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XXTH Century Boy
 

Comme beaucoup de manga, XXth century boy fait référence à de nombreuses clés de l’histoire japonaise. Pour les français, il est très dur d’en comprendre le sens et la portée. Un petit décryptage s’imposait pour mieux cerner le vrai sujet de XX Century Boy. Alors que la série vient de se finir au Japon après 22 volumes

Par Stéphane

PORTRAIT : Naoki Urasawa est, avec Shuho Sato et Takéhiko Inoue (clin d’œil dans le volume 7), l’un des rares auteurs de manga de divertissement à mêler discours politique et philosophie humaniste, plutôt de gauche selon nos grilles de lecture française (si vous le désirez, télécharger le jolie petit abécédaire sur Urasawa publié dans le Chronicartde mai, coécrit par R. Brethes et moi, attention, il fait plus de 5mo).

Téléchargement 25Urasawa.pdf

THEME: XXth Century Boy parle, derrière son habit de polar, principalement du problème des Otaku (un phénomène de société japonais dont on discute beaucoup dans les médias de l’archipel, et dont le manga aime à parler par affinité). Le récit oppose de manière métaphorique les enfants devenus des otakus (la secte d’ami) à ceux qui ont su résister à ce mouvement de destruction social massif (la bande à Kenji). Le parcours de Kenji et ses amis sera d’apprendre à exploiter cette culture pour sauver le monde et fédérer l’homme, non l’isoler et le détruire comme le fait Ami.

1970 : Année clé de l’histoire japonaise, c’est l’univers dans lequel baigne l’enfant Kenji et ses amis dans les flash-back. Comme tous les dix ans depuis 1950, le Japon signe à nouveau dans la contestation populaire son accord avec les Etats-Unis d’amérique. Le peuple se soulève en partie, les universités font grèves, Kenji écrit le cahier des prédictions, l’incident nocturne dans l’école, qui provoquera bientôt la naissance d’Ami, a lieu. Mais surtout, c’est l’année de la première exposition universelle d’Asie ; Expo’70 (lien différent) sera ainsi pour une génération d’enfant le signal d’un futur différent, et reste à jamais le premier emblème de la culture Otaku à venir (la première génération d’otaku serait née dans les années 60 et se reconnaît à la visite de l’expo’70 enfant et à la découverte de La Tour du soleil (photo ci-contre)).

Tarō Okamoto : «Art is explosion» déclamait dans les années 80 le célébrissime artiste japonais Tarō Okamoto (1911-1996) dans une publicité télévisée pour les vidéocassettes Hitachi Maxwell. A l’époque, ce slogan fit de lui, du jour au lendemain, un emblème culturel majeur dans tout l’archipel. Pourtant, son travail créatif bénéficiait déjà d’une très forte reconnaissance grâce à La Tour du soleil, ce monument réalisé à l’occasion de la première exposition universelle d’Asie en 1970 à Osaka. Cette phrase, aux résonances profondes, met en avant le fait que la reconstruction d’une identité japonaise, après la défaite de la seconde Guerre Mondiale, est passée pour beaucoup par la création d’arts nouveaux. Le manga, et les cultures avoisinantes du dessin animé, jeu vidéo et quelques autres apparentées au monde de l’otaku, sont reconnues comme étant les formes les plus vives de cette manifestation. C’est pourquoi elles occupent une place centrale dans l’histoire du Japon moderne. Nombreux sont ceux qui pensent au pays du soleil levant que le manga est la première des conséquences de la défaite du Japon, de la domination américaine qui s’ensuivit, mais plus encore sont ceux qui voient dans le manga l’unique remède pour un pays et un peuple essayant de guérir du cauchemar insondable du bombardement atomique. Tarō Okamoto, en tant qu'emblême de la culture otaku, est ainsi au coeur de XXth Century Boy, que cela soit par le présence dans le récit de L'Expo' 70, de la Tour du Soleil, et plus encore pour le symbole de la secte d' Ami (voir la photo de Okamoto ci-contre, trés explicite)

AMI : est l’incarnation de l’otaku. Désincarné, il vit dans un monde de fantasmes liés à l’enfance et au dessin animé. Il rêve d’un New type (thème de la nouvelle humanité chèr au manga). Il n'est pas difficile de voir, dans la secte d'ami, une transposition fantasmatique de la secte Aum. Cette dernière se revendiquait en partie du boudhisme, mais aussi des cultures otaku. Elle reste cééèbre pour l'organisation de nombreux attentats, dont un très traumatisant au gaz sarin dans le métro Tokyoïte en 1995, qui fit une quinzaine de morts et plus de 5000 bléssés.

KENJI : l’anti Otaku. Il a quitté les rivages de l’enfance, oublié cette culture pour passer à l’age adulte. Il incarne l’anti-Otaku parce qu’il s’occupe de sa petite nièce (donc il tisse du lien social) et fonde à sa manière une famille. Il travaille aussi dans un convini familial, autre signe de résistance à la culture otaku qui, elle, se fédère fortement autour de la chaîne américaine Seven/Eleven.

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YABUKI JOE : Pseudo de Kenji, tiré de la série Ashita no Jô (Le Joe de Demain) de Tetsuya Chiba, malheureusement non publiée en France pour le moment. Dans les années soixante, Joe est ce marginal solitaire et boxeur virtuose qui refuse le modèle de vie de son époque. La fin de cette décennie marque en effet l’ancrage de la société japonaise dans une prospérité économique faisant passer au second plan les plaies de la pollution industrielle ou d’une urbanisation ravageuse. Pour les japonais qui refusent d’abandonner leur passé tout comme pour ceux qui voit la tutelle américaine et ses dérives quotidiennes d’un bien mauvais œil, Joe se présente –et demeure aujourd’hui encore- dans nombres d’esprits le modèle parfait du antihéros. C’est pourquoi Kenji choisit ce nom.

L’un des plus célèbres évènements de l’histoire du manga reste la mort du boxeur Tôru Rikiishi, adversaire célèbre, relatée le 22 février 1970 (et oui toujours la même année) dans un épisode ultime concluant plusieurs semaines de combat acharné, au rythme de la parution du magazine qui prépubliait Ashita no Jo. Sous la pression des lecteurs atterrés, la maison d’édition Kôdansha se trouva contrainte d’organiser une cérémonie funéraire en l’honneur de ce héros virtuel. Ces huit rounds épiques avaient tenu en haleine la jeunesse de l’époque – en particulier ceux qui s’étaient engagés dans les mouvements étudiants militant contre le renouvellement du traité de sécurité qui lie Amérique et Japon, retrouvant dans le personnage de Joe un modèle de liberté. Fin février, la tension est à son comble. “Rikiishi est mort !” Au lycée Azabu, l’un des établissements les plus prestigieux de Tôkyô, ce cri est lancé à la cantonade, faisant se vider les salles de classe… pendant ce temps, kenji et sa bande construisent leur base secrète...

 
Vivement demain
 

La voiture, c'est démodé...

Dérivé de l’anglais «mechanical», le terme Mecha (MEKA) fait référence aux robots, géants ou non, armes mécaniques, et d’une manière générale tout véhicule ou objet tournant autour de la machine, comme les bon vieux vaisseaux spatiaux d’Albator ou les implants biomécaniques top techno de Ghost in The Shell.

Si pour beaucoup d’occidentaux ce genre de vision relève de la fantasmagorie rigolote, il faut savoir qu’au Japon, ce genre de concept est au contraitre pris très au sérieux. On ne rigole pas avec le cyber.

En fait, le Japon est bien plus passionné par les robots que n’importe quel autre pays à travers le monde. C’est une fascination ancrée dans la culture et l’imaginaire du peuple tout entier, qui discerne dans cet objet du futur l’un des éléments à venir les plus importants pour la sauvegarde de l’humanité. Preuve de l’importance de cet engagement, le sujet robotique concerne désormais tout autant le commerce que la recherche scientifique et l’industrie. En effet, les entreprises de pointe nipponnes planifient aujourd’hui très sérieusement d’en construire et d’en commercialiser à terme plusieurs à utilité publique. Honda est d’ailleurs tellement à la pointe de cette recherche qu’aucune société ne semble capable aujourd’hui de la concurrencer, et sa démonstration du robot modèle Asimo en 2000 à ébahi même les plus incrédules.Au Japon toujours, on compte aussi plus d’une cinquantaine de concours par an autour de la création de robots, impliquant les meilleures écoles et universités scientifiques de l’archipel, et dont le plus célèbre est retransmis sur la chaîne nationale NHK.

Un vrai rendez-vous spectacle qui fait vibrer le Japon tout entier, un peu comme le Superbowl chez nos amis yankee en quelques sortes (mais pas tout a fait non plus, question de culture je pense)Enfin, dernière grande annonce en date, le gouvernement japonais vient d’annoncer au début du mois qu’il espérait envoyer des machines de type Gundam dans l’espace d’ici à 2010. J’espère que j’aurai la chance d’en piloter quelques-uns avant de mourir.

 
Le moe à la mode
 

Lorsque le mot est moe, peut-on se permettre de faire des jeux sans passer pour un méprisant scribouillard?

Moe est  le nouveau mot à la mode dans l’archipel.Littéralement il signifie «bourgeon en floraison» etsécrit en japonais à l’aide du kanji moeru, (caractère chinois utilisé généralement pour désigner le verbe «s’enflammer»). Le terme fut en effet l’un des néologismes le plus utilisé au Japon en 2005, si l’on en croit certaines instituts de sondages japonaises. Signe important de cette tendance, de prime abord réservé exclusivement aux mondes clos des otaku, le terme passe désormais dans le langage courant. Plus de 30% des japonais avouent désormais connaître ce mot, et le pourcentage s’accroît grandement lorsque l’on réduit les classes d’âges des sondages au moins de trente ans. Intriguant non ? Alors qu’est ce que le moe ?

Un concept encore flou, qui désigne à la fois une pseudo-relation sentimentale avec une icône virtuelle, plutôt impubère et féminine, le fétichisme pour les figurines dérivées de ces personnage, mais aussi le courant esthétique très spécifique utilisée pour générer ces dites icônes.La passion amoureuse n’y est pas exclue du moe, mais n’en est pas vraiment le cœur et s’exprime de façon minoritaire. Non, le sentiment du moe se développe plutôt autour de la fraternité protectrice, celle d’un grand frère humain à une petite sœur fantasmée, et semble plus destinée à palier le manque affectif et la solitude de l’otaku qu’à assouvir une sexualité imaginaire.

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Devant l’explosion phénoménale du mouvement et sa forte convergence vers un type unique de physionomie, le moe s’est aussi rapidement transformé en une tendance esthétique, qui domine radicalement ces derniers temps dans le monde de l’otaku. Certains disent d’ailleurs qu’aujourd’hui, il ne fait pas bon se promener à Akihabara, quartier de prédilection des otaku, si l’on n’est pas dans le moe. Alors, à quoi reconnaît-on le moe ?

Si l’on part du schisme esthétique originel qui remonte au milieu des années 80, le moe s’oppose à Nausicaa, personnage de Hayao Miyazaki, dont les descendants modernes peuvent aussi bien être les petite filles qui continuent d’emplir les longs métrages animés du maître (Chihiro par exemple), comme la commissaire Motoko Kusanagi de la série Ghost in the shell, ou la Angel Heart de Tsukasa Hojo. L’esthétique moe dérive des personnages tels que Urusei Yatsura. Et ses descendants modernes sont plutôt Sailor Moon, le personnage culte de Rei dans la série Evangelion, ou encore plus récemment toute la galerie de protagonistes féminins des séries Negima et Love Hina de Ken Akamatsu.

 
L'écriture féminine et Persépolis
 

« Je ne crois pas à cette thèse selon laquelle les femmes écrivent différemment des hommes », a dit Marjane Satrapi dans une interview donnée à Michel Edouard Leclerc.

Tout faux ai-je envie de dire à cette charmante artiste qui me semble dès lors n’avoir qu’une vue limitée sur sa propre création. Comme tous les artistes en fait.  En effet, Persépolis fait montre de toutes les caractéristiques de l’écriture féminine reperées dans la littérature intime et les récits de vie. Après, si les théoriciens littéraires et poétiques inspirés par le "fait littéraire" ont faux, forcément moi aussi. Mais soyons positif et partons de l’hypothèse qu’ils ne disent pas que des conneries, et n'ont pas biaisé leur corpus. 

Cet article fait suite à une première analyse des couvertures de Persépolis

1) Persépolis et les théoriciens…

Partons déjà d’un constat : S’il est vrai qu’il n’est jamais évident, voire même pertinent, de traiter de manière théorique l’écriture féminine, dans la pratique, la critique littéraire trouve légitime de réunir dans un même volume des études portant sur des textes aussi différents que la Princesse de Clèves ou Le Ravissement de Lol V. Stein deMarguerite Duras, concluant qu’il existe une parenté que l’on ne trouverait pas dans les écrits d’hommes. Béatrice Didier, plus particulièrement dans ses études Le journal Intime et L’Ecriture-Femme, suggère à plusieurs reprises quatre inclinaisons chez la femme qui semblent admises par la critique littéraire moderne. Attention cependant, il ne s'agit pas de définir une essence de l'écriture féminine, immuable, mais plutot de comprendre si la condition de la femme, qui d'après ces critiques a une forme d'influence reconnaissable sur le processus d'écriture dans une majorité de cas, est visible dans Persépolis.

1.1)L’écriture intime masculine serait volontiers égocentrée tandis que l’écriture intime féminine serait davantage relationnelle. Les femmes se définiraient donc plus facilement à travers le canevas plus large de leurs relations aux autres, et non à travers une recherche introspective et une analyse de soi.

     1.2)Les «lignes de forces communes» qui permettent de reconnaître un écrit féminin proviendraient, au moins en partie, d’une certaine situation de la femme dans la société. Une situation fort variable certes, mais particulièrement pertinente dans le cas d’autobiographies célèbres telles que Marguerite Yourcenar, Gisele Pineau, Assia Djébar ou Leila Sébar…

     1.3)Néanmoins, l’écriture féminine semble presque toujours le lieu d’un conflit entre le désir violent d’écrire et une société qui manifeste à l’égard de la femme soit une hostilité systématique, soit «une forme atténué, mais plus perfide encore, qu’est l’ironie ou la dépréciation»

1.4)« les femmes aiment à écrire leur enfance» dit-elle, avant de développer que cette qualité leur a été bien souvent reprochée. Et qu’il existe deux obstacles au récit d’enfance encore plus difficiles pour la femme à surmonter : le dégagement d’un intérêt concret pour cette période de l’existence considérée comme futile, plus encore son souvenir ; et le courage d’aborder la découverte de la sexualité, plus particulièrement de sa sexualité et de son éveil.

Je crois sincèrement que l’on peut dire sans effarement que ces quatre caractéristiques de l’écriture féminine sont manifestes dans l’œuvre de Marjane Satrapi. Le récit d’enfance, l’éveil à la sexualité, la position de cette femme dans une société musulmane en voie d’intégrisme… sont autant de thèmes à l’origine de son introspection. Si dans l’autobiographie, l’écrivain homme est confronté avec ce qu’il a à dire ; dans Persépolis, Marjane fait, en plus de cela, face à la transgression religieuse fondamentale qu’est le seul fait d’écrire et de prendre la parole, à l’instar d’auteurs comme Assia Djébar ou Leila Sébar dont les œuvres autobiographiques sont toutes entières dédiées à ce thème.

2) Et le dessin dans tout ça…

Je pense que le dessin est la preuve la plus flamboyante de l’écriture féminine chez Marjane Satrapi (pas de commentaire facile sur féminité et simplicité svp). Ceux qui s’intéressent un tant soit peu aux autobiographies en bande dessinée auront remarqué l’égocentrisme marqué des auteurs, dans cet acharnement des hommes à créer une icône de soi détaillée, reconnaissable, et capable de produire un discours identitaire. Lewis Trondheim ou Art Spiegelman et leur anthropomorphisme ou le réalisme de Neaud… la stylisation est le moteur le plus pratique pour créer un personnage qui ressemble à soi, et qui parle de soi. Il n’y aucune de ces volontés chez Marjane. Sa représentation n’a pas vraiment d’autres sens que la représentation, de montrer qu’elle est là. Tout au contraire, elle exprime violemment le besoin des autres pour se raconter.

Et au lieu de charger de détail son visage afin que le lecteur identifie son personnage, Marjane préfère utiliser la case pour s’extraire de ses camarades voilées. Et ce dès la première page du premier volume, où ce que les critique appellent l’espace inter-iconiques (la bande qui sépare les cases) devient littéralement une ligne de démarcation. Plus loin, les scènes de foule, synthèse des bas reliefs iranien et du graphisme de l’enfance, permettent à son autoreprésentation simpliste d’être parfaitement identifiable tout au long des albums, sans jamais avoir recours à la stylisation égocentrique. Marjane ne se définit graphiquement que « par rapport aux autres ». Une démarche qui rejoint complètement les problématiques de l’écriture féminine comme celle de l’indétermination de l’enfant dans la plupart des récits d’enfance.

Entre spontaneïté et lisibilité des commentaires, pour une fois j'ai choisi la lisibilité. Une démarche généralement contraire au Blog. Mais une trop mauvaise communication entre Ronald et moi avait poluée le débat qui suit, intérressant. Du coup, j'ai coupé certains commentaires. Pas de censure, toutes les parties sont d'accord; les idées sont conservées mais c'est bien plus clair ainsi. J'espères que cela ne pertubera pas trop votre lecture.

 
Statu Quo
 

Rien ne se perd, rien ne se crée... rien ne se transforme.

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La politique éditoriale de l’industrie du comic Book se résume depuis des années à une devise : le Statu Quo. En quelques mots : chaque scénariste doit laisser le monde des superhéros dans l’état dans lequel il était au commencement. Ainsi Spiderman, Superman, Batman et consort ont pu traverser moult incidents graves sans que ceux-ci ne laissent de traces pour le futur. Un personnage meurt…il s’est peut être simplement volatilisé dans une autre dimension, pour mieux revenir un jour ou l’autre. Un autre perd ses pouvoirs. Ne serait-il pas simplement affaiblie par une quelconque maladie incurable…jusqu’à présent ? Bref, une seule chose est sûre dans le monde des superhéros : rien ne se modifie ad vitam eternam.

Attention: quelques petits détails de l'intrigue du film XMEN 3 sont dans la suite.

Ce qui est amusant –ou pas c’est selon les goûts, c’est lorsque le régime industrio-artistique qui accompagne le genre se déporte avec lui sur les nouveaux supports, comme au cinéma. Le phénomène éclate au grand jour avec le récent X-men 3, épisode conclusif de la trilogie filmique qui au final, ne conclue rien du tout. C’est pourquoi la rage des novices –entendez cinéphiles- exulte sur les forums et les blogs. Derrière le générique de fin sont glissées une voire même plusieurs scènes annulant toutes les péripéties que le film s’est amusé à dérouler. En effet, les plus tenaces, ceux qui seront restés assis durant les longues minutes où défilent les noms des participants, auront eu l’occasion de découvrir l’une des soit-disant quatre scènes de fin alternatives qui complètent le film. la première, seul de sûre puisque j'ai eu l'occasion de la voir, dévoile Xavier vivant et allongé dans un lit, accompagné de sa femme Moira. Les trois autres, celles que je n'ai pas vues et qui restent pour l'instant à l'etat de rumeurs, sous-entendent fortement que Cyclope et Phoenix ne seraient pas mort, ou montre Mystique portant une valise contenant un antidote à la cure mutant. Bref, tout serait revenu comme au début du film, evidemment pour le cas où les résultats autoriseraient à lancer un nouveau cycle ou une suite. C’est Arnaud de Pulp’s qui va pas être content. Il avait parié avant la sortie du film avec le responsable d’album Comics que Cyclope allait mourir. Lui qui pensait avoir gagné une planche originale de Tim Sale…il se retrouve à devoir une statuette de Harley Queen. Et oui les gars, le Statu quo, c’est que dans les comics ou le cinéma. Dans la vraie vie une telle chose n’existe pas… et c’est tant mieux.

 
X-MEN 3, la critique
 

C'est le dernier, c'est l'apocalypse, c'est -de- la merde

Par Stéphane

Le Mutant, on le sait, n’est plus un humain. C’est une allégorie. Une image, ou une incarnation, des angoisses et des peurs qui hantent notre espèce et notre civilisation - et dont certaines relèvent de la nuit des temps. Dans ces conditions, il n’est pas idiot de voir en Charles Xavier, le leader à roulettes des X-men, une expression fantastique du combat, et même de la victoire, de l’esprit sur le corps. Dans Magnéto, l’alter ego du mal, incarnation du combat, et même de la victoire, de l’animé sur l’inanimé, de l’homme sur l’industrie. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ce génie du mal est né dans les camps de concentrations nazis. Pour cette raison, chacun de leurs gestes et de leurs paroles a des résonances politiques et sociales et est porteuse d’un message. Pour cette raison toujours, il n’est jamais superficiel de gratter les couches de latex et de superpouvoirs afin de percer le sens caché des images colorées que les comics nous donnent à voir.

Celui pour qui cette introduction n’est pas totalement superflue ou pompeuse ne pourra pas s’émerveiller du spectacle X-men 3. Non seulement car la réalisation est bien moins brillante que celles des deux premiers opus, mais surtout car il sommeille, pour la première fois de cette trilogie filmique, sous le vernis des héros un discours politique que les français ont pris l’habitude de nommer «pro-bushien». Je m’explique dans la suite, sans gâcher trop l'intrigue en plus.

Dans les deux premiers films de Brian Synger, les valeurs de labande dessinée sont peu ou prou conservées. Le Mutant incarne « l’autre », l’exclu social. D’ailleurs, les divergences qui opposent Xavier et Magnéto autour de l’intégration, dans la bd de l’époque comme dans le premier film, ne sont pas sans rappeler le débat qui opposa Martin Luther King à Malcolm X. Quant à la scène du coming out du mutant adolescent dans le deuxième volet cinéma, elle permettait d’étendre la métaphore de l'exclusion aux problèmes plus récents. Mais ce nouvel opus dirigé par Brett Ratner quitte le cœur idéologique qui depuis toujours anime la série X-men, et se déporte sur un débat plus actuel, largement diffusé dans les produits 20th Century Fox tel que le feuilleton télévisé 24 heures. Celui du mal nécessaire chère à l’Amérique moderne. Vision d’une démocratie.

Si, comme le dit je ne sais plus quel philosophe, «La Démocratie se doit de na pas utiliser les méthodes qu’elle condamne », alors il s’agit bel et bien d’une démocratie à la noix qu’essaie de nous vendre X-men 3. Or cette vente est le sujet central du film, l’intrigue et les héros étant tout entier instrumentalisés pour nous convaincre que ce compromis, la peine de mort dans la démocratie, est nécessaire et viable.

Pour ce faire, le dernier opus lave tout d'abord les héros de leurs anciennes valeurs et leur en offre de nouvelles, jusqu’à présent inédites dans l’univers des X-men. Magnéto, contrôlant le métal pour mieux détruire de l’intérieur le manufacturé, donc l’industrie, donc le monde capitaliste (je ne rêve pas vous le verrez vous-même), n’est plus maintenant ce leader des exclus en colère. Il est devenu froid comme la glace, calculateur, semble cacher derrière son combat social un master plan de destruction totale, considère le monde comme un échiquier, et appelle ces soldats par des noms de pion (le fou, la tour,…). Bref, l’incarnation non plus du révolutionnaire enragé par l'inégalité, mais du dictateur froid et calculateur. Il instrumentalise tout pour mener à bien ses projets de gloire personnels, là où avant il menait une armée rebelle contre le pouvoir en place. Que de changement, Sadam es-tu là ?

Face à lui, Charles Xavier, Jésus Christ à roulette, crucifié qui laisse derrière lui une église de fidèles (ou une école de mutant c’est selon). Le mot d’ordre, esprit d’équipe. Foi religieuse et mode d’organisation démocratique… hum ça me rappelle quelque chose mais quoi… ah mais bon sang de bien sûr, c’est l’Amérique.

Entre les deux, arrive une nouvelle valeur idéologique, la nihiliste Jean Gray, dite Phœnix pour les intimes, qui revient d'entre les morts avec la tête à l’envers. La salope aime maintenant le sexe cochon, veut coucher à tout va. Pire, elle est devenue ultra balaise, la plus balaise du monde même, et du coup elle a plus de valeur morale. Tout est un jeu pour elle. Et qu’est ce qu’on aime faire lorsque l'on est taquin, je vous le donne en mille, on est nietzschéen et on détruit tout. Bah ouais, comme ça, pour le fun. Après tout c’est Nietzsche qui le dit : l’antéchrist est surtout un gros rigolard j'men foutiste.

Alors d’un coté, y’a Sadamagnéto, qui fait semblant de pleurnicher car on lui laisse pas de place, mais qui en fait est un méchant avec des projets d'invasion pas sympa. De l’autre, Professeur Bush qui dit que bon, bah des fois faut savoir renier quelques principes moraux pour le bien de la communauté. Et enfin Jean Gray, le mal absolu, donc sans solution réelle pour lui échapper, ou sans solution molle en tout cas. Bref, il faut un martyr pour en finir.

Déjà, je ne vous en dis pas plus, mais Xavier arrive à convaincre son équipe de martyrs (Serval en particulier) qu’il faut savoir utiliser le mal pour gagner quand on n'a plus le choix. Ca, c’est pour la sale gueule de Magéeto. Enfin, il arrive à convaincre son équipe (Serval toujours), que parfois il faut tuer pour sauver le monde.

Mais je vous ai gardé le meilleur pour la fin : un joli gratin d’excuses à vomir : «Tuer, c‘est dur et ça rend triste, très très triste. Faut pas croire que c’est facile, et qu’on le fait de gaîté de cœur. Ah ça non. Entre le tué et le tueur, c’est bel et bien ce dernier qui est à plaindre, car il porte maintenant tel un martyr le poids sur ses épaules d’un meurtre pour sauver notre humanité.»

Bon, beh bon film les gars. Moi je n’y retourne pas.

 
Les couvertures de Persépolis
 

Puisqu'il va être question d'Art et de canasson, une très célèbre mais un peu longue citation de Vassili Kandinsky est de rigueur : "Le cheval porte son cavalier avec vigueur et rapidité. Mais c'est le cavalier qui conduit le cheval. Le talent conduit l'artiste à des hauts sommets avec vigueur et rapidité. Mais c'est l'artiste qui maîtrise son talent."

Par Stéphane

Avant de commencer à lire Persépolis, il peut être intéressant de s’arrêter quelques minutes sur les couvertures pour voir si ce dessin minimaliste est tant dénué de richesse esthétique que certains le disent (il parait que Marjane Satrapi dessine mal mais que ce n‘est pas grave).

Pour ma part, je vois dans l’alignement des quatre cavaliers plusieurs symboles qui attestent, au contraire, qu'elle dessine trés bien.

1- Le cheval :

Comme Bucéphale et Alexandre, ou Rossinante et Don Quichotte, nombreux sont dans la littérature persane les chevaux dont la présence auprès d’un maître prestigieux leur a permis d’atteindre une certaine notoriété (rien de réellement étonnant de la part d’un peuple dont la qualité des destriers est tant vantée). Voici un spécialiste, j’ai nommé Yves Porter dans son livre Chevaux et cavaliers arabes dans les arts d’Orient et d’Occident, sur lequel je m’appuie pour cautionner mes divagations critiques.

« Dans le contexte géo-historique de L’Iran, un héros littéraire, qu’il soit légendaire ou qu’il soit inspiré par un personnage réel, se doit de posséder une monture à son image, dont la constitution et le caractère complète ceux du maître. »

Tout est dit ou presque. L'utilisation en couverture du cheval, symbole fortement ancré dans la tradition persane, signale bien la revendication d’une filiation artistique et culturelle. Mais pas seulement, car en détaillant légèrement chacune des couvertures une à une, en identifiant des petits symboles précis, et en observant ensuite leur déplacement à l’intérieur de chaque dessin, on arrive aussi à déchiffrer la métaphore du cheminement intellectuel de la jeune fille iranienne vers la femme adulte multiculturelle (Qui suis-je ? Et comment je suis devenu Marjane auteur ?)(cliquez bien sur les images pour bien voir les détails évoqués...).Appelons ça...

2-...Les quatre âges de Persépolis:

La première couverture montre un cavalier iranien, la dague sortie au poing droit et le gauche levé en l’air. Très important : le cheval a une robe blanche et des jambes noires. Sur ces sabots, on remarque trois petits ronds. Il s’ébroue ; la charge va partir. Pour ma part, je vois dans ce dessin une allégorie de l’iranité naissante de l’auteur et le début de révolte qui l’anime dès son jeune âge. Une interprétation qui prend surtout du sens dans la comparaison aux couvertures suivantes.

La seconde couverture, le même cheval fonce maintenant au galop, le cavalier brandit son sabre pour attaquer. Evidemment, si l'on poursuit la lecture telle que je l'ai entamée, cette métaphore illustre alors l’adolescence de la jeune femme et la violence de la révolte qui l’anime à cette période.

La troisième couverture, période de l’exil en Europe, est très importante. Une nouvelle monture, à la robe toute noire et aux losanges sur les sabots, est montée par un cavalier européen qui semble appartenir à la garde prussienne. Il fait volte-face aux précédents chevaux et se dirige vers la gauche. Cette figure, en miroir des deux précédentes, est le signe qui permet d’attester la valeur allégorique du travail de l’auteur sur les couvertures (je ne suis pas fou!). Symbole de l’européanisation de Marjane suite à son séjour en Autriche, il fait front aux autres cavaliers, sous-entendu aux valeurs de son éducation iranienne, et attaque à son tour. C’est bien un combat entre influences culturelles qui est au cœur de cette suite de couverture, au coeur de la création identitaire d'une jeune femme écartelé entre Iran et Europe.

Enfin, la quatrième couverture et conclusion montre un cheval à l’arrêt, monté par Marjane elle-même, maintenant adulte et habillée sobrement. Les précédents chevaux, représentations métaphoriques de l’Iran et de L’Europe, ont accouché de ce nouveau destrier métis, à la robe iranienne blanche aux jambes noires, mais aux sabots européens recouverts de losanges. Le harnachement, emblème du mode de guidage, agrège les deux précédents pour former un nouveau modèle, mixte lui aussi. Mais Marjane ne l’a pas saisi. Sa monture est à l’arrêt, dans l’attente que la cavalière prenne les rennes.

Si l’on se propose de faire une lecture autobiographique de ces couvertures, ce que je fais évidemment, il n’est pas idiot d’y voir 1- La métaphore de la création identitaire, multiculturelle et même européo-iranienne pour être précis, de Marjane Satrapi. Un thème cher à la littérature francophone et en particulier de l’exil (deux caractéristiques que l’on trouve bien chez Marjane). 2- Un état de lieu sur la dernière couverture de ce qu’était sa vie avant l’écriture de Persépolis (rien de moins que le but permier de tout autobiographe vous me direz). Marjane, maintenant adulte, n'a pas encore saisi les rennes de cette double nationalité, enfilé son habit de guerrière (d'artiste) pour continuer l'idéal de révolution ou du moins de contestation qui a cours dans sa famille. Mais bientôt viendra Persépolis. Et dans l'écriture, Marjane déchaînera enfin le cavalier qui sommeille en elle.

la seconde partie de ses élugubrations cryptocritiques se trouvent ici

 
L’héritage de l’abjection
 

L'héritage de Rivette à Daney, de Daney à moi.

Par Stéphane

«Il faut lire Le Ciel au-dessus de Bruxelles, le dernier Yslaire, m’ont dit de nombreux collègues, tu verras, il est ridicule.» Alors je les ai écoutés, mais ne l’ai pas trouvé ridicule, ni n’ai ri. Je l’ai surtout trouvé « abject », renvoyant à ma mémoire un texte de Serge Daney, critique de cinéma aux Cahiers du cinéma puis à Libération, fondateur dans ma manière d’appréhender les images, de les lier au monde, et d’en juger une valeur artistique.

J’ai recopié le texte de Daney ci-dessous en l’illustrant des images du fameux « dernier Yslaire ».

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«Au nombre des films que je n’ai pas vus, il n’y a pas seulement Octobre, Le jour se lève ou Bambi, il y a l’obscur Kapo. Film sur les camps de concentration, tourné en 1960 par l’italien de gauche Gillo Pontecorvo, Kapo ne fit pas date dans l’histoire du cinéma. Suis-je le seul, ne l’ayant jamais vu, à ne pas l’avoir oublié ? Car je n’ai pas vu Kapo et en même temps je l’ai vu. Je l’ai vu parce que quelqu’un -avec des mots- me l’a montré. Ce film, dont le titre, tel un mot de passe, m’accompagna ma vie de cinéma, je ne le connais qu’à travers un court texte : la critique qu’en a fait Jacques Rivette en juin 1961 dans Les Cahiers du cinéma. C’était le numéro 120, l’article s’appelait «De l’abjection», Rivette avait trente-trois ans et moi dix-sept. Je ne devais avoir prononcé le mot «abjection» de ma vie.

Dans son article, Rivette ne racontait pas le film, il se contentait, en une phrase, de décrire un plan. La phrase, qui se grava dans ma mémoire, disait ceci : «Voyez cependant, dans Kapo, le plan où Riva se suicide, en se jetant sur les barbelés électrifiés : l’homme qui décide, à ce moment, de faire un travelling avant pour recadrer le cadavre en contre-plongée, en prenant soin d’inscrire exactement la main levée dans un angle de son cadrage final, cet homme n’a droit qu’à mon plus profond mépris. » Ainsi un simple mouvement de caméra pouvait-il être le mouvement à ne pas faire. Celui qu’il fallait- à l’évidence- être abject pour faire. A peine eus-je lu ces lignes que je sus que leur auteur avait absolument raison.

Abrupt et lumineux, le texte de Rivette me permettait de mettre des mots sur ce visage-là de l’abjection. Ma révolte avait trouvé des mots pour se dire. Mais il y avait plus. Il y avait que la révolte s’accompagnait d’un sentiment moins clair et sans doute moins pur : la reconnaissance soulagée d’acquérir ma première certitude de futur critique. Au fil des années, en effet, « le travelling de Kapo » fut mon dogme portatif, l’axiome qui ne se discutait pas, le point limite de tout débat. Avec quiconque ne ressentirait pas immédiatement l’abjection du « travelling de Kapo », je n’aurais, définitivement, rien à voir, rien à partager. »

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Serge Daney, Persévérance, éditions P.O.L, 1ere édition février 1994.

 
Vers une disparition de la couleur directe ?
 

De l'Helldorado à Minority Report

par Vlad

En relisant le premier volume de Helldorado, un scénario de Morvan et d'un certain Dragan, magnifiquement mis en images par Noé (un transfuge de la bédé de sexe), m'est venue l'ébauche d'une réflexion. Elle ne concerne pas l'intrigue, historique fantaisie dont j'attendrai le prochain volume pour me faire une idée plus précise, mais bien la forme. Ces planches magnifiques ont manifestement été réalisées sur ordinateur par un as de la palette graphique, maniant le stylet optique et le logiciel Painter à la perfection. La première implication de ce constat, c'est que les planches originales n'existent pas dans le monde physique, ce qui pourrait désespérer les galeristes du futur : mais ce n'est pas ce qui m'intéresse aujourd'hui. Ce qui m'a frappé, c'est que, là, sous mes yeux la fin d'une opposition séculaire s'est trouvée matérialisée. La peinture et le dessin, c'est désormais la même chose.

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Dans l'enseignement traditionnel des arts, avant que les surréalistes ne crachent partout et que des chevelus se mettent à faire des installations, on distinguait le dessin et la peinture. Le premier, incarnation virile et affirmée de la structure primordiale s'opposait à la seconde, ce fard typiquement féminin, aux attraits vaporeux et duplices. Ce qui faisait vraiment la différence entre les génies et les tâcherons c'était le dessin. Puis il y a eu la bédé franco-belge, avec l'esquisse et l'encrage pour l'homme et le coloriage des bleus pour sa femme. En ce sens la bédé revendiquait bien haut son héritage classique.  Dans les seventies, 1976 pour être précis, Moebius a osé Arzach, et la couleur directe, c'est-à-dire que ce gars a osé  barbouiller son beau dessin qui était en dessous, sans travailler sur une copie où les noirs sont imprimés dans une couleur plus légère, «un bleu» comme on dit dans le métier des artisans d’antan. La couleur directe cette invention queer (Moebius, Bowie, même combat) était signe de prestige, de maîtrise et de prise de risque.

Avec Painter et des gens de la trempe de Noé, la couleur directe va disparaître. D’abord physiquement, évidemment, puisqu’il n’y a plus de support matériel. Ensuite la notion va s’étioler puisque son enjeu, la prise de risque, n’existe plus. En effet les logiciels modernes permettent de créer un nombre infini de copies et surtout ils permettent à travers ce qu’on appelle « l’historique » de revenir à des étapes précédentes de l’œuvre, stockées dans la mémoire de l’ordinateur (là la majorité de nos lecteurs se dit « olala il nous gonfle, on sait tout ça ! », mais j’essaie de m’adresser à tous, même à ma grand-mère ). Autant dire que la notion de risque est dès lors annihilée.

Enfin et ça c’est plus nouveau, les étapes du processus créatif d’une image sont fusionnées, rendues indissociables. Il n’y a plus la primauté du dessin. Ce qui est troublant c’est que le geste et l’instrument qui sert à peindre et à dessiner est désormais, le même. C’est le même stylet sur la même palette qui va nous produire de l’huile, de la gouache, de l’aquarelle, tout aussi bien que de la craie comté, du fusain et de l’encre de chine… Le pinceau et la plume fusionnés ! Et pour pronostiquer un peu plus loin à la Minority Report (ça, Mammy, c’est un film de Spielberg qui se passe dans le futur), bientôt tout ça jaillira directement des doigts de nos créateurs sur un écran immatériel. La disparition de gestes distincts, la disparition de notions distinctes… Qui peut nous dire quelles conséquences cela aura sur nos cerveaux ?

PS : Mammy me demande ce que queer veut dire.

 
De la tristesse des milieux carcéraux dans le monde
 

Y a pas de ça chez nous monsieur, ah ça non…

Par Stéphane


Post conjoncturel, c'est-à-dire motivé par une suite d’événements vécus en moins d’un jour, je raconte.

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Dimanche 26 mars au soir, je mange chez moman. Fin de repas devant télé et Marcolivierfogiel, avec comme invité un ancien détenu de la prison américaine de Guantanamo. Il est français, mais comment diable s’est-il retrouvé capturé là-bas ? C’est la question sous-entendue sous le reportage, évidemment. Moi aussi ça m’intéresse.

Sauf qu’avant de se lancer dans une grande litanie autant insurgée que prévisible sur la tyrannie «du gouvernement américain qui emprisonne sans vergogne ni respect des droits de l’Homme…», l’émission commence par un court programme d’introduction, véritable panorama des pires conditions de détention à travers le monde.

Ouille, ça commence mal. Déjà, le narrateur présente Guantanamo avec des trémolos dans la voix pendant que défilent des images… d’Abu Ghurayb. Belle purée mais passons. Ensuite ça embraye sur la Chine, l’Amérique du sud, le Moyen-Orient et patati et patata, «c’est abominable, mais comment des gouvernements peuvent-ils laisser de telles horreurs se produirent…. My God, mais quelle indignation». Et bien sûr…aucun mot sur la France. Typique, ce regard sur l’étranger pour mieux se sentir fier de notre état de droit et de notre beau modèle républicain. Un pur fantasme ceci dit en passant.

Car comme me le rappelait mon pote Jules le lendemain pour en rajouter une couche, "ce n’est pas comme si la France venait de se faire épingler méchamment par le Commissaire aux droits de l’Homme du conseil de l’Europe,qui nous rappele que notre système pénitencier est l’un des plus insalubres d’Europe". Et pas qu’un peu, à lire les articles ici, ici, et surtout , que Jules m'envoya à ma demande depuis son Angleterre. Clairement, on est bien mal placé pour faire la morale à qui que ce soit.

Et la BD dans tout ça, attendez, j’y viens dans la suite avec une très belle surprise. Parole.


Ce même dimanche, dans l'après midi, j'avais lu les épreuves de L’Homme qui s’évada, une nouvelle bande dessinéeà paraître au mois de juin chez Actes Sud. Dans le livre, sont rassemblées en un recit les adaptations de Au bagne et de L’Homme qui s’évada, deux reportages du journaliste et écrivain Albert Londres, datant des années 1920. Pour résumer, le premier livre traitait des conditions de détention dans les bagnes français de Cayenne, le second narrait les retrouvailles avec Eugène Dieudonné. Ancien prisonnier rencontré lors de la visite du bagne. Accusé à tord puis déporté, ce dernier réussit à s’évader après quelques années de détention cruelles pour trouver refuge au Brésil. Londres l’y rejoignait pour le reconduire, gracié, sur sa terre natale, et écrire ce livre.

L’adaptation, sous la forme d'une bande dessinée unique, des reportages de Londres, en plus d’être un formidable récit d’aventure centré autour de la figure du martyr Dieudonné, est un bon moyen de reprendre pied avec le vrai visage de notre pays, dans son Histoire, mais aussi dans les multiples échos qu'elle renvoie à notre actualité. Voici en avant-première quelques planches non finalisées, avant couleurs, de ce livre à consulter dès sa sortie. Cliquez dessus pour les voir en plus grand