Publications dans 2008
LA POLITESSE DES BRUTES
 

Avantages et inconvénients du plastique

Dans nos boutiques, les bédés les plus rares sont emballées dans des pochettes plastiques.Ce sont des pochettes avec un rabat autocollant repositionnable qui permet de les ouvrir, de sortir l'ouvrage et éventuellement de l'y remettre. Le principe de la pochette est un peu chiatique pour ceux qui apprécient comme moi le contact direct avec le livre, le papier, tout ça, mais d'un autre côté c'est bien pratique pour nous les commerçants pour plusieurs raisons :

1) ça protège — un peu — les bouquins rares (et en bon état) des brutes qui sont beaucoup plus répandues qu'on ne pourrait le croire parmi les arpenteurs de librairies. Des brutes dont l'aspect extérieur varie considérablement mais qui ont comme point commun de faire des expériences idiotes avec les livres... Par exemple -héhé- prendre cette édition de 1985 de Micheluzzi, la soulever à une hauteur de 20 centimètres au dessus du bac, la regarder d'un air mou, l'incliner légèrement afin de présenter un angle et non plus l'entièreté de la tranche basse comme point le plus bas puis la relâcher prestement en poussant un petit soupir de satisfaction. L'idéal étant qu'elle ne retombe pas dans sa section d'origine, mais dans une autre à peu près adjacente... par exemple en Gotlib.

2) le plastique est d'autant plus bruyant qu'il est manipulé avec vigueur... Ainsi il joue le rôle d'alarme.

Imaginons : je suis à moitié absorbé dans l'écriture d'un post (attention, hein, j'ai bien dit à moitié, je veille néanmoins), soudain, alors que je cherche un adjectif, j'entends sur ma droite à 5h un froissement caractéristique... Une brute est train de s'attaquer à une pochette afin de pouvoir s'en prendre au livre dans un deuxième temps. Je me lève, je respire, redresse les épaules et avec mon air professionnel et confiant, je vais proposer mes services, ce qui en général fait fuir la brute ou la transforme en la personne affable et délicate qu'elle avait toujours souhaité être.

3) Le plastique donne un petit air respectable à un ouvrage dont la plupart des gens se foutent... Surtout s'il est accompagné d'un prix tout aussi respectable... Bref c'est un signe extérieur de distinction. Mais je réserve le développement de ce point pour mes cours de vente payants (par correspondance).

4) il existe bien d'autres utilisations avantageuses du plastique, mais ce texte est déjà bien assez long. J'abrège donc et en viens au sujet de mon agacement.

La plupart des clients ne savent pas manipuler ces enveloppes délicates, emplies d'électricité statique et bardées de collant... En ôter l'album est déjà bien compliqué alors  je ne vous parle pas de l'y remettre. Ce n'est pas méprisant de ma part. Je n'écris pas ces lignes en pensant que l'humanité est faite de gens malhabiles aux doigts gourds et à l'esprit dénué de capacité pour la géométrie dans l'espace. Non c'est juste qu'il faut un minimum d'expérience. Nous-mêmes avons longuement travaillé pour arriver à notre degré de maîtrise de la pochette. Alors un conseil pour nos bons clients : lorsque nous vous proposons de nous occuper de ranger les livres que vous avez déballés, n'y voyez nul mépris. Ne croyez pas non plus que nous sommes furieux que vous ayez défait un paquet sans en acheter le contenu : les pochettes n'ont pas chez nous ce rôle mercantile et culpabilisateur (style : "mince j'ai dérangé le rayon et le vendeur, je vais être obligé d'acheter..."). Simplement nous préférons ranger nous-mêmes la bédé dans sa pochette que de retrouver des plastiques déchiquetés, avec l'étiquette et le rabat du mauvais côté... Car là pour nous c'est triple travail : ôter, changer, remettre.

L'idéal serait bien sûr que les comportements brutaux disparaissent, que nous puissions cesser d'acheter et d'utiliser ces rognntudjuu de pochettes plastiques qui polluent la planète de chaque côté du Boul'Mich'.

 
SEINS MARTYRS
 

L'amour qui fait « Gnup »

Les onomatopées sont  souvent dotées d’un fort symbolisme suggérant. Et persistant. Il suffit d’entendre «Gnap» pour que surgisse  immédiatement l’image d’un schtroumpf noir, l’œil pervers, la mâchoire aux aguets. Un «ZzzZzzz» évoque sans équivoque un sommeil profond au lecteur de bandes dessinées... Ce panel expressif, large, inventif, enrichi constamment par de nombreux auteurs, existe dans toutes les langues.

Se pose alors le délicat souci de la traduction : la détonation d’un fusil diffère entre l’ouest sauvage de Blueberry et les pérégrinations de Corto Maltese, les sensibilités sonores variant suivant la poudre et les époques. Et que dire si ces sons sont retranscrits de prime abord en kana ?

Ainsi les onomatopées illustrant certains dessins de Ryoichi Ikegami ont une saveur toute particulière, pétries de finesse et subtilité. Les images suivantes sont tirées des mangas Heat, Sanctuary, Crying Freeman et Strain… Panorama des bruissements du tripotage mammaire nippon.

 
Whiteout de Rucka et Lieber
 

L'Antarctique : des machos, des tueurs, des traîtres et 180 jours de nuit...

Tandis qu'en Francobelgie les éditeurs arpentent le patrimoine littéraire pour le transformer en illustrés pour la jeunesse, de l'autre côté de l'Atlantique les Hollywoodiens transforment en films un nombre croissants de comics. Parfois, dans le second cas, le cinéma (ultime produit dérivé) offre une exposition accrue à une œuvre du neuvième art que le grand public n'aurait pas forcément remarquée  ("tiens la bédé du film !"). Ce sera probablement le cas de Whiteout, un respectable polar ayant pour cadre l'Antartique. Deux mini-séries scénarisées par Greg Rucka et dessinées par Steve Lieber, traduites en français en deux grands albums brochés, publié par Akileos en 2003.

Derrière une couverture  signée Frank Miller (une fausse bonne idée : le lecteur ainsi appâté refermant l'ouvrage avec la promptitude qu'entraine la déception de ne pas retrouver le maître des grosses semelles crantées à l'intérieur), le premier tome décrit l'enquête de l'US marshal Stetko sur un écheveau classique de morts et disparitions... Le cadre polaire est bien exploité, les dialogues sont bien tournés et le personnage principal est attachant dans le registre féminin qui ne se laisse pas emmerder. Cet Antarctique en noir et blanc tramé semble assez naturel et le découpage des scènes d'actions établit le bon équilibre entre les effets réalistes de confusion et la lisibilité nécessaire pour les apprécier.

La seconde histoire (Whiteout : fusion) confronte cette fois-ci l'héroïne à des mercenaires russes volant des armes nucléaires pour la mafia... En lisant récemment ces deux aventures, je me disais que le personnage de Carrie Stetko irait comme un gant à Clea DuVall s'il fallait lui trouver une interprète : même pugnacité, morgue, distance et équilibre intérieur incertain (oui, car en fait je râle à chaque fois qu'il y a une adaptation, mais je passe mon temps à chercher qui pourrait jouer qui, en bon geek que je suis : "Hé Stef ! Qu'est-ce que tu penses de Pierre Palmade en Thanos ?"). En plus Clea Duvall présente l'avantage d'avoir du charme sans ressembler à une fille de magazine. Parfaite pour le rôle donc, sans même évoquer les taches de rousseur.

Un petit tour sur le web et j'apprends, sans doute après la plupart de nos lecteurs, qu'un film est en "post-production". Sortie prévue pour 2009. Et non, ce n'est pas Clea. Ils ont choisi Kate Beckinsale, une actrice qui a un certain talent pour s'immiscer dans des navets flamboyants où elle peut incarner des guerrières vampires en cuir ou des décolletés de reine des gitans.

Je sais pas pourquoi, là,  j'ai l'impression que la subtilité psychologique des personnages va en prendre un coup...

Avant la soirée pizza de l'année prochaine, si vous avez envie de lire la BD et si vous passez chez nous, il se trouve qu'on en a quelques exemplaires.

 
Rahaaaaaaaaaaaaaaaa !
 

Communiste... kézako ?

Ne resterait-il que Mel Gibson pour oser les héros court vêtus dans une production grand public ?

La frilosité semble avoir transi les producteurs du nouveau dessin animé Rahan qui passera sur Canal + en septembre (26 épisodes de 26 minutes)...

Dans le fort appréciable magazine gratuit Zoo (n°14), on apprend au cours d'une interview du fils Lécureux (Jean-François, actuel scénariste de Rahan et fils de Roger, le créateur de la série) que, dans le dessin animé, le fils des âges farouches "porte un pagne plus long, façon indien (...) car pour le commercialiser dans les pays anglo-saxon, un héros en slip, tout nu, ça passe pas". Ah. Bon d'accord.

Quelle audace ! Ce genre de remarque capitularde en dit long sur la fidélité à l'œuvre et à son esprit. Car non contents d'habiller Rahan, les développeurs du projet lui ont ajouté un animal de compagnie...

rahan_xilam.jpg

Un ours transformé en korrigan par une sorcière. Le classique élément comique adjuvant du héros et sensé focaliser l'attention du jeune public (le "syndrome Jar Jar Binks") souligne clairement une dimension fantastique dans l'histoire.

C'est là que réside ce qui me froisse et me fait émettre de sombres présages. Rappelons que Roger Lécureux était communiste et que ses scénarios forment la fine fleur de la production réaliste de Vaillant et Pif. Ses héros sont toujours animés de la volonté de ne pas déléguer leur destinée. Rahan est l'ami de tous ceux qui marchent debout mais lutte farouchement contre les manipulateurs et les tyrans. Véritable matérialiste historique il vérifie chaque jour la puissance de l'inventivité humaine et l'efficacité de la raison. S'il est confronté presque à chaque épisode au pouvoir des sorciers, c'est à leur emprise psychologique qu'il s'attaque, pas à leur réelle puissance magique. En définitive son rôle est de les démasquer. Le pouvoir de ces charlatans s'avérant à chaque fois à la fin le résultat d'artifices pyrotechniques ou psychotropes : "la religion est l'opium du peuple", écrivaient Marx et Engels.

En Bourse, les actions "Xilam animation", la société développeuse du projet, ont connu une chute vertigineuse depuis janvier. Des esprits superstitieux pourraient déceler dans cette courbe descendante une manifestation de la colère de Roger le père, depuis le "Royaume des ombres".

Le peu d'images qui filtrent du produit laissent envisager un honnête développement du style Vatine, comme vous pouvez le constater sur le site de la société de production Xilam et ici en  plus grand. 

L'image reproduite en début d'article est propriété de la société Xilam (www.xilam.com)

 
La mascarade de l'adaptation
 

Plagiat autorisé

Existant sur support vidéo, audio, voire en comédie musicale, traduit en 180 langues et dialectes, le Petit Prince de Saint Exupery est le livre français le plus vendu au monde. Peut-il décrocher le titre de celui le plus mal adapté en bande dessinée ?

La réponse est comparable aux chroniques Bd sur le sujet, insipide.

La vraie question reste celle de l'adaptation, son intérêt, sa nécessité. Artistique et fictionnel s'entend.

De fait aucune. Sauf à offrir aux inconditionnels de l'œuvre, à ses détracteurs, au consommateur, un nouvel objet de bavouillage, d'admiration éperdue ou de fiel incendiaire. Achat pavlovien ou polémique d’intelligentsia, les marchands du temple encaissent le cash.

Opposer à cette pale imitation, justifiée par le prétexte convenu du changement de médium, la sincérité de la transposition relève de la plus évidente lucidité esthétique. Au sens philosophique du terme.

Ici

Puis là

Suite du strip

Et envoi...

Fff'mur, Le génie des alpages tome 1, Dargaud, 1972.

 
PUNISHER Max n°6 : LE TIGRE par GARTH ENNIS
 

Récurrence de la figure eastwoodienne (annexe 7)

Le sixième recueil de le collection "MAX" du Punisher[1], contient 4 histoires. Les deux du milieu, scénarisées par Justin Gray et Jerry Palmiotti sont dispensables et assez ridicules. Le personnage de tueuse amazone sicilienne au charme eighties nommée Suspiria est particulièrement dur à avaler. En revanche ces produits médiocres sont encadrés par deux perles signée Garth Ennis, le scénariste qui n'aime pas les hommes au yaourt.

La nouvelle qui donne son nom au recueil, Le Tigre, est dessinée par John Severin dont nous parlions il y a peu. Excellente idée que de demander à un dessinateur né dans les années 20 de mettre en scène une histoire se passant dans l'enfance de Frank Castle, donc dans une sorte d'Amérique de l'ancien temps évoquant aussi bien Sur les quais de Kazan que les bandes de Will Eisner. Un encrage duveteux et une mise en couleurs intelligente (tramant les fonds de croisillons clairs) parfont l'atmosphère brumeuse de souvenirs ayant valeur de mythe fondateur. Si Garth Ennis date précisément la naissance de Frank en 1950 ("1960 : j'ai dix ans") le dessin de Severin évite de trop caractériser l'époque, conscient de la tension qui résulte à envisager un Punisher de... 56 ans[2]. En effet, le personnage du Punisher, par son passé au Vietnam, est cœur d'un des plus important problème auquel sont confronté les animateurs de l'univers Marvel, la vraisemblance historique et le vieillissement des héros...

The Cell, dessinée par Lewis Larosa, a retenue notre attention pour une raison dont vous commencez à vous douter. Ce n'est pas ma faute... Il y a encore Clint Eastwood dedans ! Au début, je me suis dit, ce n'est pas possible, je me fais des idées... On va pas recommencer. Et puis lorsque Stanley m'a emprunté mon bouquin pour le feuilleter et qu'il m'a glissé : "dis-donc, il serait pas un peu eastwoodien celui-là ?", mes réticences se sont évanouies : Oui c'était bien Eastwood qui jouait le Punisher.

Cette histoire carcérale, plongée dans les ténèbres, met bien en évidence les liens qui relient la mythologie du Punisher à celle des incarnations de Eastwood à l'écran. C'est tellement évident que jusqu'à présent j'avais omis d'en prendre conscience ! Un homme seul face au système. Un homme entre deux clans (ses ennemis se comptent des deux côtés de la Loi) . Une vengeance personnelle comme carburant. D'expéditives méthodes... voilà bien des caractéristiques de la figure qui a rendue Eastwood populaire auprès du grand public. Si l'acteur-réalisateur a toujours cherché à éviter tout excès de complaisance envers la violence alors que Garth Ennis aime se baigner dans l'hémoglobine et les tendons arrachés, comment ne pas établir rétrospectivement un parallèle entre les nuances qu'apporte Magnum Force au personnage de Harry Callahan[3] et la défiance du Punisher vis-à-vis de ses émules indésirables, dans la première et jubilatoire mini-série[4] que Ennis consacra au personnage.

Garth Ennis ne semble pas encore prêt à creuser autour des racines de ses propres fascinations barbares, pas plus qu'il ne montre l'envie de mettre en perspective les conséquences de la violence (a contrario du réalisateur d'Unforgiven) en cela ses héros sont plus bronsoniens qu'eastwoodiens. Toutefois, en l'occurrence, sa volonté de relier les actes du Punisher à son passé, son réel attachement au personnage et à son potentiel ainsi que son ardeur à en revisiter les mythes fondateurs, placent les deux récits évoqués aujourd'hui loin au dessus de ses habituelles bidasseries potaches.

[1] Panini France, 2007, 15€ .

[2] et oui, car The Tyger est paru au États-Unis en février 2006.

[3]Magnum Force (1973) de Ted Post, est le deuxième volet des aventures de L'inspecteur Harry. On l'y entend formuler cette fameuse phrase : "Je crois que vous avez fait une erreur de jugement à mon propos."

[4] En français cette série fut publié par Panini dans les 3 premiers 100% Marvel consacrés au Punisher puis regroupé dans un petit format moche mais pas cher distribué par Maxi-Livres : Un monde sans pitié, 2004.

 
L'art de la BD : John Severin, éditions Campus
 

Un vétéran discret

John Severin est un vieux soldat de la bande dessinée américaine. Né en 1921, il a surtout appliqué son talent aux récits de guerre et aux westerns, mais sa longue carrière le vit aussi œuvrer dans le fantastique, l'humour ou le récit de super héros. En effet, depuis les années cinquante son nom est associé à toutes les entreprises d'envergure dans le monde des comics : il était là au lancement des EC comics, au début de Mad, à la génèse de Creepy et Eerie... et au début des Marvel Comics de Stan Lee. Ainsi il travailla beaucoup sur Sgt. Fury and his Howling Commandos, la "jeunesse" de Nick Fury contre les nazis. Dans les années soixante-dix il encrait les dos musculeux de Hulk et de Kull The Conqueror (dans ce cas sur des dessins de sa sœur)... Mais le vétéran n'est pas resté sur la touche... Plus récemment on l'a vu retravailler pour Marvel — avec des scénaristes aussi tendance que Garth Ennis (Punisher - Max) et Ed Brubaker (Iron Fist) — et pour DC sur Desperadoes...

L'anthologie "L'art de la BD" que lui consacrèrent les éditions Campus en 1983 est assez orientée sur le genre fantastique, même s'il s'agit la plupart du temps de récits hybrides : westerns fantastiques, récits de guerre horrifiques, science-fiction humoristique... 7 nouvelles d'origines diverses nous sont ainsi données à déguster. Le dessin se déploie avec constance. Riche en détails,il ne néglige aucun élément du cadre, semblant appliquer à toutes choses la même attention professionnelle. Les effets sont dosés avec le soin culinaire du gourmet qui ne veut pas gâter la sauce d'une bonne intrigue par un excès de condiments.Toujours à hauteur d'homme, sa posture modeste peut parfois accoucher de planches ronronnantes quand l'histoire est faible (en l'occurrence la dernière du recueil) mais les personnages y sont toujours crédibles.

Cette anthologie de 66 pages, morceau compact de l'aventure du neuvième art, est un salutaire aperçu du travail d'un artiste méconnu, talentueux et discret. En plus chez nous il suffit d'un euro (1 € !) pour se l'acheter. Deux bémols tout de même concernant l'objet :

1) la qualité de l'impression en noir et blanc est nettement moins bonne que pour les précédents numéros de la collection, et ne rend pas hommage aux nuances de l'encrage qui utilise parfois des teintes intermédiaires, en lavis et crayon ou en trames...

2) les dates de publications originales, les titres originaux ainsi que les supports initiaux des nouvelles n'y sont pas clairement identifiées.

On parle aussi un peu de John Severin dans cette note postérieure :

Punisher Max n°6 : Le Tigre par Garth Ennis

 
Les clés du purgatoire
 

Délocalisation forcée

En ce moment précis, la porte de la boutique de la rue Serpente est close. Les lumières sont éteintes, les grilles fermées. Pendant ce temps, les promeneurs qui passe rue Dante peuvent me voir assis inconfortablement, tapotant le clavier de guingois. Comment est-ce possible ? Me serait-je trompé d'arrondissement ? Pourquoi suis-je dans le cinquième dans notre boutique de 20 m² plutôt que de siéger dominicalement dans notre domaine du sixième ?

hqdefault.jpg

Par un concours de circonstances et de négligences cumulées on m'a transmis les clés d'un placard en lieu et place des clés de Serpente. Le fait que je n'ai à endosser qu'une partie d'une collective désorganisation n'est qu'à moitié réconfortant. Quelque part à Aaapoum on les problèmes qu'on mérite, comme en démocratie les dirigeants.

Always look on the bright side of life
: sans ces inconvénients m'ayant poussé à ouvrir Dante au lieu de Serpente ce charmant bambin qui passait là n'aurait pas pu se faire offrir un Batman par sa jeune mère (ou sa cousine, ou sa grande grande sœur, après tout j'en sais rien !)

 
Récurrence de la figure eastwoodienne (annexe 6) : théâtre d'ombres
 

Loveless de Brian Azzarello et Marcelo Frusin

Profitons de ce que, pour une fois, l'actualité des publications coïncide avec nos obsessions. Le début de la série Loveless a été traduit en français et publié il y a peu chez Panini. C'est une production du label Vertigo de DC comics. Connaissant l'inclination de cette collection pour le cynisme et une certaine pose adolescente, c'est sans surprise que l'on voit ce récit arborer fièrement sa filiation : le western des années soixante-dix, une fois qu'il a été mastiqué par Leone et Peckinpah.Blackwater, petite ville du Missouri, est la proie de fantômes divers en ces années meurtries qui suivent la guerre de Sécession.

Une armée d'occupation avec ce que cela implique toujours de vilenie, une troupe d'irréductibles dont la cruauté n'a d'égale que le racisme, un nuage de tensions et de rivalités locales et, pour couronner le tableau, un fils du pays qu'on croyait mort, qui s'entoure de mystères et semble venu savourer une vengeance à trois bandes.Azzarello ne se précipite pas pour dévoiler les ressorts de son intrigue.

Le rythme indolent qu'il obtient rehausse les séquences de violence et fait la saveur de ce récit. Néanmoins, faute de caractérisation plus subtile des protagonistes il n'est pas sûr qu'il parvienne à accrocher suffisamment la curiosité du lecteur. En ce sens il n'est pas aidé par le dessinateur, qui, s'il soigne parfaitement le découpage et l'encrage, ne parvient pas suffisamment à différencier les personnages, ni à leur accorder ce surcroît d'âme qui distinguerait cette œuvre des productions communes. Trop marqué par les figures leoniennes et par les lumières de Bruce Surtees et de Jack N. Green sur les westerns de Eastwood, en bref trop imprégné de clichés visuels appréciés du public, Marcelo Frusin ne voit pas les êtres humains derrière les costumes.

Jeu appuyé de références cinématographiques Loveless convoque évidemment la figure de Eastwood au sens propre. Deux personnages se partagent sa panoplie. Le héros vengeur, Wes Cutter, a gagné le poncho de l'Homme sans nom, le chapeau et la paire de colts de Josey Wales et la dynamite de l'Homme des hautes plaines. Le colonel Silas Redd a lui obtenu les traits de l'acteur et sa coupe de 1971. La tronche d'Eastwood était sans doute une référence inutilement appuyée, mais elle apparaît comme un aveu d'amour et est ici métonymique du western cinématographique en général.

Si les inspirations revendiquées de Loveless ont toute notre sympathie, on souhaite que par la suite les auteurs cherchent un peu moins à satisfaire les fans qu'ils sont et s'aventurent sur le terrain d'une création bédéïque plus ferme dans ses bottes, affranchie du cinéma.

Loveless tome 1 : Retour au bercail, de Brian Azzarello (scénario) et Marcelo Frusin (dessin), Panini comics, 2008, 13€.Lire également dans nos archives :Récurrence de la figure eastwoodienne : vanités des vanitésRécurrence de la figure eastwoodienne, annexe 1 : Black is beautifulRécurrence de la figure eastwoodienne, annexe 2 : Dans l'ombre du pistoleroRécurrence de la figure eastwoodienne, annexe 3  : L'oncle d'IrlandeRécurrence de la figure eastwoodienne, annexe 4: Blah BlahRécurrence de la figure eastwoodienne, annexe 5 : Jeunes talents Fnac 1999

 
harmonisation des horaires
 

3h d'ouverture en plus par semaine

Les plus fidèles d'entre vous auront remarqué qu'un nouveau camarade à rejoint notre équipe. Sous ses atours pacifiques et courtois il peut s'avérer redoutable. Il a ainsi failli, peu de temps après son arrivée, provoquer la mort d'une cliente... Mais ceci est une autre histoire. Ce qui importe ici, c'est que grâce à lui nous allons pouvoir étendre les horaires d'ouverture de la rue Serpente. Oui, elle n'était ouverte que 7 jours sur 7, ce qui vous en conviendrez est bien timoré en ces temps d'élan national du Labeur !

Les horaires de la rue Serpente étaient un peu compliqués... Ouverture à 11h, à midi ou à 14h en fonction des jours...  Fermeture à 21h, 22 ou 23h...

Pas simple, mais nous n'avions pas trop le choix.
Désormais ce sera plus clair et vous gagnez 3h d'ouverture :
Lundi et mardi de 11h (au lieu de midi) à 21h
Le mercredi s'aligne désormais sur les jours suivants (jeudi, vendredi et samedi) de 11h à 23h (au lieu de 22h)
Les horaires du dimanche ne changent pas : 14h (pour me laisser le temps de revenir de la messe) à 21h.