Publications dans Mars 2008
Dante : Petites modifications de rayons
 

Cher Stéphane,

Pendant que, rue Serpente, tu fâchais Pierre S. en refusant de lui faire le tarif promo alors qu'il n'avait pas pris assez de livres, moi, rue Dante, je finissais de commencer à réorganiser les rayons. Afin que tu ne sois pas perdu, je te dresse un petit panorama des modifications.

Tout d'abord j'ai ajouté, sur ton idée, quelques caisses de BD à 7€ (les 3 pour 20) sur nos tables de présentation à l'extérieur. Bien séparées des caisses de 5€ elles préfigurent un univers bien agencé où règnent les bas tarifs et les coins piquants. Notre jeune visiteur clodo à la puissante odeur continue néanmoins à préférer les 5 euros.

A l'intérieur j'ai ajouté de nouvelles intercalaires sur la table des auteurs...Ainsi sont apparus "Gibrat", "Bernet", "Loustal" et une rubrique familiale nommée "Les petits jeunes tendance" qui regroupent ces jeunes auteurs sur lesquels la collectionnite s'est développée ces derniers temps. On peut y mettre un peu ce qu'on veut. Actuellement il y a du Sfar, du Trondheim, du Blutch...

Selon le même principe de rubrique collective certains auteurs se sont vus intégrés dans des catégories plus vastes. Ainsi est née une caisse "Chaland et la ligne claire post-moderne" du meilleur effet sur nos amis des beaux plis de pantalons.  Eduardo Risso s'est vu envahis par tous ses compatriotes et cohabite maintenant avec Breccia,  Altuna et tant d'autres, dans une boite nommée "Les Argentins".

J'ai poussé la logique plus loin en créant deux groupements thématiques... Western et Aviateurs.Si la pertinence du premier est claire pour tous, le second t'étonnera peut-être. Comme tu t'en doutes ce n'est pas mu par une intuition irréfléchie que j'ai innové de la sorte. Si j'agis avec promptitude, c'est parce que j'ai bien cogité auparavant.Au cours de bientôt huit ans d'expérience de libraire bédéïque, j'ai remarqué que les amateurs d'aviation étaient nombreux a hanter nos échoppes à la recherche de pièces rares souvent mal exposées par nos confrères. Sais-tu qu'une série comme La stratégie des sentinelles compte 5 albums et que beaucoup d'aéropassionnés n'ont jamais pu apprendre qu'ils existaient ? Nous serons  désormais une escale au sein de la nuit pour les pilotes égarés venus chercher un Thunderhawk, un Black Hawk Line ou un Gil Sinclair peu courant... Pour achever de te convaincre de la richesse de la bédé aéronautique, je te conseille un détour par le site aeroplanete...

Dernière modification de la journée, et non la moindre. Hugo Pratt, fuyant l'arrivée des jeunes tendance, s'est réfugié au rez-de-chaussée derrière le siège, à la place des EO delcourt qui, elles, ont été remisées à la cave, et toc. Cette position permet d'admirer les tranches des Corto bien alignées. D'autre part nous serons ainsi obligés, afin de laisser Pratt accessible, de bien ranger cette zone de la boutique, trop souvent encombrée de merdouilles et de sacs divers... Pour que Monsieur Pratt ne soit pas tout seul, j'ai comblé l'étagère avec des vieux Casterman période "politique des auteurs".

Et voilà. Amuse-toi bien à jouer au bridge rue Serpente.

 
La tête à tintin
 

C'est pas celle à toto mais ça pourrait.

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Pour ceux qui ne le sauraient pas, un film sur  le belge reporter est en préparation aux U.S.A., sous la direction combinée de Steven Spielberg et Peter Jackson. Un vache de blockbuster qui à n'en pas douter va égratigner la sensibilité des puristes. La suite ici.

Il a une bonne bouille le futur Tintin, un peu sage mais pas trop.

 
Le sanctuaire du Gondwana : safari meurtrier
 

Mais soudain...

Déjà petit je ne supportais pas trop dans Tintin au Congo la scène où Tintin zigouille tout un troupeau d'antilopes en croyant tirer toujours sur la même (un gag repiqué à quelqu'un d'autre d'ailleurs, je crois)...

Mais bon c'est un vieil album du siècle dernier, à l'époque où l'occidental pensait que la planète était une giboyeuse contrée aux richesses inépuisables, où les savanes africaines étaient synonymes de franches parties de rigolade, où la virilité se construisait en empilant des cadavres sur le capot de sa Land Rover. C'était l'époque où accumuler des péripéties suffisait à faire un album de bande dessinée.

Dans Le sanctuaire du Gondwana, le nouveau Blake et Mortimer, c'est à une véritable hécatombe d'animaux que nous assistons... Un éléphant, un lion, une vingtaine de lycaons, un hippopotame... Le pire c'est que nos aventuriers ne sont théoriquement pas là pour faire un safari : ils ont même embauché un gars du coin pour éviter les embûches du terrain !

Alors soit Mombo est un très mauvais guide, soit Yves Sente a un peu manqué de ressources pour meubler les 48 pages des aventures africaines de Blake et Mortimer. Cette seconde hypothèse me semble la plus probante, car le bel ouvrage Dans les coulisses de Blake et Mortimer nous apprend que Juillard, un peu gêné par cette accumulation, a fait part de ses doutes à son compère qui a accepté de retirer une attaque de crocodiles. Merci André.

Pour tous ceux qui apprécient les crayonnés de Juillard, à mon goût plus intéressants que son dessin finalisé, toujours un peu roide, même quand il ne cherche pas à singer Jacobs, l'ouvrage Dans les coulisses de Blake et Mortimer, co-édité par les Editions Blake et Mortimer et par Christian Desbois est tout à fait recommandable.

Christian Desbois organise d'ailleurs une expo Juillard dans sa galerie du 29 mars au 26 avril 2008.

Dans nos archives :

• Sur la maltraitance des animaux :

Non aux châtiments corporels dans Spirou, décembre 2007.

• Sur Blake et Mortimer :

La véritable édition originale de Sato 2, mai 2007.

 
Gin ou Whisky ?
 

au 99 bis Park Lane...

Pourquoi le professeur Mortimer ment-il à cette brave mistress Benson en lui disant qu'il va se servir un gin alors que manifestement il s'apprête à siroter un scotch whisky ?

Vous en saurez plus en découvrant le 28 mars le nouveau Blake et Mortimer de Yves Sente et André Juillard: Le sanctuaire du Gondwana...

 
Stones ou Beatles ?
 

Lucy in the sky with diamonds

Les éditions Stardom continuent de distiller à leur rythme pépère les aventures de Mœbius à l'intérieur de lui-même, si bien que le décalage entre l'exécution des pages de ce journal crypté et leur parution semble s'accentuer. Inside Mœbius 4 est donc paru.

Je reste partagé sur la nécessité du projet et sur la fraîcheur du résultat. Le nouvel opus ne déroge pas à la règle. Le caractère revendiqué de la vacuité de la plupart de ces planches ne les rend pas plus pertinentes ni moins redondantes. L'auteur s'y perd la plupart du temps en auto exégèse inutilement explicative. L'ouvrage contient néanmoins quelques pépites d'humour et de belles trouvailles. Par ailleurs, le troisième tiers, bien plus fouillé graphiquement se révèle bien plus surprenant et réjouissant de lucidité. Comme si l'esprit du créateur ne se libérait réellement que lorsqu'il soumet sa main à une plus grande contrainte.

Mon camarade et collaborateur Stanley me confiait son agacement devant la case reproduite ici. Comment une telle confusion avait-elle pu se faufiler sans corrections jusqu'à la publication ? Au début je n'accordais pas la même attention à cette supposée bourde. Après tout, Inside Mœbius, tel qu'il nous a été présenté jusqu'ici, n'était qu'un journal de bord, écrit dans l'automatisme de l'improvisation. Document supposé brut, il pouvait se passer de retouches...

Or, il faut constater que l'apparence de l'objet, son caractère luxueux, sa mise en couleurs de plus en plus soignée, sont en parfaite contradiction avec le projet. De plus dans cette dernière livraison on pourra d'ailleurs remarquer que certains lettrages ont été entièrement refaits... Sans doute suite aux remarques des lecteurs parfois perdus devant les gribouillis ornant les phylactères des précédents Inside (oui, quand on est amateur de "Mœb" on se doit d'user de délicieux diminutifs).

Ainsi ce qui serait passé sans problème dans une exercice de diarrhée créatrice à la Sfar devient douteux et ambigu une fois inscrit en lettres d'or dans un ouvrage au final peu spontané aux atours parfumés. Dès lors toutes les interprétations deviennent plausibles. Simple erreur ? Lapsus calami ? Humour vaseux ? Gâtisme ? Conséquence du sevrage cannabique ? Indice pour une révélation ultérieure des arcanes giriens ?

La suite, annoncée pour... février 2009, nous éclairera peut-être, mais est-ce vraiment à souhaiter ?

Dans nos archives : Inside Mœbius 3, L'E dans l'O, mars 2007

 
Les origines (mieux que celles de serval)
 

Pour Philig qui pense que l'on vieillit

Dupuy et Berberian sont les grands prix du Festival D'Angoulême pourcette année. Quand j'avais la vingtaine, j'étais fan. Désormais, un peumoins. Mais quoi qu'ils fassent, ils restent d'unecertaine manière à l'origine de ce blog. C'est en effet de l'un de leurslivres, Le Journal d'un Album, que m'en est venue l'idée. Toutd'abord, je dois confesser que cet ouvrage a une valeur particulière à mes yeux. Il s'y trouve la plus belle planche de bandedessinée, celle qui m'a le plus marqué de toutes mes lectures. Je nesaurais dire pourquoi je l'aime autant, tout en ayant conscience quecet amour est démesuré. Peut-être l'aurais-je découverte à un momentimportant de ma vie, ou qu'elle répond à la manière quej'ai de me souvenir des morts. Je ne saurais dire, c'est ainsi,totalement subjectif, personnel, et assumé. Et le AAABLOG dans tout ça ? J'y arrive.

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Le AAAblog est né de mon initiative.A cette époque, Vlad est passablement déprimé et je me retrouve, telBerberian face à Dupuy dans ledit journal, impuissant. Pour solution, je n'ai que cetteidée, reprendre notre vieille relation épistolaire, nourrie d'échangesle plus souvent idiots et de dessins, mais sous une nouvelle formepuisque l'ancienne était morte d'une telle manière qu'il me paraissaittout à fait impossible de la ressusciter. Je lance donc ce blog avecl' espoir que, comme Berberian lançant le projet du Journal d'un album pour sortir son vieuxcompère d'une vieille déprime, cette écriture aurait un effet salvateur sur le moral de mon camarade. A côté de notre travail principal se glisseraitune nouvelle activité qui, en apparence, lui serait reliée.

Vlad écrira le premier post, totalement idiot sur des seiches à la portugaise, puis créera, à ma grande surprise, une rubrique autobiographique intitulée la mémoire de l'oeil.Cette dernière manifestait, je crois, le désir ou le besoin de placerun peu de libération dans ce projet. J'étais content, jouaisle jeu de la confession, comme aujourd'hui. Vlad et moi cultivions unlong rapport à l'autobiographie, rien de grave ne pouvait arriver.

Onécrit à fond, on oublie pas tout mais presque et aujourd'hui, Vlad vabien, super bien (non grâce au blog, je vous rassure). Il me les briseà nouveau menu parce que je fais mal les étiquettes ou ne range pastout à fait correctement. Mais je ne regrette pas. Il faut savoir quece truc orange et gris me coûte 15 euros par mois et que je ne l'ai jamaisfacturé à l'entreprise, même du temps où nous n'étions pas associésavec le troisième larron. Je tiens au symbole. Donc pour Philig quivoudrait que l'on s'active, à raison : Il faudra attendre que l'onrécupère un peu de temps libre, ou un drame, à défaut. Amitié auxcliqueurs lecteurs, en moyenne 100 par jour depuis le début. Ce blog vient d'entamer sa troisième année d'existence, lalibrairie de la rue Serpente sa seconde, et tout va pour le mieux, AAApoum Bapoum est parti pour devenir le prochain empire Lagardère, à taille humaine.

 
Joe Kubert (1) : face aux Viêt Công !
 

Tales of the Green Beret - Forces spéciales

"Je dois y retourner, pour sentir le souffle glacé de la mort dans mon dos"

Bien que, selon ses dires, lorsqu'il débuta dans le métier il ne fut "pas particulièrement intéressé par les histoires de guerre", c'est bien dans ce genre que Joe Kubert gagna ses galons de maître de la bande dessinée et qu'il se fit connaître par ici.

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Si son style est encore balbutiant aux débuts du Sergent Rock — série emblématique des comics de guerre dont nous reparlerons en ces pages — lorsqu'il aborde les Tales of the Green Beret, il est en pleine possession de sa puissance graphique. Ce comic strip, publié quotidiennement dans le Chicago tribune de 1965 à 1967, en pleine guerre du Vietnam, narre les exploits meurtriers des forces spéciales communément appelées "les bérets verts". Ce corps d'armée menait les "missions irrégulières" les moins moralement prestigieuses, si cette litote peut être avancée.

Je ne commenterai pas le propos de ces histoires, scénarisées par Robin Moore : l'outrance sans nuances de cette propagande impérialiste suffit à en désamorcer le venin. Notons tout de même que, béatement confiant  dans la justesse de l'intervention américaine, Tales of the Green Beret revendique ce qui d'habitude est voilé et laisse entrevoir la réalité d'une guerre : enlèvements, assassinats, trafic de drogue, utilisation des journalistes à des fins idéologiques...

Sans doute amené à mobiliser toute son énergie pour tenir le rythme des daily strips, le trait de Kubert est vibrant et dynamique, son pinceau nerveux répartit avec joie le noir des scènes nocturnes, suggère avec peu la pluie et la jungle, brosse avec admiration les plis des faces viriles... De manière évidente le dessin de Joe Kubert apparaît ici comme l'intermédiaire entre Milton Caniff et Jordi Bernet. Ferme et souple. "Il y a dans son dessin un dynamisme et une spontanéité qui lui ont toujours fait éviter les pièges d'un académisme pesant et laborieux" notera pertinemment Jacques Lob.

Si, format strip oblige, le découpage du maître ne peut ici être aussi inventif que dans son Enemy Ace, créé à la même époque pour DC comics (publié en France dans un magnifique album des éditions du  Fromage, sous le titre Le Baron rouge, 1978) il reste très captivant par la succession de plans d'ensemble et de gros plans, par la simple efficacité de ses cadrages. Les qualités graphiques de Kubert fluidifient en effet une narration qui souffre de ce rythme si particulier des récits en strips : une progression par bonds elliptiques qui évoque le diaporama.

En France les éditions Gilou commencèrent à traduire en 1986 Tales of the Green Beret sous le titre de Forces spéciales, surtitré "Bérets verts 1 -Vietnam". Desservi par une couverture hideuse et, à mon goût, par une mise en couleur superflue, l'ouvrage ne doit pas avoir rencontré un grand succès car personne ne semble avoir eu l'envie d'éditer la suite. l'album ne reprend en effet que les deux premières des huit histoires dessinées par Kubert.

Par delà ses qualités et défauts, si je tenais à commencer une série d'articles sur Kubert par ce Forces spéciales, c'est pour vous proposer un petit jeu à découvrir ci-dessous...

A la lecture du Gilou, quel ne fut pas monétonnement de découvrir, enpage 34, les cases reproduites ci-contre détaillant une halte desvaleureux guerriers. Comme il me semble peut probable que Kubert sesoit amusé à glisser une référence à Franquin et que nous devonscertainement cette facétie à l'équipe de Gilou, je suis curieux deconnaître le dialogue original. Ainsi nous offrons 10 € de bon d'achatau lecteur qui nous le présentera. Question subsidiaire : que signifieréellement con khỉ en vietnamien ?