Publications dans 2009
Petra Chérie
 

Sur les éditions Mosquito, on peut toujours compter dès qu'il s'agit de mettre en valeur le patrimoine de la bande dessinée italienne. Mais là, avec cette énorme pavé qu'est

Attilio Micheluzzi, Petra Chérie,Mosquito, 336 pages, 35 €.traduction Michel Jans, Joséphine Lamesta

Attilio Micheluzzi, Petra Chérie,

Mosquito, 336 pages, 35 €.

traduction Michel Jans, Joséphine Lamesta

Petra Chérie, ils viennent à coup sûr de produire leur plus bel ouvrage. Composé à trois-quarts d'inédits, traduit avec un soin rare et préfacé avec émotions, ce recueil fait la part belle à l'un des auteurs les plus importants -et paradoxalement les plus méprisés dans notre pays- de l'histoire du fumetto : Attilio Micheluzzi.

Contemporain d'Hugo Pratt, Micheluzzi cultivait comme lui l'amour du trait noir de Milton Caniff et les héros flamboyants. Petra l'aristocrate, prise dans les turbulences de la première guerre mondiale, Rosso Stenton, marin des mers de Chine inspiré par le Steve McQueen de La Canonnière du Yang-Tse, ou encore le journaliste Marcel Labrume (pour laquelle il reçu un prix à Angoulême), sont beaucoup moins célestes et mystiques que le désinvolte Corto Maltèse. Car même s'ils partagent avec lui l'amour du voyage et une indiscipline féroce (qui les pousse, parfois, même à désobéir au narrateur dans le cadre du récit), les héros chez Micheluzzi se parent d'une fonction symbolique finement étudiée et directement en lien avec la grande Histoire.

Ainsi, sous le vernis feuilletonnesque de quelques récits de guerre apparemment sans autre projet que celui de dépayser et divertir, sous le profil séducteur d'une Mata Hari à la beauté sans équivalent, Petra s'incarne peu à peu en allégorie romantique de l'aristocratie européenne, et son cheminement illustre son déclin. Lors des premières nouvelles, c'est une créature flamboyante qui n'a guère à se soucier de sa féminité puisque sa supériorité est par nature acquise, une résistante partisane assurée de ces idéaux et de son camp dans un monde déchiré par la première guerre mondiale. Puis le récit plonge dans la nostalgie.

A mesure que progresse la déchirante année 1917, virage historique que Micheluzzi entérine comme le crépuscule de l'aristocratie européenne, le personnage se fragilise, ses certitudes s'effritent. A pas feutrés, Petra aura néanmoins eu le temps de sillonner l'Histoire en laissant quelques traces fugitives, çà-et-là (une rencontre avec le baron rouge, une autre avec Laurence d'Arabie), de son action et de son humanisme dans la grande marche du monde. Des vestiges de l'élégance et de l'honneur dont furent forgés les indomptables, avant que ces valeurs cèdent leur place à la vulgaire et bestiale exaltation de la matérialité.

 
Batman Arkham Asylum
 

Dans notre réalité, Batman pourrait-il  être Bill Gates?

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Suivant une espèce de logique une peu crétine, l'adaptation cinématographique d'une bande dessinée représente sa consécration ultime. L'ère du multimédia étant, le cinéma ne suffit plus.  Désormais chaque bd dépassant les quelques milliers d'exemplaires arrivent sur les différentes plateformes videoludiques (consoles de jeu, pc, smartphone...). Le résultat est à l'image de ce qui se fait au ciné: l'adaptation ne dépasse jamais le support original mais il arrive (parfois) d'avoir d'excellentes surprises mais aussi (souvent) d'innommables bouses. On peut citer pèle mêle les insipides adaptations de TiteufLanfeust ou Diabolik et  les sympathiques jeux mettant en scène Astérix, Darkness ou XIII.

Mais aujourd'hui j'ai envie de faire partager mon enthousiasme face à mon nouveau pourvoyeur d'insomnie:  le jeu video Batman Arkham Asylum (après un petit compte c'est le 22ème titre mettant en scène le milliardaire justicier) . 

Il ne s'agit nullement d'une adaptation du "Graphic-novel" de Morrison et McKean, mais plutôt d'une variation reprenant les aspects les plus gothiques et violents de l'homme chauve-souris — à l'opposé du soft récent  Lego Batman plus orienté humour. Afin de répondre à vos questions techniques je vous conseille de  parcourir le test sur le  site jeuxvideo.com.

D'avis de fanboy du Batman et de jeux video, le soft est grisant à l'extrême et jamais l'immersion dans le sombre costume du héros de chez DC ne fut aussi intense. L'expérience se révèle plus viscérale encore que le visionnage des films des frères Nolan.

Le jeu semble même inscrit dans le Guiness book comme étant l'adaptation de comics la mieux notée par les professionnels.

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A priori il y a autant de chance de trouver ce jeu dans nos rayons que de voir Bruce Wayne en Smart, mais ça n'empêche pas de partager les bonnes choses. Vivement la débauche que je m'y remette!

 
Karacal n°5, Sagédition, novembre 1976
 

"Alain Delon ! Viens nous servir à boire ! Sous la tonnelle il lève son jupon..."

(chanson populaire)

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D'habitude je traque plutôt Clint Eastwood aux travers des diverses planches qui me passent entre les mains, mais là, coïncidence, deux jours après avoir vu l'excellent Mélodie en sous-sol de Henri Verneuil, je tombe sur ce Karacal qui exalte la figure d'Alain Delon. Alain Delon dans le rôle de Alamo Kid. Voilà du western bien réjouissant. Comme je ne pourrais faire une meilleure présentation que celle de Kastet sur son blog, je vous la copie-colle, non sans vous encourager à visiter le site source.

"C'est un agent fédéral, pistolero violent et raffiné, impitoyable et romantique, amateur de femmes et de vodka glacée et de mouton aux ananas quilutte contre le crime, dans un far west de violence et d’érotisme. Laplupart du temps, il est entouré de Yuma la chanteuse de saloon et son fidèle Mandarin, un chinois, ou de Plume Noire l’indienne chef de tribu diplômée de Yale.Cette série est également parue en France dans l’éphémère Alamo Kid chez Sagédition (un seul numéro en 1982) et dans Super West du même éditeur..."

A noter, dans le même magazine, des épisodes de Yor le Chasseur, dessiné par Juan Zanotto, l'italo-argentin dont nous vendons toujours la distrayante et un peu ringarde série Falka, l'un de nos best-sellers.

Karacal n°8, 5€.

 
Lucky Luke: tous à l'ouest
 

   Lucky charms

     Les dernières aventures de Lucky Luke scénarisées par Laurent Gerra (l'humoriste aussi sympathique qu'un Candiru) et dessinées par Achdé (haaa C.R.S=détresse)m'avait laissé un goût franchement dégueulasse réduisant à néant l'espoir d'un sourire en compagnie du plus belge des cowboy américain....

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    C'était sans compter sur le portage animé réalisé par Jean-Marie Olivier intitulé Lucky Luke tous à l'ouest. Le film est sorti en 2007 mais il m'est apparu devant les yeux il y a seulement une quinzaine de jours. J'attendais beaucoup de l'équipe qui s'était déjà  occupée de la très dynamique série animée diffusée sur France 3, et je ne fus pas déçu. Il faut dire que les productions Xylam (Marc du Pontavice)  sont souvent très réussies, desZinzins de l'espace jusqu'à Oggy et les cafards(dont nombre de scénarii furent écrits par des auteurs de bandes dessinées).

    Le film reprend vaguement l'intrigue de l'album la Caravane pour offrir un voyage hystérique à travers le continent nord américain. L'animation est une merveille de fluidité et les décors sont richement illustrés, c'est un vrai régal tout le long de l'heure et demi. Les plus grincheux pourront trouver l'humour un peu éloigné de l'esprit original, mais les autres s'amuseront joyeusement.

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Le seul léger bémol concerne le doublage du héros: Antoine de Caune (le Luke de la série animée) est remplacé par Lambert Wilson, c'est pas scandaleux mais quand on s'habitue à un timbre particulier c'est déstabilisant de changer...Les yeux les plus aguerris devraient pouvoir remarquer l'apparition hommage du duo réellement drôle Morris et Gosciny.

     Dans un registre proche  signalons la mise en ligne d' une récente bande annonce de la prochaine adaptation "live" avec Jean Dujardin. Ce n'est pas "spoiler" que dire que ce nouvel effort serait forcément plus réussi que les film avec Terrence Hill ou celui avec Eric et Ramzy en Dalton...

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=18910270&cfilm=125611.html

 
L'Eternaute : mini film en préparation
 

Il s'appelle Nevada

Tandis que la production du film argentin inspiré de notre bd de SF favorite connaît les complications auxquelles on pouvait s'attendre, une équipe de fans et d'ambitieux cinéastes débutants s'activent depuis août 2008 à réaliser un court film mettant en images et sons leur univers vénéré quoique morbide.

Comme toujours avec ce genre de projets sans budget ça prend des plombes, mais ça avance, ça avance. La preuve, depuis hier ils ont mis un teaser en ligne. Une minute trente. Notez la volonté affichée d'innover scénaristiquement et l'hommage prévisible, presque inévitable, mais toujours jouissif de la bande son au grand John Carpenter...

Le texte dit :

La même neige

La même ville

De nouveaux héros

Résistent

Et un éternel voyageur

Revient


Pour suivre l'avancée du projet, le blog de Nevada.

 
WALT & SKEEZIX... ou la découverte d'un classique.
 

Le paradis n'existe pas.

Par Stéphane

Connaissez-vous Sunday PressBooks, ce petit éditeur américain qui fait des livres gigantesques ? De cette maison, les Français connaissent surtout les deux Little Nemo, au format original de publication, puisqu'ils sont traduits chez Delcourt. Mais aux États-Unis, Sunday Press Booksaffiche quelques classiques méconnus à son catalogue. Personnellement,j'achète tous leurs livres sans réfléchir, principalement parce que jereste un sale gosse émerveillé par le papier d'emballage plus que parle jouet (dans le métier on appelle ça "un collectionneur").

Récemment,il me prit l'idée saugrenue de lire l'un de leurs livres, achetécompulsivement il y a deux ans, sans même prendre le temps de merenseigner sur ce qu'il renfermait. L'ouvrage était majestueux, avecune belle jaquette jaune pâle, et cela m'avait suffit. De surcroît, siun professionnel passait par hasard à la maison, pour prendre un thé ouautre, je savais que ça en jetterait grave niveau culture, vu  quec'est vieux, qu'on ne peut pas le ranger, et qu'il se repère couché parterre à des mètres de distance : la caution idéale de mon éruditionsupposée. 

Bref, je n'avais que de mauvaises raisons d'acheter ce bouquin au format

coffée table.

Maislors d'un après-midi calme, alors qu'il disparaissait lentement sousune couche de poussière, il m'est venu l'envie de le feuilleter. Pasforcément en entier, mais au moins les premières planches,pour voir, et paraître moins con si on venait à me questionner à sonsujet. Je ne l'ai pas lâché, prenant une volée de claque, splendide,drôle, et plus encore... émouvante.

Walt and Skeezix, plus connu encore sous le nom de Gasoline Alley, est devenu l'une des meilleuresbandes dessinées que j'ai lue de ma vie. L'histoire est simple, elle conte lequotidien d'un célibataire dans une petite banlieue américaine, à l'époque oùl'automobile apparaît. Chaque page, c’est le concept du comic strip,  est un récit court et quotidien, une aventure amusante. Jusqu'au jour où, le 14 février 1921, Waltrentre chez lui et tombe en chemin sur un nouveau-né, qu'il adopte. Lelendemain, la vie reprend son court, naïve, douce, enchanteresse, un orphelinen plus dans l'arrière-plan. 

Ce qui fait de cette bande dessinée un chef d'œuvre,c'est que les années passent, et l'enfant grandit. Skeezix, en effet, vieillitau même rythme que ses lecteurs, apprend à parler, à lire, fait des bêtises etpart à la guerre lorsque la seconde guerre mondiale éclate.

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Jen'en suis pas encore à cette époque, et d'ailleursle livre de Sunday Press Books ne va pas jusque là. Il compile les plusbelles planches couleurs du dimanche sur une quinzaine d'années, entre1921 et1936. On y voit le plus souvent les deux personnages sillonner le paysenvoiture, fuir une civilisation déjà oppressante, et s'ébaudir duspectacle dela nature, miraculeux de par sa simplicité. Rien ne s'y passe, oupresque rien.Le danger n'existe pas, ou peu. La vie est douce, le dessin rond, lacouleur chatoyante. Saufqu'un orphelin arpente les cases ; pire, il change à chaque page. Biensûr, il n’estplus jamais fait mention de ces deux conditions (l'abandon et levieillissement, l'âpreté de la vie et la mort), mais voir Skeezixdéambulernaïvement aux milieu de ce paysage idyllique, de cette fable sansmenace, estcomme un caillou de réel dans la chaussure du paradis. Sa présencetémoigne par nature de la fragilité, de l'éphémère, de l'imprévu, et nourrit unepeur lancinante, alors que plus rien ne donne de raisons de s'inquiéter.

Sans jamais conter autre chose que le bonheur d'unevie anodine, ou presque, Frank King en dit plus sur la mélancolie et surl'angoisse de vivre que quiconque. C'est parce qu'il n'est jamais prononcé,qu'il gronde silencieusement sous l'apparence d'un gentil bambin plein defougue et d'inventivité, que ce mal de vivre est tout simplement écrasant.

Lire Walt andSkeezix, c'est sentir des larmes qui montent sans raisonapparente, sansdeuil prononcé, sans drame, se retrouver sous une chape écrasantequoique invisible.D’ailleurs, il suffit de séparer les deux héros quelques secondes poursentirleur détresse, la fin du monde venir. L'on pourrait se dire : "quelleschochottes que ces deux-là, à paniquer dès qu'ils se perdent de vue."Mais croyez-moi,on ne le dit jamais. On a peur avec eux car Skeezix, plus qu'unpersonnage, un symbole ou une preuve, est un aveu. Celui d'un auteur-et on peut les croire sur ce sujet- qui sait que même le rêve le plusdoux ne suffira jamais à conjurer totalement l'horreur de la réalité.

Ce qu’il faut savoir d'autre sur Gasoline Alley (lien wiki): C’est la bande dessinée préféréede Chris Ware, et d’ailleurs les parallèles entre les deux œuvres apparaissent très nombreux.

Ce qu’il faut savoir sur Sunday Press Books : leurs livres sont en anglais,magnifiques, et si le prix n’est pas donné, il demeure très raisonnable enregard de la qualité. Tous leurs livres sont à vendre en magasin.

 
"Che" réédité chez Delcourt
 

À paraître le 9 septembre 2009

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C'est avec une joie certaine que nous saluons la réédition de Che, la biographie en bande-dessinée dessinée par Alberto Breccia et son fils Enrique, scénarisée par Hector G. Oesterheld (Mort Cinder, L'Eternaute, Sergent Kirk...) et qui valut à ce dernier, ajoutée à son engagement politique chez les Montoneros, d'être enlevé et assassiné par la dictature argentine. Immense succès en Argentine, ce livre (1968)  fut rapidement interdit lorsque la dictature s'installa.

Belle initiative des éditions Delcourt que de rendre à nouveau cette pièce historique disponible pour le lectorat francophone... mais dans le Planète Delcourtque j'ai sous les yeux il y a comme un méchant grumeau ; il est écrit : "2009, la première édition française grand public de Che paraît chez Delcourt.

Parfois ce sont les livres qui font l'Histoire"... Outre le style pompeux utilisé, il est regrettable que le rédacteur de cette réclame ait négligé de rappeler que la première édition française fut éditée en janvier 2001 par les éditions Fréon... et ait pensé s'en tirer par l'emploi des termes "grand public", d'un grand mépris pour les petits éditeurs courageux.

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Cette façon d'arriver après la bataille, après que le terrain a été défriché par d'autres et de planter le drapeau de la Conquête n'est ni chevaleresque ni guevaresque.

Dans nos archives, sur un sujet voisin, vous pouvez lire

cette petite pique

contre Casterman, ça change.

 
Le Collectionneur de Bandes Dessinées
 

Archéologie de l'archéologie

A la vue du titre vous vous réjouissez, vous vous dîtes que je vais encore me livrer à un décorticage en règle de notre clientèle, avec ce mélange de tendresse et de défiance pour lequel je suis parfois haï... Mais non, buvez votre déception, car c'est de la revue fanzinesque trentenaire nommée Le Collectionneur de Bandes Dessinées que je vais parler et même des tous premiers numéros arrivés rue Dante...

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n°1

Le premier numéro, daté de mars 1977 est un groupe de 6 feuilles photocopiées, rédigées à la machine à écrire, dénuées d'illustrations, si l'on fait exception de la couverture, ornée d'un petit crobard de Franquin, vraisemblablement exécuté pour l'occasion représentant l'écureuil Spip. Le journal se présente come le bulletin de la "Société des collectionneurs de bande dessinée", abrégé en S.C.B.D.. On y trouve le recensement des albums du journal de Tintin (ancienne formule), quels numéros ils regroupent, quels albums de bd y trouvent leur première publication. Ensuite vient une première étude sur les diverses publications des Pieds Nickelés. Notons cette phrase, extraite de l'éditorial, qui dans le contexte actuel peut faire sourire :

"C'est à partir des années soixante que l'on constate une croissance exponentielle de la production d'albums de Bandes dessinées. (...) plus de deux cents albums sont parus la seule année 1975, contre une trentaine dix ans plus tôt. Nous publierons dans un prochain numéro ce graphique impressionnant."

Complet mais un peu défraîchi : 15 € pour ce vestige d'un embryon du BDM.

n°2

C'est bien neuf feuilles que comporte ce deuxième numéro, toujours du même acabit : photocopies et agraffe. Un dessin de Dupa en couverture. Il s'ouvre par un édito dont l'auteur semble réagir à une moquerie à l'encontre des collectionneurs (trouvée dans Le Trombone illustré). Notons cette phrase :

"Verrons-nous bientôt la vente de la collection M... chez Sotheby's ou chez Christies ?"

On retrouve ensuite la rubrique sur le journal de Tintin (1955-1962). Puis un peu de rédactionnel historique sur les fanzines francophones, sous la plume de Philippe Mellot. J'y ai appris que du dernier numéro de Giff-Wiff, le numéro double 24-25, qui fut imprimé mais pilonné avant sa parution, aurait survécu un unique exemplaire que Francis Lacassin aurait récupéré... Un exemplaire unique et inestimable. Que le dieu des étagères et des collections de BD veille sur lui et qu'il n'est pas été égaré à la suite du décès du vieil érudit ! On enchaîne avec un article sur l'achat de planches originales signé Jacques Topor.

Notons cette phrase :

" L'amateur, qui déboursera facilement 400 francs pour "Le lac de l'homme mort" ou 800 francs pour "Spirou et l'aventure" hésitera à acquérir une planche de Tillieux ou de Giraud pour la même somme. On le comprend d'ailleurs : avec un album, en édition originale, il peut lire une histoire, et il fait un placement."

Le numéro se termine sur un descriptif des éditions originales de Lucky Luke.

Bon état. 20 €.

 
Si les poils continuent de pousser post-mortem, les zombis ne devraient-ils pas être barbus?
 

zombiness

Comme illustré dans de nombreuxromans de Dickens, la faim est une sensation qui tiraille son homme au point dele pousser à commettre des actes fallacieux. Il en est de même dans l'éditionde bande dessinée. L'un des derniers exemples repérés est cette hallucinante rééditionde Fragile de Stéfano Raffaele. Pourmémoire Fragile est une trilogieparue entre 2003 et 2005 aux éditions des Humanoïdes Associés, trois albumscartonnés dans la pure tradition formelle des bandes dessinées « d'chez nous ».L’histoire est celle d'un couple de zombis en goguette qui tente d'échapper àd'implacables exterminateurs. C’est plutôt fun et bien fichu même si le finalest assez confus…

Le travail de l'italien est assistépar celui de deux coloristes successifs: Dave Stewart (le gagnant de l’EisnerAward 2009 et non la moitié d’Eurythmix) sur le premier opus et CharlieKirchoff, un coloriste "maison" aux humanos. Je rends hommage ici auboulot de ces experts de la palette graphique car il semble que ce ne soit pasle cas de leur propre éditeur. En effet, cette réédition parue en juin surfesur un opportunisme éditorial sacrement culoté et n'hésite pas une seule secondeà évincer des éléments de l'édition précédente pour coller à l'air du temps.Dans sa conception, cette intégrale est proposée dans un format plus ramassé etla couverture s'est assouplie, les couleurs ont disparu remplacées par desniveaux de gris. Jusque là pas de quoi affoler son lecteur, habitué depuis desannées à voir ses anciennes séries réinjectées dans le circuit dans un formatplus compact. Mais là où peut dénoncer un quelconque abus est sur la couverturecar le titre est devenu Loving Dead(là vous commencez à tiquer!) et la maquette ressemble à s'y méprendre à lanouvelle référence de fiction zombiesque, le comics en noir et blanc: Walking Dead. Et oui, on essaye une fois de plus de nous vendre desœufs de lump pour du caviar! Et ça marche, je connais personnellement un grandnom de la critique de bande dessinée qui me certifia que le titre en questionétait une nouvelle livraison de la série de Adlard et Kirkman. Il y a descerveaux qui mériteraient d’être gobés comme des flambys. 

 
Du Phénix à foison
 

Sauvés des cendres...

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Et non, ami des X-men, cette notule ne parle pas de la rouquine surpuissante qui meurt et ressussite sans arrêt ! Non, cette note revient sur une époque où la bande dessinée était encore à la recherche d'une légitimité culturelle, une époque où R. Crumb n'était pas encore prépublié dans

Télérama

et où les comics n'étaient pas encore l'ultime recours pour une industrie cinématographique décadente. En ce temps là il n'y avait pas des milliers de blogs et de sites pour s'informer et se former sur la genèse et les maîtres oubliés et l'actualité du neuvième art. L'érudition était alors l'affaire de cercles réduits d'intellectuels et d'amateurs qui devaient passer pour originaux. Le premier de ces cercles fut, en 1962, le CBD, Club des Bandes Dessinées (!), qui devint rapidement le CELEG (Cercle d'études des littératures d'exression graphique, oui môssieur), organisé autour de Francis Lacassin. Son intrument de propagande était la revue

Giff Wiff

, très orienté vers "l'âge d'or" de la BD américaine. De ce premier cercle émargea rapidement (1964) une scission plus européo-moderniste autour de la personnalité de Claude Moliterni, la SOCERLID (pfiuu ils avaient le chic pour les noms : Société civile d'étude et de recherche des littératures dessinées). Deux ans plus tard cette dissidence se dota elle aussi d'un organe de presse, la revue

Phénix

, liée aux éditions SERG, propriétaires de leur imprimerie, si j'ai bien compris. Cette revue présentait aussi bien des bandes dessinées en noir et blanc (Pratt, Buzzelli, Breccia, Druillet, Pichard mais aussi pléthore d'auteurs étasuniens), que des commentaires sur l'actualité bédéïque, des dossiers monographiques ou thématiques et des entretiens avec des créateurs. Elle était aussi le réceptacle des transcriptions des conférences données çà et là par les érudits membres de la SOCERLID (rejoints rapidement par le tout jeune spécialiste de l'undeground, Jean-Pierre Dionnet). Lorsque la revue s'arrête, l'année du punk en 1977, elle nous laisse 48 numéros à lire et à relire.

Tout ça pour vous dire que nous en avons récupérés de nombreux exemplaires, qu'ils sont plutôt rue Dante, qu'il y en a de très émouvants, d'autres très instructifs, que ces qualités se conjugent souvent, et qu'il y a même une collection complète à vendre d'un seul coup, vous pouvez la voir dans la vitrine, si vous passez dans le cinquième arrondissement.

Stéphane, pour info, j'ai stocké les doubles au sous-sol dans la bibliothèque près de la porte des ouatères. J'ai vendu pas mal de numéros hier, du coup il faudra peut-être que tu en remontes.