Publications dans 2013
PRISONNIER DES AMAZONES DE BORIS HURTEL CHEZ THE HOOCHIE COOCHIE
 

Un infirmier à domicile a une relation amoureuse avec une de ses patientes. Henri n'assume pas tout à fait et la relation capote. Il finit par en perdre son boulot. Improbablement il se retrouve en Amérique latine aux côtés d'une guérilla majoritairement constituée de femmes. Voilà, vite résumée, l'intrigue de ce petit pavé de Boris Hurtel récemment publié chez The Hoochie Coochie.

La première partie, qui expose le quotidien du héros, ses relations aux patients, sa fatigue croissante face au fait que ces derniers ne cessent de lui prêter des livres, est tout à fait passionnante et crédible, y compris et surtout cette irrésistible attraction, un peu auréolée de fantastique, pour Louise... qui est le sosie parfait d'une de ses ex. Toute cette introduction est à la fois inquiétante et drôle.

Je suis moins convaincu par la suite où Henri rejoint un pays imaginaire d'Amérique Latine (une tradition franco-belge plutôt déconnante) où une guérilla affronte le régime. C'est à la fois caricatural tout en semblant rester soucieux de parler de la réalité. Certains aspects relèvent de l'observation de l'humanité et de la société tandis que d'autres s'apparentent à de la bande dessinée d'aventure purement distractive. L'observation du machisme régnant souvent dans des mouvements révolutionnaires pourtant à vocation émancipatrice est assez pertinente, mais les péripéties sexuelles du personnage central sont assez prévisibles : évidemment il va avoir des relations avec des membres féminins de la guérilla, forcément cela va lui causer des problèmes en révélant une certaine hypocrisie générale. Mais au final il m'est difficile de dégager un parti pris dans tout ceci. De là à penser que l'auteur est à l'image de son héros, un peu perdu et sans plan d'ensemble, ni objectif autre que la distraction potache, il n'y a qu'un cheveu, que j'effleure. La dernière partie, avec le consul et l'indien Juan est à nouveau assez enthousiasmante, plus originale et plus rythmée. La veine satirique m'y semble plus assumée, ce qui permet de finir la lecture sur une note plus agréable pour un type qui comme moi aime savoir dans quoi il marche.

Six cases par planche : un style efficace.

Le dessin qui baigne dans l'influence de la gravure sur bois et refuse d'utiliser des pinceaux de moins d'un centimètre est parfaitement cohérent. L'expressivité de cette esthétique est parfois annihilée par son imprécision, si bien que les figures qui en émergent tendent vers le statut d'écrans sur lesquels chacun projette ce qu'il veut ou ce qu'il peut. Ainsi se crée une BD dont vous êtes le dessinateur, comme si un scénariste vous avait fait parvenir un scénario vaguement storyboardé, à l'instar de ce que peuvent faire Ferri ou Cortegianni. Le lecteur se retrouve dans la position du metteur en scène à la lecture d'une pièce de théâtre, ce qui est une expérience enrichissante.

Au final j'ai lu sans déplaisir cet ouvrage, mais il y plane quelque chose qui me dérange et j'ai bien conscience de ne pas être ici parvenu à mettre le doigt dessus. Vous avez l'occasion de vous faire une opinion car ce livre est à vendre, chez nous et ailleurs.

Prisonnier des Amazones de Boris Hurtel, éditions The Hoochie Coochie, 234 planches, 15 €, noir et blanc, EAN : 9782916049373PS : Notons que le sujet Femmes et Guérilla est également traité dans Tintin et les Picaros avec un constat inverse : le chef des guérilleros est dominé par sa femme (qui est tout de même une occidentale). Chez Boris Hurtel les femmes sont dominées par les hommes de la guérilla, avant de se rebeller, et l'occidental, porté par les événements, est dominé par tout le monde.

 
QUELQUES LECTURES DE NOVEMBRE
 

J'entendais par-ci par là "L'été des bagnoles" . Une rumeur de fond comme il y en a tant par ici... Je me suis dit, ce doit être un remake des Mange-Bitumes. Comme moi les bagnoles je m'y intéresse très peu, je n'ai pas creusé. Chez des amis, invité à prendre le thé, les voici qui me recommandent un petit bouquin à l'italienne avec une couverture texturée façon toile, édité par Çà et Là. Son titre : L'été des Bagnold. Bagnold !!! Pas bagnoles ! Ça change tout.

L'été des Bagnold est donc une bande dessinée faite par un anglais nommé Joff Winterhart qui narre la traversée d'un été par une mère et son fils de 15 ans. Le père a évidemment fui depuis longtemps et s'est mis avec une nouvelle femme plus jeune. Le fils de 15 ans devait passer ses vacances d'été chez son père, mais finalement ce dernier se dérobe une nouvelle fois et c'est encore avec Maman que Daniel va passer ses six semaines de vacances. J'ai trouvé ça très bien. Ma collègue Lady Stardust n'a pas tellement aimé, elle a dit, à l'instar de Patrick Batman quelques années avant à propos de Six feet under : "Ça va la vie quotidienne des autres ! Moi aussi j'ai une vie !". Moi je dois dire que j'apprécie plutôt de lire des histoires de vie quotidienne crédibles, parce que j'aime étudier leurs correspondances et leurs divergences avec la mienne.  L'estimable Géant Vert a fait dans le Rock&Folk de novembre une critique qui est élogieuse (c'est "le gros plan du géant") mais avec laquelle je ne suis pas d'accord : "ouvrage qui décrit de manière ultra-dépressive six semaines de la vie d'une mère célibataire et de son fils de quinze ans fan de Metallica". C'est sur l'adjectif "ultra-dépressif" que je tique. Il est vrai que je n'ai jamais vraiment compris ce qu'était la dépression, mais je ne vois pas ce qu'il y a de dépressif là-dedans. Ce n'est pas parce qu'on n'est pas tout le temps en train de sautiller que l'on est dépressif, ni parce qu'on a un visage plutôt impassible comme certains asiatiques en donnent l'impression (oui car la mère de Daniel, Sue, semble être originaire d'un pays d'Asie où les Yankees stationnèrent pendant une guerre) qu'on est forcément au quatrième dessous. Certes L'été des Bagnold est parfois un peu triste, empli de la nostalgie des présents potentiels, mais c'est aussi souvent une œuvre très drôle.

La rythmique implacable des saynètes de 6 cases nous fait passer par des émotions variées. Je n'ai pas lu de livre aussi sensible et avec lequel je me sente autant en phase depuis... Pepe de Carlos Gimenez ? Captain America de Brubaker et Epting ? Je ne sais plus et de toutes façons, c'est sans importance,  L'été des Bagnold est un très bon livre qui coûte 16 euros. Il paraît qu'on va l'avoir à la vente dans les jours qui viennent, mais j'allais écrire ce billet même si on n'en avait pas à vendre. Dans ce cas je vous aurais dit de l'acheter chez les libraires qui me l'ont conseillé (La Friche, rue Léon Frot à Paris).

Les éditions Dargaud ont fait traduire par le rock-critic Hugo Cassavetti Le Cinquième Beatles de Vivek Tiwary, Andrew Robinson et Kyle Baker. Il s'agit de la biographie en BD de Brian Epstein, manager inspiré de la carrière des Beatles, et non de l'histoire de George Martin ou de celle de Stuart Sutcliffe, autres pressentis pour le titre envié de cinquième. Ça se lit sans surprises, sans déplaisir, ni joie, comme tous ces biopics américains qui mènent tous au même point : l'homme dont on parle était grand mais incompris, ce qu'il a fait il le doit à la force de sa volonté, alors on doit être ému par les injustices qu'il a subies et par sa mort. Le scénariste proclame dans la postface que c'est l'œuvre de sa vie, j'espère bien pour lui qu'il se trompe. Les beatlemaniaques n'apprendront rien et les autres n'achèteront probablement pas cet album, correctement dessiné, avec même quelques trouvailles par-ci par là. Une occasion à 14 € vue dans la vitrine rue Serpente.

J'ai lu les 3 premiers tomes de L'Attaque des Titans de Hajime ISAYAMA, série sur laquelle l'éditeur Pika communique beaucoup. J'ai lu dans le prochain Zoo que c'était la série manga à retenir de 2013. Kaboom en parle comme "d'un des plus intéressants divertissements venus du Japon ces dernières années". Pour ma part je suis assez partagé sur ce truc. Je ne suis pas ébahi par la portée du propos, ni par la qualité des dialogues ou de la mise en scène. Ça ne tient pas tellement la route, la vraisemblance est ici un souci lointain et je n'ai rien compris au système tactique tri-dimensionnel que l'auteur a mis au point avec un pote ingénieur...

Reste que ces images de géants blêmes, à l'intelligence douteuse, au corps contrefait, errant dans les rues d'une cité lilliputienne abandonnée sont d'une grande force. Comme si elles reflétaient une peur ancestrale enfouie dans notre inconscient, attisée par la persistance de Goya et de Grossbouf. Je crois bien que j'en ai rêvé d'ailleurs. La simplicité de cette idée me suffit. Après, les atermoiements tactiques des personnages et leur survie éventuelle ne m'importent pas vraiment. On peut à l'heure actuelle trouver les 3 tomes rue Serpente, rangés à la lettre A de la section des 5 euros.

 
CHARLIE MENSUEL 1ère SÉRIE
 
charlie mensuel n°33

charlie mensuel n°33

Une belle pile de Charlie Mensuel première série vient de nous arriver.Leurs couvertures si modernes évoquent parfois le travail postérieur de nos amis des éditions Cornélius. Le contenu est fantastique : Pichard, Buzzelli, Breccia,  Schulz... souvent servis dans un noir et blanc comme plus aucun éditeur ne peut plus en obtenir d'aucun imprimeur.

Certes les revues n'ont plus la faveur du public, elles sont fragiles, ne se tiennent pas bien debout, prennent la poussière. Mais elles sont légères, souples et elles tiennent ouvertes sur la table "sans qu'on ait besoin d'y planter une fourchette" comme disait mon vieil ami Gaspar. Ainsi on peut manger une tartine de beurre trempée dans du chocolat chaud tout en lisant. Ce que l'on fait parfaitement détendu, car le papier des Charlie absorbe très bien le chocolat, contrairement aux albums de la collection Caractère chez Glénat.2 à 3 € pièce selon état.

 
CORNÉLIUS : NOUVEAUTÉS D'AVANT-HIER
 

Tout d'abord un beau livre à l'italienne de Hugues Micol : Providence.Cela ressemble à une succession d'illustration présentant un certain fantasme d'Amérique.Sur la couverture on croirait voir une Ségolène Royal géante et jeune juchée sur un motel. Troublant.

Providence de Hughes Micol

Providence de Hughes Micol

Ensuite le nouveau Ludovic Debeurme, en couleurs : Trois fils.

Trois fils de Debeurme

Trois fils de Debeurme

Massif et épais, 2,775 kg, voici le volume consacré à Gus Bofa : Gus Bofa, l'enchanteur désenchanté, monographie et biographie par Emmanuel Pollaud-Dulian.

Gus Bofa

Gus Bofa

Nous avons aussi eu la réédition de Viva Patamach ! de Killofer et J.-L. Capron initialement publié chez L'Association en 2001. On notera qu'à l'instar des Bolchéviques, les auteurs ont profité de cette nouvelle mouture pour simplifier l'orthographe. En effet on écrivait avant : Viva Pâtàmâch ! Ce qui était effectivement plus vulgaire.Viva Patamach ! 136 p. couleurs, 21,50 €, EAN : 9782360810277.Pour une appréciation du contenu de ces ouvrages, il vous faudra vous débrouiller en allant ailleurs ou vous armer de patience, car pour ma part je n'ai lu que le Patamach et comme c'était il y a douze ans et que je n'avais pas été plus chamboulé que ça, je n'en ai gardé aucun souvenir, si ce n'est que c'était assez drôle et qu'il était agréable d'avoir renoncé au chewing gum bien avant.

 
LONG JOHN SILVER : Tirage de tête
 

En 2011, Bruno Graff et les librairies Album co-éditèrent en tirage de tête un album réunissant les tomes 1 et 2 de Long John Silver, la série de Lauffray et Dorison publiée chez  Dargaud. La série a rencontré un certain succès assez prévisible. Ce tirage de tête fut suivi d'un second, réunissant les tomes 3 et 4. Si ce dernier ce trouve encore assez facilement, les 420 exemplaires du premier se font rares. Grand format, couverture sérigraphiée, ex-libris signé de bel aspect, esquisses et commentaires, plus l'intégralité des planches dans leur noir et blanc d'avant la mise en couleurs...

Même en ces temps où les tirages de tête n'excitent plus les foules comme avant, les attraits de cette pièce sont assez puissants pour titiller l'amateur de beaux livres et de dessin.

Nous en avons depuis hier un exemplaire à la vente rue Serpente. 220 euros (le prix initial était de 149 € : la demande et la rareté justifient évidemment que nous cotions cette pièce.Il y a peut-être un pirate de votre entourage dont elle ferait avec bonheur le Noël. 

 
1er NOVEMBRE 2013 : HORAIRES RESTREINTS
 

En ce premier novembre 2013, jour férié, nous nous permettons d'ouvrir nos librairies un peu moins que de coutume.

Ainsi nous ouvrirons nos portes à midi pour les fermer à 19h rue Dante et à 21h rue Serpente. Qu'on se le dise.

Cordial salut.Le visuel est extrait de Nicholas Grisefoth : La Nef de pierre de Lukkarinen et Ruusuvuori, éditions Mosquito, 18€, disponible chez nous.

 
APRÈS LA DÉDICACE DE VILLE RANTA
 
deux Ville Ranta à la fois !

deux Ville Ranta à la fois !

Lors des deux heures de dédicaces hier soir nous avons vu un auteur qui ne s'est pas ennuyé, mais qui à tout de même pu souffler de temps en temps, et des clients forts courtois apparemment très satisfaits de leur dessin, réalisé directement à l'encre comme presque toute l'œuvre de Ville, d'ailleurs. Il m'a dit en effet n'avoir recours aux crayonnés que pour quelques scènes avec des bâtiments et perspective.

Merci à tous les participants.Les livres Sept saisons et L'exilé du Kalevala resteront à la vente chez nous même passée cette séance.À Aaapoum nous écoutons souvent la radio FIP. C'est plutôt agréable, cependant les programmateurs y ont une habitude un peu agaçante, celle d'enchaîner plusieurs reprises de la même chanson ; et bien aujourd'hui je vais faire un peu pareil puisque je vous signale que ce soir Ville Ranta fera une conférence dessinée juste à côté de chez nous à l'Institut Finlandais, 60 rue des écoles, Paris 5e.

Ville Ranta dédicace

Ville Ranta dédicace

Elle débutera à 19h. Ville y apportera son matériel, aquarelles comprises, et dessinera en direct, travail filmé et projeté derrière lui sur un véritable écran, tandis que je lui poserai quelques questions sur son travail.  

Après la performance, Ville dédicacera également ses livres.La page fessebouc de l'événement : https://www.facebook.com/events/552004518206700/

 
DANTE FERMERA AUJOURD'HUI À 17h30 !
 

J'aurais aujourd'hui le plaisir de travailler rue Dante, en remplacement d'Anton qui a pris quelques jours de vacances. En revanche je serai amené à y faire passer en caisse les derniers clients vers 17h20 afin de pouvoir me rendre dans l'autre librairie (oui, celle de la rue Serpente) pour la dédicace de Ville Ranta sur Sept saisons.

J'ai d'ailleurs relu ce roman graphique hier sans m'ennuyer une seconde. Normalement cet ouvrage est disponible dans toutes les librairies aujourd'hui. Oui, nous nous l'avions déjà depuis quelques jours à des fins de promotion de la venue de Ville Ranta à Paris. C'est une œuvre riche qui, en sus du public acquis, pourra séduire plus d'un non-amateur de bandes dessinées, à condition toutefois qu'il ne soit pas trop prude, car les plaisirs de la chair y ont une place d'importance.

Pour ceux qui ont la chance de ne pas travailler tout l'après-midi et qui ont quelques sous à dépenser, voilà le programme que je propose  : venir rue Dante fouiller les rayons très chargés (et très bien chargés)  tout en écoutant du jazz (quand je suis là la cold wave et le rockabilly reculent) ; y découvrir de nombreuses merveilles, quelques bonnes affaires (mais que fait donc encore cette intégrale des 4 tomes presque neufs de La Licorne à 32 € sur cette étagère ?) ; vers 17h20 passer en caisse joyeux, puis accompagner le vendeur en cortège scintillant et babillant jusqu'au 14 de la rue Serpente afin d'y consommer charcuteries, pommes de terre coupées très fins et frites, jus, bières et vins et y rencontrer un auteur important de la scène européenne.

Acheter son ou ses albums, se le (se les) faire dédicacer et repartir chez soi les lire, bienheureux, au moins pour quelques heures.

 
VILLE RANTA : "L'EXILÉ DU KALEVALA" ET "SEPT SAISONS"
 

1840 année érotique ?

Il y a quelques années un ouvrage du Finlandais Ville Ranta s’était un peu fait remarquer dans le paysage de la BD en France : L’exilé du Kalevala. Le mot « Kalevala » soigneusement glissé dans la version française du titre avait peut-être aidé au moment où sortait une nouvelle traduction du fameux recueil de poésies populaires finnoises à résonances mythologiques. Si Elias Lönnrot, le poète compilateur qui publia le Kalevala dans les années 1830, est bien le protagoniste principal du livre, il ne faut pas oublier que le titre original de la bande dessinée est Kajaani. Kajaani est la bourgade à l’intérieur des terres de ce qui n’était pas encore la Finlande où se déroule une grande partie de l’action. Ainsi le livre ne tourne pas autour d’un seul être, mais s’attache à tout son entourage. Un entourage parfois pesant. Dans l’œuvre de Ville Ranta les lieux sont importants : agglomérations, forêts, plaines, rivières, bords de mer. Êtres et lieux sont liés, même si certains cherchent à se défaire de ces liens. Telle personne cherche à partir de chez elle tandis que telle autre finit par y revenir.

Sept saisons, le nouveau livre de Ville Ranta se déroule en 1840, quelques années après,  à Oulu,  à 200 kilomètres de Kajaani, face à la mer et au golfe de Botnie, de l’autre côté duquel on trouve la Suède. Oulu est aussi la ville où réside l'auteur. Le récit tourne autour de deux personnages. Le premier, Hans Nyman est un jeune veuf, avec deux filles à élever, un poste d'enseignant, un hobby de journaliste et une velléité à devenir pasteur.  Son principal souci est que la mort de sa femme l’a laissé dans un état de solitude où ses pulsions sexuelles l’envahissent. La servante de la famille, Anna, est pourtant toute dévouée à le soutenir. Cependant si cela venait à se savoir, il perdrait toute chance de devenir pasteur.Le second personnage autour duquel tourne ce récit est la belle Maria Piponius, jeune femme encore sans mari, contrairement à sa sœur Kaarina, qu’elle a accompagné dans un voyage autour du monde pendant 3 ans. Elle ne semble pas vouloir époux et dit vouloir «vivre pour Dieu et travailler pour lui». Elle est en effet devenue piétiste. Pourtant son attitude avec Hans, assez aguicheuse, ne correspond pas à la réserve prude que l’on pourrait attendre.

Si à l’époque de L’exilé du Kalevala, le dessin de Ranta, sans doute encore sous influence décontractée de Joann Sfar, manquait parfois de clarté, il faut reconnaître que tous ses efforts de non-compromis avec la séduction immédiate du public ont fini par porter et que son dessin qui ne cherchait jamais la facilité des plans a fini par acquérir une sorte de lisibilité naturelle. Il faut dire que l’emploi de la couleur aide beaucoup. Auparavant Ranta cherchait à rendre les nuances de la neige, du clair-obscur des intérieurs faiblement éclairés, de la pénombre nocturne des sous-bois au clair de lune, par utilisation du seul noir et blanc, sans le recours à la moindre teinte intermédiaire. Forcément ce n’est pas évident. Mais j’ai coutume de penser que quand tu as bien essayé de creuser un tunnel avec une petite cuillère, tu deviens un formidable manipulateur de pelle lorsque tu finis par en trouver une. Ainsi Sept saisons se lit avec une grande aisance et un grand plaisir.

Le lecteur de L’exilé retrouvera  dans le nouvel opus la qualité des dialogues auquel il est habitué. Les propos les plus tenus sont ici réfléchis ; jamais gratuits malgré leur apparence anodine.  Les personnages ont l’air réels. Leurs motivations sont parfois obscures mais leurs réactions semblent  parfaitement naturelles. Cette attention portée aux petits détails de l’expression des corps et des personnalités confère à l’œuvre de Ranta une dimension proprement romanesque et littéraire.

Pour conclure en une énumération on pourrait aussi rappeler qu’il y a beaucoup d’humour dans ce dessin, beaucoup de chaleur dans ces scènes de sexe, beaucoup de talent de direction d’acteur dans les expressions de ces personnages et beaucoup de poésie dans cette façon d’aborder les paysages comme un baume pour les tourments de l’esprit.

Ville Ranta sera donc en dédicace chez nous le mardi 15 octobre 2013, à partir de 18h. les deux livres sont en vente chez nous depuis avant-hier.

L’exilé du Kalevala , 288 p. n&b, 22,40 € code EAN : 9782916207407 première édition en Finlande : 2008. Première édition en France : 2010.

Sept saisons, 268 p. couleurs, 23 € code EAN : 9782916207896 Première édition en Finlande et en France : 2013 !Les deux ouvrages sont édités par Çà & là et traduits par Kirsi Kinnunen et sont disponibles à la vente à distance sur la partie boutique de notre site.