Publications dans Mars 2011
Une vie dans les Marges
 

Ou la naissance du manga...

Une vie dans les marges vient d’arriver en magasin. Autant le dire, c’est l’évènement éditorial du premier trimestre. Personnellement, je parie même pour un prix du meilleur album au festival d’Angoulême 2012. Toutes les conditions sont réunies pour que l’autobiographie en deux volumes de Yoshihiro Tatsumi remporte le premier prix.

Il y a tout d’abord le travail de mémoire : Une vie dans les marges retrace le parcours du père de la bande dessinée adulte japonaise, le Gekiga. Inventé vers la fin des années 50, le gekiga se voulait une bande dessinée au langage différent, plutôt dramatique, et aux thématiques adultes, le plus souvent contemporaines.

Au cours de sa carrière, Yoshihiro Tatsumi croise les plus grands noms, assiste et participe au boom de la bande dessinée, regarde son pays se reconstruire sous l’influence de l’occupant américain. C’est le témoignage d’une époque clé, durant laquelle le manga devient un support d’expression extrêmement populaire, une bande dessinée dont l'influence sur la socièté sera bien plus grande que dans n’importe quel autre pays, et dont les plus grands acteurs sont morts.

Enfin, il y a la qualité de fabrication. Le livre est splendide. Couverture cartonnée, cahiers cousus, jaquette avec un poster à son verso, préface et postface uniques à l’édition française, signées par son éditeur japonais… forment un écrin de toute beauté à cette peinture d’un monde en mutation, d’un art en devenir, et de ses artisans, des hommes simples, en butte à leur propre limites comme à la société, aux aspirations merveilleuses, et aux doutes d’une profondeur impénétrable.

C’est la naissance de la bande dessinée japonaise moderne, le manga que vous avez toujours connu comme s’il avait de tout temps existé, qui se joue entre ces pages. Et pour rien au monde vous ne voudriez manquer ça.

Une vie dans les marges, Yoshihiro Tatsumi, 452 pages, 33 euros, dans nos librairies.

Pour ceux qui veulent en savoir plus, voici la bande annonce de l'adaptation animée à sortir prochainement...

 
Daredevil, génial et rare, sublime et cher
 

Depuis ses débuts, ce blog ne manque jamais une occasion de faire l'éloge de Brian Michael Bendis, scénariste de comics qui excelle dans le mélange des genres superhéros et polar. Dialogues vifs, découpages ingénieux, capacité à régénérer les vieux mythes, sont ses principales qualités. Alors, plutôt que de bégayer, mieux vaut vous informer de la rareté de certains de ses titres désormais, et du prix exorbitant auquel ces petites merveilles de bande dessinée s’échangent.

Ce matin, nous avons récupéré son cycle complet de Daredevil, soit 9 tomes, pour 250 euros. Dépêchez-vous, nous sommes vraiment à prix raisonnable, comparé à Internet en ce moment.

Je vous poste ci –dessous une critique faite en 2007 pour Chronic’art, ainsi que deux liens vers deux anciens et élogieux billets du aaablog.

 Daredevil, Bendis & Maleev, Panini Comics

Daredevil, le superhéros ambigüe par essence. Un costume de diable rouge, une relation équivoque à la foi chrétienne (le justicier a tué de manière involontaire) sculptent une figure bien moins lisse que celle de ces congénères. Assumée depuis sa création, cette ambigüité revendiquée se caractérise par la mise en avant d'un statut de martyre, avant même celui de justicier. Toute bonne action arrache en contrepartie à cet homme quelques copeaux de son âme, de son humanité ; le sacerdoce a débuté cette matinée ensoleillée de l'enfance où il se jette dans les roues d'un poids lourd pour en écarter un aveugle de sa route. Il en perd lui-même la vue. S'enchaînent depuis, et aujourd'hui encore, deuils et relations amoureuses avortées dans la douleur ; une vie d'horreur.

Ce n'est donc pas un hasard s'il figure parmi les premiers héros de l'écurie Marvel dont les aventures sont rythmées à grands coups d'évènements quotidiens poisseux. Dépressions nerveuses à répétition ou ex-petite amie héroïnomane capable de révéler son identité secrète à la pègre contre une dose, sous-tendent une violence psychologique rare dans le monde des lectures destinées aux enfants (Pour la petite anecdote, les bambins français de Strange n'y auront vu qu'une pauvresse affamée contraint d'échanger le nom de son ancien chéri contre un quignon de pain, merci aux traducteurs attentionnés des éditions Lug de l'époque).

Avec Bendis et Maleev, puisque leur version se destine uniquement aux adultes, les désordres intimes de Daredevil n'ont plus d'entrave. Un choix qui se revendique immédiatement dans l'image : ambiance de polar urbain et graphisme photo réaliste flattent l'horreur des rues américaines, tandis que le trait nerveux instille saleté et instabilité à chaque image. Se détache alors de ce décorum glauque le rouge ardent du costume, lumière éclatante mais dont le problème est qu'on ne sait jamais quelle valeur morale elle va désormais incarner.

Perte de repère, perte des valeurs, autant graphique que dramatique : Daredevil s'est institué chef local de la pègre, dernière solution en date pour tenter de réguler le crime organisé. Selon la coutume, il a cédé un morceau de son être ; cette fois son identité secrète -plus moyen d'être tranquille chez soi et mise en danger des proches- et l'amour du public, dont il n'a plus la confiance. Le Décalogue, nouvel opus qui s'appuie sur une longue tradition, montre la difficulté pour le héros de revendiquer une stabilité morale, de tomber dans un manichéisme rassurant avec échelle de valeurs limpides, avant de mieux conclure qu'il lui sera même désormais impossible d'y arriver. I'am your God titre la couverture, mais qui veut d'un diable aveugle comme Dieu bienveillant ? Personne, pas même à Hell's Kitchen (cuisine de l'enfer, quartier pauvre de New York) où Daredevil opère depuis ces débuts. L'échec de cette nouvelle politique est inévitable et le justicier commence à en prendre la mesure. Que va-t-il perdre ? L'éventail des possibles n'est pas large et glace le dos par avance. Que de sacrifice en perspective.

Eloge de Brian Bendis sur le Aaablog

Daredevil, ange ou demon sur le Aaablog

 
Requiescat in pace
 

Spirou pille en enfer.

       Il y a quelques temps, je faisais un petit laïus sur cette sympathique BD. Nous avons rentré récemment un exemplaire dédicacé par Tarrin. Son dessin est particulièrement remarquable car il touche carrément au sacré! Imaginez, un Spirou tout crevé, bien raide, vautré dans ses fluides ! Rendez-vous compte du tabou :  il s'agit de la mise en scène de la mort d'un héros intemporel de la bande dessinée.

Evidemment tous les amateurs de comics ont vu leurs icônes passer l'arme à gauche un jour ou l'autre, mais pour nous, lecteurs de franco-belge cela parait inconcevable ! D'autant plus que Tarrin a figuré parmis les dessinateurs "officiel" de Spirou avec le one shot Le Tombeau des Champignac.

Bref un dessin collector sur une bonne BD pour 20€ rue Dante.

Les plus imaginatifs peuvent nous proposer d'hypothétiques causes de décès histoire de jouer un peu...

 
La Zone d'Eric Stalner, éditions Glénat
 

Loin des contorsions putassières des mercenaires qui cherchent à se faire passer pour les enfants de la très réputée Nouvelle Bande Dessinée, Eric Stalner apparaît, au fil des albums, comme le tenant d'un certain classicisme franco-belge dont les contours furent définis dans les années 80 par des auteurs comme Yves Swolfs. D'ailleurs en feuilletant La Zone, si l'on fait abstraction du travail de mise en couleurs numériques mais subtiles de Bruno Pradelle et Rémy Langlois, on jurerait avoir affaire à un album d'il y a trente ans, écrit par un disciple de Convard et Ramaïoli.

Le dessin réaliste de Stalner, quoique forgé dans l'imitation de modèles bédéïques et laissant échapper trop de stéréotypes, nous offre quelques belles planches rythmées, pleines de cadrages audacieux. Dommage toutefois que l'éditeur ait laissé passer le puma raté sur la couverture du tome 2... Il faut dire que sortir en un an deux albums de 48 planches nécessite parfois de négliger les finitions.

La Zone est une distraction post-apocalyptique, pour l'instant sans surprises, qui ravira les amateurs de ruines joliment envahies par la végétation. 2 tomes d'occasion en excellent état ont été vus à Serpente. 10€ chacun.

 
Moomin et sa famille ont débarqué chez aaapoum
 

Une jolie série d'occasion vient d'arriver dans nos échoppes de la rue Serpente, plutôt en bel état, avec des prix oscillant entre 9 et 14 euros en fonction du volume. Du coup, je vous fais le coup de recyclage de veilles critiques, ce qui, comme tout recyclage, est très en vogue depuis la faillite du nucléaire.

Les Moomins, Tove Jansson, Petit Lézard .

Le patrimoine culturel nordique compte une ribambelle de dieux guerriers, mais aussi lesMoomins, famille de créatures délicates et fragiles qui tiennent autant de l'hippopotame que des Barbapapa. En Finlande, leur pays d'origine, ce sont des trésors nationaux.

Une collection de livres pour enfants, de bandes dessinées, de séries animées, un musée et un parc d'attraction, leur est dédiée, ce qui fait de Tove Jansson, la créatrice, une sorte de Walt Disney local. Un statut mérité, l'œuvre est un bijou. Sans l'ombre d'un doute, les comic strip des Moomins méritent leurs places aux cotés des Peanuts, Mafalda, Calvin et Hobbes, de même que les romans pour enfants originaux n'ont pas à rougir de notre Petit Prince national. 

Pour la légende, cet étrange proto hippopotames vivant benoîtement au creux d’un vallon merveilleux serait né en 1930 sur une porte de WC de jardin, avec « créature la plus laide du monde » et le nom de Kant en sous texte. La jeune femme venait de perdre un débat contre son frère à propos du philosophe, et telle était sa réponse. Depuis, le design s'est étoffé en douceur, mais l'engagement et le monde des idées ne les ont pas quitté.

En 1940, ils s'installaient dans une vallée à leur nom, confectionnée sur le moment en réaction à la montée du fascisme. Et après-guerre, cette utopie continua de prospérer sous diverses formes, parmi lesquelles figure la version en comic strip. Commandée par un quotidien londonien en 1950, on y retrouve les thèmes de tolérance et d'ouverture qui caractérisent l'œuvre. Ceux-là même qui façonnèrent la vie de l'auteur, héritées de parents artistes bohémiens, et d'une mère issue de la minorité ethnique des suédois de Finlande. L

'édition française, dont on ne peut que vanter les qualités, plus épaisse, peu chère, traduite avec soin, est l'occasion rêvée de découvrir cet univers poétique assez méconnu en France. 

 
The End League de Rick Remender, éditions Akileos
 

La fin des haricots

Après le cataclysme, la planète est ravagée et seul 10% de la population humaine a survécu. Parmi les rescapés, une bonne partie a développé des superpouvoirs... et la plupart d'entre eux ont suivi leur mauvais penchant et sont devenus des Vilains.

Dans un contexte aussi sombre que font les héros ? Quelles questions agitent le cerveau du plus puissant d'entre eux qui est le seul (ou presque) à savoir qu'il est en fait responsable de la grande catastrophe ?

Les grands questionnements moraux sont le piment indispensable des grandes histoires de super-héros. Ils sont le contrepoint cérébral au divertissement bagarreur insufflé par tout rassemblement de superpouvoirs. Il y a trois critères pour juger de la qualité d'un grand raout de surhumains :

1) Le nombre de gugusses en costumes mis en scène, la diversité chatoyante de leurs combinaisons

2) Le caractère impossible de la mission qui est attribuée aux gentils

3) Les choix moraux auquels ils sont confrontés

À l'aune du troisième critère The End League est une grande réussite. En effet qui peut proposer mieux comme crucial dilemne que :

Le sauvetage de l'humanité mérite-t-il le sacrifice d' UN MILLION DE NAZIS ?

Il fallait l'oser ! Franchement je ne vois difficilement mieux. Ce questionnement est le point culminant d'une succession de dilemnes assez foudroyants qui émaillent les péripéties désespérées d'une poignée de justiciers en déroute.

Les fans de comics ne manqueront pas de souligner les nombreux personnages décalqués sur des figures connues des grands éditeurs que sont DC et Marvel, mais ces emprunts, ces hommages, ne sont pas le principal intérêt de l'œuvre de Rick Remender, tout juste un jeu de piste routinier pour geeks. Ce qui étonne ici, c'est la noirceur du postulat de base et les ambiguïtés du final. Je ne peux trop en dire ici, mais il y a des éléments que je n'ai guère compris en conclusion du tome 2, et j'écouterai volontiers quelques éclaircissements de la part d'autres lecteurs.

The End League est une mini-série en 2 tomes, publiée en France par les éditions Akileos et nous avons en ce moment quelques tomes 1, rue Serpente, au prix réduit de 10€ au lieu des 14 initiaux. Cette série n'est pas indispensable, mais elle est plutôt bien dessinée (même si Mat Broome a beaucoup de mal avec les visages féminins) et son déroulement est distrayant et donne à penser. Ce qui n'est pas si mal.

 
Les Maîtres de l'Univers : Le piège de Skeletor (1984)
 

Par le pouvoir du crâne ancestral

Un album Eurodif très bien dessiné et très intéressant vient d'arriver à Dante.

Il est un peu défraîchi, mais quel collectionneur pourrait résister à l'attrait de planches si fortes ?

L'histoire est vraiment excellente : Skeletor et ses acolytes expédient Musclor sur une autre planète victime de Lapak, un lapin rose humanoïde mégalo qui a confisqué toute l'eau.

Musclor parviendra-t-il a rentrer à la maison ?

Réduira-t-il à néant les ambitions du tyran Lapak et de ses lapins-robots ?

Les dessins semblent avoir été directement inspirés des figurines, comme décalqués à travers une vitre par un manchot drogué.

Le lettrage est une ode brute à la folie pure.

Quel dommage que les modestes artistes responsables n'aient pas voulu révéler leur identités, préférant à la reconnaissance, l'obscur statut des artisans anonymes. Une attitude admirable en ces temps où chacun cherche à tirer la couverture à lui avec une exécrable forfanterie.

Une pépite méconnue pour 2€.

 
Rabaisodrome
 

En vertu des pouvoirs qui me sont conférés en fin de semaine dans la rue Dante, je promulge une nouvelle loi sur la reduction de prix… Ces rabais seront uniquement applicables durant mes permanences, soit les vendredis et samedis ! Pas question, le lundi, de venir geindre ou négocier le bout de ristourne parce que vous avez vu une solde appétissante le samedi ! Il n’est pas non plus envisageable de faire mettre de coté des livres à prix réduit pour les régler plus tard en semaine.

Les bons plans seront indiqués dans nos rayons à l’aide d’étiquettes bien visibles et relayés par notre notre indispensables newsletter.

Voici donc ce qui vous attend ce week-end du 11 au 12 mars :

. Frezzato les originaux, un portfolio contenant les sublimes crayonnés du cinquième album des Gardiens du Maser,en état neuf, sous blister, passe de 100€ à 85€ !

.  Le tirage de tête de La malle Sanderson, de Jean Claude Götting, un récit subtil sur les illusions et les désillusions d’un prestidigitateur au destin tragique, passe de 90€ à 75€!

. Le journal de mon père, que beaucoup considère comme le meilleur Jiro Taniguchi, en édition originale, trois volumes grands formats coté 80€. L’ensemble passe à 50€ !!!

 · Et enfin pour marquer le lancement de ce rituel une remise de 5% (conformément à la loi Lang) sera appliquée sur les rares nouveautés que nous voulons défendre, soit :Les livres des éditions Cornélius (du Charles Burns, du Clowes, Tezuka, Crumb…) Hoochie Coochie (la revue DMPP, Le fils de l’ours père nominé pour Angoulême 2011), Vertige Graphique (Cerebus et les trois volumes de L'Eternaute), La Cerise (Entre Deux  par Vincent Perriot…)

 A la semaine prochaine !

 
Dylan Dog en italiano
 

L'alba dei morti viventi et autres histoires

C'est un belle collection de Dylan Dog qui nous est arrivée hier et qui a été mise en rayon aujourd'hui. Après Tex, c'est la seconde figure de proue de l'éditeur italien Bonelli. Des récits inventifs servis dans un noir et blanc impeccable par une brochette de dessinateurs talentueux, une pagination généreuse...

Dylan Dog et son assistant Groucho rencontrent tout ce que deux siècles d'imaginaire fantastique et feuilletonesque ont pu brasser. Momies, zombies, fantômes, sectes, savants fous, nazis rancuniers... Le tout baignant dans une ambiance romantique un peu douloureuse mais teintée d'humour.

Bref c'est la crème des fumetti qui est accessible chez nous.

Il faut tout de même préciser qu'il s'agit d'albums en italien. Ce qui fut traduit en français, que ce soit chez Semic, chez Glénat ou chez Hors-collection ne représentant qu'une infime partie des aventures de Monsieur Dog.

albums italiens, pour la plupart brochés, 98 pages en moyenne, entre 2 et 6 €.

 
Convergence
 

Une nouvelle fois je suis épaté par la convergence d'opinions et d'intérêts de la presse gratuite. Je ne connais pas Freaks' Squeele (et non pas "Freak's Style" comme je l'entends souvent), mais ça doit être une sacrément bonne série pour que deux bimestriels la choisissent pour leur couverture parmi les centaines de nouveautés. Freaks' Squeele c'est la Natalie Portman du 9e art, en somme.

Toujours est-il que nous avons récupéré rue Dante un exemplaire du tome 4, mais de la version super coffret collector avec le jeu de plateau Chocafrix (quatre figurines en PVC incluses) et encore sous blister, signe qu'en tous cas tous les services de presse n'ont pas été déballés. Nous le vendons 25€ au lieu des 34,90 en vigueur sur le circuit du neuf.

Ah ! ils savent y faire chez Ankama... Moi j'ai bien envie de le déballer, mais je résiste car je suis un apprenti cimmérien.