n’embarrasse apparemment pas le spectateur avide de divertissements, qui ne souhaite pas décortiquer le monde donné à voir. Après tout, l’important dans Batman, c’est comment il fabrique son costume.