Publications dans 2009
Blake et Mortimer : la malédiction des trente deniers, tome 1
 

Sous un soleil de plomb

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Bonne idée que de lancer le professeur Mortimer dans une nouvelle enquête archéologique comme au temps de la Grande Pyramide. Sur les traces de Judas en plus (Cette année entre le Crumb et le Blake et Mortimer on peut dire que la culture biblique est à l'honneur). Et puis la Grèce est un beau cadre, Van Hamme semble d'ailleurs y avoir passé d'excellentes vacances. Il s'y est laissé gagner par une douce torpeur méditerranéenne. Comme il a un peu trop pris le soleil, ébloui, il a négligé de cacher ses ressorts scénaristiques.  Si la trame générale se parcourt sans déplaisir, les ficelles sont bien épaisses et chaque péripéties se termine par un nœud qui a du mal a passer tant il est enduit d'invraisemblable ou de carnavalesque... Oh ! Un chien tombe dans un trou (Muff ? C'est toi ?) ! Oh ! Un éclair arrête les bandits ! Tiens Olrik se prend les pieds dans sa robe. Mince, des moutons... Le plus discutable reste cette scène où l'on voit des Grecs jouer aux cartes attablés dehors en plein soleil plutôt que de rester tranquillement à l'intérieur. Van Hamme singe à nouveau Jacobs sans jamais comprendre le soin du détail qu'affectionnait le maître, sans jamais éprouver la moindre empathie pour les personnages, sans jamais chercher à se mettre à leur place. Chez Jacobs les méchants étaient intelligents en dehors de leurs crises de folie et de panique. Les scélérats donnaient du fil à retordre aux deux anglais. Ici ils sont juste grotesques. Van Hamme ne résiste d'ailleurs pas à l'attrait d'une conspiration néo-nazie digne d'une farce télévisuelle... Good grief !

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Sur le plan du graphisme, feu René Sterne fait ce qu'il peut pour se couler dans le moule Blake et Mortimer, en ratant souvent le découpage, mais en réussissant certaines audaces qui donnent un peu de légèreté et d'humour à une pesante mécanique narrative. Après le  décès du dessinateur (planche 29), c'est sa femme, Chantal de Spiegeleer, dessinatrice également, qui prend le relai honorablement, même si on sent que l'académisme exigé la maltraite quelque peu. Je déplore tout de même leur vision d'Olrik : La némésis de Blake et Mortimer a troqué son élégance naturelle pour des manières affectées de vieille tante, c'est presque impardonnable.

 Un Blake et Mortimer de plus, qui se lit et qui contient de bonnes idées, mais qui agace souvent. On verra si le tome 2 coule le rafiot ou s'il ramène tout le monde à bon port, ce qui est encore possible... Mais qui va le dessiner au fait ? Moi je veux bien que ce soit Chantal de Spiegeleer, mais il faut qu'elle fasse quelque chose pour le Colonel et qu'elle arrête de faire ses phylactères à l'ordinateur.

P.S. : On me rappelle avec justesse que c'est Aubin Frechon qui travaille actuellement sur le tome 2 des Deniers. Voilà qui tombe bien, car nous avons justement en magasin un Tohu Bohu dessiné par Aubin Frechon...  Sur la neige, scénario de Wazem. 6€.

 
Tohu Bohu
 

Du roman graphique, mesdames et messieurs !

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Lorsque la collection Tohu Bohu des Humanos est née au début des années 90, nous étions réjouis, nous les amateurs de ce qui ne s'appelait pas encore "La nouvelle bande dessinée" : des petits formats en noir et blanc, des histoires complètes, des sujets variés en dehors de la sphère de la "Fantasy à nichons"... Le bonheur quoi ! Il y eu des livres indispensables dans cette collection. Il y eu des livres qui étaient simplement bons. Il y eu aussi des merdouilles dispensables, comme toujours.

La santé financière des Humanos étant ce qu'elle est, on trouve désormais du Tohu Bohu de toutes catégories en solde, y compris chez Aaapoum Bapoum. Le Tohu Bohu se vend chez nous 6€, mais si vous en prenez 3 c'est 15€. Moi j'avais bien aimé celui qui s'appelle Vagues à l'âme de Grégory Mardon, mais ma mémoire étant aussi saine que le compte en banque des Humanos, je serais bien en peine de vous raconter de quoi ça parle avec précision. C'était plus au moins l'histoire d'un type qui fuit ses responsabilités en devenant marin. Non, ce n'est pas une aventure de Corto Maltese.

 
Le journal de Tintin du n°1 au n°96 (1948-1950)
 
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Nous avons exhumé les 96 premiers numéros du fameux hebdomadaire. Ils sont en bon état, mais il furent assemblés en 6 recueils "maison" par le collectionneur qui les avait précieusement réunis. Ce n'est pas laid et plutôt bien fait. Tout un pan de la culture populaire va donc être mis en vente chez nous.

En terme de cotes au BDM il y en a  pour 1600 euros... youhou. Bon comme nous sommes raisonnables et que nos clients sont plus fans de Batman et de mangas de soubrettes, nous vous proposons ce bel ensemble pour la somme de 400 euros. Comme ça d'autres libraires qui voudraient l'acquérir pourront encore gagner un peu de sous derrière...

Et oui il faut soutenir le métier de libraire. Tenez, même vous, vous pourriez vous l'acheter pour spéculer sur ebay avec. Stéphane me dit qu'on devrait plutôt les garder pour faire des archives classieuses dans l'arrière-salle de la librairie, mais moi je préfère vendre : on a déjà une armoire entière remplie de vieux dessins de Bilal avec lesquels Stéphane essuie les tâches de café.

 
Les combattants de la liberté et les forces du mal
 

«Selon que leurs objectifs nous paraissent justifiés ou non, les terroristes obtiennent l'appellation de "combattants de la liberté" ; celle-ci dépend donc de notre appréciation de leurs objectifs bien d'avantage que de leurs moyens d'action.»

William R. Polk, Les leçons oubliées du Vietnam in Le Monde diplomatique, novembre 2009.

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En relisant le formidable récit de guerre qu'est le Secret de l'Espadon,je souriais, entre deux gorgées de thé,  de ce que les partisans se dressant contre l'oppression des "Jaunes" en Terre Perse ressemblassent fort à l'image que la diplomatie étasunienne donne de ses actuels adversaires qualifiés de fondamentalistes musulmans... Des partisans qui attaquent les convois de blindés d'une armée d'occupation. Mais c'est surtout l'appel au terrorisme et au sabotage qui clôt le premier volume (de l'ancienne édition en deux volumes, la seule, la vraie) que je trouve résonner étrangement dans le contexte actuel, d'où ma notule du 27 octobre 2009.

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"Pas de pitié pour les traîtres qui se sont mis au service du conquérant ! Chaque jour plusieurs de ces misérables payent de leur vie, leur lâche ignominie ! Chaque jour nos actes de sabotage désorganisent la puissance ennemie et préparent notre revanche. Celle-ci sera décisive, car le moment est proche , où, armés d'un engin d'une efficacité absolument irrésistible, nous rejeterons les Jaunes dans leur repaire, où nous les écraserons définitivement !". Il suffit en effet de remplacer "Jaunes" par "Américains" pour que ce qui est un appel à la victoire du "Monde libre" ressemble à un communiqué de revendication d'un attentat par une organisation nationaliste irakienne ou afghane.

La prochaine création de Leblon-Delienne dans la gamme de résines Blake et Mortimer,consacrant la figure héroïque du "fidèle Nasir", a le mérite de rappeler que les combattants musulmans ne furent pas toujours synonymes, dans l'imaginaire occidental, de fanatiques hystériques et criminels au service de l'Axe du mal !Fussent-ils en train de lancer un couteau pour atteindre par surprise le dos d'une sentinelle Jaune. Il faut tout de même préciser que pour tous les braves combattants musulmans croisés dans L'Espadon,"Monde libre" rime avec perpétuation de la mainmise de la couronne britannique sur le Moyen-Orient. Ainsi les partisans perses qui sont parvenus à s'emparer d'un blindé, s'empresse de le donner à deux anglais déguenillés qui descendent de la colline (Espadon, t.1, p.30)...

 
Rose et Isabel de Ted Mathot, éditions Akileos
 

Deux walkyries dans la guerre de Sécession

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Elles sont deux, elles sont sœurs. Elles sont à la recherche de leurs trois frères engagés dans l'armée de l'Union et qui ne donnent plus de nouvelles. Elles arpentent le front, armées d'arcs et de flèches de leur fabrication (gosh !), chourent des uniformes de la fédération pour circuler  plus facilement et foutent gravement sur la gueule de tous les confédérés qui se mettent en travers de leur route.

Il y a une bonne dose de film de sabre hongkongais dans ce western bédéïque ourlé de fantastique : scènes d'action virevoltantes en apesanteur, forte charge émotionnelle démonstrative et bien sûr personnages féminins redoutables et flamboyants.

Pour qui accepte de quitter le réalisme pour un terrain mi-mythologique mi-magique habituellement plus balisé par l'Heroic fantasy, cet épais volume de format carré offre de bons moments de divertissement. On sent que l'auteur, Ted Mathot (qui semble travailler chez Pixar) est investi avec sincérité dans cet univers et qu'il aime ses personnages. Il planche d'ailleurs actuellement sur une suite axée sur la fille d'une des deux sœurs.

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De toutes façons, moi j'ai toujours un a priori positif sur les bouquins carrés et en bichromie. Alors si en plus on y voit des colts et que l'histoire est complète, je suis suffisamment content pour passer outre la pointe de moralisme à l'américaine qu'on peut déceler çà et là...

Ah oui, au fait, ce bouquin n'est pas une nouveauté, il est sorti début 2008 et est passé plutôt inaperçu.

Rose et Isabel de Ted Mathot, 192 pages, bichromie, traduction non créditée, 23 € (mais si vous cherchez bien chez Aaapoum Bapoum vous pourrez de temps en temps en trouver d'occasion, c'est l'avantage des livres qui ne sont pas à la mode).

 
Sabotage !
 

Un mystérieux appel terroriste

Chers aaapoumiens durables ou de passage, un petit quizz facile pour la fin octobre...

Qui a écrit, et dans quel contexte, le brûlot ci-dessous ? J'en ai juste coupé un mot là où apparaissent des points de suspension encadrés de paranthèse.

"Pas de pitié pour les traîtres qui se sont mis au service du conquérant ! Chaque jour plusieurs de ces misérables payent de leur vie, leur lâche ignominie ! Chaque jour nos actes de sabotage désorganisent la puissance ennemie et préparent notre revanche. Celle-ci sera décisive, car le moment est proche , où, armés d'un engin d'une efficacité absolument irrésistible, nous rejeterons les (...) dans leur repaire, où nous les écraserons définitivement !"

Le premier qui trouve aura gagné ma considération et le privilège probable d'être fiché par un quelconque programme de surveillance du terrorisme.

 
Micheluzzi et les tons intermédiaires...
 

Dans la brume tous les chats sont gris

Attention, ci-après la démonstration que nous sommes des commerçants pratiquant une forme supérieure de retape : nous vous donnons une chance d'échapper à nos suggestions d'achats en n'hésitant pas à souligner certains défauts des objets de nos engouements.

Cela ne manque pas d'ironie. Voilà un maître du neuvième art — Attilio Micheluzzi — un majestueux conteur qui n'hésite pas à traîner ses personnages dans la boue des civilisations, un scénariste malicieux qui dépeint des caractères ambigus et des situations inattendues et incertaines, un subtil dessinateur au pinceau aérien, qui a précisément des difficultés pour transcrire les tons intermédiaires entre le noir et le blanc. Pourtant dans Marcel Labrume (un nom qui est un programme de l'indistinct) il essaie sans cesse d'atténuer le constraste caniffien (NDLR : de Milton Caniff, quoi), sur lequel il a bâti son style, à l'aide de tactiques diverses : petits points pour les collines lointaines... hachures diverses... croisillons. Aucune ne me paraît satisfaisante, surtout dans la première partie, ou d'abondants croisillons malhabiles semblent faire du remplissage hâtif des surfaces nocturnes.

En lisant ces planches je réussis à m'extraire de leur captivante intrigue grâce à la résurgence opportune d'un souvenir de cours de fac. Il y a une quinzaine d'années, je me souviens que le sarcastique Séra, qui élargit mon horizon bédéïque comme celui de tas de couillons d'étudiants parisiens, répétait devant nos planches tâtonnantes : “les hachures croisées, ça ne sert qu'à une chose : à représenter des grillages !“.

Bon sans déconner, je vous attends demain soir pour discuter de tout ça entre autres.

En plus les planches que Madame Micheluzzi nous a très gentiment prêtées (grâce au pouvoir de persuasion de Michel Jans) sont splendides et parfaitement dénuées de remplissage. À pleurer si on n'était pas de vrais hommes plein de morgue, ayant endossé une panoplie de solitaire élimée par les vents du désert.

Marcel Labrume, Éditions Mosquito, 150 pages d'aventures, d'espionnage, de guerre, d'amours interrompues, de regrets sans repentirs. Tout ça en noir et blanc et pour 20 €.

 
Exposition Attilio Micheluzzi : Marcel Labrume
 
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On vous avait promis deux expositions par an, on va tout faire pour s’y tenir.

Après l’argentin Éternaute, de Oesterheld et Solano Lopez (informations ici),AAAPOUM BAPOUM met en place une exposition autour d’Attilio Micheluzzi, pour fêter la réédition de Marcel Labrume.

Dans l’attente d’une critique plus complète de l’ouvrage, nous pouvons d’ores et déjà rappeler que Marcel Labrume reçut,l’année de sa publication, l’Alfred de la meilleure bande dessinée au Festival d’Angoulême,et vous renvoyer sur la présentation fort bien faite de l’éditeur.

 Quant à l’événement, il se tiendra du vendredi 23 octobre au vendredi 20 novembre dans notre échoppe de la rue Serpente. Venez nombreux au vernissage, qui auralieu le vendredi 23, au milieu des chips bio et des vins italiens, animé d’une présentation de l’éditeur et des libraires, de débats et de questions portant sur le parcours et l’œuvre de l’uns des auteurs italiens les plus passionnants de sa génération. 

- Exposition Marcel Labrume, de Attilio Micheluzzi. Librairie AAAPOUM BAPOUM,14 rueSerpente, 75006 Paris. Métro St Michel ou Odéon.

- Vernissage vendredi 23 octobre à partir de 19H.

- Critique de Pétra Chérie.

 
Les promos de fin septembre : Journal de Spirou et Ferrandez
 

Avant de prendre deux semaines de vacances et de laisser les camarades vous servir avec l'ardeur polie qui est notre caractéristique première, j'ai un peu déblayé la cave avec l'aide de Stéphane et de son T-Shirt très blanc.

Résultat des courses :

Ferrandez

- Une pile du coffret Paris Jour et nuit qui contient un livre et un CD (oui le CD, ce truc désuet). Le livre est illustré par Ferrandez et la galette contient du Jazz. C'est le Mille sabords quartet... Il paraît que c'est du style "Niouworlins" (New-Orleans). C'est désuet aussi, mais assez agréable. C'est le dessinateur Ferrandez qui joue la contrebasse. Et tout ça pour 5€.

- près de 200 numéros du Journal de Spirou, certains du début des années 70, tous en très bon état vendus pour 1 € les 10. Oui.  Si vous n'en voulez qu'un c'est 1 euro aussi.