Publications dans Février 2009
Des monstres de L'éternaute à ceux de Lovecraft
 

"L'horreur indicible surgissant des tréfonds innommables..."

Je ne sais pas trop pourquoi mais, sans vérifier les dates, j'étais convaincu que Breccia avait dessiné L'Éternaute après Les mythes de Cthulhu... Et jusqu'à hier je montrais aux clients combien son travail sur L'Éternaute portait les traces de son travail sur l'indicible lovecraftien.

C'est à la lecture d'une note enthousiaste d'un amateur argentin (Historieteca) saluant la nouvelle édition transatlantique de Los mitos de Cthulhu que je me rends compte de mon erreur. Ainsi Breccia trouva dans l'adaptation de Lovecraft le terrain idéal pour poursuivre des défis artistiques et des questionnements qui lui étaient propres. Davantage qu'une filiation amoureuse, cette liaison entre le dépressif de Providence et l'angoissé de Buenos Aires tient dans l'emploi de l'œuvre du premier comme tremplin créatif par le second. Vision qui semble confirmée par ces propos tenus par Breccia en 1985, lors d'un court entretien avec T. Groensteen :

"En tant que lecteur, la littérature fantastique ne présente pas d'attrait particulier pour moi. Elle m'intéresse comme source d'inspiration pour mon travail, car elle permet d'épanouir mon style dans différentes directions, en dépassant le stade du réalisme".in Les Cahiers de la Bande Dessinée n°62

Nous éclairant encore plus précisément sur son travail, voici une autre citation d'une interview de Breccia, réalisée en 1989 reprise tant dans l'édition argentine que l'édition française (seconde édition, augmentée, Rackham, 2008) :

"Je me suis très vite rendu compte que le langage traditionnel de la Bande dessinée ne pouvait rendre compte de manière satisfaisante de l'univers de Lovecraft, si bien que j'ai commencé à expérimenter de nouvelles techniques, comme le monotype ou le collage. Ces monstres informes, semblables à ceux que j'avais dessinés dans L'Éternaute, sont faits ainsi parce que je ne voulais pas imposer au lecteur ma propre vision ; je voulais que chaque lecteur ajoute quelque chose de personnel, qu'il utilise la base que je lui fournissais pour la vêtir de ses propres craintes, de sa propre peur. Au début c'était presque un défi : je voulais vérifier si je serais capable de dessiner ce que Lovecraft avait décrit. Je ne sais pas si j'y suis parvenu, mais je peux certifier que durant les presque trois ans que j'ai mis à réaliser ce travail j'ai vécu complètement immergé dans son monde."

Il faut ici saluer l'initiative du très lovecraftien et talentueux Rotomago (Nyarlathotep, U-29 : tous deux chez Akileos), qui a ouvert il y a peu un site bibliographique trilingue consacré à Alberto Breccia :http://albertobreccia-bibliografia.blogspot.com/

L'Éternaute d'Oesterheld mis en images par Breccia, édité par les humanos (1993), est toujours disponible chez AAAPOUM BAPOUM (PVP 25€), profitez-en...

 
Quite a drop
 

Tu as bien pris tes cachets ?

Alan Moore truffe tellement ses œuvres de références qu'il déchaîne en concours d'exégèses ses hordes de fans, jusqu'à les rendre foldingues. Nous-mêmes et nos lecteurs avons passé de longs paragraphes à disserter sur la nouvelle traduction d'une bulle de la première page de Watchmen...

Ce débat sur la polysémie de la phrase de l'inspecteur m'était resté en tête, à moi qui ne parle guère l'anglais, tant et si bien qu'en regardant un épisode de la Quatrième dimension (saison 1, épisode 9 : Perchance to dream), lorsque Edward Hall se penche à la fenêtre et contemple l'endroit où il finira en s'exclamant "Quite a drop !", ma première pensée a été "Bon dieu ! Ce vieil Alan faisait référence à Twilight Zone !"

Je ne suis pas défaitiste, un jour je guérirai !

 
La table des petits
 

Modification de rayons...dzzziuuup !

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Une petite pause entre deux cartons...

Notre camarade Stanley, que certains estiment taciturne, est un as de l'organisation de l'espace.

Avant-hier il a eu l'idée d'installer un rayon pour enfants sur une table basse de son improvisation, dans le fond du magasin. Le lendemain c'était fait et si j'en juge par les paniers qui passent en caisse aujourd'hui, cette disposition à  l'air efficace.

L'ensemble manque peut-être encore un poil de signalétique et de coussins, mais c'est pas mal du tout. Du coup la précédente table enfants, que les enfants ne pouvaient atteindre, sert donc à accueillir les nouveautés dont je parlais précédemment.

 
Sortis des cartons...
 

Une semaine bien remplie (ou comment Patrick Batman a-t-il développé une musculature hors du commun)

Fidèle au poste en ce dimanche, je profite d'un moment de calme pour vous informer du contenu des cartons que nous déballons depuis quelques jours.

• D'abord une bonne nouvelle pour nos amis de la BD d'aviation...

Est arrivée une quinzaine d'exemplaires du tome 5 des Tigres Volants de Molinari et Nolane. Oui il s'agit du tome le plus rare, celui qui n'a jamais été réédité et qui ne figure dans aucune des intégrales Soleil... Celui qui est parfois vendu à des sommes astronomiques sur certains sites. Opération "Homme de Pékin" est donc chez nous à... 10€ en état neuf.

• Trois volumes de Harry Dickson (Soleil encore). Dans le tome 3 les méchants sont nazis et s'appellent "Les amis de l'Enfer". C'est toujours du meilleur effet sur une carte de visite.

• Toujours de chez Soleil, nous avons récupéré quelques tomes (anciennes couvertures) de Wanted, ce western sur lequel le repreneur de Durango a fait ses armes.

• A noter aussi l'excellente série de "real fantasy" du grand Franz, centrée sur la cité imaginaire de Brougue. 3 tomes précieux, vendus en lot à 35€.

• Vestige du long séjour de Bilal chez les humanos, quelques exemplaires de l'édition originale du troisième volet de la trilogie Nikopol... Froid Equateur : 10€.

Bon ce n'est qu'un aperçu. Je ne m'étends pas plus aujourd'hui pour deux raisons :

1) il faut qu'il vous reste des surprises lors de votre venue.

2) j'ai pas que ça à faire de bloguer, il me reste une bonne trentaine de cartons à déballer.

 
La garce des pneus
 

Comme promis : un nouveau bon mot de Stephen

Les freins de la voiture ont été sabotés. Normalement c'est Larry B. Max, le héros d'IRS qui devait conduire. Sauf que ce dernier a demandé à un blaireau de latino qui traînait par là d'aller lui chercher sa Corvette, contre la promesse de 50 cents. Alors le latino s'exécute joyeusement, c'est si cool de sortir une chevrolet du parking. Voyant qu'il va périr, la bonne humeur du latino en prend un coup et il s'écrie dans sa langue natale :

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"Mère ! Pute de freins" ! Le scénariste-dialoguiste, Stephen Desberg n'est pas un jeunot inculte. Il sait que les hispanisants ne disent pas "putana", mais bien "puta".

Ce "puta de frenos !" est la parfaite transcription de l'expression française "putain de freins !", simplification probable de "ces putains de freins !". Ce genre d'expression ne se dit pas en Espagne, ni en Amérique Latine : un "Puta Madre ! Frenos de mierda !" eût été plus adapté, voire un "Putos frenos !" si le personnage est originaire du Rio de la Plata. Mais, trêve de pinaillage ! L'essentiel est de donner au lecteur l'impression de voyager, n'est-ce pas. On ne va pas s'embarrasser de précision pour des personnages secondaires d'origine douteuse !

Le AAABLOG est fier de célébrer comme il se doit les 10 ans de I.R.$. une magnifique série en déjà 10 tomes, publiée aux éditions du Lombard, due aux talents conjugués de Stephen Desberg (scénario) et Bernard Francken (dessin).

 
Un autre gros mot
 

La classe américaine

IR$ est une série d'une grande finesse se passant dans les secrets du monde de la finance. C'est sans doute parce que l'argent ne connait pas de frontières que les protagonistes s'y expriment dans un patois cosmopolite. Il faut louer l'inventivité de Stephen Desberg et ses qualités de dialoguiste. Il parvient avec naturel et brio à transcrire en français tout l'impact de l'argot étasunien...

Comme ce "bordel de trou" est bien trouvé et sonne pertinemment à l'oreille ! On s'y croirait. D'autant qu'il est suivi trois cases plus loin d'un magnifique

"Toi, rapplique ! tu vas me servir de putain d'otage !".

Après demain, un autre bon mot de Stephen Desberg.

L'image est extraite du tome 1 de IRS : la voie fiscale de Vrancken et Desberg, éditions du Lombard.