Attiré par le mal comme tout les enfants, j’en étais venu à vouer une admiration sans borne pour le fantôme noir, ce terrible ennemi de Mickey qui signait ses forfaits d’une indélébile tache noire. J’étais fasciné, non par son génie diabolique, mais par cette indécrottable manie de souiller.
C’est qu’à cette époque les salissures, plus encore le dessin sur les murs de ma chambre, me sont interdits. Ma mère comme elle le fera des années durant s’applique de nombreuses heures au ménage, à briquer, brosser, avec un ascétisme et une énergie qui, cela demeure encore vrai, confine un peu à la folie.
Je scrutais ces petites macules noirs dans mes bandes dessinées et reconnaissait dans le regard de Mickey, lorsqu’il devait tomber sur l‘une d’entre elles, le désespoir quotidien de ma mère. J’ai ainsi de nombreux mois dessiné sur le mur derrière la porte de ma chambre, à l’abris de la justice, jusqu’à me faire prendre un beau matin.
Ce jour là, je retrouvais dans les yeux de ma mère ce petit quelque chose de Mickey, et en moi s'étirait un petit sourire intérieur de fantôme noir.