Publications dans 2008
Exposition Kent à AAAPOUM BAPOUM
 
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L'Homme de Mars s'expose rue Serpente du 22 avril au 22 mai"Ce qu'on a essayé avec Dionnet, c'est de sortir conjointement mon album BD, Sales Amours, avec mon premier album solo, Amours Propres. Faire un bel objet. Mais CBS n'a pas voulu, libraires ou disquaires, ils ne savaient pas où le vendre".Kent, in Métal Hurlant, La machine à rêver de Gilles Poussin et Christian Marmonnier, Denoël, Paris, 2005.

Il aura donc fallu 25 ans à Kent, artiste polyvalent, pour mener à bien son projet de concept album alliant physiquement musique et art séquentiel. Le résultat est donc paru chez Actes Sud BD il y a un mois. 29€ pour un beau bouquin bien imprimé, avec des noirs bien denses qui sentent bon, une jaquette qui se déplie en poster et un CD qui s'intègre dans la couverture. A chaque chanson correspond un chapitre du livre, et vice-versa. On peut parfaitement lire le livre sans écouter le disque et écouter les chansons sans parcourir les planches. Pourtant, cumulés, les deux albums (la polysémie du mot déploie ici toute sa saveur) se fécondent mutuellement : des portes se ferment, d'autres apparaissent. Si les chansons sont d'inspiration plus terrestre, malgré une orchestration cuivrée plutôt cosmique, l'onirisme triomphe dans la BD.

Le séjour d'un martien sur Terre est ainsi l'occasion pour l'auteur de nous livrer de belles pépites de poésie pure. Le découpage y est fluide et impeccable, surprenant et efficace.

Nous mettons cet album à l'honneur dans nos échoppes. Outre le fait que vous pourrez très bientôt nous l'acheter (mais où est le camion ?),  vous aurez la possibilité de venir regarder une trentaine de ses planches originales exposées dans la librairie de la rue Serpente (14 rue Serpente, 75006 Paris, pour ceux qui ne nous connaissent pas encore). La plupart sont en noir et blanc, mais il y a aussi les superbes pleines pages en couleurs directes qui introduisent les différents chapitres. Il faut préciser qu'elles ne sont pas à vendre.

Cette exposition, que nous sommes en train d'accrocher, devrait être visible confortablement à partir du mardi 22 avril et ce pour un bon mois.

 
La bibliothèque : meuble ou monument ?
 

Tempête sur les étagères

Dans la colonne de gauche de ce blog il y a un intitulé dans les "catégories" qui me dérange de plus en plus. "La bibliothèque idéale". Le principe est séduisant. Choisir les meilleurs  livres comme on choisit les meilleurs matériaux pour se bâtir soi-même une maison. Réfléchir posément, soupeser, établir des critères et finalement élire. La formule est fréquemment agitée par la presse culturelle à l'aide de numéros spéciaux "les 100 meilleurs titres", dont le public semble friand (moi le premier). Or figer une liste d'œuvre pour dresser "La bibliothèque idéale" m'apparaît de plus en plus comme idiot. Ce n'est pas la subjectivité du choix qui me dérange, je ne vais pas, moi qui suis si souvent de parti-pris, faire le procès de "ceux qui osent prétendre détenir le savoir" et autres piètres sentences causées par un avis divergent qui avance masqué. Non, ce qui m'embête c'est l'aspect définitif, gravé dans le marbre. LA BIBLIOTHÈQUE IDÉALE... ça en impose. Sémantiquement, ça tape dur... Savoir, philosophie, modèle, lignes orthogonales, respect et plumeau à poussière. Je m'imagine bien, dans ma "bibliothèque idéale", marchant d'un pas empreint d'une lenteur sage, la pipe au bec, admirant d'un air satisfait les belles tranches de mes livres si idéaux, choisis avec tant de soin, selon des critères si délicats. Je la montre à mes amis, regardez comme ma bibliothèque est idéale. Vous avez vu comme mes choix sont sûrs, comme mes goûts sont de bon goût ?

Pourtant

- les goûts évoluent. Ce qui hier nous apparaissait comme  indispensable se révèle à la relecture sous une aspect moins exaltant. A certains moments de notre existence des œuvres semblent rencontrer nos propres préoccupations et  à d'autres elles n'ont plus que l'aspect rêche d'une boite vidée de ses œufs...

- il arrive que l'on fasse des découvertes. On se rend compte alors que telle qualité d'un livre prend sa source dans un livre antérieur que notre ignorance nous avait caché. L'idéal se dissout alors comme le cachet effervescent plongé en milieu liquide.

- parfois c'est le contraire, un ouvrage qui nous avait paru assommant profite d'une seconde lecture pour laisser entrevoir la subtilité de ses charmes. Ce cas de figure est moins fréquent, car on a rarement l'envie de relire ce qui nous a été pénible. Cela arrive pourtant, notamment quand l'influence d'une tierce personne se fait insistante.

Des exemples !

Il y a dix-douze ans je ne jurai que par Baudouin. Son Eloge de la poussière avait la valeur d'un manifeste. Je me prélassais à l'ombre de Passe le temps... Récemment, j'ai relu plusieurs de ces beaux albums minéraux. Ils étaient non pas vides, mais leur densité s'était faite pesante. Ils me faisaient moins d'effet, comme les disques qu'on a trop écoutés.

Les trois premiers Prométhéa m'avaient soufflé. Alan Moore m'impressionnait toujours. Quel ambitieux projet ! Quelle maîtrise ! Quels beaux rouages. A la sortie du quatrième j'ai tout relu. Quel ennui ! Quel étalage de connaissances recopiées ! Que de confiture sur un petit bout de pain... Et surtout quelle froideur, quel manque d'émotions...

Continuons sur Moore... pour aller à contresens de la pignolade généralisée. V pour Vendetta. Lu une première fois il y a plus de quinze ans, je retardais le moment de m'y replonger. L'annonce de la sortie d'un film me décida. Dans un premier temps je n'osais pas regarder ma déception dans les yeux... Ce n'était plus le même livre. De subtil il était devenu primitif.

A l'inverse, le Cycle de Cyann m'était tombé des mains au bout de quelques pages... L'année passée, je m'y remets : quel plaisir !

Bref, la bibliothèque idéale c'est une bibliothèque confite dans ses convictions inébranlables, figée dans le vernis. C'est une bibliothèque morte destinée à la décoration. C'est une stèle funéraire. La culture transformée en bibelot.

Jouons

Néanmoins une initiative récente des animateurs du site BD Gest m'a agréablement amusée... Chaque visiteur s'est vu offrir la possibilité de choisir ses 100 séries favorites et ses 100 albums favoris, tous étant regroupés sous la bannière "Indispensables". Ce mot peut toujours être discuté, mais le fait est que d'un simple clic sur un logo en forme de cœur un album sort de l'ombre. Un nouveau clic il y replonge. Un jeu amusant auquel je vous convie ! Outre le fait qu'il incarne bien l'inconstance de nos goûts il permet de passer en revue sa bibliothèque et de se livrer à de grandes considérations. Je n'ai pas fini, mais c'est excitant, comme de sortir tous ses jouets avant de ranger sa chambre.

La bibliothèque photographiée est celle de Nicolas Fouquet, au château de Vaux le Vicomte. Le dessin est de Crumb. C'est un détail de la couverture de Cornélius ou l'art de la mouscaille et du pinaillage, éditions Cornélius, Paris, 2007.

Edit mai 2012 : préparant la migration de ce blog vers notre nouveau site, j'en profite pour supprimer définitevement cette catégorie que je réprouve. Adieu la "Bibliothèque idéale".

 
LL contre JJ
 

Une découverte archéologique relance certaines théories

"Euh...  C'était pas la librairie du Cinéma ici ?" est une phrase que nous entendons plusieurs fois par jour rue Serpente depuis plus de 400 jours.

Parfois même, un personnage lunaire traverse tout le magasin pour venir me demander les entretiens Hitchcock-Truffaut. Plus rarement, mal informés par des guides peu mis à jour, certains infortunés nous demandent L'Astrolabe, qui installé avant Ciné-Reflet, semblait vendre des Guides touristiques, des cartes et exposer des photos, du genre voyages et exotisme. Mais qu'y avait-il avant ?

Un de nos voisins qui travaille dans l'immobilier et qui connaît bien le quartier nous affirma que, dans le temps, il y avait déjà en ces lieux une librairie de BD... Captain Swing et moi-même étions très dubitatifs. Nous estimions que, nous mêmes fins connaisseurs des environs, s'il y avait eu une librairie de BD rue Serpente, nous l'aurions su hahaha. Bref l'information fut enterrée comme anecdote distrayante et fumeuse théorie...Seulement voilà... J'ai découvert quelque chose qui pourrait bien rabattre le caquet des arrogants natifs du Taureau que nous sommes. Il y a quelques semaines, en nettoyant-rangeant les caves, dans la poussière noirâtre qui régnait sous l'escalier sur un royaume de bouts de câbles, d'ampoules brisées et de vieux mégots, j'ai aperçu un assemblage de vieux papiers et de scotch jauni. Mon sens araignée de libraire a aussitôt sonné... 

Sur du bristol quadrillé, on peut lire "L. L. contre Joss Jamon", dans une calligraphie typique de l'emploi d'un "trace lettres". Or, créer une étiquette pour un seul titre d'une série signifie forcément qu'on en possède plusieurs exemplaires... Or, qui pourrait posséder tant du onzième Lucky Luke qu'il lui faille créer laborieusement  une étiquette pour les retrouver ? Un libraire ? Un stockeur ? 

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Lucky Luke contre Joss Jamon est paru pour la première fois en album en 1958... dès lors toutes les spéculations sont permises.Quiconque possèderait des informations sur le passé du 14 rue Serpente où sur cette étiquette est chaleureusement invité à laisser un commentaire.Détail amusant : nous avons acquis récemment une magnifique édition originale belge de Joss Jamon (1958).

Bel état, excepté un nom proprement inscrit en page de garde et un petit autocollant. L'édition belge présente la particularité de porter à l'intérieur non pas le titre de la couverture, mais un "Lucky Luke contre la bande de Joss Jamon", une petite nuance qui a excité la convoitise de plus d'un collectionneur au cours des dernières décennies. 180 €.

 
Bird de Carlos Trillo et Juan Bobillo
 

Masque, tatouages et vengeance

Le masque et la dualité qu'il crée forment le cœur des histoires de super héros. Plus anciennement c'est un thème couramment abordé dans la littérature populaire. Jekyll et Hyde, Dantès et Monte-Cristo,  de la Vega et  Zorro... les ancêtres de Hulk, Iron-man et Batman sont innombrables. Dans la littérature comme dans le monde des comics certains cas relèvent de la double identité, les autres de la double personnalité (les uns choisissent de revêtir le masque, les autres le subissent). C'est tout naturellement que Carlos Trillo, scénariste argentin à la créativité généreuse et bouillonnante, s'était attaché tout au long du projet Cybersix, qu'il mena avec Carlos Meglia, à souligner les liens qui unissait la bande dessinée à ses sources littéraires. Dans la série Bird, dessinée par Juan Bobillo, 3 tomes parus chez ERKO, il reprend le thème du masque mais cette fois-ci dans un thriller contemporain délaissant le super-héroïsme et les références au profit d'une approche plus psychologique.

Le masque dissimule tout en modifiant ce qu'il recouvre. Le porteur du masque change : puisque sa personnalité est voilée, une nouvelle peut surgir. Le masque est justement un élément primordial dans beaucoup de rituels magiques et le risque est grand pour le porteur de se retrouver possédé.

L'héroïne de Bird s'appelait Jobeth. Son frère parvint à la faire interner dans un  hôpital psychiatrique  pour être le seul à bénéficier d'un héritage familial. La pauvre et timide Jobeth est rendue à l'état de légume à cause des drogues dont elle est abreuvée. Elle parvient tout de même à s'évader. Son ordure de frère lance des tueurs à ses trousses. Pour leur échapper elle change donc d'identité. Le passage se fait par une initiation classique : abandon de pilosité, scarifications et tatouages. Un masque créé par retraits et ajouts à une figure initiale. Désormais elle sera Bird, mannequin adulé au charisme arrogant. Pour se dissimuler elle étale donc son visage sur tous les murs de la ville. Omniprésente (sans pour autant se marier au président) elle devient invisible et tout lui est permis. Elle va pouvoir ourdir sa revanche.

Sans dévoiler davantage une intrigue pleine de rebondissements et d'action mâtinée de sado-masochisme dont sont friands les argentins, il me reste à vous dire que l'histoire est bien complète, menée avec vigueur sans s'embarrasser des ressorts les plus prévisibles. Le plat corsé de drogues, de sexe et de violence tant physique que psychologique est ici servi en couleurs directes, en aquarelles fort tendres, ce qui créé un effet déroutant assez séduisant. Le dessin de Bobillo arrondit ainsi les excès de Trillo par un voile de lavis et insuffle un peu de douceur dans un univers à la noirceur désespérée.

Bien sûr chez AAAPOUM BAPOUM vous trouverez les trois tomes en pack, en très bel état pour ne pas dire neufs, pour la somme concurrentielle de 19,50€ au lieu des 37,50 € initiaux...

 
La cité feu, "Le Métro" de Mœbius et Geof Darrow
 

Une image-monde

En septembre dernier nous vous chantions les louanges d'une affiche tirée du portfolio La Cité-feu de Mœbius et Darrow. Il s'agissait de "La rue", voici maintenant son pendant : "Le métro". Cette magnifique reproduction d'un magnifique dessin est une réussite rare.

Il est peu d'images qui possèdent cette richesse. Une plongée, une perspective presque cavalière, une diagonale, deux quais de gare souterraine, un étrange attelage et ses wagons, la foule des voyageurs et leurs activités variées... Partout où notre regard se pose, il découvre une multitude de détails et décèle autant d'histoires potentielles. Plus on s'approche et plus il est donné à voir et à rêver. Une telle réussite tient du miracle : les crayonnés maniaques de Darrow, alliés à la souple précision de Mœbius qui les encra, sont parvenus à sculpter une vision inépuisable. Un espace pourtant plat que l'esprit ne se lasse jamais d'explorer.

Le collectionneur qui a été amené à s'en défaire me confiait justement, qu'au bout de 20 ans, il ne l'avait pas épuisé.

Imprimée en un offset précis par les éditions Aedena en 1989, d'une taille appréciable (86 X 68 cm), cette merveille fut tirée à 150 exemplaires (le nôtre a reçu le n°117) et porte la signature des deux visionnaires. Même dans un cadre moche, elle est si belle, exposée rue Serpente, que je peux vous dire que nous ne sommes pas pressés de la vendre ! D'ailleurs je me bats chaque jour avec moi-même pour résister à l'envie de la soustraire au public et de l'emporter chez moi.

Pour l'instant elle est à vendre. 450 euros, sans cadre. Si vous voulez vraiment le cadre, faudra y mettre 20 euros de plus.

Au fait, le pendant "La rue" a bien été vendu il y a quelques mois, mais miracle, son acquéreur n'est toujours pas passé le prendre (alors qu'il l'a bien payé !), si bien que vous pouvez toujours venir l'admirer.

 
Radio Crumb bonsoir
 

Un portrait radiophonique de  Robert Crumb

Si ça se trouve il existe des lecteurs du AAABLOG qui ne lisent pas le blog de Cornélius et qui ne suivent pas de près les programmes de France Culture. Alors pour ces hypothétiques habitués je fais ici un petit rappel : ce soir à 22h15 l'émission Surpris par la nuit sera consacrée à Robert Crumb. Conçue par Christian Rosset (tiens, ça me dit quelque chose ce nom) et réalisée par Anne Fleury, ces 45 minutes ont l'air alléchantes,  jugez plutôt (je recopie ci-après le descriptif du site de France Culture pour ceux qui, comme moi, n'aiment pas passer leur temps à suivre des liens) :

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Robert Crumb (né le 30 août 1943 à Philadelphie) parle peu. Il vit àl'écart avec sa famille, depuis le début des années 90, dans le sud dela France (son départ des Etats-Unis a été filmé par Terry Zwigoff). Sa côte est de plus en plus élevée. Une anthologie en langue française,réalisée avec un soin maniaque à partir des originaux, est en cours de publication aux éditions Cornélius. Robert Crumb, autobiographe et contempteur de l'Amérique contemporaine, est aujourd'hui plus reconnu que jamais, survivant légendaire d'une époque - les années 60-70 - qui continue de fasciner (il vient d'être compté par un magazine américain parmi les 100 génies vivants, toutes catégories confondues, ce qui n'est certes pas sérieux mais nullement hasardeux). Ce qu'on sait peut-être moins, c'est que Crumb, loin d'être un apôtre de la contre-culture, est un pur "inactuel", n'écoutant que des 78 tours, et dessinant du matin au soir sur des carnets ce que son regard nostalgique mais précis capte d'un monde en voie de disparition. Pour faire un portrait de Robert Crumb, il est nécessaire de varier les angles d'approche. Pour cela, un miroir à trois faces est parfait. Un assez grand miroir qui pourrait capturer, au-delà du mutique et solitaire Crumb, les résonances toujours sensibles de ce qu'on a appelé"l'underground". La réédition de Breakdowns, l'album mythique des débuts d'Art Spiegelman, augmenté d'une réflexion en texte et en bande dessinée sur ces temps agités, nous incitera à creuser, en sa compagnie, quelques pistes parmi d'autres qui, par montage, nous permettront de composer un portrait aussi labyrinthique que concret,retrouvant la voix de Crumb : non l'organe de la parole mais celle qu'on entend très précisément quand on plonge dans son monde de dessin.

Avec :

- Edmond Baudoin, dessinateur

- Blutch, dessinateur (sous réserves)

- Florence Cestac, dessinatrice et ancienne éditrice (Futuropolis)

- Alain Dister, écrivain, photographe

- Lora Fountain, agent de Robert Crumb

- Jean-Louis Gauthey, éditeur (Cornélius)

- Jean-Pierre Mercier, responsable de l'anthologie Crumb chez Cornélius

- Gilbert Shelton, auteur des Freak Brothers (sous réserves)

- Art Spiegelman, auteur de Maus et de Breakdowns

- Et la voix de Crumb

Ah au fait si je vous conseille cette écoute c'est parce que Robert Crumb c'est bien et qu'en plus, ô surprise, on vend ses livres chez AAAPOUM BAPOUM !

"A vos cassettes !" comme disait Jean-Christophe Averty, car j'ai l'impression que cette émission ne pourra être podcastée.

 
Récurrence de la figure eastwoodienne (annexe 5)
 

Jeunes talents Fnac 1999

Depuis l'ouverture de ce blog je me suis donné une tâche : recenser les apparitions de Clint Eastwood dans la bande dessinée et jeter les ébauches d'une analyse de l'utilisation de cette figure. C'est ma mission, je dois la mener à bien, quand bien même je n'aurais pas grand chose à dire de certains des objets qui passent sous mes yeux.

Ainsi ce Rue Watt issu d'un concours lancé en 1999 par les Fnac d'Île-de-France. Il s'agissait de découvrir de jeunes talents... Aux participants étaient soumis un thème, le polar, et une phrase "Rue Watt, 31 décembre 1999, il pleut, une ombre passe...". Passons sur la banalité de l'argument, après tout les sujets de rédac' ne sont que des prétextes, et concentrons-nous sur l'objet primé, donc édité, puisque tel était l'enjeu. 3 feuilles A3 pliées en deux et agrafées, celle servant de couverture étant plus épaisse, merci. 8 planches de BD donc. Passons également sur le caractère pingre du mécénat fnacquien pour nous attarder sur ses conséquences. Le scénario élu, écrit par Laurent Benosa, semble avoir été conçu pour s'étendre sur une pagination plus proche d'un "roman dessiné" à la (A suivre...) que d'une nouvelle.   Résultat :  à force d'être elliptique l'histoire en devient obscure.

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Dans un noir et blanc synthétique, entre ténèbres et surexposition, Olivier Georges dirige correctement son petit théâtre sans parvenir à dépasser la rigidité de ses sources photographiques. Un défaut propre à de nombreux débutants dont il est malaisé de se départir. Au moins le lauréat arrive-t-il ainsi à produire un Clint Eastwood ressemblant (dans près de la moitié des cas). Curieux choix, néanmoins, que de recourir aux traits du célèbre Américain pour incarner "Cosme Vilard", un ancien de l'Indochine, fraîchement libéré du pénitencier de l'Île de Ré et arpentant les rue de Paris. Eastwood ne me paraît pas crédible en Français. La star transportant dans ses rides un demi-siècle de cinéma hollywoodien est depuis longtemps déjà un des visages de l'Amérique, identifiable par tout un chacun. Vouloir l'intégrer dans une trame marquée par un féroce ancrage dans le terroir de Lino Ventura était un défi un peu téméraire.

Si ce fascicule est un échec, il n'en demeure pas moins une proposition intéressante. Les deux jeunes talents découverts par la Fnac ne semblent pas avoir récidivé... Dommage.

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