Publications dans 2008
Le charme désuet des réclames d'antan
 

Conseils à un jeune libraire

S'il y a quelque chose sur laquelle tu pourras toujours compter, c'est bien le soutien de tes collègues. Ils auront souvent une attention touchante pour toi. Par exemple, reconnaissant ta grande capacité d'expertise ils t'honoreront par une jolie pile laissée à ton attention, qui illuminera ton regard matinal en ouvrant la porte de la librairie...Oh comme c'est gentil à vous de m'avoir laissé à trier cette pile de vieux journaux défraîchis des années soixante... Vous savez me faire plaisir, vous connaissez mon goût prononcé pour la poussière et les ouvrages dur à manipuler ! Vous respectez mon goût pour le labeur de fond et mon attirance pour le travail inutile !

Quelle joie en effet de vérifier page après page ces vieux Journal de Mickey, afin de m'assurer qu'ils sont bien complets, avant de les dépoussiérer, de leur découper des petits cartons de soutien ("backings boards" disent les yankees) et d'empaqueter le tout, car ces petites choses sont molles et fragiles, pour finir par leur appliquer à chacun une étiquette ornée d'un prix dérisoire (1 ou 2 €).

La publicité pour les caramels mous enrobés de chocolat est extraite du Journal de Mickey nouvelle série n°670 (1965).

Sous une apparence ingrate ce travail méticuleux te permettra de faire de belles découvertes au fil des lignes d'une actualité déchue. Ainsi ces pages d'un  roman inédit de H. Rider Haggard, Les dieux de la glace, dans lequel le narrateur,  en respirant les fumées d'une herbe africaine –le "Taduki"– se croit transporté en des temps reculés, dans une région polaire où vit une tribu gouvernée par le chasseur Wi. Un peu plus loin tes yeux se régaleront devant ces pages méconnues de Paul Gillon, sur des scénarii de Jean Canolle inspirés de la série télé adaptée par lui-même de son propre roman, Le temps des copains. Parfois ton esprit sera happé par le courrier de jeunes lecteurs désormais vieux ou par de si sympathiques publicités de ce bon vieux temps.

 
Petites modifications de rayon
 

S'il y a bien une question récurrente qui me fatigue quand je ne suis pas d'humeur, c'est bien le pourtant fort classique "Alors quoi de neuf ?". Pour ne plus répondre "Rien", il y a quelques temps à Dante, j'utilisais une caisse dans laquelle je mettais les bouquins que je venais de récupérer, de nettoyer, d'emballer et d'étiqueter. Le "Alors quoi de neuf ?", se voyant ainsi facilement retourner un adéquat "Je ne sais pas trop, regardez dans cette caisse...".


Cette caisse de "nouvellement arrivés" était bien pratique pour moi et pour les clients réguliers qui parfois le matin n'aiment pas refaire tout le tour de la boutique pour voir si quelque chose a changé depuis la veille au soir. Pourtant, un jour, sans prévenir, mon comparse l'a fait disparaître au profit de vieux Futuropolis. Comme cette caisse me manque, je l'ai recréée.


Une modification en appelant d'autres, il y a des jours comme ça où l'air est lumineux, où les contours des objets se dessinent avec netteté, où le monde se décrypte avec aisance et où rien ne peut me résister, j'ai donc dans la foulée ouvert un nouveau rayon thématique : La bibliothèque des ténèbres.

Vous y trouverez, pêle-mêle mais avec une certaine cohérence, la panoplie des adaptations lovecraftiennes, divers récits démoniques, la très variée littérature vampirique, les œuvres d'Olivier Ledroit et de Gabriel Delmas et d'autres rejouissances. En somme, de quoi accompagner profitablement un bol de chicorée et des croissants chauds.

Par souci d'optimisation de la place et avec une pointe de dérision, le rayon "Disney" a été déplacé et accolé à ce nouvel espace. Ce changement s'est fait au détriment du rayon des 10€ qui a été épuré.

 
Hommage à Newman
 

Il y a les œuvres mémorables, et les autres...

A la mort de Paul Newman, je fustriste, comme beaucoup. Mais plus encore par la filmographie sélectionnée parles chroniqueurs en charge de sa nécrologie. A quoi sert d’avoir été unbrillant acteur et un modèle d’engagement politique si c’est pour qu’onn’inscrive qu’en fin de colonne (lorsqu’ils ne sont pas carrément ignorés) lesmerveilleux Luke la main froide ou La chatte sur un toit brûlant, loinderrière les amusants mais beaucoup plus négligeables LArnaque ou la Couleur de l’argent.

Et ce n’est rien lorsque l’onpense que ces incultes scribouillards n’ont guère fait mention des Aventures  de BobHughes, curiosité de la bande dessinée pornographique dont il n’y auraitprobablement pas grand-chose à sauver si cette étoileau regard océan n’y apparaissait pas dans son plus beau costume. Heureusement, lesarchéologues nécrophages d’Aaapoum Bapoum sont là. Grâce à eux, il ne vous encoûtera que dix euros le rare ouvrage, désormais tout autantutilitaire que mausolée grotesque de l’une des grandes icônes du vingtièmesiècle.

Enfin, après avoir bien rigolépour peu de frais, voire une petite excitation si vraiment vous êtes un peupervers, vous pourrez poussez la promenade de quelques rues et vous arrêtez àla Filmothèque du Quartier latin pour voir l’un des rares films réalisés par Newman,De l’influence des rayons gamma sur lecomportement des marguerites. Une magnifique entreprise artistique etfamiliale dans laquelle le réalisateur décrit la misère sociale américaine touten scrutant amoureusement sa femme et sa fille. Le plus beau film vu depuisbien longtemps, et la preuve éclatante que l’étrange douceur de son regard bleun’était pas un artifice esthétique, mais le reflet sincère d’un esprit généreuxet sensible.

 
Quizz : le mystère des nattes
 

Quelque chose d'anormal ?

Pour faire plaisir à nos lecteurs et aussi dans l'urgence d'écraser au plus vite la saugrenue et très laide bande-annonce déposée précédemment comme une crotte de caniche sur un trottoir de la rue Dante, voici un nouvel extrait mystère.

Qui saura reconnaître en premier l'auteur précoce des 3 strips ci-dessous ?

 
Leçon d'économie
 

Une gestion brillante

Il est parfois utile de vérifier les factures.

Ainsi, hier j'ai mesuré l'ampleur de notre générosité. Grâce à nous des centaines, oui j'écris bien des centaines, d'amateurs de peinture et de science-fiction ont pu se procurer à bon prix le très agréable recueil consacré au peintre anglais John Harris, grand visionnaire de panoramas planétaires, de paysages démesurés et de cargos inter-systèmes. Mass, l'art de John Harris...

On peut dire que ce livre est un de nos best-sellers. Publié par les éditions Soleil en l'an 2000, ce livre valait alors 35€. Et, jusqu'à hier, nous le vendions au tarif fou de 5€, comme le soulignait malicieusement l'étiquette.

Un prix fou.

D'autant plus fou que 5€ c'est le prix auquel nous l'achetions à notre fournisseur.

Nous avons donc vendu des centaines d'exemplaires qui ne nous ont pas rapporté un seul centime !Nous aurions pu vous faire croire que c'était une stratégie commerciale, un produit d'appel en quelque sorte, un coup de pub, une marge sciemment sacrifiée...

Mais non, la riante vérité est bien que nous nous sommes plantés. Que bercés d'insouciance et de béatitude, drogués par l'odeur des encres d'imprimerie et de la colle des reliures, nous n'avons pas surveillé l'évolution des prix sur les factures...

Tant mieux pour les heureux clients. En ces temps d'économie mouvante, il faut être plus réactif ! Nous avons commencé par changer les étiquettes.

 
Coquillages et crustacés
 

Bizarre et rare

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En Novembre 1992, la Galerie Stardom organisait une exposition de dessins originaux de Moebius d'inspiration érotique. De cet événement il resta un portfolio intitulé Histoire d'X, tiré à 525 exemplaires. Par la suite (1994) ces dessins furent complétés par d'autres et publiés en album par les Humanos sous le titre de Griffes d'anges, mais ceci est une autre histoire puisque c'est bien un des portfolios  qui nous est arrivé hier. C'est l'exemplaire hors commerce ("épreuves d'artiste") n°5 sur 25.

Un peu de fouet, de sadisme du téton et de masochisme scolaire ("pardon Ô maîtresse"), quelques bizarreries tubulaires en apesanteur (c'est Moebius tout de même) forment un bel ensemble modelé avec soin en noir et blanc impeccablement sérigraphié. 20 planches + une préface de Jodorowsky ("Christ et Lucifer s'amalgamèrent alors pour créer l'homme nouveau") et un "entretien" avec l'artiste sur le mode absurde habituel. Un bel objet qui ne plaît pas à tout le monde.

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Dans un registre très différent, je viens de faire un échange qui m'a permis de récupérer les deux premiers volumes de Shaman des frères Peru. Il s'agit des éditions originales publiées chez Nucléa², donc possédant des couvertures différentes de leur réédition chez Soleil. Le tome 2 est orné d'une dédicace couleur d'Olivier Peru, ce qui est toujours un plus, même quand on ne s'appelle pas Michel.

Ah... Pour finir la journée un de nos habitués m'apporte un manga rarissime de Shotaro Ishinomori Les secrets de l'économie japonaise en bande dessinée, qu'il n'hésite pas à qualifier de "nul, nul, nul !!!", mais d'après lui ce Ishinomori serait le même que le Ishimori qui avait fait Le vent du nord est comme le hennissement d'un cheval noir. Très vendeur.

 
Exposition Schuiten à Paris
 

Retour au noir

Au Centre Wallonie Bruxelles, sis juste en face du Centre G. Pompidou, sont présentées de nombreuses planches originales, illustrations et esquisses préparatoires pour de La théorie du grain de sable, le dernier opus des Cités obscures de Schuiten et Peeters, dont la seconde partie devrait paraître début octobre.

C'est réellement une bonne surprise : d'une part les quelques illustrations couleurs présentées se révèlent bien plus riches en vrai que leurs reproductions (une évidence pourtant, mais toujours étonnante), d'autre part, l'encrage noir et blanc des planches de l'album semble s'être enfin affranchi de son habituelle rigidité.

J'avais toujours trouvé le trait de Schuiten trop figé, sans doute à cause de sa volonté d'imiter la gravure. Là, enfin la plume semble danser sur le papier, les masses de noirs se positionner avec légèreté et évidence. La surface vibre. Je ne sais rien de l'histoire, ni si elle s'achève en eau de boudin comme la plupart des Cités obscures, mais graphiquement, c'est une vraie joie. Dans un court film projeté dans le cadre de l'exposition, François Schuiten s'exprime d'ailleurs sur son envie de revenir au noir et blanc qui fut sa grande motivation pour cette œuvre, après plusieurs albums couleurs.

Vous remarquerez qu'alors que les planches originales, de grand format (environ 50 cm sur 40), sont à la française, les deux albums de la Théorie du grain de sable sont à l'italienne... C'est un peu étonnant tant les planches semblent être conçues pour leur appréhension verticale et que d'ailleurs, contrairement à Giraud, Schuiten ne travaille pas par demi-planches. Faut-il voir derrière ce saucissonnage une simple affectation arty un peu vaine ? Ou une astuce commerciale pour produire deux albums épais de 109 planches au lieu de deux albums classiques qui auraient semblé trop fins à l'acheteur ? Epineux problème marketing en effet que de faire croire à l'amateur que rien n'a changé depuis l'époque des "romans-bd (A Suivre...)". Enfin, il faut bien que les créateurs vivent et chacun sait que deux petits albums se vendent davantage qu'un seul gros. Pour une fois je ne critiquerai pas trop : cette stratégie nous permet de lire et d'admirer les dessins de Schuiten à une échelle de reproduction plus grande que d'habitude.

Et rien n'empêche Casterman de ressortir plus tard une intégrale de luxe géante en format français...

Notons pour finir une belle scénographie qui happe le promeneur hors du quotidien : bruit du vent, éclairage subtil, le sable qui emplit les salles et s'écoule jusque sur le trottoir... au grand dam des marchands de fringues d'à côté qui ne goûtent guère ces raffinements artistiques.

Lumières sur Brüsel, Jusqu'au 2 novembre 2008, au Centre Wallonie Bruxelles, 127-129 rue Saint Martin, 75004, 11h à 19h sauf le lundi, 3€ (tarif réduit 2€).

 
Universal War One
 

Routier spatial ?

Au fil d’une conversation anodine avec Stanley (en fait onessayait de savoir si le Hulk vert intelligent est plus fort que le Hulk vert bestial ou le gris…) et après moult extrapolations, ce dernier me convainc de lire la célèbre série de Denis Barjam. Série que j’ai volontairement boudée tout au long de sa parution. Je dois confesser que le genre science fiction spatiale n’étant pas franchement celui qui m’électrise le plus, de plus je m’étais stupidement persuadé que le personnage principal (Kalish pour les initiés…) était un routier spatial dont le job consistait à transporter de la marchandise atomique à travers l’espace !!!!

Avec son look bandana à têtes de mort et sa grosse bedaine je me suis fait berner. J’étais plus lourdaud que le personnage dont je pensais tout savoir. Au fil des pages j’ai découvert que c’était juste l’homme le plus intelligent du monde et un formidable pilote de navette et un leader né et le plus grand espoir de l’humanité et en plus il fait la vaisselle quand il vient manger chez vous… Bref, six tomes plus tard me voila devenu un partisan exalté de ce mélange dosé d’anticipation et d’astro-physique.

Mais pourquoi je vous expose,sans pudeur, mes lectures du week-end alors que finalement vous vous en tamponnez copieusement ?

C’est parce que notre librairie rue Serpente vient de s’enrichir de la première intégrale d’U.W.1 (les 3 premiers tomes pour 30€) et qu’en fouillant un chouïa dans nos rayons à 7€ vous trouverez très probablement les trois derniers tomes.

Universal War One, Denis Barjam éditions Soleil.

http://www.cyriak.co.uk/lhc/lhc-webcams.html